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Date : 20031105

Dossier : IMM-2829-02

Référence : 2003 CF 1235

Toronto (Ontario), le 5 novembre 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

ENTRE :

                                                          SINNAPPU SELLATHURAI

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée conformément à l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7, à l'égard de la décision de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) datée du 24 mai 2002, dans laquelle la Commission a décidé que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]                 Le demandeur sollicite une ordonnance annulant la décision de la Commission et renvoyant l'affaire à un tribunal différemment constitué pour nouvelle décision, conformément aux directives que la Cour estime appropriées.

Contexte

[3]                 Le demandeur, Sinnappu Sellathurai, est un citoyen sri-lankais. Il soutient avoir une crainte fondée de persécution en raison de son appartenance à un groupe social particulier (c'est-à-dire, les hommes tamouls du nord du Sri Lanka). D'après le demandeur, la persécution serait le fait des autorités du Sri Lanka, en particulier de l'armée, et des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (TLET).

[4]                 Le demandeur invoque les problèmes qu'il a connus à cause des TLET et de l'armée du Sri Lanka. Le demandeur a travaillé comme conducteur d'autobus au Sri Lanka de mai 1970 au mois de décembre 1986 dans une région sur le contrôle des TLET. Il soutient avoir été harcelé par les TLET qui lui ont ordonné de conduire leurs véhicules. Le demandeur a également été enlevé par les TLET à plusieurs reprises.

[5]                 En 1995, le demandeur et sa famille ont apporté de l'aide à des réfugiés tamouls qui venaient d'arriver dans leur village. Le demandeur affirme que les TLET l'ont obligé à demander à ces réfugiés de se joindre au mouvement des TLET.


[6]                 Le demandeur soutient également qu'en 1995, un informateur l'a identifié comme un partisan des TLET. À la suite de quoi il a été arrêté, interrogé, battu et détenu pendant trois jours par l'armée sri-lankaise.

[7]                 En avril 2000, le demandeur et sa famille ont quitté leur village pour éviter les durs combats qui se livraient aux alentours et sa maison a été endommagée. En août 2000, le demandeur a été arrêté avec sa famille au cours d'une opération de ratissage de l'armée. Il a été détenu pendant trois mois et n'a été relâché qu'après avoir versé un pot-de-vin. Une fois libéré, il a été incapable de retrouver les membres de sa famille. Il s'est rendu à Vavuniya et ensuite à Colombo. La police a retrouvé le demandeur au cours d'une descente dans le gîte où il résidait et lui a ordonné de quitter Colombo ou d'assumer les conséquences. Le demandeur a alors pris des dispositions pour quitter le Sri Lanka avec l'aide d'un intermédiaire et s'est rendu au Canada.

Les conclusions de la Commission


[8]                 La Commission a jugé que la crédibilité était la question centrale de l'évaluation de la revendication du demandeur. La Commission a décidé que le témoignage du demandeur n'était pas crédible ou digne de foi, en raison des contradictions existant entre les notes prises au point d'entrée (PDE) et l'exposé narratif du demandeur dans son FRP, ainsi que de certaines incohérences entre le témoignage du demandeur et celui de sa représentante désignée. Le tribunal a conclu que ni le demandeur ni sa représentante désignée n'avait livré un témoignage suffisamment crédible ou digne de foi pour pouvoir rendre une décision favorable à son égard.

[9]                 La Commission a exprimé les réserves suivantes :

Selon les notes au PDE, le demandeur voyageait avec un citoyen canadien n ° 2673-4374 qui apparemment a été accusé de complicité relativement à l'entrée illégale du demandeur au Canada. Il semble que son compagnon de voyage ait reconnu que son ami, le fils du demandeur, lui a demandé d'aider le demandeur à entrer au Canada. Le demandeur aurait eu la présence d'esprit pour dire aux autorités canadiennes qu'il venait tout juste de rencontrer l'homme sur le vol en partance de Paris et que ce dernier lui était venu en aide lorsqu'il le lui a demandé. Il n'est pas indiqué dans les notes au PDE si le citoyen canadien a été reconnu coupable d'une infraction quelconque.

Le demandeur a également dit aux autorités au point d'entrée que sa maison avait été complètement détruite en 1993, alors qu'il est indiqué sur son FRP que cela se serait produit en 2000. Il semble également que le demandeur ait dit aux agents au point d'entrée qu'il était séparé de son épouse depuis juillet 1983, alors qu'il a indiqué 2000 sur son FRP. En outre, le demandeur a dit aux agents au point d'entrée qu'il avait deux enfants au Canada, alors qu'il a indiqué en avoir trois sur le FRP. Il a également dit aux agents au point d'entrée que sa date de naissance était le 27 mars 1939, alors qu'il a indiqué le 10 avril 1939 sur son FRP. Le demandeur aurait en outre indiqué aux agents au point d'entrée qu'il n'avait aucune difficulté avec le gouvernement ou les autorités policières, tandis que sur son FRP il allègue avoir été arrêté et détenu pendant trois mois en 2000. De plus, le demandeur a dit aux agents au point d'entrée qu'il avait quatre enfants, alors qu'il a indiqué cinq sur son FRP.

La Commission a conclu que les contradictions comme celles que nous venons de citer n'ont pas été résolues de façon satisfaisante.

[10]            La Commission a déclaré ce qui suit au sujet du profil du demandeur :


La preuve documentaire ne renferme aucun élément qui permettrait de montrer de façon générale qu'un Tamoul de 63 ans qui demeure dans le nord, c'est-à-dire une région sous contrôle du gouvernement, soit soupçonné par le gouvernement ou les autorités d'être membre des TLET ou nécessairement de les soutenir. Quoi qu'il en soit, à l'audience, le demandeur a témoigné qu'il ne craignait pas à l'heure actuelle l'armée mais bien les TLET. Le tribunal, par conséquent, détermine que le demandeur n'est pas justifié de craindre la persécution aux mains de l'armée ou de la police au Sri Lanka, qui le maltraiterait au point de constituer de la persécution. Le demandeur, un Tamoul âgé, pourrait bien être interrogé par l'armée pour ce qui est des activités des TLET, mais le tribunal n'est pas d'avis qu'il y ait plus qu'une simple possibilité de persécution aux mains de l'armée, dans la mesure où le demandeur rentrait dans son pays natal.

Pour ce qui est de la présumée crainte du demandeur à l'endroit des TLET, il y a une preuve abondante dans le matériel documentaire déposé auprès du tribunal qui indique que les TLET font de fait des incursions dans les zones sous contrôle du gouvernement pour y mener des actes terroristes, tels que l'attaque à l'aéroport de Colombo l'été dernier, ainsi que d'autres activités dans les zones sous le contrôle du gouvernement. Le tribunal ne remet pas en doute le fait que les TLET extorquent de l'argent aux Tamouls dans les deux régions qui sont sous leur contrôle et qu'ils s'aventurent dans les régions sous contrôle du gouvernement pour extorquer de l'argent aux Tamouls qui s'y trouvent. Toutefois, aucune preuve crédible ou digne de foi n'a été déposée auprès du tribunal selon laquelle le demandeur a souffert aux mains des TLET par le passé. Le tribunal est conscient qu'un conflit persiste au Sri Lanka, même aujourd'hui, entre les TLET et l'armée, et qu'une région qui peut être sous le contrôle du gouvernement aujourd'hui peut être prise par les TLET demain ou vice versa. Il semble cependant, selon le témoignage même du demandeur, que les TLET s'intéressent seulement à lui en sa capacité de conducteur d'autobus ou pour l'aider à recruter des jeunes gens. Les TLET ne l'ont pas maltraité de quelque façon que ce soit par le passé, soit en le battant ou en lui infligeant d'autres mauvais traitements. Toutefois, le demandeur mentionne dans son FRP qu'il a été agressé et menacé par les TLET lorsqu'il a refusé de se soumettre à leurs ordres, mais il n'a pas répété cette information à l'audience. En effet, le demandeur a témoigné que les TLET l'ont payé pour services rendus ou qu'ils lui ont donné du riz. Compte tenu de l'âge et du profil du demandeur, il ne semble pas que les TLET lui demanderaient de participer à des opérations militaires pour leur compte ou le contraindraient autrement à se battre pour leur cause. Le tribunal ne croit pas que le témoignage du demandeur soit crédible, pour ce qui est des TLET qui l'obligeraient à conduire pour eux, voire même qu'il y a une telle pénurie de travailleurs expérimentés au Sri Lanka que les TLET l'exigeraient de conduire pour eux, maintenant que le demandeur est âgé de 63 ans et qu'il souffre de troubles médicaux.

[11]            La Commission a conclu que le demandeur n'était pas un témoin crédible ou digne de foi et n'a pas été en mesure de conclure que les événements relatés par le demandeur s'étaient véritablement produits.

[12]            La Commission a conclu que la revendication du demandeur ne contient pas les éléments subjectifs et objectifs exigés pour établir une crainte fondée de persécution.


Les arguments du demandeur

[13]            Le demandeur soutient que le tribunal a commis une erreur de droit parce qu'il n'a pas correctement évalué la revendication du demandeur. Étant donné que trois des enfants du demandeur ont été acceptés en qualité de réfugié au sens de la Convention au Canada à partir des mêmes faits, le demandeur soutient que sa revendication aurait dû être évaluée de la même façon que celle de ses enfants.

[14]            Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur de droit lorsqu'elle s'est prononcée sur sa crédibilité parce qu'elle n'a pas accordé suffisamment d'importance à la preuve médicale présentée par le demandeur. La Commission n'a pas écarté le rapport psychologique, ni mis en doute les conclusions de ce rapport mais elle n'y a pas vu une explication satisfaisante des contradictions existant entre l'entrevue tenue au point d'entrée et le témoignage du demandeur. En outre, le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur susceptible d'être révisée parce qu'elle a accepté le rapport médical qui pronostiquait un syndrome de stress post-traumatique chez le demandeur mais a rejeté ensuite l'affirmation du demandeur selon laquelle il avait été persécuté auparavant.


[15]            Le demandeur soutient également que la Commission en est arrivée à une conclusion défavorable au sujet de sa crédibilité concernant les événements du mois d'août 2000, mais qu'elle n'a pas formulé de conclusion semblable à l'égard des événements antérieurs à cette date. L'omission de la part de la Commission de prendre en compte ces éléments constitue donc une erreur susceptible d'entraîner l'annulation de la décision.

[16]            Pour ce qui est des contradictions signalées par la Commission, le demandeur soutient qu'elles ne touchent pas des points essentiels de sa revendication et que la Commission a accordé une grande importance à des contradictions sur des points mineurs, tout en écartant les nombreuses preuves de persécution qu'a subie le demandeur ainsi que celles qui concernaient le statut de réfugié reconnu à ses enfants.

Les arguments du défendeur

[17]            Le défendeur soutient que la décision de la Commission n'est pas manifestement déraisonnable.

[18]            Le défendeur soutient que les nombreuses contradictions qui existent entre les notes prises au point d'entrée et le témoignage du demandeur ont entraîné une décision défavorable au sujet de la crédibilité du demandeur, ce qui était justifiée compte tenu des invraisemblances relevées par la Commission.

[19]            Questions en litige

1.          La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de révision parce qu'elle a omis d'examiner si la situation du demandeur était semblable à celle de ses enfants?

2.          La Commission a-t-elle commis une erreur en acceptant les preuves médicales et en concluant par la suite que le demandeur n'avait pas été persécuté auparavant?

3.          La Commission a-t-elle commis d'autres erreurs qui justifieraient un nouvel examen de l'affaire?

Les règles, dispositions réglementaires et législatives pertinentes

[20]            Le paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, tel que modifié, définit « réfugié au sens de la Convention » de la façon suivante :

« réfugié au sens de la Convention » Toute personne :

"Convention refugee" means any person who

a) qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

(a) by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(i) soit se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) is outside the country of the person's nationality and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to avail himself of the protection of that country, or

(ii) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de cette crainte, ne veut y retourner;

(ii) not having a country of nationality, is outside the country of the person's former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to return to that country, and

b) qui n'a pas perdu son statut de réfugié au sens de la Convention en application du paragraphe (2).

Sont exclues de la présente définition les personnes soustraites à l'application de la Convention par les sections E ou F de l'article premier de celle-ci dont le texte est reproduit à l'annexe de la présente loi.

(b) has not ceased to be a Convention refugee by virtue of subsection (2),

but does not include any person to whom the Convention does not apply pursuant to section E or F of Article 1 thereof, which sections are set out in the schedule to this Act;

Analyse et décision

[21]            Question en litige n ° 1

La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de révision parce qu'elle a omis d'examiner si la situation du demandeur était semblable à celle de ses enfants?

Le fils aîné du demandeur a fui le Sri Lanka en 1987 et a cherché refuge en Norvège, où il a obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention. Le deuxième fils, la fille aînée et le troisième fils du demandeur sont arrivés au Canada en 1991, 1992 et 1995, respectivement. Tous ont obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention. Le demandeur soutient que la Commission aurait dû examiner la question de savoir s'il était un réfugié en se fondant sur le fait que ses enfants avaient été acceptés au Canada en qualité de réfugié au sens de la Convention. Les seules preuves que le demandeur a apportées concernant ses enfants portaient sur le fait qu'ils avaient été acceptés à titre de réfugiés et l'année à laquelle ils avaient quitté le Sri Lanka. Pour l'essentiel, le demandeur soutient qu'en omettant d'examiner dans sa décision si le demandeur se trouvait dans une situation semblable à celle de ses enfants, la Commission a commis une erreur susceptible d'être révisée.

[22]            Le demandeur invoque l'arrêt Vettivelu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1038 (1re inst.). Dans cette affaire, le demandeur avait présenté des preuves indiquant que ses enfants s'étaient vu apparemment reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention en raison des activités politiques des membres de la famille. Le juge Rothstein (depuis juge d'appel) a déclaré que la Commission avait commis une erreur susceptible d'être révisée parce qu'elle n'avait pas abordé cet aspect dans sa décision. La situation n'est pas la même en l'espèce, étant donné que le demandeur n'a pas apporté de preuve concernant les raisons pour lesquelles ses enfants se sont vu reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention. En l'absence de preuve sur ce point, la Commission, même si elle avait jugé bon d'examiner cette question, n'aurait pas été en mesure de déterminer si le demandeur se trouvait dans une situation semblable à celle de ses enfants. La Commission n'a donc pas fait d'erreur sur ce point. L'affaire Bernadine c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 1590 (1re inst.), ne s'applique pas non plus ici parce qu'en l'espèce, la Commission a formulé en termes clairs et nets ses conclusions (les parties ont cité l'arrêt Bernadine sous l'intitulé « Perera » ).

[23]            Question en litige n ° 2

La Commission a-t-elle commis une erreur en acceptant les preuves médicales et en concluant par la suite que le demandeur n'avait pas été persécuté auparavant?

Le demandeur a présenté un rapport médical qui a fait l'objet des commentaires suivants par la Commission aux pages 5 et 6 de sa décision :


Le tribunal est au fait du rapport médical du 26 mars 2002, préparé par le Dr Sooriabalan, psychiatre tamoul; ce rapport figure dans la pièce C-4. Il semble, d'après le rapport, que le demandeur a vu le Dr Sooriabalan à une seule occasion, c.-à-d. le 15 février 2002. Il ne semble pas qu'il y ait eu d'autres visites avant la rédaction du rapport, comme le Dr Sooriavbalan affirme : « J'espère le voir régulièrement » . Le tribunal n'a pas les compétences en médecine ou en psychiatrie voulues pour réfuter les conclusions médicales du psychiatre et ne remet pas en doute les conclusions d'ordre médical de ce dernier, ni que le demandeur ait éprouvé certains troubles médicaux. Le tribunal remarque toutefois que le Dr Sooriavbalan précise que le demandeur avait de la difficulté à se concentrer et avait une piètre mémoire à court terme.

[24]            Le rapport du Dr Sooriabalan mentionne que le demandeur manifestait des symptômes de troubles dépressifs graves et de syndrome de stress post-traumatique. Le demandeur soutient qu'étant donné que la Commission a accepté les conclusions médicales du psychiatre, elle a agi de façon arbitraire en refusant de conclure que le demandeur avait fait l'objet de persécution dans le passé. Cet argument n'est guère convaincant puisque la Commission n'a pas estimé que les conclusions sur lesquelles le rapport médical était fondé étaient dignes de foi. Il est fort possible que le demandeur ait effectivement été atteint des troubles mentionnés dans le rapport médical mais cela ne démontre pas la véracité de la version des faits fournie par le demandeur. J'estime que la Commission n'a pas fait d'erreur susceptible d'être révisée sur ce point.

[25]            Question en litige n ° 3

La Commission a-t-elle commis d'autres erreurs qui justifieraient un nouvel examen de l'affaire?


Le demandeur soutient que la Commission a certes formulé une conclusion défavorable au sujet de sa crédibilité concernant l'incident du mois d'août 2000 mais que celle-ci n'a pas porté le même jugement négatif sur les autres incidents sur lesquels repose sa revendication. Le demandeur soutient qu'il s'agit là d'une erreur susceptible d'être révisée.

[26]            Aux pages 6 et 7 de sa décision, la Commission a déclaré :

Toutes les difficultés susmentionnées relativement au témoignage du demandeur lors de l'audience et les questions concernant la plausibilité des faits indiqués dans l'exposé narratif sur le FRP ont poussé le tribunal à conclure que le demandeur n'est pas un témoin crédible ni digne de foi. En outre, le tribunal ne peut conclure que l'un ou l'autre incident mentionné par le demandeur lors de son témoignage et qui le concerne directement se soit de fait produit. Le tribunal croit, au moment de peser tous les éléments de preuve, que le demandeur a fabriqué son arrestation par l'armée en août 2000 pour étoffer sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention au Canada.

Ainsi, le tribunal détermine que la présomption de véracité du témoignage du demandeur a été réfutée. Le tribunal ne peut conclure que le demandeur a subi la persécution qu'il allègue avoir subie par le passé.

[27]            La Commission s'est prononcée de façon générale sur la crédibilité du demandeur et a examiné la question de la présomption de véracité de la déclaration du demandeur en disant que celle-ci avait été réfutée en l'espèce. La Commission n'était pas tenue d'aborder tous les éléments de la revendication du demandeur et de se prononcer sur la crédibilité de chacun d'entre eux.


[28]            Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur en tirant une déduction défavorable des contradictions existant entre les preuves orales et documentaires au sujet de questions qui ne touchaient pas les aspects essentiels de sa revendication. Le demandeur invoque l'arrêt Mahathmasseelan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] A.C.F. no 1110 (C.A.), et soutient que la Commission était tenue d'examiner les contradictions apparentes existant dans le témoignage du demandeur en tenant compte de l'ensemble des preuves présentées. Le demandeur soutient que la Commission a omis de tenir compte de preuves crédibles concernant les questions essentielles et s'est concentrée à tort sur les contradictions portant sur des questions accessoires.

[29]            J'ai examiné les motifs de la Commission et je note les contradictions suivantes qui figurent aux pages 4 et 5 de la décision :

1.          Le demandeur a déclaré aux autorités au point d'entrée que sa maison avait été complètement détruite en 1993, alors qu'il est indiqué sur son FRP que cela s'est produit en 2000.

2.          Le demandeur a déclaré aux autorités au point d'entrée qu'il était séparé de son épouse depuis juillet 1983, alors que dans les notes du FRP, il mentionne que cela s'est produit en 2000.

3.          Au point d'entrée, il a déclaré aux autorités qu'il avait deux enfants au Canada, alors que dans son FRP, il déclare en avoir trois.

4.          Le demandeur a déclaré aux autorités au point d'entrée qu'il n'avait aucune difficulté avec le gouvernement ou les autorités policières, tandis que sur son FRP il allègue avoir été arrêté et détenu pendant trois mois en 2000.

5.          Au point d'entrée, il a déclaré aux autorités qu'il avait quatre enfants, alors que sur son FRP, il mentionne en avoir cinq.


J'estime que la Commission pouvait fort bien tirer une conclusion négative au sujet de la crédibilité du demandeur en se fondant sur ces contradictions. Il est facile d'établir une distinction entre les faits de l'espèce et ceux de l'affaire Mahathmasseelan, précitée, une affaire citée par le demandeur, dans laquelle la Commission n'a pas conclu à l'absence totale de crédibilité malgré l'existence de plusieurs contradictions dans le témoignage du revendicateur. Dans l'affaire Mahathmasseelan, précitée, la Commission a conclu que le revendicateur avait une crainte subjective d'être persécutée qui était peut-être exagérée. En appel, la juge Desjardins, parlant au nom de la Cour d'appel, a déclaré que la Commission avait commis une erreur parce qu'elle avait accordé trop d'importance à des contradictions qui ne portaient pas sur des points essentiels de la revendication et avait écarté des parties crédibles et documentées de la revendication. Appliquée aux faits de l'espèce, cette décision n'est d'aucun secours pour le demandeur. En l'espèce, la Commission n'a pas cru que les événements décrits par le demandeur au cours desquels il avait été maltraité s'étaient vraiment produits. L'évaluation générale de la crédibilité du demandeur qu'a faite la Commission se fonde en partie sur les contradictions qui se trouvent dans le témoignage du demandeur et ces conclusions ne sont pas comparables à celles qui ont été déclarées invalides dans l'arrêt Mahathmasseelan, précité. Les conclusions auxquelles en est arrivée la Commission sur ce point ne constituent pas une erreur susceptible d'être révisée.


[30]            Le demandeur a contesté l'affirmation de la Commission selon laquelle le demandeur n'avait pas le profil des personnes qui risquent d'être persécutées au Sri Lanka par l'armée sri-lankaise ou par les TLET. D'après son propre témoignage, le demandeur ne craignait pas l'armée, à moins que les combats ne reprennent. J'estime que cette déclaration a probablement joué un rôle déterminant dans l'esprit de la Commission pour ce qui est de l'existence d'une crainte fondée de persécution aux mains de l'armée de la part du requérant. Selon son propre témoignage, il n'avait pas cette crainte.

[31]            La Commission a également suffisamment expliqué pourquoi elle a déclaré qu'elle ne pouvait conclure « que le demandeur fait face à plus qu'une simple possibilité de persécution aux mains des TLET s'il devait retourner dans le nord du pays » . La Commission n'a pas commis d'erreur sur ces points.

[32]            Je suis convaincu que la Commission n'a pas commis d'erreur susceptible d'être révisée dans ses conclusions. La demande de contrôle judiciaire est par conséquent rejetée.

[33]            Aucune des parties ne souhaite présenter une question grave de portée générale en vue de la faire certifier.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                                                                                  _ John A. O'Keefe _             

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                                                                                                             Juge                            

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                       COUR FÉDÉRALE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                         IMM-2829-02

                                                         

INTITULÉ :                        SINNAPPU SELLATHURAI

                                                                                                                   

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                   

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE 27 MAI 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :       LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :      LE 5 NOVEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

Jegan N. Mohan                                                   POUR LE DEMANDEUR

Tamrat Gebeyehu                                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mohan & Mohan                                                  POUR LE DEMANDEUR

Scarborough (Ontario)

Morris Rosenberg                                                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE

Date : 20031105

Dossier : IMM-2829-02

ENTRE :

SINNAPPU SELLATHURAI           

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                      

défendeur

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MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

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