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Date : 20030917

Dossier : IMM-7068-03

Référence : 2003 CF 1075

Toronto (Ontario), le 17 septembre 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON                                 

ENTRE :

SUDHAHINI THIRUNAVUKKARASU

et ANTON FREDRICK MARIANAYAGAM

                                                                                                                                                   demandeurs

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Les demandeurs sollicitent un sursis à l'exécution des mesures de renvoi prises à leur endroit, renvoi prévu pour le 18 septembre 2003, et ils contestent par une demande sous-jacente le refus de l'agent d'exécution de reporter le renvoi. La demanderesse, Sudhahini Thirunavukkarasu, est citoyenne du Sri Lanka et le demandeur, Anton Fredrick Marianayagam, est citoyen d'Allemagne. L'historique d'immigration de ce couple est énoncé au paragraphe suivant.

[2]                 La demanderesse est entrée au Canada le 11 janvier 1999 et elle a revendiqué le statut de réfugiée. Le demandeur est entré au Canada le 1er mai 1999 et il a revendiqué le statut de réfugié. Le demandeur a retiré de vive voix sa revendication lors de l'audience du 9 novembre 1999 en raison de sa citoyenneté allemande. Le statut de réfugiée de la demanderesse (qui lui a été accordé le 28 avril 1999) a été révoqué le 9 janvier 2002 au motif que sa revendication était une machination montée sur des renseignements frauduleux et sur l'inexactitude de faits importants à l'égard de sa situation personnelle au Sri Lanka. La demanderesse n'a pas sollicité le contrôle judiciaire de cette décision. Chacun des demandeurs a eu la possibilité de présenter une demande d'examen des risques avant renvoi (ERAR). Le demandeur a signé une déclaration selon laquelle il n'avait [TRADUCTION] « pas l'intention » de présenter une demande d'ERAR. La demanderesse a présenté une demande d'ERAR et une décision défavorable a été rendue le 9 juillet 2003. Elle n'a pas tenté d'obtenir l'autorisation de présenter une demande de contrôle de cette décision. Le 19 août 2003, les demandeurs ont reçu l'ordre de se présenter pour leur renvoi. Le 25 août, ils ont transmis à Citoyenneté et Immigration Canada une demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire. Le 28 août, l'agent d'exécution à Montréal a reçu une demande de report du renvoi des demandeurs. Le 9 septembre, l'agent d'exécution a informé les demandeurs qu'il avait conclu, après avoir examiné les documents et après avoir évalué la situation, que [TRADUCTION] « les circonstances ne justifiaient pas que le renvoi soit reporté » .


[3]                 Il est bien établi que les demandeurs doivent satisfaire au critère en trois volets énoncé dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.), à savoir qu'il existe une question grave, qu'il résultera un préjudice irréparable du refus d'accorder un sursis et que la prépondérance des inconvénients joue en faveur du demandeur. Il est aussi bien établi que les éléments du critère sont conjonctifs et que le fait qu'un seul des trois éléments ne soit pas présent est suffisant pour que le critère ne soit pas satisfait. Je suis d'avis qu'il est bien établi en droit que dans les cas où un sursis permettrait que soit accordée la réparation que le demandeur tente d'obtenir en présentant une demande sous-jacente, le niveau de la « question grave » n'est pas simplement le niveau de la question futile ou vexatoire. Lorsqu'une requête présentée en vue d'obtenir un sursis est présentée à l'égard du refus de reporter le renvoi, le juge qui entend la requête ne devrait pas simplement appliquer le critère de la « question grave » , mais il devrait aller plus à fond et examiner attentivement la demande sous-jacente : voir à cet égard la décision Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 3 C.F. 682 (1re inst.).

[4]                 Les demandeurs font valoir que, étant donné qu'ils ont soumis une demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire, l'article 233 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), établit que le ministre peut, suivant le paragraphe 25(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), même avant que soit tranchée définitivement la question de savoir si un statut de résident permanent doit être accordé suivant la demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire, surseoir à un renvoi s'il existe des circonstances d'ordre humanitaire. Ce paragraphe, selon ce que les demandeurs prétendent, exige qu'il y ait au moins une certaine évaluation au fond de la demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire et l'agent d'exécution a l'obligation d'évaluer, au moins de façon temporaire, s'il existe des circonstances d'ordre humanitaire.


[5]                 Cette prétention ne soulève pas une question grave. Mme la juge Simpson, dans la décision Banik c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, IMM-4861-03, a déclaré ce qui suit : [TRADUCTION] « le fait d'accepter l'interprétation du demandeur aurait pour effet de paralyser l'administration de la Loi et, à moins qu'il existe des antécédents législatifs ou que la LIPR prévoit clairement que les obligations des agents chargés du renvoi ont été modifiées, je ne suis pas disposée à conclure que la prétention du demandeur soulève une question grave de droit » . Mme la juge Simpson a conclu que le droit qui a établi, suivant l'ancienne Loi, que le pouvoir discrétionnaire de l'agent chargé du renvoi était limité est toujours applicable. De la même façon, M. le juge O'Reilly, dans la décision Firsova c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 933, A.C.F. no 1190, a conclu que « [l]a disposition ne fait qu'établir que les personnes qui se sont vu accorder l'exemption ne doivent pas être renvoyées avant qu'une décision ait été prise quant à leur demande de résidence permanente. La disposition reconnaît que les agents ont souvent à traiter des demandes de prise en compte de circonstances d'ordre humanitaire alors que les demandeurs sont encore au Canada » . J'appuie et j'adopte le raisonnement de mes collègues à cet égard.       


[6]                 Le défaut d'établir l'existence d'une question grave a pour effet de trancher la requête. J'ajoute, cependant, que si j'avais conclu qu'il existait une question grave, la requête aurait néanmoins été rejetée sur le fondement du préjudice irréparable. La demanderesse prétend qu'elle serait la victime des forces de sécurité sri-lankaises et des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (TLET) qui l'extorqueraient compte tenu du fait qu'elle avait été absente du pays pendant plusieurs années et que son mari avait vécu à l'étranger pendant 18 ans. Cela fait moins de deux mois qu'un agent d'ERAR a conclu que la demanderesse et ses enfants ne seraient pas exposés à de la persécution, à des menaces à leur vie ou à des risques de traitements cruels ou inusités s'ils retournaient au Sri Lanka. Comme il l'a été mentionné précédemment, la demanderesse n'a pas contesté les conclusions de l'ERAR. Elle n'a fourni aucun autre élément de preuve démontrant que la situation avait changé depuis le 8 juillet. Le demandeur, selon ce qu'il prétend, subirait de la persécution au Sri Lanka pour des motifs similaires. Il est renvoyé en Allemagne et non au Sri Lanka. Étant donné qu'il a renoncé à la possibilité de présenter une demande d'ERAR à l'égard de l'Allemagne, je tiens pour acquis qu'il n'estime pas qu'il est exposé à des risques en Allemagne. On a de plus prétendu que le demandeur souffrirait un préjudice psychologique en raison de l'effet dévastateur qu'aurait pour lui le fait d'être séparé de son épouse et de ses enfants. Il existe une abondance de jurisprudence de la Cour qui a statué que la séparation de la famille constitue une conséquence déplorable, mais inévitable de l'expulsion. Cela ne constitue pas un préjudice irréparable.


                                                                     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la requête soit rejetée.

« Carolyn Layden-Stevenson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                              IMM-7068-03

INTITULÉ :                                          SUDHAHINI THIRUNAVUKKARASU

et ANTON FREDRICK MARIANAYAGAM

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE    L'IMMIGRATION

défendeur

DATE DE L'AUDIENCE :              LE 16 SEPTEMBRE 2003

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)                     

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                         LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                        LE 17 SEPTEMBRE 2003

COMPARUTIONS :                         

Lani Gozlan                                                                                   POUR LES DEMANDEURS

                                                                           

Mielka Visnic                                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

                             

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :    

Max Berger & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

                                                                                                      POUR LES DEMANDEURS

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                               POUR LE DÉFENDEUR


       

                                 COUR FÉDÉRALE

Date : 20030917

Dossier : IMM-7068-03

ENTRE :

SUDHAHINI THIRUNAVUKKARASU

et ANTON FREDRICK MARIANAYAGAM

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                                           

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                           

                     


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