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Date :20030407

Dossier : IMM-4182-01

Référence neutre :2003 CFPI 404

Ottawa (Ontario), le 7 avril 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL

ENTRE :

                                                               EL-SAYED, HESHAM

demandeur

-et-

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de Carol K. Jong, une agente des visas du Haut-commissariat du Canada à Londres, datée du 6 août 2001, dans laquelle la demande de résidence permanente du demandeur à titre d'investisseur a été rejetée.


[2]                 Après avoir examiné les documents au dossier, à l'exception des nouveaux éléments de preuve déposés par le demandeur, qui se trouvent aux paragraphes 9 et 10 de son mémoire des faits et du droit, auxquels l'agente des visas désignée n'a pas eu accès, et après avoir entendu les observations des parties, j'ai pu déterminer que le présent contrôle judiciaire soulève des points liés à des questions factuelles, lesquelles sont à la base de l'exercice du pouvoir discrétionnaire de l'agente des visas.

[3]                 Afin de mieux comprendre le contexte des arguments, il est important de se référer à la définition d'investisseur telle qu'elle est établie par le paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978 (le Règlement) :

« investisseur » Immigrant qui répond aux critères suivants :

a) il a exploité, contrôlé ou dirigé avec succès une entreprise;

b) il a indiqué par écrit au ministre qu'il a fait ou a l'intention de faire un placement;

c) il possède un avoir net d'au moins 800 000 $, accumulé par ses propres efforts.

[4]                 L'agente des visas a conclu que le demandeur n'avait pas réussi à satisfaire à cette définition d'investisseur : elle n'était pas convaincue que le demandeur avait exploité, contrôlé ou dirigé avec succès une entreprise ou un commerce et il ne satisfaisait pas aux exigences financières énoncées au paragraphe 2(1).


[5]                 Dans son évaluation de la demande du demandeur, l'agente des visas a tenu compte de ses intérêts et de son engagement dans les sociétés Arab Company for Metal Turnery and Engineering et El-Mohandes for Trade and Engineering que le demandeur possède avec ses deux demi-frères. L'agente des visas a aussi examiné sa participation dans Hesham Mohamed Issmat & Co., la nouvelle entreprise d'entretien automobile qu'il a lancée avec son épouse en septembre 2000.

[6]                 Dans sa demande, M. El-Sayed a mentionné qu'il était responsable de la partie technique des activités ainsi que de la partie financière, telle que la gestion des comptes débiteurs et les relations avec l'institution financière, et de la partie administrative comme la supervision du personnel, l'embauche et le congédiement des employés. Le demandeur a également mentionné qu'il négociait avec les fournisseurs de matériaux, supervisait le service d'entretien, gérait la plupart des opérations quotidiennes des ateliers et décidait des traitements et salaires des employés.

[7]                 L'agente des visas a pris note des renseignements ci-dessus et a, par conséquent, interrogé le demandeur au sujet de ces allégations.

[8]                 J'ai examiné l'argument du demandeur à la lumière de la décision du juge Rothstein dans l'affaire Chen c. Canada (M.E.I.) (1993), 20 Imm. L.R. (2d) 290, argument selon lequel la lettre de l'agente des visas était vague et que l'agente n'avait pas apprécié chaque aspect (à savoir si le demandeur avait exploité, contrôlé ou dirigé avec succès une entreprise) séparément pour déterminer si le demandeur était un investisseur et que, par conséquent, en omettant de ce faire, l'agente des visas avait commis une erreur de droit.


[9]                 Je suis d'avis que l'agente des visas n'avait pas besoin de faire une distinction précise et claire entre les expériences du demandeur pour chacun des critères, en autant que l'on peut tirer une conclusion générale de l'appréciation qui a été faite. J'estime que les questions qui ont été posées par l'agente des visas en rapport avec ses doutes et les réponses données par le demandeur étaient précises et qu'elles couvraient assez le sujet pour que l'agente puisse décider que le demandeur n'avait pas fait ce qu'il prétendait avoir fait dans sa demande écrite et qu'il ne pouvait donc pas prétendre avoir exploité, contrôlé ou dirigé avec succès une entreprise. Une lecture attentive des notes de l'agente des visas et de sa lettre au demandeur fait clairement voir que l'expérience nécessaire pour chacun des concepts de la définition d'investisseur permettant de conclure qu'il avait satisfait aux éléments nécessaires pour être reconnu en tant qu'investisseur n'existait pas.

[10]            Le demandeur n'a pas été en mesure de répondre de façon certaine à la plupart des questions relatives au contrôle et aux finances des sociétés ainsi qu'à leur succès, selon ce qui ressort des notes d'entrevue de l'agente des visas, et un tel résultat ne pouvait pas établir la satisfaction aux exigences de la définition d'investisseur donnée dans le Règlement.


[11]            J'ai également examiné le deuxième argument du demandeur selon lequel le principe d'équité n'a pas été respecté du fait du refus par l'agente des visas d'accepter, après l'entrevue, des renseignements additionnels qui pouvaient dissiper ses doutes au sujet des aspects financiers des sociétés du demandeur et de son propre engagement dans leur gestion.

[12]            Premièrement, il est établi que, légalement, rien n'oblige l'acceptation de nouveaux renseignements après l'entrevue. Deuxièmement, selon les notes de l'agente des visas au STIDI, sa lettre et son affidavit, lorsque l'agente des visas a fait part au demandeur de ses doutes selon lesquels les documents relatifs à l'entreprise démontraient que c'était le frère aîné du demandeur qui détenait le pouvoir dans les deux sociétés et qu'elle n'était pas convaincue qu'il avait satisfait à la définition d'investisseur, le demandeur a offert à l'agente des visas de modifier les documents relatifs à l'entreprise pour démontrer qu'il avait le pouvoir de gérer et de signer et, par conséquent, il lui a offert de produire de nouveaux éléments de preuve. Une telle affirmation éveillerait des doutes dans l'esprit de tout lecteur objectif et n'a sûrement pas aidé le demandeur.

[13]            Le demandeur a eu suffisamment d'occasions pour tenter de convaincre l'agente des visas, mais il n'a pas été en mesure de répondre aux questions précises que l'agente des visas lui a posées en rapport avec ses doutes concernant la notion d'investisseur. Il avait le fardeau de la preuve et devait convaincre pleinement l'agente des visas relativement à l'ensemble des faits pertinents et de la documentation à l'appui de la demande, mais il n'a pas été en mesure de le faire.

[14]            Pour les motifs exposés ci-dessus, je crois que l'agente des visas n'a pas commis d'erreur de droit et qu'elle n'a pas contrevenu à un principe d'équité procédurale, et que l'exercice de son pouvoir discrétionnaire était conforme à la coutume et à la tradition dans les circonstances.

[15]            Le demandeur a proposé que les trois questions suivantes soient certifiées :

1. L'agente des visas pouvait-elle refuser au requérant la possibilité de compléter son dossier quand il en a fait la demande sans contrevenir aux règles de justice naturelle?

2. L'agente des visas devait-elle considérer séparément chacun des trois concepts qui font partie de la définition d'investisseur?

3. L'agente a-t-elle lié sa discrétion [fettered her discretion] en traitant la connaissance des aspects financiers de son commerce comme une condition sine qua non pour l'émission d'un visa?

[16]            Les questions proposées ne sont pas des questions qui satisfont aux critères de certification. On peut appliquer en l'espèce les commentaires suivants de M. le juge Martineau dans la récente décision Monteiro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] F.C.J. No 1720 :


Dans l'arrêt Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration) c. Liyanagamage (1994), 176 N.R. 4, la Cour d'appel fédérale a précisé, au paragraphe 4, qu'une question certifiée est une question qui « transcende les intérêts des parties au litige, [qui] aborde des éléments ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale [...] et [qui] est aussi déterminante quant à l'issue de l'appel » . De plus, dans la décision Huynh c. Canada, [1995] 1 C.F. 633 (C.F. 1re inst.) (confirmée par [1996] 2 C.F. 976 (C.A.F.)), la Cour a indiquéqu' « [u]ne question certifiée ne se rapporte pas à l'affaire qui est entendue; elle vise à clarifier un point de droit de portée générale qui n'a pas été réglé » . Les questions proposées en l'espèce ne permettent pas de trancher l'appel. En outre, il serait difficile, en raison du dossier et des circonstances particulières en cause, de clarifier, dans le cadre d'un appel, tout point de droit de portée générale qui n'a pas été réglé. Par conséquent, aucune question de portée générale ne sera certifiée.

[17]            En ce qui a trait à la première question, je ne peux pas la certifier parce qu'elle est fondée sur une allégation factuelle non établie. En effet, comme je l'ai mentionné aux paragraphes 11 et 12, le demandeur n'a pas simplement demandé de « compléter son dossier » , mais il a laissé entendre qu'il pouvait « modifier » les documents de manière à ce qu'il puisse satisfaire au critère d' « investisseur » . Par conséquent, cette question ne permettrait pas de trancher l'affaire.

[18]            Quant à la deuxième question, la Cour d'appel a déjà abordé le sujet dans l'affaire Cheng, précitée, comme le demandeur le sait, puisqu'il a lui-même fait référence à cet arrêt en appui à sa cause.

[19]            Concernant la troisième question, je conclus que la question n'a pas une grande portée, parce que la question de savoir si un membre de la Commission a interrogé ou traité de manière incorrecte un revendicateur doit être tranchée au vu des faits particuliers et du contexte de chaque affaire. Cette question à certifier est trop particulière et liée de trop près aux faits en cause pour pouvoir clarifier un point de droit de portée générale non réglé.


                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

La demande de contrôle judiciaire de la décision de l'agente des visas datée du 6 août 2001 est rejetée et aucune question n'est certifiée.

                 « Simon Noël »                     

Juge

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                        IMM-4182-01

INTITULÉ :                       HESHAM EL-SAYED et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                   

PLACE OF HEARING :                                  Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        Le 27 février 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE SIMON NOËL

DATE DES MOTIFS :                                     Le 7 avril 2003

COMPARUTIONS :

Julius Grey                                                             POUR LE DEMANDEUR

Guy Lamb                                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Grey, Casgrain                                                     POUR LE DEMANDEUR

Le Cartier

3410, rue Peel

Bureau 2101

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Ministère de la Justice

Complexe Guy-Favreau

200, boul. René-Lévesque Ouest

Montréal (Québec)

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