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Date : 20040119

Dossier : IMM-10506-03

Référence : 2004 CF 78

Toronto (Ontario), le 19 janvier 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE                                 

ENTRE :

JOSEPH MENSAH

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                                   et

                          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION

[1]                 Il s'agit d'une requête visant l'obtention d'un sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi. Le demandeur doit être renvoyé du Canada le 20 janvier 2004.

[2]                 Le demandeur demande à la Cour de surseoir à une convocation pour se présenter aux fins de son renvoi établie par l'agente d'expulsion, Tammy Hanlon, le 10 décembre 2003, et communiquée au demandeur le même jour. Cette convocation prévoit que le demandeur doit se présenter aux fins de son renvoi au Ghana le 20 janvier 2004, à 15 h.


CONTEXTE

[3]                 Le demandeur vit au Canada depuis 6 ans. Il a déposé une demande fondée sur des considérations humanitaires (demande CH) qui est toujours en instance. (Il s'agit de sa troisième demande CH.)

[4]                 Le demandeur a une conjointe de fait et un bébé de 4 mois. Le demandeur a un emploi et pourvoit aux besoins financiers de sa conjointe et de son enfant. La conjointe du demandeur ne travaille pas hors du foyer.

QUESTION EN LITIGE

La Cour doit-elle surseoir à la mesure de renvoi?

ANALYSE

Avant d'accorder un sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi, la Cour doit être convaincue que :

(a)         le demandeur a soulevé une question sérieuse à trancher;


(b)         le demandeur subira un préjudice irréparable s'il est renvoyé du Canada;

(c)         la prépondérance des inconvénients penche en faveur du demandeur. Le demandeur doit satisfaire aux trois volets du critère. (Voir l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.). Pour la Cour, si l'un des trois volets du critère n'est pas respecté, le critère lui-même n'est pas respecté.

[5]                 Le demandeur prétend que l'intérêt supérieur de l'enfant n'a pas été pris en compte et que cela soulève en soi une question sérieuse. La Cour est saisie de cette question.


[6]                 Dans des circonstances exceptionnelles, comme lorsqu'une demande CH a été déposée en temps utile, mais qu'elle est demeurée en instance pendant un temps excessivement long, un sursis peut être accordé (voir p. ex. la décision Harry c. Canada (M.C.I.))[1]. Toutefois, ordinairement, la simple existence d'une demande CH ne peut empêcher l'exécution d'une mesure de renvoi (voir p. ex. la décision Simoes c. Canada (M.C.I.))[2]. De plus, le fait que l'intérêt supérieur de l'enfant du demandeur n'ait pas encore été pris en considération ne constitue pas un motif suffisant pour l'octroi d'un sursis. Ce n'est pas à l'agent d'immigration appelé à se prononcer sur la demande CH ni à la Cour d'examiner l'intérêt supérieur de l'enfant. Il ne s'agit pas en soi d'une question à trancher et, par conséquent, il ne s'agit pas d'une question sérieuse à trancher.

[7]                 Le défendeur soutient que la demande CH a été déposée en octobre 2003 après l'entrevue relative au renvoi du demandeur. Il en a également déposé une en 1998 et une autre en 2002. Une autre femme que sa conjointe actuelle a parrainé sa première demande. Cette demande a été rejetée en septembre 2001. Une autre femme a parrainé sa deuxième demande. Elle a toutefois retiré sa demande de parrainage après avoir appris que le demandeur l'avait épousée uniquement pour pouvoir immigrer au Canada.

[8]                 Le demandeur prétend également qu'il a expressément demandé à l'agente d'exécution de surseoir au renvoi en l'espèce afin de tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, mais que l'agente n'a pas donné suite à sa demande. L'agente d'exécution a le pouvoir discrétionnaire de surseoir au renvoi. L'agente d'exécution n'a pas sursis au renvoi lorsqu'elle a reçu les documents pertinents.


[9]                 Nulle part ne prévoit-on que l'agent d'exécution est tenu de donner suite à une demande de sursis d'exécution d'une mesure de renvoi. Dans les cas de délivrance de visas de résidence permanente, toutefois, la Cour a décidé qu'une fois que le demandeur demande à l'agent des visas d'exercer son pouvoir discrétionnaire de lui délivrer un visa malgré le fait qu'il n'a pas reçu suffisamment de points d'appréciation pour son obtention, l'agent des visas est tenu de décider s'il va ou non exercer son pouvoir discrétionnaire; ce n'est pas la situation en l'espèce.

[10]            Dans la décision Prasad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[3], le juge Russell a résumé les critères que doit examiner l'agent d'exécution. Il est également reconnu que les termes impératifs de l'article 48 de la LIPR indiquent clairement que lorsqu'il existe une mesure de renvoi valide et exécutoire, le renvoi immédiat est la règle et le sursis, l'exception.

[11]            Le demandeur maintient également que le fait, comme en l'espèce, que la nouvelle loi soit à l'étude ou fasse l'objet d'une contestation fait naître en soi une question sérieuse à juger. Le demandeur présente sa requête sous le régime de la nouvelle loi, mais la question soulevée ne semble pas ne pas avoir été examinée avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Par conséquent, comme il n'y a rien de nouveau, cela ne constitue pas une question sérieuse.

[12]            Le demandeur soutient que le défendeur a l'obligation juridique comme décideur d'apprécier sa demande CH; le défendeur ne dit toutefois pas que la demande ne sera pas appréciée. Elle pourrait tout simplement ne pas être appréciée avant le renvoi du demandeur du Canada. Par conséquent, la question de savoir si le défendeur s'acquitte de son obligation juridique n'est pas en cause.


CONCLUSION

[13]            Comme le premier volet du critère n'a pas été respecté, la requête en sursis d'exécution de la mesure de renvoi est rejetée.

                                                                     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la requête soit rejetée.

« Michel M. J. Shore »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                  IMM-10506-03

INTITULÉ :                                                 JOSEPH MENSAH

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                         TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                       LE 19 JANVIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                LE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS :                               LE 19 JANVIER 2004

COMPARUTIONS :

Munyonzwe Hamalengwa                              POUR LE DEMANDEUR

Jeremiah Eastman                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Munyonzwe Hamalengwa                              POUR LE DEMANDEUR

Avocat

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)


                          COUR FÉDÉRALE

                                            

Date : 20040119

Dossier : IMM-10506-03

ENTRE :

JOSEPH MENSAH

                                                                       demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                        défendeur

                                                                           

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                           

                                                                                         



[1]Harry c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1727.

[2]Simoes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 936.

[3][2003] A.C.F. no 805.


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