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Date : 20031217

Dossier : IMM-567-02

Référence : 2003 CF 1482

Ottawa (Ontario), le 17 décembre 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JAMES RUSSELL                         

ENTRE :

                                                             MILOS JANKOVIC

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, présentée suivant le paragraphe 82.1(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, qui vise la décision (la décision) par laquelle Julie Fréchette, une agente d'immigration désignée (l'agente) à l'ambassade du Canada à Vienne, en Autriche, a rejeté la demande de résidence permanente présentée par Milos Jankovic (le demandeur). Le demandeur a été informé de la décision vers le 2 janvier 2002 par une lettre qui contenait les motifs du rejet de la demande.


LES FAITS

[2]                Le demandeur est citoyen de Yougoslavie. Ses parents ont divorcé le 22 décembre 1988 alors qu'il était âgé de trois ans. La mère du demandeur (la mère) a obtenu le droit de garde du jeune enfant. En 1992, alors que le demandeur avait sept ans et que sa mère en avait encore la garde, le père du demandeur, Slobodan Jankovic (le père), a présenté une demande de résidence permanente au Canada suivant les critères applicables à la sélection des immigrants indépendants prévus par la Loi sur l'immigration et par le Règlement sur l'immigration de 1978. Étant donné que le demandeur n'avait que sept ans et que son père était loin d'être établi dans son nouveau pays, le père et la mère ont jugé qu'il serait préférable que la mère conserve la garde du demandeur.

[3]                Après que le père eut été établi au Canada et qu'il eut trouvé un emploi rémunéré, lui et la mère ont convenu qu'il serait avantageux pour le demandeur de venir vivre avec son père.

[4]                Le père, maintenant citoyen canadien, a été informé qu'il satisfaisait aux critères d'admissibilité en matière de parrainage vers le 20 août 2001. Le 16 septembre 2001, le demandeur a présenté, à l'ambassade du Canada à Vienne, en Autriche, une demande de résidence permanente au Canada en tant que parent suivant la Loi sur l'immigration et le Règlement sur l'immigration de 1978. La demande dûment remplie a été reçue vers le 15 octobre 2001.

[5]                Vers le 15 novembre 2001, le demandeur a reçu une lettre de l'agente lui demandant de fournir la preuve qu'il avait subi un examen médical dans le cadre de la demande de résidence permanente présentée par son père en 1992.

[6]                Vers le 14 décembre 2001, le demandeur, par courrier électronique, a informé l'agente qu'il n'avait pas subi d'examen médical en 1992. Il a expliqué que c'est sa mère qui en avait la garde à ce moment, qu'il n'avait que sept ans et qu'il n'avait alors pas l'intention d'émigrer au Canada.

[7]                L'agente a adopté la position que le demandeur ne pouvait pas être considéré comme un parent et elle a rejeté la demande de visa.

LA DÉCISION FAISANT L'OBJET DU CONTRÔLE

[8]                Le 13 novembre 2001, l'agente a examiné les documents et les renseignements contenus dans la demande présentée par le demandeur et elle a conclu qu'elle avait besoin de renseignements complémentaires pour déterminer si le demandeur pouvait être considéré comme un parent suivant la Loi sur l'immigration et le Règlement sur l'immigration de 1978. De façon précise, il était nécessaire de savoir si le demandeur avait subi un examen dans le cadre de la demande de résidence permanente au Canada présentée par le père en 1992. Le 15 novembre 2001, on a envoyé au demandeur une lettre lui demandant de fournir ce renseignement complémentaire.

[9]                Vers le 27 décembre 2001, on a informé le père que la demande présentée par le demandeur avait été refusée. On en a informé le demandeur vers le 2 janvier 2002.

[10]            Le motif énoncé pour le rejet de la demande était que le demandeur n'avait pas subi un examen médical en 1992 lorsque son père avait présenté sa demande. Cela signifiait que le demandeur n'était pas inclus dans la catégorie des parents parce que le paragraphe 4(2) du Règlement sur l'immigration ne comprend pas une personne à charge qui n'a pas fait l'objet d'une décision, en tant que parent, suivant le sous-alinéa 6(5)a)(ii) du Règlement sur l'immigration. Une telle personne à charge ne peut pas être parrainée en tant que parent par un répondant qui a demandé qu'elle ne subisse pas un examen dans le cadre de sa propre demande de résidence permanente au Canada (en l'espèce en 1992).

[11]            Le père soutient qu'à aucun moment au cours du traitement de sa demande il a été informé par qui que ce soit que le fait qu'il ne fasse pas subir un examen médical à son fils éliminait complètement la possibilité qu'il puisse par la suite le parrainer .

[12]            Le père soutient en outre que s'il avait été informé des conséquences de ne pas faire subir un tel examen médical à son fils, il aurait pris des dispositions pour le faire.

[13]            Le père affirme qu'il n'a jamais consciemment consenti à éliminer la possibilité de parrainer son fils en tant que parent.


[14]            Les dossiers papier remontant à 1992 ne sont pas conservés. L'agente n'avait donc pas en sa possession une déclaration de renonciation. Le défendeur prétend qu'il n'y avait toutefois pas d'explication raisonnable, autre que celle que le fils avait été dispensé suivant le sous-alinéa 6(5)a)(ii) du Règlement sur l'immigration, pour laquelle le fils n'avait pas subi d'examen médical en tant que personne à charge alors que sa mère en avait la garde. C'est pour ce motif que l'agente a rejeté la demande.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[15]            Le terme « répondant » est défini au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, comme une personne qui est :


a) Citoyen canadien ou résident permanent âgés d'au moins 19 ans qui parrainent la demande d'établissement d'un parent et qui démontrent à l'agent d'immigration qu'ils résideront exclusivement au Canada, sans interruption, à partir de la date de leur engagement à l'égard de la demande jusqu'au moment où le parent se verra accorder le droit d'établissement au Canada et qu'ils résideront au Canada après ce moment;

[...]

(a) is a Canadian citizen or permanent resident who is at least 19 years of age, sponsors an application for landing of a member of the family class and satisfies an immigration officer that the person will reside in Canada exclusively and without interruption beginning on the date of giving an undertaking in respect of the application for landing until the member is granted landing in Canada, and that person will reside in Canada after that time, or

...


[16]            Le terme « parent » , à l'égard d'un répondant, est défini au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de la façon suivante :



[...]

b) un fils à sa charge ou une fille à sa charge;

...


[17]       Le terme « fils » est défini au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de la façon suivante :


"Fils" désigne, par rapport à une personne, une personne du sexe masculin

"Son" means, with respect to any person, a male

a) descendant de cette personne et qui n'a pas été adoptée par une autre personne, ou

(a) who is the issue of that person and who has not been adopted by another person, or

b) qui a été adoptée par cette personne avant l'âge de 19 ans.

(b) who has been adopted by that person before having attained 19 years of age.


[18]            Le paragraphe 9(2) du Règlement sur l'immigration, énonce, en partie, ce qui suit :


Pour l'application du paragraphe (1), l'agent des visas

a)              n'est pas tenu de déterminer si une personne à charge fait partie d'une catégorie de personnes non admissibles si cette personne est :

[...]

For the purpose of subsection (1), a visa officer

(a)            is not required to determine whether a dependant is a member of an inadmissible class if the dependant is:

...

(ii)            soit le fils ou la fille du demandeur ou du conjoint du demandeur, lorsqu'un agent d'immigration est convaincu que la garde ou la tutelle de ce fils ou de cette fille a été légalement confiée :

ii)              a son or daughter of the applicant, or of the spouse of that applicant, where the immigration officer is satisfied that custody or guardianship of the son or daughter has been legally vested in

(A)       soit au conjoint visé au sous-alinéa (I),

(B)        soit à un ancien conjoint du demandeur

(A)       the spouse of the applicant, referred to in subparagraph (I)

or

(B)        a former spouse of the applicant, and

b)              ne délivre pas de visa d'immigrant à une personne à charge visée à l'alinéa a) à titre de personne à charge qui accompagne le demandeur.

(b)            shall not issue an immigrant visa to a dependant referred to in paragraph (a) as an accompanying dependent.


[19]            Le paragraphe 4(2) du Règlement sur l'immigration, énonce, en partie, ce qui suit :



La catégorie des parents ne comprend pas le conjoint, le fils et la fille visés :[...]

The family class does not include a spouse or a son referred to in

...

b)              aux sous-alinéas 9(2)a)(i) ou (ii), à l'égard desquels l'agent des visas n'a pris aucune décision en vertu de l'alinéa 9(1)a);

(b)            subparagraph 9(2)(a)(I) or (ii) in respect of whom a visa officer did not make a determination under paragraph 9(1)(a); or


[20]            Le paragraphe 117(9) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, traite des personnes qui sont exclues de la catégorie du regroupement familial :


(9) Ne sont pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant les personnes suivantes :

[...]

(9) No foreign national may be considered a member of the family class by virtue of their relationship to a sponsor if

...

d) dans le cas où le répondant est devenu résident permanent à la suite d'une demande à cet effet, l'étranger qui, à l'époque où cette demande a été faite, n'a pas fait l'objet d'un contrôle et était un membre de la famille du répondant n'accompagnant pas ce dernier ou était un ex-époux ou ancien conjoint de fait du répondant.

(d) the sponsor previously made an application for permanent residence and became a permanent resident and, at the time of that application, the foreign national was a non-accompanying family member or a former spouse or former common-law partner of the sponsor and was not examined.


[21]            L'article 355 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés énumère les membres de la famille qui ne sont pas exclus de la catégorie du regroupement familial :


355. L'alinéa 117(9)d) du présent règlement ne s'applique pas aux enfants à charge visés à l'article 352 du présent règlement ni au conjoint de fait d'une personne qui n'accompagnent pas celle-ci et qui font une demande au titre de la catégorie du regroupement familial ou de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada si cette personne les parraine et a fait une demande au titre de l'ancienne loi avant la date d'entrée en vigueur du présent article.

355. If a person who made an application under the former Act before the day on which this section comes into force sponsors a non-accompanying dependent child, referred to section 352, who makes an application as a member of the family class or the spouse or common-law partner in Canada class, or sponsors a non-accompanying common-law partner who makes such an application, paragraph 117(9)(d) does not apply in respect of that dependent child or common-law partner.


[22]            Le sous-alinéa 6(5)a)(ii) du Règlement sur l'immigration est rédigé comme suit :



6. [...]

(5) Pour l'application du paragraphe (1), l'agent des visas

a) n'est pas tenu de déterminer si une personne à charge fait partie d'une catégorie de personnes non admissibles si cette personne est :

[...]

6. ...

(5) For the purposes of subsection (1), a visa officer

(a) is not required to determine whether a dependant is a member of an inadmissible class if that dependant is

...

(ii) soit le fils ou la fille du demandeur ou du conjoint du demandeur, lorsqu'un agent d'immigration est convaincu que la garde ou la tutelle de ce fils ou de cette fille a été légalement confiée :

(A)       soit au conjoint visé au sous-alinéa (I),

(B)        soit à un ancien conjoint du demandeur,

[...]

(ii) a son or daughter of the applicant, or of the spouse of that applicant, where an immigration officer is satisfied that custody or guardianship of the son or daughter has been legally vested in

(A)       the spouse of the applicant, referred to in subparagraph (I), or

(B)       a former spouse of the applicant, and

...


LES QUESTIONS EN LITIGE

[23]            Le demandeur soulève les questions suivantes :

I.           L'agente d'immigration a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle en appliquant les mauvaises dispositions réglementaires?

II.         L'agente d'immigration a-t-elle omis de respecter un principe de justice naturelle, l'équité procédurale ou une autre procédure qu'elle avait l'obligation de respecter aux termes de la loi?

III.        L'agente d'immigration a-t-elle tiré une conclusion de fait erronée, omis de tenir compte de faits ou omis d'examiner correctement des éléments de preuve lorsqu'elle a rejeté la demande présentée par le demandeur?


IV.        Le nouveau Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés rend-il le demandeur admissible à un parrainage?

LA NORME DE CONTRÔLE

[24]            Le demandeur soulève diverses questions susceptibles de contrôle qui peuvent être caractérisées de différentes façons. Je ne suis cependant pas d'avis qu'une analyse pragmatique et fonctionnelle est nécessaire parce que ma décision est la même indépendamment de la norme appliquée.

LES PRÉTENTIONS

[25]            Le demandeur prétend que dans la présente affaire, l'agente était d'avis qu'il ne pouvait pas être parrainé par son père parce qu'il n'avait pas subi un examen médical dans le cadre de la demande présentée par son père en 1992. Le demandeur prétend qu'une telle décision devrait être rendue si sa situation correspond à celle prévue par la division 9(2)a)(ii)(B) du Règlement de l'immigration et non à celle prévue par le sous-alinéa 6(5)a)(ii), comme le mentionnait la lettre de rejet qui lui avait été envoyée.


[26]            Le demandeur prétend que son père et lui n'ont jamais été informés des conséquences résultant du fait qu'il n'ait pas subi d'examen médical au moment où la demande du père a été traitée en 1992 pas plus qu'ils n'ont su qu'il y avait des conséquences.

[27]            Le demandeur prétend en outre qu'on n'a pas demandé au père, au moment de son entrevue en 1992, de signer un document prévoyant qu'il ne pourrait pas par la suite parrainer son fils. En outre, le père n'a aucunement été informé à ce moment que le fait d'empêcher son fils de subir un examen médical signifierait qu'il ne pourrait jamais être parrainé pour venir au Canada.

[28]            Le demandeur prétend que si le père avait connu les conséquences de sa décision de ne pas faire subir un examen médical à son fils, il lui aurait fait subir un tel examen.

[29]            Le demandeur prétend que, en 1992, le ministre était tenu d'informer le père des conséquences de ne pas faire évaluer l'état de santé de son fils lorsqu'il a initialement obtenu le statut de résident permanent. Le demandeur prétend en outre qu'il n'existe pas de preuve permettant de prétendre que le père ait, à quelque moment que ce soit, été informé de cette importante interdiction. Étant donné que les dossiers ont été détruits, il n'y a pas de façon de vérifier si cela avait déjà été fait.

[30]            Le demandeur prétend que les actions du ministre en 1992 étaient inéquitables en matière procédurale parce qu'il était tenu d'informer le père qu'il serait de façon permanente empêché de parrainer son enfant.

[31]            Le demandeur prétend en outre que le fait que la garde du demandeur ait été accordée à la mère ne remplit pas la condition prévue par la division 9(2)a)(ii)(B) étant donné que la garde du demandeur n'a jamais été légalement confiée à la mère; le demandeur a simplement été [TRADUCTION] « laissé à sa mère pour qu'elle en prenne soin et qu'elle s'occupe de son éducation » .

[32]            Le demandeur prétend que l'entente à l'égard de la garde pouvait être révisée et qu'elle a en fait été révisée par une déclaration assermentée de la mère devant un agent de la cour municipale de Smed Palanka dans laquelle la mère et le fils ont convenu que le demandeur déménagerait au Canada et serait confié à son père jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge de la majorité.

[33]            Le demandeur prétend que l'entente à l'égard de sa garde, conclue par ses parents en 1988 et prévoyant que le père avait des contacts fréquents avec son enfant et subvenait financièrement à ses besoins, entente qui a par la suite été modifiée par sa mère en 2001, n'accordait pas à la mère la [TRADUCTION] « propriété absolue » pas plus qu'elle n'[TRADUCTION] « accordait des droits de possession présente ou future quant à son objet » et, par conséquent, ne lui confiait pas la garde.

[34]            Le demandeur prétend en outre qu'il est maintenant un jeune homme de dix-sept ans qui a besoin des conseils et des connaissances de son père, ce qu'il n'aura jamais la possibilité d'avoir en raison de l'omission du ministre d'avoir informé le père des conséquences de ne pas faire subir à son fils un examen médical en 1992.

[35]            Le demandeur prétend que l'issue de l'affaire est injuste et est contraire à l'esprit et aux politiques de la Loi sur l'immigration.

[36]            Le demandeur prétend en outre que les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne entraînent que la Loi sur l'immigration et le Règlement sur l'immigration doivent être administrés en tenant compte de l'intérêt supérieur des enfants. La Convention relative aux droits de l'enfant, R.T. Can. 1992 no 3, énonce ce qui suit :

1.          Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.

2.          Les États parties s'engagent à assurer à l'enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées.

[37]            Le demandeur prétend qu'étant donné que son père n'a jamais perdu ses droits parentaux et qu'il n'a pas été relevé de ses obligations, il serait dans son intérêt supérieur d'avoir accès à son père.

[38]            Le demandeur a prétendu dans la documentation qu'il a déposée que la nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la LIPR) rend clairement théorique la question de savoir si un examen a eu lieu dans le cadre de la demande de résidence permanente présentée par le père. Cette prétention a été abandonnée lors de l'audience et, selon la Cour, a bon droit.

[39]            Lors de l'audience, et dans d'autres observations écrites, le demandeur a soulevé des raisons d'ordre humanitaire qui auraient dû être prises en compte par l'agente. Essentiellement, la prétention était que l'agente avait commis une erreur en omettant de ne pas examiner la dispense prévue par le paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration avant de rejeter la demande.

ANALYSE

[40]            Dans la décision Adesina c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1063, Mme la juge Sharlow a fait une synthèse globale des paragraphes 9(2) et 6(5) du Règlement sur l'immigration :

8.              Le point de départ habituel de la procédure menant àl'attribution du droit dtablissement est une demande faite à l'extérieur du Canada. La demande est évaluée par un agent d'immigration en fonction à l'extérieur du pays qui doit déterminer si le demandeur et toutes les personnes à sa charge sont admissibles au droit dtablissement, àmoins que le paragraphe 9(2) du Règlement ne trouve application.


9.              L'expression « personne à charge » est définie dans le paragraphe 2(1) du Règlement. Une personne à la charge du demandeur comprend notamment sa conjointe, de même que son fils ou sa fille à charge, ce qui englobe un fils ou une fille célibataire qui a moins de 19 ans, ou qui a plus de 19 ans et qui est à la charge du demandeur pour le motif qu'il ou elle fréquente un établissement d'enseignement, ou encore qu'il ou elle est atteint(e) d'une incapacité physique ou mentale.

10.           Le paragraphe 9(2) du Règlement prévoit qu'aucune évaluation relative à l'admissibilitéde la conjointe du demandeur n'est nécessaire dans le cas où le couple est séparé et ne cohabite plus, et que lvaluation relative à l'admissibilité du fils ou de la fille du demandeur n'est pas requise non plus lorsque leur garde ou leur tutelle est conférée légalement à la conjointe séparée du demandeur ou à son ancienne conjointe. Une conjointe séparée ou un fils ou une fille qui n'est pas à la charge du demandeur et qui sont exemptés de lvaluation relative à leur admissibilité en raison de l'application du paragraphe 9(2) du Règlement ne peuvent se voir attribuer un visa à titre de personne à charge accompagnant le demandeur.

11.           Ainsi, si M. Adesina avait présenté une demande relative au droit dtablissement à l'extérieur du Canada, s'il était effectivement divorcé, et si son ancienne épouse avait la garde légale de leurs enfants, ni l'existence de son ancienne épouse, ni la situation des enfants sous la garde légale de celle-ci ne doit influencer le traitement de sa demande, et ces derniers ne pourraient obtenir de visa.

12.           Pour bien comprendre la manière dont le paragraphe 6(5) du Règlement s'inscrit dans le contexte susmentionné, il convient de renvoyer aux dispositions de la Loi et de son règlement d'application concernant les membres de la catégorie de la famille. Un résident permanent est autorisé à parrainer la demande de résidence permanente de toute personne qui lui est apparentée à titre de membre de la catégorie de la famille. La demande en question devrait normalement être faite à l'extérieur du Canada et être évaluée conformément à l'article 6 du Règlement, lequel prévoit que la conjointe et les personnes à la charge du demandeur doivent faire l'objet d'une évaluation aux fins de leur admissibilité. Aux termes du paragraphe 6(5) du Règlement, aucune évaluation n'est requise aux fins de l'admissibilitéde la conjointe du demandeur si le couple est séparé ou s'il n'y a plus de cohabitation. Lvaluation aux fins de l'admissibilité des enfants dont la conjointe a la garde légale ou assume la tutelle n'est pas non plus exigée. Le paragraphe 6(5) du Règlement est en grande partie identique au paragraphe 9(2), précité.

13.           En dernier lieu, il convient d'examiner le paragraphe 4(2) du Règlement, lequel prévoit que le conjoint, le fils et la fille du demandeur qui ont bénéficié de l'exemption de lvaluation aux fins de leur admissibilité en raison de l'application du paragraphe 6(5) ou du paragraphe 9(2) du Règlement ne sont pas considérés comme membres de la catégorie de la famille par rapport au demandeur et ne peuvent être parrainés une fois que le demandeur a obtenu le statut de résident permanent. En conséquence, si M. Adesina faisait une demande de l'extérieur du Canada, il ne pourrait jamais parrainer la demande de son ancienne épouse ni celle des enfants dont celle-ci assume la garde si leur admissibilité n'est pas évaluée de pair avec sa demande.

[41]            Le demandeur prétend que le mot « demandeur » au paragraphe 6(5) renvoie à la personne qui est parrainée et que ce paragraphe s'applique à l'épouse et aux personnes à charge du demandeur. Ainsi, ce paragraphe ne s'applique pas à lui. Je ne peux pas adopter cette interprétation. L'analyse de la juge Sharlow dans la décision Adesina, précitée, donne à penser que l'agente avait raison d'examiner le dossier du demandeur par rapport au paragraphe 6(5) du Règlement sur l'immigration. En outre, comme l'analyse de la juge Sharlow l'établit clairement, le paragraphe 4(2) prévoit, entre autres, qu'un fils dont l'admissibilité n'a pas été évaluée suivant le paragraphe 6(5) ou suivant le paragraphe 9(2) ne peut pas être inclus dans la catégorie de la famille et ne peut ainsi pas être parrainé une fois que le demandeur est devenu un résident permanent. L'agente n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle à cet égard.

[42]            Le demandeur admet qu'il n'a jamais subi d'examen médical dans le cadre de la demande de résidence permanente au Canada présentée par son père. Cependant, il prétend que cette omission, qui a eu lieu en 1992 alors qu'il était âgé de sept ans, ne démontre aucunement une intention de se priver de la possibilité d'être parrainé par son père dans la catégorie des parents.

[43]            Les notes consignées au STIDI mentionnent que l'une des premières préoccupations de l'agente était la question de savoir si le demandeur avait subi un examen dans le cadre de la demande d'établissement au Canada présentée par son répondant. Il est intéressant de noter, étant donné que tous les dossiers ont depuis été détruits, que la seule façon d'avoir une réponse à cette question était de demander au demandeur lui-même ou à son père.


[44]            La réponse du père sur cette question est sans équivoque :

[TRADUCTION]

Mon fils vivait avec sa mère en 1992 et il n'avait pas l'intention à ce moment d'émigrer au Canada. Par conséquent, il n'a pas subi d'examen médical dans ce but.

Dossier certifié du tribunal, à la page 2.

[45]            L'agente a immédiatement rejeté la demande en se fondant sur ces renseignements.

[46]            À mon avis, le Règlement sur l'immigration de 1978 mentionne clairement que certaines conséquences résultent du fait qu'un fils ou une fille à charge n'accompagne pas le demandeur :


4(2)          La catégorie des parents ne comprend pas le conjoint, le fils et la fille visés :

a)              aux sous-alinéas 6(5)a)(i) ou (ii), à l'égard desquels l'agent des visas n'a pris aucune décision en vertu de l'alinéa 6(1)a);

4(2)          The family class does not include a spouse or son or daughter referred to in

(a)                subparagraph 6(5)(a)(i) or (ii) in respect of whom a visa officer did not make a determination under paragraph 6(1)(a)


[47]            Une décision rendue suivant l'alinéa 6(1)a) comprend une décision rendue quant à l'admissibilité selon l'état de santé des personnes à charge.

[48]            Le demandeur n'a pas subi d'examen médical dans le cadre de la demande de résidence permanente présentée par son père en 1992. La documentation soumise par le demandeur ne contredit pas ce point.


[49]            Les demandeurs de résidence permanente au Canada doivent inclure dans leur demande le demandeur principal et toutes ses personnes à charge selon la définition du paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration. Cela signifie qu'un demandeur doit inclure dans sa demande son conjoint et tous ses enfants à charge de même que les enfants à charge de son conjoint. Il faut, pour que les visas soient délivrés au demandeur principal et aux personnes à charge, que le demandeur et toutes les personnes à charge soient admissibles même si elles n'ont pas l'intention d'accompagner le demandeur principal. La seule exception à cette règle à l'égard des personnes à charge, suivant le paragraphe 6(5) du Règlement sur l'immigration, est qu'un agent d'immigration n'est pas tenu de déterminer l'admissibilité d'un fils ou d'une fille du demandeur, ou du conjoint de ce demandeur, lorsque cet agent est convaincu que la garde ou la tutelle du fils ou de la fille a été légalement confiée au conjoint séparé du demandeur ou à un ancien conjoint suivant le sous-alinéa 9(2)a)(ii) du Règlement sur l'immigration.

[50]            Les personnes à charge qui sont ainsi dispensées de subir un examen ne peuvent pas par la suite être parrainées par la personne qui au départ a demandé qu'elles soient exclues. De telles personnes à charge qui n'ont pas subi d'examen sont exclues de la catégorie des parents suivant le paragraphe 4(2) du Règlement sur l'immigration. On retrouve également cette même règle au chapitre 2 du Guide intitulé Traitement des demandes à l'étranger, à l'égard des personnes appartenant à la catégorie de la famille, exceptions à l'alinéa 6(1)(a) du Règlement.

[51]            Sur le fondement des renseignements dont elle disposait, l'agente était convaincue que le demandeur n'était pas inclus dans la catégorie des parents et qu'il ne pouvait par conséquent pas être parrainé en qualité de parent. Cette décision était tout à fait compatible avec la Loi sur l'immigration et le Règlement sur l'immigration de 1978.

[52]            L'agente n'avait pas besoin d'avoir en main la demande présentée en 1992 pour rendre une décision raisonnable selon laquelle le demandeur avait été exclu de la demande du père étant donné que c'était la seule raison pour laquelle aucun examen médical avait pu ne pas être exigé pour le demandeur.

[53]            Le demandeur ne nie pas qu'il ait été exclu de la demande présentée par son père en 1992. Le père prétend plutôt qu'il n'était pas au courant des conséquences de cette exclusion. Toutefois, le père est présumé être au courant des règles et des lois régissant les demandes qu'il présente. Le public peut obtenir les lois et il appartient à l'individu qui présente une demande de s'assurer qu'il satisfait aux exigences des lois et qu'il est au courant des conséquences de ses choix. Personne n'a mal informé le père au cours de la période pertinente ou ne l'a empêché d'obtenir des avis à l'égard des conséquences de ses choix. Il n'y a pas eu un manque d'équité procédurale et le défendeur n'était pas tenu d'informer le père des conséquences futures. En outre, le père a catégoriquement déclaré que c'est la mère de son fils qui en avait la garde à ce moment et qu'elle n'avait pas l'intention d'émigrer au Canada.

[54]            À mon avis, le seul véritable motif d'opposition soulevé par le demandeur touche les raisons d'ordre humanitaire. À cet égard, le demandeur affirme que l'agente a commis une erreur lorsqu'elle a omis de prendre en compte la dispense prévue par le paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration avant de rejeter la demande. Le paragraphe 114(2) est rédigé comme suit :


Le gouverneur en conseil peut, par règlement, autoriser le ministre à accorder, pour des raisons d'ordre humanitaire, une dispense d'application d'un règlement pris aux termes du paragraphe (1) ou à faciliter l'admission de toute autre manière.

The Governor in Council may, by regulation, authorize the Minister to exempt any person from any regulation made under subsection (1) or otherwise facilitate the admission of any person where the Minister is satisfied that the person should be exempted from that regulation or that the person's admission should be facilitated owing to the existence of compassionate or humanitarian considerations.


[55]            La difficulté de cette prétention en l'espèce est que l'agente n'a pas reçu de demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire suivant le paragraphe 114(2). Le demandeur tente d'écarter cette opposition en renvoyant la Cour à la décision Moghtader c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 387 (QL), pour prétendre qu'un agent des visas est tenu d'examiner les raisons d'ordre humanitaire lors du traitement d'une demande à l'étranger. Toutefois, les faits de cette décision sont très différents de ceux en l'espèce. Dans la décision Moghtader, précitée, on demandait à la Cour de traiter de ce qu'on appelait alors la situation du « dernier membre de la famille se trouvant encore à l'étranger » selon laquelle les gestionnaires de programme suivant la Loi sur l'immigration devaient examiner les raisons d'ordre humanitaire lorsque toute la famille d'un demandeur était au Canada et qu'il demeurait à la charge de cette famille. Il ne s'agit pas du tout de la même situation que celle soumise à la Cour dans la présente demande.

[56]            Il existe de nombreuses situations dans lesquelles des demandes soumises à des agents des visas soulèvent des facteurs de compassion et un demandeur qui souhaite que des raisons d'ordre humanitaire soient prises en compte parce qu'il ne se qualifie pas de la façon habituelle devrait le mentionner dans ses prétentions (voir à cet égard la décision Plata c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 195. Selon les faits de la présente affaire, je ne peux pas conclure qu'il existe une preuve claire que le demandeur ait demandé à l'agente de prendre en compte des raisons d'ordre humanitaire suivant le paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration, ou autrement, et le demandeur n'est pas dans une situation de dernier membre de la famille se trouvant encore à l'étranger. Le demandeur bénéficiait des conseils d'un avocat et il aurait pu soulever ces questions s'il avait souhaité le faire.

[57]            Le demandeur renvoie en outre à plusieurs notes de service sur les opérations qui se rapportent à la LIPR, datées du 23 juin 2003, pour prétendre que les objectifs énoncés dans les notes de service exigent qu'un agent à l'étranger examine les facteurs d'ordre humanitaire dans les cas de parrainage dans la catégorie du regroupement familial. Toutefois, il semblerait que de telles notes de service n'étaient pas en vigueur durant la période pertinente et que l'agente dans la présente affaire n'aurait ainsi même pas pu s'y référer. Le demandeur soulève en outre le Guide OP 4 adopté suivant la LIPR qui se rapporte au traitement des circonstances d'ordre humanitaire suivant ce qui est maintenant l'article 25 de la LIPR. Cependant, il est difficile de voir la pertinence de cette directive dans la présente affaire dans laquelle aucune demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire n'a été présentée.


[58]            Le demandeur soulève la question suivante aux fins de la certification :

[TRADUCTION]

Dans les cas où, après étude du dossier, il n'est pas clair que le demandeur a effectivement choisi de ne pas faire subir à un enfant à charge un examen et qu'il n'est pas clair que le demandeur a compris les conséquences de son choix, un agent des visas devrait-il être tenu d'examiner l'affaire en prenant en compte des facteurs d'ordre humanitaire?

[59]            À mon avis, cette question n'est pas compatible avec les faits en l'espèce selon lesquels (suivant le témoignage du père) il est clair qu'un choix a été fait, même si le père et la mère n'en comprenaient pas tout à fait les conséquences. En outre, je suis d'avis que la jurisprudence à l'égard des obligations d'un agent des visas dans une telle situation est bien établie.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande est rejetée;


2.          Aucune question n'est certifiée.

                                                                                 _ James Russell _             

                                                                                                     Juge                       

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                IMM-567-02

INTITULÉ :               MILOS JANKOVIC

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 27 OCTOBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS :                                   LE 17 DÉCEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

Sabrina Tozzi                                                     POUR LE DEMANDEUR

Mary Matthews                                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Green & Speigel                                                POUR LE DEMANDEUR

Avocats

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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