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  IMM-2143-96

 

 

 

Entre

 

  GURMAIL SINGH,

 

  requérant,

 

  et

 

  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

  intimé.

 

 

 

  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

 

 

LE JUGE DUBÉ

 

 

 

  Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision en date du 19 février 1996 dans laquelle l'agente d'immigration Andrea Barker n'a pas conclu que le requérant était une personne ayant la qualité d'un [TRADUCTION] «membre de la catégorie des immigrants visés par une mesure de renvoi à exécution différée» (IMRED).

 

  Le requérant a, au Canada, fait une demande de résidence permanente en présentant un formulaire de demande intitulé [TRADUCTION] «Demande de résidence permanente présentée au Canada - Formulaire 50001».  Il a été signé par le requérant le 31 août 1995, et présenté à l'intimé le 2 octobre 1995.  Le formulaire 5001 est le formulaire générique type utilisé pour les demandes de droit d'établissement présentées au Canada.  En haut du formulaire sous [TRADUCTION] «A - GENRE DE DEMANDE (cocher une case) «le requérant a coché la case «Personne dont le cas comporte des considérations humanitaires».

 

  Le requérant a été accompagné à l'entrevue par son consultant en immigration, B.S. Sandhu, qui agissait comme son interprète lorsqu'il le fallait.  Selon le rapport à verser au dossier établi par Mme Barker et son affidavit, M. Sandhu l'a avisée que le requérant avait présenté une demande dans la catégorie des IMRED, mais elle l'a informé que la demande dont elle disposait était celle fondée sur des considérations humanitaires.  M. Sandhu a demandé si le requérant pourrait être admissible à la catégorie des IMRED, et elle a expliqué qu'elle n'était pas en mesure de faire cette évaluation, mais elle a donné au requérant un formulaire de demande destiné aux IMRED.  Voici le paragraphe principal du rapport à verser au dossier de Mme Barker reproduit dans sa totalité :

 

M. Sandhu a avisé que PI avait présenté une demande dans la catégorie IMRED.  J'ai informé que la demande dont je disposais était celle fondée sur des considérations humanitaires (CH).  J'ai demandé à PI s'il avait fait une autre demande dans la catégorie des IMRED.  Il a dit qu'il n'en avait pas fait.  M. Sandhu a demandé si PI pourrait être admissible à la catégorie des IMRED.  J'ai expliqué que je n'étais pas en mesure de faire cette évaluation.  J'ai donné à PI une demande destinée aux IMRED et j'ai expliqué que si je refusais de traiter sa demande présentée au pays, il pourrait examiner la documentation destinée aux IMRED pour déterminer s'il peut faire sa demande.  S'il le peut, j'ai recommandé qu'il fasse sa demande dès que possible.

 

 

 

 

  Ultérieurement à l'entrevue, le requérant a déposé un autre formulaire 5001 ainsi que le formulaire 5328 intitulé «Renseignements supplémentaires - Mesure de renvoi à exécution différée», le formulaire particulièrement destiné aux demandes présentées dans la catégorie des IMRED.

 

 

  Par lettre datée du 19 février 1996, Mme Barker a informé le requérant que sa demande d'exemption pour des raisons d'ordre humanitaire a été rejetée.  Le 6 mars 1996, un agent principal a écrit au requérant pour l'informer qu'il ne remplissait pas les conditions d'établissement dans la catégorie des IMRED, parce qu'il n'avait pas présenté sa demande de droit d'établissement dans les 120 jours après être devenu membre de cette catégorie comme le prévoit l'alinéa 11.401a) du Règlement sur l'immigration.  L'agent principal a en outre expliqué que, comme le requérant était devenu membre de cette catégorie le 15 juillet 1995, sa demande aurait dû être présentée au plus tard le 20 novembre 1995, et que sa demande avait été reçue le 22 février 1996, [TRADUCTION] «bien au-delà de la date d'acceptation».

 

  Il est constant que si le requérant avait présenté une demande dans la catégorie des IMRED à la date à laquelle il avait déposé sa demande fondée sur des considérations humanitaires, le 12 septembre 1995, sa demande aurait été examinée.  Toutefois, l'intimé ne reconnaît pas que la demande aurait été accueillie.  Et à la date de l'entrevue avec Mme Barker, il était déjà trop tard pour déposer sa demande dans la catégorie des IMRED.

 

  Le requérant soutient que puisqu'il avait déposé sa demande d'établissement dans le délai requis et que Mme Barker savait à l'entrevue qu'il désirait être considéré comme membre de la catégorie des IMRED, elle a commis une erreur de droit en continuant d'examiner la demande fondée sur des considérations humanitaires. 

 

  De plus, il prétend qu'elle a eu tort de n'avoir pas examiné l'applicabilité du règlement concernant un membre de la catégorie des IMRED édicté par DORS-94-681 le 4 novembre 1994.  Puisqu'il découlait de l'information figurant déjà au dossier et de la demande elle-même que le requérant était membre de la catégorie des IMRED, sa demande aurait dû être examinée sous cet angle, et Mme Barker n'aurait pas dû se limiter à l'examen du formulaire bureaucratique qui se trouvait devant elle. En toute justice, elle aurait dû aider le requérant et aurait dû examiner le formulaire 5001 comme étant une demande d'établissement présentée au Canada qui a un caractère générique et qui s'applique à toutes les catégories de personnes demandant à être exemptées de l'obligation de présenter sa demande de droit d'établissement à l'extérieur de ce pays, d'autant plus que le consultant du requérant a fait savoir au début de l'entrevue que le requérant demandait une dispense en tant que membre de la catégorie des IMRED.

 

  Le requérant s'appuie sur la décision rendue par le juge en chef adjoint Jerome de la Cour dans l'affaire Thakorlal Hajariwala c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1989] 2 C.F. 79, où il a dit que «L'agent des visas a, sur le plan légal et en vertu de la Loi sur l'immigration et du Règlement, l'obligation d'examiner des professions autres qui sont inhérentes à l'expérience de travail du requérant lorsque celui-ci fait valoir une telle expérience».  Il a tenu les propos suivants à la page 82 :

 

 

Le but de la Loi est de permettre l'immigration, non de l'empêcher. Il s'ensuit que les requérants ont le droit de présenter leur demande de façon à maximiser leurs chances d'entrer au pays.  Les agents d'immigration ont une obligation correspondante de poser une appréciation complète et équitable, et de justifier, le cas échéant, leur refus par des motifs adéquats.

 

 

 

Il a aussi ajouté à la p. 83 :

 

 

15. Des professions autres seront également examinées par les agents lorsqu'il sera possible que le requérant soit qualifié à l'égard d'autres professions et prêt à les exercer.

 

 Le passage qui précède m'apparaît constituer un énoncé très important du principe de l'équité fondamentale dans son application au requérant.  L'avocat du requérant me demande de conclure que ce principe impose à l'agent des visas l'obligation de poser une appréciation à l'égard des professions inhérentes à l'expérience de travail du requérant qui pourraient être exercées en remplacement des professions allégues mais ne se trouvent pas nécessairement mentionnées.  Je ne suis pas prêt à aller aussi loin que cela, mais je conclus effectivement que l'agent des visas a certainement l'obligation de précéder à une telle appréciation lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, le requérant sollicite une telle appréciation en indiquant dans sa demande les professions qu'il envisage subsidiairement.

 

Il est également important de souligner que la Loi sur l'immigration de 1976 exige à l'article 6 des personnes recherchant le droit d'établissement au Canada qu'elles répondent aux normes réglementaires de sélection fixées dans le Règlement sur l'immigration de 1978.  Il incombe donc clairement au requérant de présenter toutes les données pertinentes pouvant être utiles à sa demande.  La mesure dans laquelle les agents d'immigrants voudront offrir de l'aide ou des conseils pourra dépendre de leurs préférences individuelles ou même faire l'objet de politiques si le ministère le juge opportun, mais une telle obligation n'est pas de celles imposées aux agents par la Loi ou le Règlement. 

 

 

 

  D'autre part, l'intimé soutient que tandis que le requérant est devenu admissible à la présentation d'une demande de droit d'établissement en vertu de l'alinéa 11.401a) du Règlement sur la catégorie des IMRED le 15 juillet 1995, le requérant a réellement la qualité d'un membre de la catégorie des IMRED seulement lorsqu'il est conclu qu'il l'est et que, au moment de l'entrevue, il n'avait même pas demandé à devenir membre de la catégorie des IMRED.  Il était donc trop tard pour en faire la demande.  La Cour a dit que, jusqu'à ce qu'il ait réellement la qualité de membre de la catégorie des IMRED, il n'a pas encore acquis de statut sous le régime de la Loi.  Il n'a pas été décidé qu'il appartenait à la catégorie, et il n'a acquis aucun droit d'établissement conformément à la Loi.  Voir Singh c. MCI, 25 octobre 1995, IMM-2643-95 (C.F.1re inst.). 

 

  Selon l'intimé, l'agent d'immigration n'est pas tenu d'apprécier le requérant dans toutes les catégories possibles dans lesquelles il peut présenter une demande.  Le requérant a fait sa demande dans la catégorie des considérations humanitaires, et c'est la catégorie dans laquelle il a été apprécié.  Le paragraphe 8(1) de la Loi sur l'immigration prévoit clairement qu'il incombe au requérant de démontrer qu'il est en droit d'entrer au Canada.  Puisque le requérant n'avait pas fait sa demande dans la catégorie des IMRED, il n'était pas loisible à l'agent d'immigration de l'apprécier dans cette catégorie.

 

  L'intimé soutient que la première demande déposée par le requérant et examinée par l'agente d'immigration reposait sur des facteurs humanitaires qui ne constituent pas une considération dans une demande présentée dans la catégorie des IMRED.  Après un examen complet et équitable, elle a conclu qu'il n'avait pas suffisamment de considérations humanitaires pour être accepté dans cette catégorie.  Il n'existait aucune autre obligation d'évaluer l'admissibilité du requérant dans la catégorie des IMRED ou dans toute autre catégorie pour laquelle le requérant n'avait pas fait sa demande.

 

  À mon avis, l'agente d'immigration n'était tenue à aucune obligation légale de convertir une demande fondée sur des considérations humanitaires en une demande présentée dans la catégorie des IMRED, d'autant plus que, au stade de l'entrevue, il était déjà trop tard pour le requérant pour faire une demande dans la catégorie des IMRED.  Les facteurs à examiner dans une demande diffèrent de ceux devant être examinés dans une autre.  Il n'existe aucune explication de la raison pour laquelle le consultant a décidé, à ce stade tardif, de changer la demande du requérant d'une catégorie à l'autre.

 

  Les faits et les règlements en cause en l'espèce se distinguent bien de ceux de l'affaire Hajariwala.  Hajariwala a présenté une demande de résidence permanente au Canada en tant que candidat indépendant en application du paragraphe 6(1) de la Loi, et un agent d'immigration l'a apprécié.  Il existe plusieurs critères pour une telle appréciation, y compris l'expérience, mais l'un des facteurs les plus importants est la possibilité pour le requérant d'exercer un emploi au Canada.  Hajariwala a déposé la demande dans la catégorie des immigrants indépendants, et on s'attendait à ce que l'agent des visas applique tous les critères dans cette catégorie.  Il est entendu que l'expérience dans des professions autres doivent être examinées par les agents des visas, ainsi que l'a mentionné le paragraphe 15 cité dans les motifs de jugement du juge Jerome.  Le juge a également ajouté :

 

Il incombe donc clairement au requérant de présenter toutes les données pertinentes pouvant être utiles à sa demande.

 

 

 

  En l'espèce, le requérant n'a pas déposé la demande dans la catégorie dans laquelle, à l'entrevue, selon son consultant, il désirait la déposer.  Certainement, on ne s'attendait pas à ce que Mme reformule une nouvelle demande fondée sur une différente catégorie du fait d'un changement d'avis soudain du consultant.

 

  En conséquence, je ne saurais conclure que l'agente d'immigration a commis une erreur de droit ou n'a pas observé les principes de justice naturelle et d'équité procédurale.

 

  À la fin de l'audition de l'espèce, j'ai accordé aux deux avocats un délai de dix jours, après réception des présents motifs d'ordonnance et ordonnance, pour déposer directement à la Cour fédérale leurs observations sur la certification d'une

 

 

question fondée sur l'article 83 de la Loi sur l'immigration.

 

  (signé) «J.E. Dubé»

  J.C.F.C.

 

 

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 24 janvier 1997

 

 

Traduction certifiée conforme  

    Tan Trinh-viet


 

 

  AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :GURMAIL SINGH

 

  et

 

  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ      ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

 

 

No DU GREFFE :  IMM-2143-96

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :Vancouver (C.-B.)

 

 

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :Le 23 janvier 1997

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE DUBÉ en date du 24 janvier 1997

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

William J. MacIntosh  pour le requérant

 

Sandra Weafer  pour l'intimé

 

   

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

William MacIntosh Associates  pour le requérant

Vancouver (C.-B.)

 

 

George Thomson

Sous-procureur général du Canada

  pour l'intimé

 

 

 

 

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