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Date : 20020117

Référence neutre : 2002 CFPI 52

                                                                                                  Dossier : IMM-1873-01

ENTRE :

                                               SINGH SIKANDER GILL

                                                                                                                     demandeur

                                                                 et

                 LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                     défendeur

                                                                                                  Dossier : IMM-1874-01

ENTRE :

                                             HARBHAJAN RANDHAWA

                                                                                                                     demandeur

                                                                 et

                 LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                     défendeur

                                                                                                  Dossier : IMM-1876-01

ENTRE :

                                                   JASVINDER KAUR

                                                                                                                 demanderesse

                                                                 et

                 LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                     défendeur


                                                                                                  Dossier : IMM-1877-01

ENTRE :

                                             SOHAN SINGH MACHHAL

                                                                                                                     demandeur

                                                                 et

                 LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                     défendeur

                                           MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NADON

[1]                 Il s'agit de demandes d'autorisation et de contrôle judiciaire à l'encontre de décisions de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission). Dans ces décisions, la Commission a conclu que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés[1] au motif, pour l'essentiel, qu'ils n'étaient pas crédibles.

[2]                 Dans des avis de requêtes datés du 11 juin 2001, le défendeur a sollicité des ordonnances rejetant les demandes d'autorisation et de contrôle judiciaire des demandeurs parce que les demandes n'ont pas été [TRADUCTION] « [...] préparées par un représentant ayant le droit d'agir devant la Cour conformément à l'article 11 de la Loi sur la Cour fédérale et à l'article 119 des Règles de la Cour fédérale (1998) » .


[3]                 Plus précisément, le défendeur a allégué que les procédures des demandeurs, et particulièrement leurs mémoires, ont été préparées par une personne qui n'était pas membre du Barreau (Maria Esposito) et qui ne pouvait donc [TRADUCTION] « légalement » préparer ni les mémoires ni les demandes de contrôle judiciaire.

[4]                 À l'appui de sa prétention selon laquelle les demandes d'autorisation et de contrôle judiciaire devraient être rejetées, le défendeur a invoqué la décision du juge Denault dans Salinas c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1004, dossier IMM-1303-00. Dans cette décision, le juge a conclu que, dans les cas de dépôt des procédures par des personnes n'ayant pas le droit d'agir devant les cours de justice, la réparation appropriée était le rejet de la demande. Aux paragraphes 6 et 7 de ses motifs, le juge Denault a déclaré :

[6]           Mais, si dure soit la sanction - le rejet de la demande d'autorisation - , j'estime néanmoins que l'appel doit être accueilli et les demandes d'autorisation rejetées.

[7]           C'est en effet le rôle et le devoir de la Cour de s'assurer du respect de sa Loi et de ses Règles et que ceux qui comparaissent devant elle ou rédigent des procédures destinées à y faire valoir des droits sont des fonctionnaires judiciaires (articles 11(1) et (3) de la Loi et 119 des Règles). En l'espèce, la Cour estime que le pouvoir discrétionnaire du protonotaire a été exercé suite à une appréciation trop restrictive de la preuve du défendeur. En effet, les faits mis en preuve dans chacune des requêtes du défendeur constituaient beaucoup plus que des indices et devaient inexorablement mener à la conclusion que, dans chaque cas, la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire des demandeurs avait été préparée et rédigée par un mandataire qui ne pouvait agir à titre de représentant devant la Cour. Il est vrai qu'un demandeur peut, aux termes de la Règle 119, agir seul mais s'il décide de se faire représenter, alors la règle est claire, il doit l'être par un avocat. Je reconnais par ailleurs que ce n'est pas le rôle du défendeur de veiller au respect de la loi du Barreau; l'organisme professionnel qui représente les avocats est mandaté pour le faire. Mais j'estime cependant qu'il relève de son devoir de fonctionnaire judiciaire de signaler à la Cour un manquement aussi flagrant à ses règles.


[5]                 J'ai entendu les requêtes du défendeur le 27 septembre 2001 et je les ai rejetées à la fin de l'audience. Je n'étais pas disposé à rejeter les demandes d'autorisation au seul motif que Mme Esposito n'était pas membre du Barreau.

[6]                 Cependant, comme l'avocat du défendeur, Me Latulippe, avait argumenté, tant oralement que par écrit, que les mémoires préparés par Mme Esposito étaient, à toutes fins pratiques, sans valeur[2], j'ai informé Me Latulipe que j'examinerais attentivement ces documents afin de décider si, eu égard aux circonstances, il était nécessaire que le défendeur dépose des dossiers de réponse.

[7]                 J'ai maintenant examiné avec attention les mémoires déposés par les demandeurs et je ne peux que conclure qu'il est impossible que ces derniers aient gain de cause sur le fond. Par conséquent, les demandes d'autorisation doivent être rejetées.


[8]                 Les mémoires déposés ne portent pas vraiment sur le fondement des conclusions de la Commission dans ces quatre affaires, conclusions que les demandeurs n'étaient pas crédibles et, par conséquent, que leurs revendications du statut de réfugié seraient rejetées. Les observations contenues dans les mémoires sont de nature générale et ne portent pas sur les conclusions précises de la Commission. Je joins à mes motifs, à titre d'exemple, une copie du mémoire déposé dans IMM-1873-01.

[9]                 Il est évident que ces observations sont insuffisantes pour convaincre un juge de la Cour que les demandes de contrôle judiciaire devraient être accueillies. En d'autres mots, je suis d'avis que le rejet des demandes est prévisible.

[10]            Pour ces motifs, la Cour rendra des ordonnances qui rejetteront les demandes d'autorisation dans les quatre dossiers.

« Marc NADON »

Juge

O T T A W A (Ontario)

Le 17 janvier 2002

Traduction certifiée conforme

Sandra Douyon-de Azevedo, LL.B.


ANNEXE

[TRADUCTION]

IMM-1873-01

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

SINGH SIKANDER GILL

DEMANDEUR

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

DÉFENDEUR

MÉMOIRE

LE DEMANDEUR DÉSIRE PRÉSENTER LES ARGUMENTS SUIVANTS POUR APPUYER SA DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE :

1. La Commission, qui a jugé que le demandeur n'était pas crédible et ne craignait pas avec raison d'être persécuté en Inde, a-t-elle commis une erreur en concluant que le témoignage du demandeur au sujet de la police et la situation décrite n'étaient pas crédibles?

À ces égards, la Commission a rendu, comme il sera montré plus loin, une décision arbitraire, abusive et illogique et n'a pas tenu compte de la documentation qui lui avait été présentée.

Le demandeur a témoigné qu'il avait été arrêté, battu et torturé à plusieurs reprises et qu'il était en danger dans son pays.


2. Il est abusif et arbitraire de la part de la Commission de s'appuyer sur cette inférence, qui ne se fonde sur rien, pour conclure que l'homme qui a été victime de telles cruautés n'était plus en danger.

Il incombe seulement au demandeur de démontrer qu'il existe une possibilité qu'il soit persécuté dans son pays et qu'il a des raisons de craindre son retour dans son pays. Le demandeur a fait cette démonstration.

3. La gravité d'une telle erreur d'interprétation justifie qu'un tribunal nouvellement constitué procède à un nouvel examen. Dans une autre situation, la Commission a aussi mal interprété les faits et les éléments de preuve.

4. La Commission aurait dû tenir compte des éléments de preuve qui lui ont été présentés, les soupeser et appuyer ses conclusions sur ceux-ci. La Commission n'a pas agi de cette façon à l'égard de tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés. Elle s'est contentée de citer les éléments de preuve allant dans le sens de ses prétentions. Ainsi, on ne pouvait pas être certain si la Commission avait, de fait, pris en considération tous les éléments de preuve qui lui avaient été présentés.

L'analyse de la Commission, qu'elle a exposée dans les motifs de sa décision, est tout simplement inadéquate pour appuyer sa conclusion.

Le jugement est rempli de conclusions erronées (allégations du demandeur jugées non plausibles) tirées à partir d'inférences non appuyées par la preuve présentée à la Commission. La mauvaise utilisation sélective de la documentation, qui a donné lieu aux conclusions erronées, témoigne de la nécessité de l'intervention de la Cour.

5. Comme on peut le constater à la lecture de ce qui précède et pour toutes les raisons mentionnées, les erreurs manifestes de fait et de droit, la nature arbitraire de la décision et l'interprétation erronée des faits et des éléments de preuve qui sont essentiels aux fins de la décision sont tous des éléments qui justifient qu'un tribunal impartial différemment constitué procède à un nouvel examen et à une nouvelle audition.

On peut lire dans la décision Miayuku :


[...] en ne tenant aucun compte de la preuve médicale dont elle était saisie, la Commission a commis une erreur visée à l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale. [...] [L]a Commission est à tout le moins tenue de faire état du rapport médical et, « que la documentation déposée soit admise ou rejetée, le requérant doit s'en voir exposer les raisons, surtout lorsqu'il s'agit de documents qui confirment ce qu'il a avancé » , comme il est indiqué dans l'arrêt Bains [...].

Rai mentionne aussi que la police utilise encore des listes de partisans du mouvement pour rassembler et interroger des suspects (parfois par centaines) après un incident, un attentat à la bombe par exemple. Selon Rai, quand la police procède à un tel rassemblement au Pendjab, elle traite invariablement les personnes appréhendées comme étant des suspects qui détiennent des renseignements sur l'insurrection et leur fait subir des interrogatoires plus ou moins poussés. [...] Aussi, au cours des derniers mois, la police a commencé à inspecter les maisons de ceux qui ont hébergé les personnes qu'elle soupçonne d'être nationalistes [...].

Le demandeur soutient que des raisons importantes justifient que son recours soit accueilli.

JUGEMENT DEMANDÉ :

POUR CES MOTIFS, LE DEMANDEUR DEMANDE ÀLA COUR :

D'ANNULER                     LA DÉCISION SIGNÉE PAR LA COMMISSION DE L'IMMIGRATION ET DU STATUT DE RÉFUGIÉ;

DE RENVOYER                     LE DOSSIER DU DEMANDEUR À UN TRIBUNAL DIFFÉREMMENT CONSTITUÉ AFIN QU'IL PROCÈDE À UNE NOUVELLE AUDITION;

DE RENDRE              TOUS LES AUTRES JUGEMENTS QUE LA COUR JUGE APPROPRIÉS.

[Signature] SIKANDER-SINGH-GILL


COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                          IMM-1873-01

INTITULÉ :                                                        Singh Sikander Gill

et

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

DATE DE L'AUDIENCE :                       Le 27 septembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :            Monsieur le juge Nadon

DATE DES MOTIFS :                              Le 17 janvier 2002

COMPARUTIONS :

Aucune comparution                                           POUR LE DEMANDEUR

Me Daniel Latulipe                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Roman B. Karpishka                                     POUR LE DEMANDEUR

Lachine (Québec)

M. Morris Rosenberg                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                          IMM-1874-01

INTITULÉ :                                                        Harbhajan Randhawa

et

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

DATE DE L'AUDIENCE :                       Le 27 septembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :            Monsieur le juge Nadon

DATE DES MOTIFS :                              Le 17 janvier 2002

COMPARUTIONS :

Aucune comparution                                           POUR LE DEMANDEUR

Me Daniel Latulipe                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Harbhajan Randhawa                                    POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

M. Morris Rosenberg                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                          IMM-1876-01

INTITULÉ :                                                        Jasvinder Kaur

et

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

DATE DE L'AUDIENCE :                       Le 27 septembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :            Monsieur le juge Nadon

DATE DES MOTIFS :                              Le 17 janvier 2002

COMPARUTIONS :

Aucune comparution                                           POUR LA DEMANDERESSE

Me Daniel Latulipe                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mme Jasvinder Kaur                                              POUR LA DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

M. Morris Rosenberg                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                          IMM-1877-01

INTITULÉ :                                                        Sohan Singh Machhal

et

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

DATE DE L'AUDIENCE :                       Le 27 septembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :            Monsieur le juge Nadon

DATE DES MOTIFS :                              Le 17 janvier 2002

COMPARUTIONS :

Aucune comparution                                           POUR LE DEMANDEUR

Me Daniel Latulipe                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Roman B. Karpishka                                     POUR LE DEMANDEUR

Lachine (Québec)

M. Morris Rosenberg                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada



[1]            Les décisions ont été rendues aux dates suivantes : dans IMM-1873-01, le 22 mars 2001; dans IMM-1874-01, le 4 avril 2001; dans IMM-1876-01, le 4 avril 2001; et dans IMM-1877-01, le 29 mars 2001.

[2]            Par exemple, au paragraphe 5 des observations écrites du défendeur, dans IMM-1873-01, on peut lire ce qui suit : [TRADUCTION] « 5. Étant donné que le mémoire déposé à l'appui de la demande d'autorisation ne contient que très peu d'arguments pertinents pour la présente demande, le défendeur n'y répondra pas. »

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