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Date : 20050208

Dossier : IMM-10076-03

Référence : 2005 CF 197

ENTRE :

                                                          ROSEMARY BALSON

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LA JUGE SIMPSON

[1]                Ces motifs se rapportent à la demande de Rosemary Balson (la demanderesse) pour contrôle judiciaire d'une décision défavorable de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) en date du 28 novembre 2003.


[2]                La demanderesse est une femme de 33 ans, citoyenne de la Dominique. Elle craint son oncle qui l'a agressée sexuellement lorsqu'elle était enfant. Elle a été violée à l'âge de 13 ans. Son oncle avait de l'influence sur les autorités locales et un certain pouvoir politique à titre de dirigeant local du Dominica Freedom Party, lequel était au pouvoir à l'époque des faits. Ainsi, lorsqu'elle a finalement parlé à sa mère de l'agression et que l'affaire a été rendue publique, la police n'a pas donné suite au rapport qui lui a été fait, son père s'est retourné contre elle et son oncle a menacé de la tuer. Elle s'est enfuie au Canada en juillet 1990 et a fait sa demande du statut de réfugié 12 années plus tard, soit le 26 août 2002.

[3]                Les étapes suivantes ont précédé l'audition de sa demande du statut de réfugié :

·            24 août 2002 - La demanderesse a reçu un avis lui expliquant le processus de demande du statut de réfugié. Il y était mentionné, notamment,

Si votre conseil est incapable de se présenter à l'audience à la date prévue, vous ou lui (elle) devrez trouver un autre conseil qui en sera capable. Sinon, vous pourriez avoir à agir sans conseil.

·            3 septembre 2002 - La demanderesse a envoyé au défendeur son formulaire intitulé Avis de conseil. Cet avis nommait M. Julius Ehikwe comme son conseil.

·            31 juillet 2003 - Le formulaire du défendeur intitulé Avis de convocation a été signifié à la demanderesse et à son conseil. Il y était précisé que la demanderesse devait être présente le 27 août 2003 pour fixer la date de l'audience et on lui demandait d'apporter une lettre de la part de son conseil confirmant que ses services étaient toujours retenus et dans laquelle des dates d'audience seraient suggérées. (Il n'y a pas de telle lettre au dossier du tribunal.)

·            27 août 2003 - La demanderesse était présente lorsque la date d'audience a été fixée et a signé le formulaire du défendeur intitulé Avis de convocation. Ce formulaire stipulait que sa revendication du statut de réfugié serait entendue le 12 novembre 2003, à 13 h 30.


·            30 septembre 2003 - Une lettre intitulée Confirmation de la disponibilité du demandeur d'asile a été envoyée à la demanderesse et à son conseil. Dans cette lettre, on demandait à la demanderesse de signer et de retourner le formulaire afin de confirmer sa présence à l'audience du 12 novembre 2003 (le formulaire). La demanderesse avait déménagé sans aviser la Commission de sa nouvelles adresse; sa copie du formulaire a donc été retournée au défendeur. Il n'y a aucune preuve indiquant que son conseil a reçu le formulaire ou y a répondu.

·            23 octobre 2003 - On ne sait pas comment le formulaire est parvenu à la demanderesse, mais celle-ci a avisé la Commission de sa nouvelle adresse, a signé le formulaire et l'a retourné par télécopieur à la Commission.

·            11 novembre 2003 - (C'était le jour qui précédait l'audience et les bureaux du gouvernement était fermés en raison du jour du Souvenir.) Le conseil de la demanderesse a envoyé par télécopie à la Commission la lettre suivante (la lettre) :

[TRADUCTION]

                                                       Demande de report

Madame/Monsieur,

Nous vous écrivons pour demander un report en ce qui concerne l'audition de la demande du statut de réfugié mentionnée ci-dessus.

Par ailleurs, il y a conflit de dates et d'heures des audiences entre la cliente ci-haut mentionnée et Tony Skaria dont la date d'audience est aussi fixée la même journée à 12 h 59 au 74, rue Victoria.


Nous aimerions que la présente affaire soit reportée à une des dates suivantes :

11 février 2004

19 février 2004

25 février 2004

Vous trouverez ci-joint les avis de date d'audience provenant de votre bureau, qui montrent les conflits de dates et d'heures. Nous vous remercions de votre collaboration.

Veuillez agréer nos salutations distinguées.

Julius Ehikwe

·            12 novembre 2003 - L'audience a commencé, et le conseil de la demanderesse ne s'est pas présenté mais s'est assuré d'avoir un mandataire pour livrer la lettre. Le mandataire a été interrogé par la Commission mais n'a pas pu donner de précision sur la lettre et n'était pas préparé pour représenter la demanderesse à l'audience. Le report a donc été refusé. La demanderesse a ensuite fait une autre demande, pour un ajournement, afin de trouver un nouveau conseil et cette demande a aussi été refusée.


[4]                La situation se résume comme suit. La demanderesse s'est rapidement assurée des services d'un conseil et a clairement signifié son intention d'être représentée à son audience relative à sa demande du statut de réfugié. Elle était représentée, quoique de façon inadéquate, à l'ouverture de l'audience par une lettre de son conseil. Toutefois, elle n'était pas représentée lorsqu'elle a demandé un délai pour trouver un autre conseil. Par contre, la demanderesse a omis d'aviser la Commission dès qu'elle a appris que son conseil avait un empêchement. Ceci me permet de supposer qu'elle a su quelque temps avant l'audience qu'elle n'aurait pas de conseil mais n'a rien fait pour le remplacer.

[5]                Compte tenu de ces circonstances inhabituelles, dans lesquelles il a été signifié très clairement à la demanderesse qu'on procéderait à l'audition de sa cause à la date fixée avec ou sans conseil, j'arrive à la conclusion que la Commission avait le loisir d'exercer son pouvoir discrétionnaire et de refuser le report demandé par le conseil dans la lettre et l'ajournement demandé par la demanderesse en personne.

LES AUTRES QUESTIONS EN LITIGE

[6]                En cours d'audience, le conseil de la demanderesse a retiré les arguments qu'il avait énoncés au sujet de l'incapacité de la demanderesse à se représenter elle-même à l'audition de sa demande du statut de réfugié. En définitive, aucun préjudice n'a été allégué en raison du refus du report et de l'ajournement. Toutefois, le conseil a maintenu ses arguments selon lesquels la Commission a eu tort lorsqu'elle a conclu que la présomption de protection de l'État n'avait pas été réfutée par la demanderesse et qu'en raison des douze années de délai, elle n'avait pas de crainte subjective.

[7]                À mon avis, aucun de ces arguments n'étaient persuasifs. En ce qui concerne l'oncle de la demanderesse, il n'y a rien qui prouve son âge ou son statut politique actuel. Il n'y a aucune preuve permettant de déterminer si son parti politique est encore au pouvoir. Il n'y avait pas de fondement pour conclure qu'il était en position d'influencer la conduite des policiers ou de causer d'autres préjudices à la demanderesse si elle retournait à la Dominique.

[8]                De plus, comme la Commission l'a souligné, la situation à la Dominique a changé. Le rapport du Département d'État en date du 4 mars 2002, qui couvre l'année 2001, est rédigé en partie comme suit :

_TRADUCTION_ La violence au foyer est monnaie courante. Il n'existe aucun tribunal de la famille s'occupant uniquement de ce type de violence. Selon les données de la ligne d'écoute téléphonique où l'on peut porter plainte et signaler les cas de violence conjugale, 128 cas ont été dénoncés en 2000, comparativement à 114 en 1999. Les femmes peuvent poursuivre leurs conjoints pour violence conjugale; tant la police que les tribunaux poursuivent les auteurs de viol ou d'agression sexuelle. Il n'existe toutefois aucune loi particulière relative aux cas de violence conjugale. Cependant, en 1998, une nouvelle loi sur les infractions sexuelles est entrée en vigueur et a remplacé l'ancienne loi, selon laquelle il fallait avoir un témoin ou une preuve d'ordre médical pour qu'il y ait mise en accusation. Tous les cas de viols sont traités uniquement par des policières; c'est une politique généralement pratiquée. Le ministère du Travail a retenu les services d'un conseiller permanent et a mis en place un mécanisme d'intervention en cas de crise pour aider les femmes victimes de violence conjugale. Le ministère du Bien-être vient en aide aux victimes d'agression en leur fournissant un abri temporaire, en offrant du counselling aux couples ou en recommandant une intervention policière. Le ministère du Bien-être signale tous les cas de violence conjugale à la police. Les tribunaux peuvent ordonner qu'on protège les victimes, mais la police n'en assure pas toujours l'application. Le Dominica National Counsel of Women, une organisation non gouvernementale, fait de l'éducation préventive au sujet de la violence conjugale et s'occupe d'un refuge où un service de médiation et de counselling pour hommes et femmes est offert sept jours sur sept. Les personnes accueillies au refuge peuvent y demeurer pendant trois semaines.

[Non souligné dans l'original.]

[9]                L'absence de preuve relative au pouvoir qu'aurait actuellement l'oncle d'influencer la police de même que la preuve au sujet de l'amélioration dans le traitement des cas de violence sexuelle m'amènent à conclure que la Commission n'a pas eu tort dans son traitement de la question relative à la protection de l'État.

[10]            En dernier lieu, le délai de douze années qui s'est écoulé avant que la demanderesse ne fasse une demande reste inexpliqué et montre qu'elle ne s'est jamais sérieusement considérée à risque d'être persécutée ou de subir d'autres préjudices.

[11]            Pour tous ces motifs, la demande sera rejetée.

                                                                          _ Sandra J. Simpson _                     

                                                                                                     Juge                                   

Ottawa (Ontario)

8 février 2005

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                           IMM-10076-03

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         Rosemary Balson

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Toronto

DATE DE L'AUDIENCE:                             le 18 janvier 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               Madame la juge Simpson

DATE DES MOTIFS :                                   le 8 février 2005

COMPARUTIONS :

Bola Adetunji                                                                POUR LA DEMANDERESSE

Mary Matthews                                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bola Adejtunji                                                               POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


Date : 20050208

Dossier : IMM-10076-03

Ottawa (Ontario), le 8 février 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SANDRA J. SIMPSON

ENTRE :

                                  ROSEMARY BALSON

                                                                                    demanderesse

                                                     et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                           défendeur

                                        ORDONNANCE

Vu la demande de contrôle judiciaire de la part de la demanderesse d'une décision défavorable de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié en date du 28 novembre 2003;

Après avoir examiné le dossier et entendu les arguments des avocats des deux parties à Toronto, le 18 janvier 2005;

Et après avoir été avisée qu'aucune question n'était formulée pour certification.


LA COUR ORDONNE QUE, pour les motifs exposés aujourd'hui, la présente demande soit rejetée.

                                                                          _ Sandra J. Simpson _                     

                                                                                                     Juge                                 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


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