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                                                                 Date : 20030220

                                                              Dossier : IMM-186-02

                                                 Référence neutre : 2003 CFPI 187

Entre :

                          Uliana SOKOLOVSKY

                          Sergey SOKOLOVSKY

                                                    Partie demanderesse

                                  - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                          ET DE L'IMMIGRATION

                                                    Partie défenderesse

                         MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

   Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugiéde la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la « CISR » ) rendue le 23 décembre 2001 statuant que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention, tels que définis au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la « Loi » ).

   La CISR a refusé de reconnaître aux demandeurs le statut de réfugiés, concluant comme suit :

. . . la revendicatrice ne s'est pas déchargée de son fardeau qu'elle a une raison bien fondée de persécution dans son dernier pays de résidence habituelle, Israël. Pour les mêmes motifs, le tribunal ne croit pas non plus que son fils Sergey soit menacé de persécution s'il devait retourner dans son pays de résidence habituelle.


   Le tribunal offre les motifs suivants àl'appui de sa décision :

-     pendant son témoignage, la demanderesse a démontréun manque de collaboration et a fréquemment refuséde répondre clairement aux questions posées; elle éprouvait aussi un manque de transparence et de spontanéité;

-     la demanderesse a prétendu que le demandeur était apatride alors que les documents d'identification qu'elle avait déposés confirmaient que ce dernier était néen Russie et que lui, son père et la demanderesse étaient Russes;

-     la demanderesse n'a pas clairement expliqué la contradiction entre les documents personnels de son fils, le formulaire de renseignements personnels, et les notes au point d'entrée, en ce qui concerne le nom du père de son fils; elle a donc fait preuve de mauvaise foi;

-     il y a des inconsistances dans le témoignage de la demanderesse quand elle dit que son passeport est expiré depuis longtemps, mais qu'elle a renouvelé sa citoyennetérusse en Israël cinq ans après son départ de la Russie et à d'autres reprises par la suite;

-     le tribunal ne croit pas que le demandeur soit apatride; il serait inscrit sur le passeport russe de la demanderesse; par ailleurs, son document de voyage israélien indique que sa nationalité est « undefined » , ce qui veut dire, d'après la CISR, que la nationalitéde l'enfant n'est pas encore déterminée puisqu'il est encore mineur et qu'il pourra choisir lui-même, à l'âge adulte;

-     l'attitude ambiguë de la demanderesse tout au long de son témoignage et ses réponses évasives en ont fait un témoin dénudé de toute crédibilité;

-     la demanderesse se contredit lorsqu'elle prétend qu'elle ne pouvait accepter la circoncision de son fils parce qu'ils étaient chrétiens orthodoxes; si la demanderesse avait réellement été chrétienne, elle n'aurait pas pu se prévaloir des avantages de la Loi du retour, 5710-1950, et émigrer en Israël, seule, sans conjoint, comme elle l'a fait;

-     les réponses de la demanderesse au sujet de ses diverses allégations de persécution étaient peu éloquentes et comprenaient des demi-phrases et des généralités à l'emporte-pièce; et

-     la demanderesse n'a pas apportéde preuves claires et convaincantes que l'État ne pouvait lui venir en aide et ne pouvait la protéger, puisqu'elle n'a pu indiquer de manière satisfaisante qu'elle avait effectué des démarches sérieuses en ce sens.

   Les demandeurs allèguent que la CISR a commis une erreur de droit en interprétant erronément la Loi du retour. En doutant de la manière dont la demanderesse a pu obtenir sa citoyennetéisraélienne, le tribunal a trouvéque celle-ci n'était probablement pas chrétienne.


   Bien que cette conclusion soit basée sur une interprétation erronée de la loi israélienne, ce que reconnaît maintenant l'avocate de la partie défenderesse, elle n'est toutefois pas directement reliée à la crainte de persécution invoquée. En effet, seul le motif d'appartenance à un groupe social particulier a été soulevé devant la CISR. De plus, l'erreur quant à l'interprétation de la Loi du retour n'est pas déterminante de la question de crédibilité, vu les nombreux autres motifs fournis àcet égard par le tribunal, motifs qui, après révision de la preuve, m'apparaissent tout à fait raisonnables et clairement expliqués.

   Les demandeurs soutiennent particulièrement que la CISR a aussi erré en n'acceptant pas que, pour le moment, le demandeur Sergey n'est pas un citoyen d'Israël, ni d'un autre pays, puisque cela aurait été indiqué dans ses documents de voyage israéliens.

   Il était loisible à la CISR de douter de l'explication de la demanderesse en ce qui a trait à la description dans ses documents de voyage israéliens de la nationalité du demandeur Sergey comme étant « undefined » . Puisque ce dernier est né en Russie et qu'il n'y a pas de preuve indiquant qu'il ait renoncésa citoyennetérusse, il n'était pas déraisonnable pour la CISR de trouver qu'il n'était pas apatride.

   Les demandeurs soutiennent enfin que la CISR a commis une erreur en évaluant que l'État d'Israël pouvait assurer la protection de la demanderesse. À cet égard, la Cour suprême du Canada s'est exprimée comme suit dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, aux pages 724 et 725 :


Il s'agit donc de savoir comment, en pratique, un demandeur arrive àprouver l'incapacité de l'État de protéger ses ressortissants et le caractère raisonnable de son refus de solliciter réellement cette protection. D'après les faits de l'espèce, il n'était pas nécessaire de prouver ce point car les représentants des autorités de l'État ont reconnu leur incapacité de protéger Ward. Toutefois, en l'absence de pareil aveu, il faut confirmer d'une façon claire et convaincante l'incapacitéde l'État d'assurer la protection. Par exemple, un demandeur pourrait présenter le témoignage de personnes qui sont dans une situation semblable à la sienne et que les dispositions prises par l'État pour les protéger n'ont pas aidées, ou son propre témoignage au sujet d'incidents personnels antérieurs au cours desquels la protection de l'État ne s'est pas concrétisée. En l'absence d'une preuve quelconque, la revendication devrait échouer, car il y a lieu de présumer que les nations sont capables de protéger leurs citoyens. La sécurité des ressortissants constitue, après tout, l'essence de la souveraineté. En l'absence d'un effondrement complet de l'appareil étatique, comme celui qui a étéreconnu au Liban dans l'arrêt Zalzali, il y a lieu de présumer que l'État est capable de protéger le demandeur.

(Je souligne.)

   En l'espèce, la demanderesse n'a pas satisfait la CISR qu'elle avait cherché à obtenir la protection des autorités israéliennes. La conclusion du tribunal n'est pas déraisonnable, puisque la preuve démontre que la demanderesse ne s'est dirigée que vers des organismes non-gouvernementaux pour tenter d'obtenir de l'aide; elle ne s'est pas adressée à la police ou autres agences du gouvernement. Il faut ici présumer que le gouvernement d'un État démocratique tel Israël peut protéger ses citoyens.

Pour tous ces motifs, l'intervention de cette Cour n'est pas justifiée et la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                         

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 20 février 2003


                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                          SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

             NOMS DES AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                              IMM-186-02

INTITULÉ :                           Uliana SOKOLOVSKY, Sergey SOKOLOVSKY c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                   Le 8 janvier 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE :     L'honorable juge Pinard

EN DATE DU :                    20 février 2003                     

ONT COMPARU :

Me Eveline Fiset                      POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Diane Lemery                       POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Eveline Fiset                                POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                      POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)


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