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                                                                 Date : 20030218

                                                               Dossier : T-2119-02

                                                 Référence neutre : 2003 CFPI 178

          DANS L'AFFAIRE DE la Loi de l'impô t sur le revenu,

         ET DANS L'AFFAIRE D'UNE cotisation ou des cotisations

         établies par le Ministre du revenu national en vertu

d'une ou plusieurs des lois suivantes : la Loi de l'impô t sur le revenu,

                    le Régime de pensions du Canada,

                     la Loi sur l'assurance-emploi,

CONTRE :

                               ROGER BLOUIN

                          3035, rue St-Samuel

                        Beauport, Québec G1C 3T3

                                                                    Intimé

                                                          (Débiteur-saisi)

                         MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

   Par sa requête basée sur le paragraphe 225.2(8) de la Loi de l'impôt sur le revenu, le requérant Roger Blouin demande la révision de l'ordonnance de recouvrement compromis, rendue par Madame le juge Tremblay-Lamer en vertu du paragraphe 225.2(2) de la même Loi, le 19 décembre 2002.


   La Cour d'appel fédérale, dans Her Majesty the Queen v. Golbeck (le 20 septembre 1990), A-613-90 et A-614-90, [1990] 2 C.T.C. 438, énonce ainsi le critère pour l'obtention d'une semblable ordonnance de recouvrement compromis :

[TRADUCTION]

. . . Il ne s'agissait pas de savoir si cette demande du ministre ne devait être examinée qu'après avoir été signifiée au contribuable, de manière à lui permettre de faire des observations. Il s'agissait plutôt de savoir, en se fondant sur les éléments de preuve soumis au tribunal, si le ministre avait des motifs raisonnables de croire que le contribuable dissiperait, liquiderait ou céderait autrement ses biens de manière à ne plus être en mesure de payer le montant de la cotisation, compromettant ainsi la créance du ministre. . . .

   Plus tard, dans Canada (ministre du Revenu national) c. Services M.L. Marengère Inc. (le 29 novembre 1999), T-460-99, [2000] 1 C.T.C. 229, cette Cour (M. le juge Lemieux) s'appuie sur la jurisprudence antérieure pour notamment rappeler ce qui suit, en ce qui a trait spécifiquement à la question du fardeau de la preuve lors de semblable demande en révision :

(2)     En ce qui concerne le fardeau de la preuve, la personne qui présente une requête en vertu du paragraphe 225.2(8) a le fardeau initial de prouver qu'il existe des motifs raisonnables de croire que le critère prévu au paragraphe 225.2(2) n'a pas étérespecté, c'est-à -dire que l'octroi d'un délai pour payer le montant de la cotisation compromettrait le recouvrement de tout ou partie de ce montant. Toutefois, la Couronne a le fardeau ultime de justifier l'ordonnance de recouvrement de protection accordée sur une base ex parte.

(3)     La preuve doit démontrer que, selon toute probabilité, il est plus probable qu'autrement que l'octroi d'un délai compromette le recouvrement. Il ne s'agit pas de savoir si la preuve démontre au-delà de tout doute raisonnable que le délai accordé au contribuable compromettrait le recouvrement du montant en question.


   Ce sont là les principes de base qui me guident dans la considération et la disposition de la présente affaire. Après audition des procureurs des parties, examen du dossier et révision de la preuve, je suis d'avis qu'il y avait suffisamment d'éléments de preuve devant le juge Tremblay-Lamer pouvant la justifier de conclure que le Ministre, en se fondant sur ces mêmes éléments, « avait des motifs raisonnables de croire que le contribuable dissiperait, liquiderait ou céderait autrement ses biens de manière à ne plus être en mesure de payer le montant de la cotisation, compromettant ainsi la créance du ministre » .

   En effet, la pièce I, un écrit émanant d'un conseiller financier du requérant, déposée au soutien du dossier de requête ex parte du Ministre devant le juge Tremblay-Lamer, notait que le requérant Roger Blouin discutait de scénarios visant à mettre l'ensemble de ses actifs à l'abri de ses créanciers. Il importe de noter qu'au moment de la présentation de la requête ex parte en question, le Ministre n'était pas au courant des transferts d'argent effectués aux tantes du requérant, Rose-Hélène Blouin et Anne-Marie Blouin, et à la mère du requérant, Madeleine Blouin. Dans le document en question, il est mentionné que le requérant envisageait la possibilité, afin de protéger ses actifs, de remettre des sommes d'argent aux noms de ses tantes « en plaidant qu'il s'agissait d'un prêt » . Le document fait en outre état d'une faillite possible, de la création d'une fiducie de protection, de l'octroi de son portefeuille d'investissements en garantie et de la conversion de son REER en régime de retraite insaisissable.

   La preuve du Ministre, lors de la présentation de sa requête ex parte, reposait aussi sur les agissements du requérant Roger Blouin reliés à ses actifs, agissements qui laissaient croire à la mise en oeuvre des scénarios décrits à la pièce I, et ce, de façon concomitante avec l'envoi des avis de cotisations pertinentes par l'Agence des douanes et du revenu du Canada.


   Je suis donc d'avis, sur la base de cette preuve, que non seulement le requérant ne s'est pas déchargé de son fardeau initial de prouver qu'il existe des motifs raisonnables de croire que le critère prévu au paragraphe 225.2(2) n'a pas été respecté, mais qu'en outre le Ministre a bien rencontré le fardeau ultime de justifier l'ordonnance en cause rendue ex parte par le juge Tremblay-Lamer en établissant que, selon toute probabilité, il était plus probable qu'autrement que l'octroi d'un délai compromettre le recouvrement recherché.

   Pour ce qui est de l'opposition aux demandes formelles de paiement émises par le Ministre aux institutions financières relativement aux comptes bancaires portant les noms de Anne-Marie Blouin, Rose-Hélène Blouin et Madeleine Blouin, au motif que ces demandes formelles sont irrégulières et illégales, je considère que nous sommes ici en présence d'une pure décision administrative d'un office fédéral basée sur le paragraphe 224(1)de la Loi de l'impôt sur le revenu, et que cette décision particulière ne peut pas être attaquée par le biais d'une demande de révision faite en vertu du paragraphe 225.2(8) de cette loi.

   Pour toutes ces raisons, la requête est rejetée. Considérant toutefois que le Ministre a soustrait de la saisie administrative les sommes d'argent détenues aux comptes bancaires de Rose-Hélène Blouin, Anne-Marie Blouin et Madeleine Blouin, à l'exception des sommes transférées le 3 décembre 2002 en provenance du compte personnel du requérant Roger Blouin, et considérant que le Ministre a donné main-levée de la saisie mobilière pratiquée au domicile du requérant, il n'y aura pas d'adjudication de dépens.


                                                                    

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 18 février 2003


                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                          SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

             NOMS DES AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                              T-2119-02

INTITULÉ :                           LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU c. ROGER BLOUIN

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                   Le 13 février 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE :     L'honorable juge Pinard

EN DATE DU :                    18 février 2003

ONT COMPARU :

Me Sophie Matte                      POUR SA MAJESTÉ LA REINE

Me Daniel Bourgeois                         POUR LE DÉBITEUR-SAISI

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                      POUR SA MAJESTÉ LA REINE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pothier, Delisle                       POUR LE DÉBITEUR-SAISI

Sainte-Foy (Québec)

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