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Date : 20030312

Dossier : T-409-01

Référence neutre : 2003 CFPI 305

CALGARY (Alberta), le mercredi 12 mars 2003

Présente :        MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

                                                    LOUIS PLACIDUS FERNANDES

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 M. Louis Placidus Fernandes (le demandeur) est un ressortissant pakistanais. Il est arrivé au Canada avec sa famille le 8 février 1997, où il a obtenu le droit d'établissement. Le 18 avril 2000, il a présenté une demande de citoyenneté canadienne. Dans une décision du 15 décembre 2000, le juge de la citoyenneté, Monsieur William L. Day (le juge de la citoyenneté) a rejeté sa demande. Le demandeur voudrait que cette décision soit annulée.


Historique

[2]                 Pendant les trois ans qui ont précédé sa demande de citoyenneté, le demandeur a été absent du Canada pendant 857 jours et il n'a été présent que 307 jours. Il manque donc 788 jours à l'exigence de trois ans de résidence énoncée au paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29. Les absences étaient dues en partie au fait que le demandeur travaillait pour la banque internationale omanaise et que ses fonctions l'obligeaient à être à l'extérieur du Canada.

[3]                 Le demandeur est propriétaire d'une résidence à Calgary et il a acquis divers indices de résidence dans cette ville. Sa femme et ses quatre enfants ont obtenu la citoyenneté canadienne.

Dispositions légales pertinentes

[4]                 Le paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté énonce les critères d'attribution de la citoyenneté canadienne. L'alinéa 5(1)c) s'applique à l'espèce :


Attribution de la citoyenneté

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

...

Grant of citizenship

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

...


c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

(c) has been lawfully admitted to Canada for permanent residence, has not ceased since such admission to be a permanent resident pursuant to section 24 of the Immigration Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:         (i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;


[5]       Le paragraphe 5(4) de la Loi sur la citoyenneté prévoit l'attribution de la citoyenneté dans des cas particuliers :


(4) Afin de remédier à une situation particulière et inhabituelle de détresse ou de récompenser des services exceptionnels rendus au Canada, le gouverneur en conseil a le pouvoir discrétionnaire, malgré les autres dispositions de la présente loi, d'ordonner au ministre d'attribuer la citoyenneté à toute personne qu'il désigne; le ministre procède alors sans délai à l'attribution.

(4) In order to alleviate cases of special and unusual hardship or to reward services of an exceptional value to Canada, and notwithstanding any other provision of this Act, the Governor in Council may, in his discretion, direct the Minister to grant citizenship to any person and, where such a direction is made, the Minister shall forthwith grant citizenship to the person named in the direction.


Analyse

[6]    Pour les motifs suivants, je suis d'avis de rejeter la demande.


Question de procédure

[7]          Une erreur de procédure importante s'est glissée : le demandeur, qui se représente lui-même, a par mégarde amorcé la procédure en présentant une demande de contrôle judiciaire aux termes du paragraphe 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7. Le fondement légal d'un appel d'une décision d'un juge de la citoyenneté se trouve au paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté ainsi qu'à l'article 21 de la Loi sur la Cour fédérale. Dans les circonstances particulières à l'espèce, je suis d'avis qu'il serait dans l'intérêt de la justice de s'appuyer sur l'article 57 des Régles de la Cour fédérale (1998) pour changer la demande de contrôle judiciaire en un appel au titre du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté. Il est précisé à l'article 57 que la Cour n'annule pas un acte introductif d'instance au seul motif que l'instance aurait dû être introduite par un autre acte introductif d'instance. Le défendeur a consenti à cette modification.

Première question : omission de suivre les directives énoncées dans l'arrêt Re Koo

[8]         Le demandeur a fait valoir que même si le juge de la citoyenneté a prétendu suivre les critères énoncés dans la décision Re Koo, [1993] 1 C.F. 286 (1re inst.), il a omis de prendre dûment en considération les facteurs énoncés par la juge Reed dans cette affaire. Plus particulièrement, le demandeur a soutenu que le juge de la citoyenneté n'a pas tenu compte du fait que le demandeur était outre-mer dans le but de créer une entreprise et qu'au moment de l'audience, il avait quitté son poste à Oman et qu'il travaillait pour une firme de comptables agréés à Calgary.

[9]        Si le juge de la citoyenneté, « dans des motifs clairs qui dénotent une compréhension de la jurisprudence, décide à bon droit que les faits satisfont sa conception du critère législatif prévu à l'alinéa 5(1)c), le juge siégeant en révision ne devrait pas remplacer arbitrairement cette conception par une conception différente de la condition en matière de résidence » (Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 410, au paragraphe 33 (1re inst.) (QL)). Autrement dit, le rôle de la Cour est de s'assurer que le juge de la citoyenneté a bien appliqué le critère de son choix (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Mindich, [1999] A.C.F. no 978 (1re inst)(QL)).

[10]            À mon avis, la décision du juge de la citoyenneté indique qu'il a adéquatement examiné et appliqué les critères énoncés par la juge Reed dans la décision Re Koo, précitée. Avant sa première absence, le demandeur était à l'étranger pendant longtemps et ses absences prolongées attestent qu'il s'agissait d' « une façon de vivre plutôt [que d'un] phénomène temporaire » . Il n'est revenu au Canada que six fois pendant les trois ans qui ont précédé sa demande de citoyenneté. Il est vrai que ses absences étaient liées au travail, mais rien n'indique qu'il a essayé de trouver un emploi au Canada. En fait, en raison de ses craintes concernant l'économie de l'Alberta, le demandeur a prolongé son contrat de travail avec la banque internationale omanaise. Le juge de la citoyenneté a pris acte que le demandeur possédait des indices de résidence passifs au Canada, mais qu'il aurait pu les établir tous sans vraiment vivre au Canada.

[11]            Quand on examine tous les éléments de preuve, on constate que rien ne prouve que le demandeur avait centralisé son mode de vie au Canada. Par conséquent, le juge de la citoyenneté a adéquatement appliqué à l'espèce la décision Re Koo, précitée, et conclu qu'il ne devait pas attribuer la citoyenneté au demandeur.

Deuxième question : omission de tenir compte de tous les éléments de preuve

[12]            Le mémoire du demandeur contenait suffisamment de documents pour permettre au juge de la citoyenneté d'exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui est accordé aux termes du paragraphe 15(1) de la Loi sur la citoyenneté et de faire une recommandation pour l'application des paragraphes 5(3) et (4).   

[13]            Le paragraphe 5(3) ne s'applique pas à l'espèce.

[14]            Une recommandation formulée pour l'application du paragraphe 5(4) de la Loi sur la citoyenneté est hautement discrétionnaire et elle requiert la présence d'une situation particulière et inhabituelle de détresse ou la volonté de récompense pour des services exceptionnels rendus au Canada (Re Koo, précitée). La décision du juge de la citoyenneté indique qu'il était conscient de l'obligation qui lui est faite au paragraphe 15(1) de la Loi sur la citoyenneté d'examiner s'il y a lieu de recommander l'exercice du pouvoir discrétionnaire prévu aux paragraphes 5(3) et (4).

[15]            À cet égard, les « Affidavits et pièces documentaires » que le demandeur a déposés le 30 mai 2002 contenaient des documents qui n'avaient pas été soumis au juge de la citoyenneté. Le demandeur soutient que le juge de la citoyenneté aurait dû demander à les voir, ce qui lui aurait permis d'évaluer équitablement sa demande de citoyenneté.

[16]            La demande doit être traitée en fonction des éléments de preuve dont le juge de la citoyenneté était saisi (Lamiecha et al. c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration [1993] A.C.F. no 1333 (1re inst.)(QL)). Les paragraphes 14 à 19 des « Affidavits et pièces documentaires » déposés le 30 mai 2002 portent sur des éléments de preuve qui n'ont pas été présentés au juge de la citoyenneté et les documents énumérés aux paragraphes 8.1 à 8.5 des « Affidavits et pièces documentaires » ne l'ont pas été non plus. Par conséquent, ces éléments de preuve ne seront pas examinés dans le cadre du présent appel.                  

[17]            De plus, il incombe au demandeur de remettre au juge de la citoyenneté les éléments de preuve à l'appui de sa demande. Le fait pour le juge de la citoyenneté de ne pas demander ces documents ou tout autre élément de preuve supplémentaire ne constitue pas une erreur.

[18]            Au vu des documents qui lui sont présentés, le juge de la citoyenneté a conclu ce qui suit :

                        [traduction]


Avant de prendre une décision de rejet, j'ai, conformément au paragraphe 15(1) de la Loi, envisagé la possibilité de formuler une recommandation favorable en application des paragraphes 5(3) et (4) de la Loi. Vous n'avez soumis aucun document qui me permettrait de recommander l'exercice du pouvoir discrétionnaire. Après avoir attentivement examiné les éléments de preuve ainsi que les observations que vous avez présentées au soutien du prononcé d'une recommandation en faveur du pouvoir discrétionnaire dans votre cas, j'ai décidé qu'il n'est pas justifié en l'espèce de formuler une recommandation en ce sens, puisqu'il n'y a aucune preuve indiquant qu'il s'agit de maladie ou d'invalidité, d'une situation particulière et inhabituelle de détresse ou de services exceptionnels rendus au Canada.

[19]            Le dossier du Bureau de la citoyenneté ne contient aucune preuve qu'il s'agit d'une situation particulière et inhabituelle de détresse ou que le demandeur a rendu des services exceptionnels au Canada. Le juge de la citoyenneté n'a donc pas commis d'erreur en omettant de faire une recommandation au titre du paragraphe 5(4).

                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

La présente demande de contrôle judiciaire soit remplacée par un appel de la décision du juge de la citoyenneté rendu le 15 décembre 2000, conformément au paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté.

L'appel est rejeté.

                                                                                                             « Judith A. Snider »             

                                                                                                                                       Juge                         

CALGARY (Alberta)

Le 12 mars 2003

Traduction certifiée conforme

Josette Noreau, B.Tra.                          


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                  T-409-01

INTITULÉ :                                                 Louis Placidus Fernandes c. MCI

                                                                                   

LIEU DE L'AUDIENCE :                         CALGARY (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :                       Le 12 mars 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE           MADAME LA JUGE SNIDER

ET ORDONNANCE :

DATE :                                                          Le 12 mars 2003

COMPARUTIONS :

M. Louis Placidus Fernandes                                                  POUR LE DEMANDEUR

M. Rick Garvin                                                                         POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Louis Placidus Fernandes                                                  POUR LE DEMANDEUR

Calgary (Alberta)

Morris A. Rosenberg                                                               POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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