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Date : 20030603

Dossier : IMM-829-02

Référence : 2003 CFPI 700

Ottawa (Ontario), le 3 juin 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

ENTRE :

                                                             HAFIZ KALIM AHMAD

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                            MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                 M. Ahmad a présenté une demande de résidence permanente au Canada. Selon son formulaire de demande, la profession qu'il entendait exercer était celle d'ingénieur du textile. Son emploi actuel dans une usine de textiles de Lahore, au Pakistan, est celui de sous-chef des opérations de filage. Il a quitté temporairement cet emploi pour étudier aux États-Unis.


[2]                 Une agente des visas du consulat du Canada à New York a évalué M. Ahmad selon les qualités requises d'un ingénieur du textile (Classification nationale des professions (CNP), 2148). Elle a trouvé que son expérience professionnelle acquise à Lahore ne correspondait pas à la description officielle de cette profession et elle n'a pu attribuer à M. Ahmad aucun point pour l'expérience. L'agente lui a attribué un total de 67 points, soit un peu moins que les 70 points requis pour une demande acceptée. Une erreur d'écriture aurait semble-t-il entraîné l'attribution de cinq points en trop au demandeur. Cette erreur n'est pas en cause dans la présente affaire.

[3]                 L'agente a ensuite considéré les titres de compétence de M. Ahmad par rapport à une autre profession. Elle a constaté que son expérience correspondait étroitement aux fonctions d'un surveillant dans la transformation des produits textiles (CNP 9216), mais a découvert qu'il n'y a semble-t-il aucune demande au Canada pour les personnes ayant cette qualification. Finalement, elle a conclu que M. Ahmad ne répondait pas aux conditions d'immigration au Canada.

[4]                 Selon M. Ahmad, l'agente des visas a fait une grave erreur en ne reconnaissant pas, pour l'appellation d'emploi « ingénieur du textile » , son expérience de sous-chef des opérations de filage. Il dit aussi que l'agente aurait dû considérer ensuite sa qualification par rapport à d'autres catégories professionnelles pour lesquelles il y avait davantage de demande au Canada et dans lesquelles il aurait pu obtenir plus de points. Il demande à la Cour d'ordonner le réexamen de son dossier.

I. Points en litige

1. L'agente des visas a-t-elle fait une grave erreur en ne tenant aucun compte de l'expérience de M. Ahmad?

2. L'agente a-t-elle négligé de traiter M. Ahmad équitablement en ne considérant pas d'autres appellations d'emploi dans lesquelles il aurait pu réussir?


A. L'agente des visas a-t-elle fait une grave erreur en ne tenant aucun compte de l'expérience de M. Ahmad?

[5]                 M. Ahmad a reçu une formation d'ingénieur du textile. Il a obtenu un baccalauréat en sciences à l'Université du Punjab et un diplôme de génie à l'université des textiles A.N. Kosygin de Moscou. Il a commencé en 1998 comme stagiaire dans une entreprise appelée Saira Textiles, puis a été promu sous-chef des opérations de filage.

[6]                 Une description d'emploi détaillée a été produite par l'employeur de M. Ahmad. Ses fonctions consistaient principalement à coordonner et à surveiller la production, à entretenir les équipements et à régler les problèmes. Les notes de l'agente révèlent qu'elle a examiné cette information très attentivement et l'a comparée à la description officielle des fonctions d'un ingénieur du textile (CNP 2148). Cette description est très brève. Elle dit simplement :

Les ingénieurs du textile conçoivent et élaborent des processus, des équipements et des procédés pour la production de fibres, de filés et de textiles.

[7]                 L'agente a trouvé qu'aucune des fonctions mentionnées dans la description d'emploi de M. Ahmad ne concernait la conception ou l'élaboration. Pour en être certaine, elle a demandé expressément à M. Ahmad de lui dire ce qu'il en pensait. Il a dit que, durant ses deux années dans l'entreprise Saira Textiles, il n'avait pas encore été mêlé aux activités de ce genre. C'était des fonctions qui revenaient à ses supérieurs.

[8]                 Selon M. Ahmad, l'agente a eu tort d'exiger qu'il ait l'expérience de la conception et de l'élaboration de processus. Cependant, cette expérience semble être une exigence courante pour de nombreuses catégories d'ingénieurs. Ainsi, les ingénieurs biomédicaux « conçoivent et élaborent des instruments médicaux et cliniques » . Les ingénieurs en génie maritime « conçoivent et élaborent des bâtiments navals et des structures flottantes » (CNP 2148).

[9]                 L'agente des visas semble avoir bien appliqué les exigences professionnelles d'un ingénieur du textile et elle a fait une évaluation raisonnable de l'expérience de M. Ahmad.

B. L'agente a-t-elle négligé de traiter M. Ahmad équitablement en ne considérant pas d'autres appellations d'emploi dans lesquelles il aurait pu réussir?

[10]            Ainsi que je l'ai mentionné, l'agente des visas a conclu que l'expérience de M. Ahmad correspondait aux fonctions d'une autre profession, celle de surveillant dans la transformation des produits textiles. Cependant, elle a constaté qu'il n'y avait pas de demande dans cette catégorie professionnelle. Selon M. Ahmad, l'agente aurait dû aller plus loin et considérer sa qualification pour d'autres professions dans lesquelles il y avait une demande au Canada. Il dit par exemple qu'il aurait dû être considéré pour des postes tels que celui de mécanicien de machines de l'industrie textile (CNP 7317), celui de technologue en génie industriel et en génie de fabrication (CNP 2233) ou celui de technicien et mécanicien d'instruments industriels (CNP 2243).

[11]            En règle générale, c'est au requérant qu'il appartient d'indiquer des appellations d'emploi qui conviennent et de produire l'information nécessaire pour une bonne évaluation : Madan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. n ° 1198, au paragraphe 6 (QL) (1re inst.). Un agent des visas a l'obligation de considérer un requérant pour d'autres appellations d'emploi si demande lui en est faite (Siforov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 724, [2001] A.C.F. n ° 1061, au paragraphe 9 (QL) (1re inst.)). Un agent a aussi le devoir de considérer d'autres appellations d'emploi qui sont inhérentes à l'expérience professionnelle d'un requérant (Parmar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. n ° 1532, au paragraphe 19 (QL) (1re inst.)).

[12]            Il me semble que l'agente des visas s'est acquittée de son obligation de considérer une autre profession assimilable à l'expérience de M. Ahmad. Je ne puis accepter, comme l'affirme M. Ahmad, que [traduction] « l'équité oblige l'agente, lorsqu'elle évalue une profession incluse, à examiner toutes celles dans lesquelles le demandeur peut avoir des compétences » . Ce serait là placer un fardeau trop lourd sur les agents des visas, à qui l'on ne peut demander d'envisager toutes les possibilités dans chaque cas, et un fardeau trop léger sur les demandeurs de visas, à qui il incombe de s'assurer que leurs demandes sont complètes et présentent la qualité requise.

[13]            En l'espèce, l'agente des visas a traité M. Ahmad équitablement en étudiant attentivement sa demande et en explorant la possibilité qu'il soit qualifié pour une autre profession qu'il n'avait pas indiquée et qui présentait des ressemblances avec son expérience professionnelle. Je ne vois aucune erreur dans la manière dont l'agente des visas a traité le dossier de M. Ahmad.


II. Dispositif

[14]            Cette demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[15]            L'avocate de M. Ahmad a demandé la possibilité de présenter des conclusions pour que soit certifiée une question de portée générale. Lesdites conclusions devront être déposées dans un délai de cinq (5) jours après la communication des présents motifs, et le défendeur disposera ensuite de trois (3) jours pour y répondre.

                                                                        JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.          Cette demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Les conclusions du demandeur pour que soit certifiée une question de portée générale devront être déposées dans un délai de cinq (5) jours après la communication des présents motifs, et le défendeur disposera alors de trois (3) jours pour y répondre.

                                                                                                                                 « James W. O'Reilly »             

                                                                                                                                                                 Juge                              

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           IMM-829-02

INTITULÉ :                                        HAFIZ KALIM AHMAD

                                                                                                                                                      demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :              LE MARDI 29 AVRIL 2003

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                               MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :                      LE 3 JUIN 2003

COMPARUTIONS :

Mme Barbara Jackman                                                                  POUR LE DEMANDEUR

M. Stephen H. Gold                                                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mme Barbara Jackman

Avocate

596, avenue St. Clair ouest, bureau 3

Toronto (Ontario) M6C 1A6                                                        POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                               POUR LE DÉFENDEUR


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