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Date : 20030715

Dossier : IMM-5631-02

Référence : 2003 CF 880

Ottawa (Ontario), le 15 juillet 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DANIÈLE TREMBLAY-LAMER

ENTRE :

                                                                      ARLIND ISUFI

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Le demandeur sollicite, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), le contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), en date du 23 octobre 2002, par laquelle la Commission avait jugé que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention, ni une personne requérant une protection.

[2]                 Le demandeur est un homme âgé de 25 ans, de souche albanaise, originaire de la province du Kosovo, en République fédérale de Yougoslavie. Il allègue une crainte fondée de persécution en raison de sa race, de sa nationalité et de ses opinions politiques. Il affirme que, en raison de ses originaires albanaises, il a été harcelé, passé à tabac et persécuté par ses voisins serbes.

[3]                 La Commission a estimé que le demandeur n'était pas crédible, en raison de contradictions entre son Formulaire de renseignements personnels (FRP) et son témoignage :

·           Dans son FRP, le demandeur affirmait qu'il vivait dans un quartier à prédominance serbe. Durant l'audience, il a dit que c'était un quartier mixte. Prié de dire s'il y a davantage de Serbes que d'Albanais de souche à Mitrovica, il a répondu « c'est un mélange » . Cependant, devant la carte de Mitrovica, qui montre qu'il y a dans la ville 48 500 Albanais et 8 100 Serbes, le demandeur a répondu « oui, c'est sans doute vrai » . Cette contradiction n'a pas été expliquée.


·           Dans son FRP, le demandeur disait qu'il n'avait pas déménagé vers des régions du Kosovo à prédominance albanaise parce qu'il craignait d'être enrôlé de force dans l'Armée de libération du Kosovo (ALK). Durant son témoignage, la raison qu'il a donnée de ne pas déménager à Pristina était qu'il n'y serait pas en sécurité et qu'il ne pourrait pas y gagner sa vie. Il n'a pas fait état de sa crainte de l'ALK. Prié de s'en expliquer, il a répondu « La raison principale est celle que j'ai écrite dans ce document. Ce que je dis aujourd'hui, c'est du supplément » . Cette explication n'a pas été jugée raisonnable par la Commission.

·           Le demandeur a indiqué qu'il avait peur d'être contraint de rejoindre l'armée serbe. Cette crainte n'était pas mentionnée dans son FRP. Prié d'expliquer l'absence de cette crainte dans son FRP, et apprenant que ce n'est plus une crainte valide parce que le gouvernement de la RFY avait adopté un programme d'amnistie pour les insoumis et les déserteurs, il a répondu « Je dis que je ne veux pas servir dans l'armée serbe » . La Commission a jugé évasive la réponse du demandeur.

·           Le demandeur a produit une lettre non datée reçue de son père, qui lui disait que la situation à Mitrovica devenait chaque jour plus difficile. La Commission a accordé peu de poids à cette lettre parce qu'elle répétait l'information erronée selon laquelle Mitrovica est « dominée et dirigée par des Serbes » , une information contredite par la preuve documentaire. La Commission a estimé que cette lettre était intéressée, parce qu'elle avait été écrite pour servir de preuve durant l'audition du demandeur et que l'auteur avait un intérêt personnel dans l'issue de la revendication de son fils.


[4]                 La Commission a estimé aussi que le demandeur pouvait obtenir une protection en Yougoslavie. Le demandeur aurait pu obtenir une protection auprès des soldats de la KFOR (force de maintien de la paix au Kosovo dirigée par l'OTAN) ou auprès de la police de sécurité, mais il n'a pas demandé protection. Selon la preuve documentaire, même si des tensions ethniques subsistent, la présence du personnel de sécurité des Nations Unies au Kosovo fait qu'une protection est offerte aux Kosovars de toutes origines. Une protection d'État était accessible au demandeur s'il l'avait demandée avant de quitter le pays et il pourrait encore l'obtenir s'il y retournait.

[5]                 La Commission a jugé aussi que le demandeur avait une possibilité de refuge intérieur dans la partie sud de Mitrovica ou à Pristina, où les Albanais de souche forment la majorité. La partie nord de Mitrovica est dominée par les Serbes, mais le demandeur eût été à même d'éviter toute altercation avec ses voisins serbes en traversant simplement le fleuve Ibar vers la partie sud de Mitrovica, un secteur dominé par des compatriotes albanais, ou bien il pouvait s'éloigner davantage vers Pristina. Prié d'expliquer pourquoi il n'avait pas traversé le pont menant à la partie sud de Mitrovica, le demandeur a dit que ce secteur était entièrement aux mains des Serbes. La carte de Mitrovica et la preuve documentaire contredisaient cette affirmation. Le demandeur a aussi expliqué qu'il ne connaissait personne dans ce secteur et qu'il n'y avait personne non plus à cet endroit pour aider sa famille, pas de travail et aucune garantie que le personnel de sécurité des Nations Unies resterait là. La Commission a relevé que ces craintes étaient le lot de tous les Kosovars, pas seulement celui du demandeur. Le demandeur est un jeune homme en bonne santé, et la Commission a estimé qu'il était raisonnable de croire qu'il pouvait trouver en toute sécurité un travail dans ces zones.


ANALYSE

[6]                 Le demandeur affirme d'abord que la Commission a outrepassé sa compétence en instruisant l'affaire devant un commissaire unique.

[7]                 L'article 191 de la Loi est ainsi formulé :


191. Les demandes et procédures présentées ou introduites, à l'entrée en vigueur du présent article, devant la Section du statut de réfugié sont, dès lors que des éléments de preuve de fond ont été présentés, mais pour lesquelles aucune décision n'a été prise, continuées sous le régime de l'ancienne loi, par la Section de la protection des réfugiés de la Commission.

191. Every application, proceeding or matter before the Convention Refugee Determination Division under the former Act that is pending or in progress immediately before the coming into force of this section, in respect of which substantive evidence has been adduced but no decision has been made, shall be continued under the former Act by the Refugee Protection Division of the Board.


[8]                 Selon le demandeur, l'audience aurait dû se dérouler sous le régime de l'ancienne Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi sur l'immigration), étant donné que des preuves de fond avaient été produites, notamment le FRP du demandeur et les documents du demandeur, avant l'entrée en vigueur de la Loi.

[9]                 Selon le demandeur, il était nécessaire qu'il consente expressément à une instruction de l'affaire devant un commissaire unique, en application des paragraphes 69.1(7) et (8) de la Loi sur l'immigration. La décision n'indique nulle part que le demandeur avait donné tel consentement. La Commission a donc outrepassé sa compétence en instruisant la revendication du demandeur sans son consentement devant un commissaire unique. Je ne suis pas de cet avis.


[10]            Le dépôt d'un FRP ne constitue pas une preuve de fond. Dans l'arrêt Aquino c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1992), 144 N.R. 315, la Cour d'appel fédérale avait jugé qu'un FRP qui avait été déposé, mais qui n'était pas constaté dans le dossier ni n'avait été inscrit comme pièce lors de l'audience ne pouvait être considéré comme un élément de preuve produit durant l'instance. Je reconnais que ces observations avaient été faites dans le cadre du paragraphe 68(3) de la Loi sur l'immigration, mais je suis d'avis qu'elles sont tout aussi applicables à l'alinéa 170h) de la Loi, les deux dispositions étant formulées de la même façon.

[11]            En conséquence, la revendication du demandeur n'avait pas commencé avant l'entrée en vigueur de la Loi, et la Commission était compétente pour instruire l'affaire selon la Loi par l'entremise d'un commissaire unique.

[12]            Le demandeur affirme aussi que, si la Commission a conclu à l'absence de crédibilité du demandeur, c'est parce qu'elle a mal apprécié la preuve.


[13]            Il est bien établi que la Commission a le droit de dire qu'un revendicateur du statut de réfugié n'est pas crédible si elle constate des contradictions et des invraisemblances dans son témoignage. Dans un tel cas, la Cour doit s'abstenir de modifier la conclusion de la Commission au chapitre de la crédibilité à moins que cette conclusion ne soit manifestement déraisonnable, ou à moins qu'elle n'ait été tirée d'une manière abusive ou arbitraire ou sans égard aux éléments que la Commission avait devant elle (Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)).

[14]            En l'espèce, après examen du témoignage du demandeur, la Commission a estimé qu'il n'était pas crédible en raison de contradictions entre son FRP, sa déposition et la preuve documentaire, et en raison d'omissions dans son FRP. Dans sa décision, la Commission explique pourquoi elle a estimé que le demandeur n'était pas crédible.

[15]            À mon avis, les conclusions de la Commission relatives à la crédibilité du demandeur étaient toutes parfaitement légitimes, eu égard à la preuve. Le demandeur est en désaccord avec la manière dont la Commission a interprété son témoignage. Cependant, il ne doit pas simplement montrer qu'il y avait une autre explication. Il doit prouver que les conclusions de la Commission étaient manifestement déraisonnables. Je suis d'avis que le demandeur n'y a pas réussi.

[16]            Quoi qu'il en soit, la Commission a également estimé que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention parce qu'il n'avait pas suffisamment recherché une protection de l'État et qu'il disposait d'une possibilité de refuge intérieur.


[17]            S'agissant de l'existence d'une protection d'État, le demandeur fait observer que, de l'avis de la Commission, une protection était possible auprès de la KFOR et auprès de la police de sécurité de la MINUIK, tous des organes non étatiques. Selon le demandeur, la Commission a commis une erreur de droit en considérant que des organes non étatiques étaient en mesure d'offrir une protection. Selon le demandeur, la jurisprudence montre clairement qu'il est erroné pour la Commission de tenir compte de la protection qu'un revendicateur du statut de réfugié peut obtenir auprès d'organismes non étatiques ou non policiers. Le demandeur dit aussi que la Commission a commis une erreur en présumant l'existence d'une protection d'État dans un cas où il existait une preuve manifeste et convaincante d'un effondrement total de la capacité de l'État d'offrir une protection.

[18]            Dans l'arrêt Chebli-Haj-Hassam c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1996), 203 N.R. 222, la Cour d'appel fédérale devait dire si la protection du pays englobait la protection offerte par une force étrangère ou si une telle protection se limitait à la protection offerte par les organes nationaux. Le juge MacGuigan s'est exprimé ainsi, au paragraphe 4 :

Dans les circonstances où il y a un gouvernement légitime appuyé par les forces d'un autre gouvernement et où il n'y a pas de différence d'intérêts entre les deux gouvernements vis-à-vis un revendicateur du statut de réfugié, la protection accordée au revendicateur est adéquate pour établir un refuge interne.

[19]            En l'espèce, il n'y a aucune différence d'intérêts entre les forces des Nations Unies et le gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie. La Commission n'a donc pas commis d'erreur lorsqu'elle a estimé qu'une protection d'État était accessible au demandeur par l'entremise d'organes non étatiques.

[20]            Par ailleurs, contrairement aux arguments du demandeur, il n'existe aucune preuve d'une désagrégation complète de l'appareil d'État ou d'un effondrement total de l'ordre interne. La présence de forces des Nations Unies n'est pas la preuve d'une désagrégation de l'appareil d'État en Yougoslavie ou au Kosovo. Les forces des Nations Unies et la police de sécurité des Nations Unies au Kosovo travaillent au maintien de l'ordre en collaboration avec les services policiers locaux du Kosovo. Selon la preuve documentaire, on observe une amélioration générale de la paix et de l'ordre au Kosovo. Il était donc loisible à la Commission de dire qu'une protection d'État eût été accessible au demandeur s'il l'avait demandée avant de quitter le pays et qu'elle lui demeurerait accessible s'il y retournait. La Commission n'a pas commis d'erreur de droit ou de fait en jugeant de la sorte.

[21]            Le demandeur dit finalement que la Commission a eu tort de conclure qu'il disposait d'une possibilité de refuge intérieur. Il soutient que la Commission a appliqué le mauvais critère. Lorsqu'elle s'est demandé si la crainte du demandeur était raisonnable, la Commission a conclu que « tous les Kosovars éprouvent ces craintes, elles ne sont pas l'apanage du revendicateur » . Le demandeur affirme que le caractère raisonnable ou déraisonnable de la possibilité qu'il a d'un refuge intérieur ne peut reposer sur un critère relatif ou comparatif de son cas par rapport au cas d'autres Kosovars.

[22]            Dans l'arrêt Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 589, la Cour d'appel fédérale avait résumé ainsi, à la page 597, le critère se rapportant à l'existence d'une PRI :

Ainsi, le demandeur du statut est tenu, compte tenu de circonstances individuelles, de chercher refuge dans une autre partie du même pays pour autant que ce ne soit pas déraisonnable de le faire. Il s'agit d'un critère souple qui tient compte de la situation particulière du demandeur et du pays particulier en cause. C'est un critère objectif et le fardeau de la preuve à cet égard revient au demandeur tout comme celui concernant tous les autres aspects de la revendication du statut de réfugié. Par conséquent, s'il existe dans leur propre pays un refuge sûr où ils ne seraient pas persécutés, les demandeurs de statut sont tenus de s'en prévaloir à moins qu'ils puissent démontrer qu'il est objectivement déraisonnable de leur part de le faire.

[23]            À mon avis, la Commission a appliqué le bon critère. Il incombait au demandeur de montrer qu'il craignait avec raison d'être persécuté, de mettre sa vie en danger ou de risquer une peine cruelle et inusitée dans chacune des régions de la Yougoslavie et qu'il eût été déraisonnable pour lui vu l'ensemble des circonstances de chercher refuge dans les régions sûres du Kosovo. Durant l'audience, l'agent de protection des réfugiés avait fait observer au demandeur qu'il disposait sans doute d'une possibilité de refuge intérieur dans la partie sud de Mitrovica, qui est dominée par les Albanais, ou vers d'autres régions du Kosovo dans lesquelles les Albanais de souche l'emportent en nombre sur les Serbes. Après audition du témoignage du demandeur, et examen de la preuve documentaire, la Commission a estimé que le demandeur disposait d'une possibilité de refuge intérieur dans la partie sud de Mitrovica, qui est dominée par les Albanais, ou dans d'autres régions du Kosovo dans lesquelles les Albanais de souche l'emportent en nombre sur les Serbes.

[24]            Contrairement à l'affirmation du demandeur, l'observation de la Commission selon laquelle « tous les Kosovars éprouvent ces craintes, elles ne sont pas l'apanage du revendicateur » n'a pas été le critère appliqué par la Commission. Cette observation répondait plutôt à l'affirmation du demandeur selon laquelle il lui était impossible de déménager dans la partie sud de Mitrovica parce qu'il n'y connaissait personne, qu'il n'y avait là personne pour venir en aide à sa famille, qu'il n'y avait pas de travail à cet endroit et qu'il n'était pas garanti que le personnel de sécurité des Nations Unies y resterait. La Commission exprimait l'avis que c'était là des préoccupations qui ne supprimaient pas la possibilité qui s'offrait à lui d'un refuge intérieur. Ainsi que le disait la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Thirunavukkarasu, précité, à la page 598 :

[...]    Par contre, il ne leur suffit pas [aux demandeurs de statut] de dire qu'ils n'aiment pas le climat dans la partie sûre du pays, qu'ils n'y ont ni amis ni parents ou qu'ils risquent de ne pas y trouver de travail qui leur convienne. S'il est objectivement raisonnable dans ces derniers cas de vivre dans une telle partie du pays sans craindre d'être persécuté, alors la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays existe et le demandeur de statut n'est pas un réfugié.

[25]            Par conséquent, je suis d'avis que la Commission a appliqué le bon critère pour savoir si le demandeur disposait d'une possibilité de refuge intérieur.


[26]            Le demandeur affirme aussi que, lorsqu'elle a affirmé qu'il disposait d'une possibilité de refuge intérieur, la Commission a commis des erreurs dans l'appréciation de la preuve. La Commission aurait mal interprété la preuve en affirmant que le demandeur aurait pu vivre en sécurité s'il avait déménagé dans la partie nord de Mitrovica. Il ressort clairement de la preuve documentaire que cette zone est dominée par les Serbes. Par ailleurs, lorsque le demandeur a dit qu'il lui était impossible de traverser le pont menant à la partie sud de Mitrovica parce que ce secteur était dominé par les Serbes, il parlait manifestement du pont, non de la partie sud de Mitrovica. La Commission aurait négligé de prendre en compte le fait que le pont enjambant le fleuve Ibar était aux mains des Serbes et qu'il était périlleux pour les Albanais de souche de le traverser.

[27]            S'agissant de la déclaration de la Commission selon laquelle « en ne faisant que déménager dans la partie nord de Mitrovica ou à Pristina, il aurait pu vivre en sécurité » , il s'agissait là évidemment d'une erreur typographique commise par la Commission. Il ressort clairement des motifs de la Commission que ce que la Commission voulait dire, c'était que le demandeur aurait pu trouver refuge en dehors de son domicile de la partie nord de Mitrovica en traversant le fleuve Ibar pour se rendre dans la partie sud. La partie sud de Mitrovica, qui est dominée par les Albanais, est la possibilité de refuge intérieur, et non la partie nord, où vivait le demandeur. Ce point est confirmé par la phrase précédant le passage en question, où la Commission écrivait :

Bien que la partie Nord de Mitrovica soit dominée par les Serbes, le demandeur aurait pu éviter les problèmes avec ses voisins serbes en traversant simplement le fleuve Ibar pour aller de l'autre côté, dans la partie sud de Mitrovica, dans laquelle ses concitoyens albanais sont majoritaires, ou il aurait pu déménager plus loin, à Pristina. [...]

Dossier du tribunal, page 8.


[28]            S'agissant de la déclaration du demandeur selon laquelle « il était totalement aux mains des Serbes » , je reconnais avec le demandeur qu'il ressort clairement de la transcription qu'il voulait parler du pont, non du secteur sud de Mitrovica. Cependant, cela ne valide pas l'affirmation du demandeur selon laquelle il lui était impossible de se rendre dans le secteur sud de Mitrovica parce que le pont était aux mains des Serbes. Un examen de la transcription montre qu'il lui était possible de se rendre dans le secteur sud, et l'occupation du pont par les Serbes l'obligeait à traverser le cours d'eau à gué. J'ai reproduit ci-après le passage pertinent :

[traduction]

Madame Wemp [au demandeur]

Q.    On ne peut pas vraiment le faire sur la carte à moins de... il faut donner une description. J'imagine que... êtes-vous resté dans la partie nord de Mitrovica ou êtes-vous allé ailleurs?

R.    Pendant quelques temps nous sommes allés... en chemin, nous restions dans la partie sud de Mitrovica.

Q.    Alors, comment vous êtes-vous rendus là?

R.    Nous avons marché. Nous avons marché énormément, sans discontinuer, et il se trouve que notre père connaissait des endroits où aller et comment y aller. Il les connaissait, il connaissait le chemin.

Q.    Bon. Alors, si je comprends bien, Mitrovica est partagé par le fleuve Ibar en partie nord et partie sud?

R.    Oui, durant notre parcours, nous passions la rivière à gué. C'était un endroit où il n'y avait pas trop d'eau, et nous traversions à cet endroit.

Q.    Très bien. Et pourquoi ne traversiez-vous pas tout simplement le fleuve au pont principal?

R.    Parce que le pont était entièrement aux mains des Serbes.

Dossier du tribunal, page 35.

[29]            Par conséquent, le fait que le pont était aux mains des Serbes n'empêchait pas le demandeur de se rendre dans la partie sud de Mitrovica.

[30]            En résumé, je suis d'avis que la Commission n'a pas commis d'erreur lorsqu'elle a dit que le demandeur n'était pas crédible, qu'une protection d'État était accessible et que le demandeur disposait d'une possibilité de refuge intérieur.

[31]            Pour tous ces motifs, cette demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[32]            L'avocat du demandeur a proposé que la question suivante soit certifiée :

Le Formulaire de renseignements personnels présenté à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié avant l'entrée en vigueur de l'article 191 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, dans un cas où l'affaire débute après le 28 juin 2002, constitue-t-il une « preuve de fond » qui a été produite, de telle sorte que la procédure doive être continuée selon l'ancienne Loi sur l'immigration par la Section de la protection des réfugiés de la Commission?

[33]            Je suis d'avis que cette question a été résolue adéquatement dans l'affaire Aquino, précitée. Une question certifiée n'est donc pas nécessaire dans le cas présent.

                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

[1]        La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


[2]        Aucune question n'est certifiée.

                                                                     « Danièle Tremblay-Lamer »          

                                                                                                             Juge                               

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                       COUR FÉDÉRALE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                               IMM-5631-02

INTITULÉ :                                              Arlind Isufi c. Le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 10 juillet 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                           Madame la juge Tremblay-Lamer

DATE DES MOTIFS :                           le 15 juillet 2003

COMPARUTIONS :

Mme Brenda J. Wemp                                                                     POUR LE DEMANDEUR

Mme Helen Park                                                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Brenda J. Wemp

Vancouver (Colombie-Britannique)                                               POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)                                               POUR LE DÉFENDEUR


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