Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


  Selvakumaran c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 842

Jugements de la Cour fédérale du Canada

 

Cour fédérale du Canada - Section de première instance

 Toronto (Ontario)

Le juge McKeown

Entendu : le 22 mai 2002.

Rendu : le 31 mai 2002.

Dossier IMM-5103-01

 

[2002] A.C.F. no 842  |  [2002] F.C.J. No. 842  |  2002 CFPI 623  |  2002 FCT 623  |  114 A.C.W.S. (3d) 714

Entre Sivachelvam Selvakumaran, Vasanthi Selvakumaran ainsi que Nirosha Selvakumaran et Prasanth Selvakumaran, mineurs représentés par leur tuteur à l'instance, Sivachelvam Selvakumaran, demandeurs, et Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, défendeur


(23 paras.)



Avocats

 

 


Lorne Waldman, pour les demandeurs. Greg G. George, pour le défendeur.

 



** Traduction **

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

LE JUGE McKEOWN


1  Les demandeurs cherchent à obtenir le contrôle judiciaire d'une décision, en date du 4 octobre 2001, de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) selon laquelle Sivachelvam Selvkumaran (le demandeur), sa femme, Vasanthi Selvakumaran, et ses deux enfants, Nirosha et Prasanth, ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention.


2 Il s'agit de savoir si la Commission a commis une erreur dans ses conclusions au sujet de la crédibilité.


FAITS :


3 Le demandeur est un Tamoul adulte de Point Pedro, dans le Nord du Sri Lanka. Sa revendication est fondée sur sa crainte d'être persécuté du fait des opinions politiques qu'on lui impute, de sa nationalité et de son appartenance à un groupe social.


4 Le demandeur allègue qu'en juillet 1983, après que le magasin de son père à Kandy eut été pillé et incendié au cours d'émeutes, son père est retourné demeurer à Point Pedro. Il prétend que les autorités sri-lankaises l'ont, en 1986, détenu, interrogé et maltraité pendant deux mois avant de le libérer, le 1er août 1987, grâce à une intervention de la Force indienne de maintien de la paix. Le demandeur allègue avoir vécu des atrocités lors de deux incidents survenus entre 1987 et 1989. En juillet 1989, sa femme et lui sont allés au Bahreïn, où il avait obtenu un emploi.


5 Le demandeur est retourné au Sri Lanka en janvier 1995 pour rendre visite à sa mère. Il prétend que lors de cette visite, les TLET l'ont amené à un camp à Puloly pour l'interroger. Ils l'ont relâché après qu'il eut versé 300 000 roupies. Il est retourné au Bahreïn. Lorsqu'il a appris, en juillet 2000, que son contrat prendrait fin, il a pris des dispositions pour que sa famille aille avant lui au Sri Lanka.


6 À leur arrivée à Colombo, sa femme et ses enfants se sont logés dans une pension. Il prétend qu'on les y a arrêtés. Des policiers ont interrogé et giflé sa femme. Celle-ci prétend qu'à son retour à la pension, son sac qui contenait certains documents avait disparu. Trois civils sont allés à la pension, ont exigé qu'elle leur donne 50 000 roupies et l'ont menacée de la dénoncer comme étant partisane des TLET. Le demandeur a conseillé à sa femme de se rendre avec les enfants à Singapour, où il les rejoindrait plus tard avant d'aller au Canada.


7 La Commission a conclu que le demandeur n'était pas crédible. Elle a relevé plusieurs incompatibilités et invraisemblances dans le témoignage du demandeur et n'a pas cru qu'il était originaire du Nord du Sri Lanka. La Commission a déclaré, dans ses motifs :

Nous reconnaissons aussi que, malgré le manque de crédibilité, comme le revendicateur est un Tamoul du nord plutôt jeune, nous devons analyser la situation de ce dernier en la comparant à des personnes qui sont dans la même situation et en examinant la preuve objective. Compte tenu de nos conclusions selon lesquelles nous ne disposons d'aucun élément de preuve convaincant démontrant que le revendicateur se trouvait dans le nord après 1978, nous devons comparer le revendicateur aux Tamouls qui ont vécu ailleurs, comme par exemple ceux qui ont vécu à Kandy et, possiblement, ceux qui ont vécu à Colombo pendant un certain nombre d'années avant de quitter le pays en 1989. La preuve objective n'indique pas que les Tamouls qui demeurent pendant de longues périodes en dehors des zones de conflit sont la cible des autorités sri-lankaises ou des TLET. [...]


ANALYSE :


8 La première incompatibilité relevée par la Commission est que le demandeur, lorsqu'il a mentionné l'incendie au magasin de son père à Kandy, a déclaré [TRADUCTION] "nous avons tout perdu", alors qu'il avait aussi prétendu n'avoir jamais vécu à Kandy. À mon avis, le fait que le demandeur n'ait jamais vécu à Kandy n'est pas incompatible avec sa déclaration selon laquelle sa famille a tout perdu. Le demandeur a témoigné que son père est allé à Kandy pour s'occuper de l'entreprise familiale et qu'il est lui-même resté avec sa mère. Je note également que, dans le même paragraphe, la preuve appuyait une conclusion contraire à celle tirée par la Commission. Selon la transcription, le demandeur a déclaré :

[TRADUCTION]


 

 




REVENDICATEUR :




Notre magasin a aussi été incendié et nous avons perdu tous nos biens. Des personnes ont amené nos camions deux miles plus loin pour les brûler. Mon père s'est réfugié chez un ami musulman puis est retourné à la maison.



 

Le demandeur n'a pas déclaré que "nous" nous sommes réfugiés. Il a aussi dit que son père est retourné à la maison après l'émeute, ce qui étaie son témoignage non contredit selon lequel il résidait durant toute cette période dans le Nord avec sa mère.


9 Une autre incompatibilité relevée par la Commission a trait au témoignage du demandeur selon lequel, entre 1987 et 1989, sa famille a vécu grâce au produit de la vente du magasin de son père à Kandy. La Commission a conclu que cette déclaration était incompatible avec son témoignage antérieur selon lequel ils avaient [TRADUCTION] "tout perdu" dans l'incendie. On a attiré, à l'audience, l'attention du demandeur sur l'incohérence qu'on lui impute :

[TRADUCTION]


 

 




MEMBRE :




Vous avez témoigné plus tôt qu'après les émeutes de 1983, le magasin de votre père a été incendié et celui-ci est retourné à la maison [...] or, vous déclarez maintenant [...] votre père a vendu son commerce à Kandy. De quoi parlez-vous? Je ne comprends pas quel commerce votre père a vendu à Kandy?






REVENDICATEUR :




D'accord. La partie du magasin a brûlé, alors il a réparé le magasin et l'a vendu à une autre personne.



 

 

 




MEMBRE :


Quand l'a-t-il vendu?






REVENDICATEUR :


Au courant de l'année 1988.



 

La jurisprudence indique clairement que la Commission ne peut pas tirer une conclusion défavorable au sujet de la crédibilité si elle ne tient pas compte des éléments de preuve présentés par le demandeur qui expliquent les incompatibilités apparentes (Owusu-Ansa c. Canada (MEI) (1989), 8 Imm.L.R. (2d) 106 (C.A.F.); Frimpong c. Canada (MEI) (1989), 8 Imm.L.R. (2d) 183 (C.A.F.)). Je suis d'avis que la Commission n'était pas en droit de rejeter l'explication du demandeur à ce sujet.


10 La Commission a aussi relevé une incompatibilité entre la déclaration de demandeur dans son FRP, selon laquelle son père est retourné à Point Pedro après l'incendie de son magasin à Kandy, en 1983, et sa déposition orale. Dans celle-ci, il a dit avoir vécu avec sa mère à Puloly de 1983 à 1987 et n'avoir jamais habité à Kandy, même quand son père s'occupait du magasin. La Commission a qualifié cela de "contradiction flagrante" et a conclu qu'elle ne pouvait que conclure que le père du demandeur n'avait jamais quitté Kandy. Le paragraphe pertinent du FRP est rédigé comme suit :

[TRADUCTION]

En juillet 1983, lors des actes de violence anti-Tamouls, le commerce de mon père à Kandy a été pillé et incendié. Des voleurs singhalais ont attaqué mon père. On a aussi incendié notre camion de livraison à deux kilomètres de Kandy. Mon père s'est réfugié chez un ami musulman puis est retourné à Point Pedro.


Le demandeur soutient qu'il est clair qu'il parlait des déplacements de son père qui ont immédiatement suivi les actes de violence et la perte tragique de son commerce. Il est retourné à Point Pedro pour être avec sa famille. Le FRP ne fait aucune mention de l'endroit où le père du demandeur a résidé les quatre années suivantes. On n'a pas demandé au demandeur combien de temps son père était resté à Point Pedro après les actes de violence. Le demandeur prétend qu'il n'y a pas d'incompatibilité à cet égard dans la preuve et que la Commission a clairement mal interprété celle-ci. De plus, il fait valoir qu'on n'a pas attiré son attention sur cette incohérence pour qu'il puisse donner des clarifications.


11 Cette incompatibilité soulève la question de savoir si on a le devoir d'attirer l'attention du demandeur sur les contradictions qu'on croit relever dans la preuve dans le cas où on veut se fonder sur elles pour tirer une conclusion défavorable au sujet de la crédibilité. Il y a divergence d'opinions sur cette question dans les décisions de la Cour quand le demandeur est représenté par un avocat (voir, par exemple, Bayrami c. Canada, [1999] A.C.F. no 1167, qui conclut qu'on doit attirer l'attention du demandeur sur l'incompatibilité, et Ayodele c. Canada, [1997] A.C.F. no 1833, qui tire une conclusion inverse). Dans Ngongo c. Canada (MCI), [1999] A.C.F. no 1627, le juge Tremblay-Lamer a mentionné plusieurs facteurs devant être examinés pour décider si une incompatibilité qu'on croit relever dans le témoignage du demandeur devrait être portée à son attention. On doit notamment se demander si le demandeur était représenté par un avocat, si l'incompatibilité était évidente ou si elle a été découverte après une analyse minutieuse de la preuve, si le demandeur communiquait au moyen d'un interprète et s'il s'agissait d'une incompatibilité réelle.


12 Pour que la Commission soit en droit de tirer une conclusion défavorable au sujet de la crédibilité sur le fondement d'une incompatibilité imputée au demandeur sur laquelle on l'a pas attiré son attention, cette incompatibilité doit être grave, évidente et avoir trait à des questions qui ont trait à la demande. À mon avis, la Commission n'était pas en droit, dans la présente affaire, de se fonder sur la contradiction imputée au demandeur portant sur le lieu de résidence de son père pendant ces années-là, car elle n'a pas interrogé le demandeur à ce sujet et il aurait très bien pu expliquer facilement ce qui paraissait être incohérent.


13 La Commission a aussi conclu qu'il était invraisemblable que le père du demandeur ait eu "carte blanche" pour voyager jusqu'à Kandy pour faire réparer son magasin endommagé et le vendre, s'il résidait véritablement dans le Nord de 1983 à 1988. La Commission ne donne cependant aucun motif à l'appui de cette conclusion et ne mentionne aucune preuve documentaire. Comme le demandeur l'a noté, la période en question couvre cinq ans et il est certainement raisonnable de présumer qu'il aurait été, à un certain moment, possible pour le père du demandeur de retourner chez lui. Je suis d'avis que cette conclusion est déraisonnable.


14 La conclusion la plus importante de la Commission est que le demandeur n'a pas résidé dans le Nord pendant la période en cause. La Commission a déclaré :

Le revendicateur a déclaré que le magasin de Kandy a d'abord appartenu à son grand-père, et qu'il ne savait pas à quelle époque son père était devenu propriétaire du magasin. Si l'on se fie à son certificat de naissance, qui a été délivré à Point Pedro le 24 novembre 1977, il est né à Puloly. Sa carte d'identité nationale a été délivrée en 1978. Nous ne disposons d'aucun élément de preuve convaincant qui indique qu'il ait résidé dans le nord par la suite.


Avec égards, je n'arrive pas à comprendre ce raisonnement. La Commission ne disposait pas de preuve contradictoire en ce qui concerne la résidence du demandeur pendant ces années-là et la Commission n'a exposé aucun motif à l'appui de la conclusion que la preuve présentée par le demandeur n'était pas convaincante. La Commission a remarqué que les documents officiels du demandeur ont été délivrés dans les années 70. La Commission n'a pas le droit de tirer une conclusion défavorable au sujet de la crédibilité au motif que le demandeur n'a pas produit des pièces d'identité délivrées pendant les années 80. Dans Attakora c. Canada (1989), 99 N.R. 168, la Cour d'appel fédérale a statué que l'omission de produire des documents justificatifs ne peut pas avoir d'effet négatif sur la crédibilité du demandeur, à moins que la preuve ne contredise le témoignage du demandeur. En l'espèce, la Commission n'a pas mentionné une telle preuve et, par conséquent, je suis d'avis que sa conclusion est déraisonnable. Pour justifier cette conclusion, la Commission a tiré, quant à la crédibilité, d'autres conclusions manifestement déraisonnables que j'ai déjà mentionnées.


15 Le demandeur reconnaît qu'il y a une incompatibilité en ce qui concerne la date à laquelle il a fermé son magasin. Je ne crois toutefois pas que la conclusion à cet égard soit importante.


16 La Commission a aussi conclu que le demandeur n'avait pas expliqué de façon satisfaisante ses allées et venues entre le moment où il a fermé le magasin, en 1987, et celui où il est allé au Bahreïn, en 1989. La Commission a alors lié cette conclusion à la conclusion antérieure concernant l'emploi du mot "nous" lorsque le demandeur parlait de la perte du magasin de son père et a conclu qu'en fait, le demandeur vivait à Kandy à ce moment-là. Le demandeur soutient qu'il a dit, dans sa déposition orale, qu'il se déplaçait continuellement en raison des combats qui avaient lieu à cette période :

[TRADUCTION]


 

 




AVOCAT :




[...] Entre le moment où vous avez fermé le magasin en décembre 87 et celui où vous avez quitté le Sri Lanka en août 89 -- que faisiez-vous pour subvenir à vos besoins?






REVENDICATEUR :




Mon père a vendu son commerce à Kandy pendant cette période et il avait quelques économies et il a subvenu aux besoins de la famille et j'étais généralement avec mes parents et [...] les combats ont éclaté pendant cette période, opposant les TLET à l'armée indienne. Et nous avons été déplacés.






AVOCAT :




D'accord. Alors où viviez-vous avec vos parents?






REVENDICATEUR :




Nous ne vivions pas à un seul endroit. Il arrivait que nous soyons un jour un endroit et le jour suivant ailleurs. Et pendant cette période, les combats étaient tellement intenses [...].



 

Une fois encore, la Commission n'a pas mentionné le témoignage du demandeur dans lequel celui-ci expliquait cette interruption d'emploi et son incapacité à préciser un lieu de résidence. La Commission n'a fait état d'aucune preuve documentaire contradictoire susceptible de semer le doute sur la version des faits du demandeur. Par conséquent, je suis d'avis que la Commission a commis une erreur en tirant une conclusion défavorable sur ce point.


17 La Commission a aussi conclu qu'il était invraisemblable que le demandeur ait envoyé sa femme et ses enfants au Sri Lanka avant lui, puisqu'il a ensuite témoigné qu'il aurait craint pour la sécurité de sa femme si sa famille devait habiter à Colombo. Le demandeur a cependant témoigné qu'à la fin de son contrat de travail, la famille a décidé qu'elle n'avait d'autre choix que de retourner au Sri Lanka et que l'endroit le plus sécuritaire pour elle serait Vanni, là où vivait la famille de la femme du demandeur. Le demandeur a témoigné que son épouse est retournée au pays avant lui pour pouvoir trouver un logement et une école pour les enfants. Ce n'est qu'après les incidents au cours desquels sa femme a été menacée qu'il a commencé à craindre pour la vie de son épouse. À ce moment-là, la famille a décidé qu'il était trop dangereux de retourner vivre à quelque endroit que ce soit au Sri Lanka. Je suis d'accord avec le demandeur que la Commission n'a pas tenu compte de ce témoignage ou l'a mal interprété. Il est clair que le demandeur n'avait pas l'intention que sa femme et ses enfants restent à Colombo, mais qu'ils se rendent à Vanni, le village de la famille de sa femme. De plus, ce sont les événements qui se sont produits à l'arrivée de sa famille à Colombo qui ont été à l'origine de la crainte du demandeur.


18 La Commission a aussi conclu, dans ses motifs, qu'il était invraisemblable que la police ait harcelé et emprisonné la femme du demandeur à son retour au Sri Lanka :

Le revendicateur et son épouse [...] ont vécu à l'étranger pendant exactement onze ans avant que son épouse ne retourne au Sri Lanka. Ses prétentions selon lesquelles son épouse a été arrêtée à l'hôtel où elle demeurait en raison de rapports concernant une "infiltration par les Tigres noirs" ne sont pas crédibles. Celle-ci avait en sa possession tous les documents relatifs à son absence et à ses allées et venues pendant les onze dernières années. Elle n'avait eu aucun problème avec les autorités sri-lankaises avant de quitter pour le Bahreïn. Nous ne croyons pas que la police aurait eu intérêt à arrêter cette dernière et à l'emprisonner. [...]


Le demandeur prétend que la Commission a reconnu que les Tamouls perçus comme étant originaires du Nord sont en danger, mais que les Tamouls de Colombo peuvent ne pas l'être. Par conséquent, le demandeur soutient que la Commission n'était pas fondée à conclure que cette déclaration était invraisemblable. À mon avis, cette conclusion est déraisonnable. Le témoignage du demandeur à cet égard n'est pas contredit et le tribunal n'a relevé aucune preuve documentaire susceptible d'appuyer sa conclusion selon laquelle les Tamouls du Nord qui se sont absentés du Sri Lanka pendant un certain nombre d'années ne sont pas harcelés, emprisonnés ou victimes d'extorsion.


19 La Commission a aussi conclu qu'il était invraisemblable que la femme du demandeur ait donné au gérant de la pension son argent et son passeport, mais qu'elle ait gardé d'autres documents. La Commission ne disposait cependant pas de preuve en ce qui concerne la nature des documents manquants. Je ne vois rien de déraisonnable à ne confier que les documents les plus importants et l'argent au gérant d'une pension et à garder d'autres documents avec soi.


20 La Commission a relevé une autre incompatibilité en ce que le demandeur n'a pas mentionné, dans le FRP, avoir d'abord dit à sa femme d'aller à Vanni. L'extrait suivant est tiré des motifs de la décision de la Commission :

Au cours de son témoignage de vive voix, le revendicateur principal a dit que lorsque son épouse lui avait parlé de sa détention au téléphone, celui-ci lui avait dit de s'organiser pour partir et de se rendre dans la région de Vanni le plus tôt possible. [...] Cette déclaration contredit son FRP dans lequel il prétend qu'il a conseillé à sa femme de se trouver un agent par l'entremise du gérant de l'hôtel puis de se rendre à Singapour où il la rejoindrait, elle et les enfants. Le revendicateur ne dit pas la vérité à propos de ces événements. Nous somme obligés de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que si le récit des événements présenté par le revendicateur est incohérent, c'est que ces événements ne se sont jamais produits.


Le demandeur n'a cependant pas contredit la déclaration qu'il a faite dans son FRP. Il a simplement fourni plus de détails lors de sa déposition orale. Il a déclaré dans son FRP :

[TRADUCTION]

Le 3 août 2000, ma femme et mes enfants ont quitté le Bahreïn. À leur arrivée à Colombo, ils sont restés dans une pension avant d'organiser leur départ pour Vanni.

Le 5 août 2000, en raison d'une rumeur selon laquelle les "Tigres noirs" s'étaient infiltrés à Colombo, les forces de sécurité ont lancé une opération de recherche dans les pensions, hôtels et maisons de chambres. La police a arrêté ma femme et mes enfants [...].

Ma femme m'a ensuite fait part, le 7 août 2000, que trois jeunes hommes habillés en civil sont venus à la pension et ont exigé qu'elle leur donne 50 000 roupies. Ils ont menacé ma femme de dire à la police qu'elle était partisane des TLET.[...] Lors d'une conversation téléphonique interurbaine, j'ai conseillé à ma femme de trouver un agent par l'entremise du gérant de la pension et d'aller à Singapour [...].


Le demandeur n'a pas relaté en détail dans le FRP la conversation téléphonique qui a eu lieu, selon son témoignage, après l'incident du 3 août 2000. Cette conversation téléphonique n'a pas eu pour conséquence de changer les plans des demandeurs. La conversation la plus significative est celle du 7 août 2000, qui a été exposée en détail dans le FRP, au cours de laquelle le demandeur et sa femme ont décidé de fuir leur pays et de se retrouver à Singapour. Les instructions du FRP indiquent que le revendicateur doit relater brièvement "tous les incidents importants" qui l'ont amené à chercher refuge. De plus, selon la jurisprudence, une déposition orale peut permettre de fournir des détails qui ne figurent pas au FRP et cela ne servira pas à entacher la crédibilité du demandeur, à moins que l'incident omis ne soit important pour la revendication. J'estime par conséquent que cette conclusion de la Commission est erronée. Non seulement les éléments de preuve contenus dans le FRP sont compatibles avec la déposition orale du demandeur, mais encore les détails omis sont insignifiants.


21 Prises individuellement, ces erreurs au sujet de la crédibilité auraient pu ne pas être suffisantes pour justifier un contrôle, mais j'estime qu'en raison de leur effet cumulatif, la décision doit être annulée.


22 Le défendeur a aussi plaidé que la Commission a conclu que les demandeurs avaient une possibilité de refuge intérieur au Sri Lanka. Je suis toutefois d'accord avec le demandeur pour dire que la Commission n'a tiré aucune conclusion au sujet d'une possibilité de refuge intérieur. Le tribunal a déclaré :

Il est important, dans les cas des revendications présentées par des Sri-lankais, de pouvoir tirer une conclusion, selon la prépondérance des probabilités, en ce qui concerne le dernier domicile des revendicateurs. Comme je l'ai indiqué plus tôt, nous concluons que le revendicateur n'a pas habité longtemps dans le nord avant de s'en aller au Bahreïn en 1989 et que, selon la prépondérance des probabilités, celui-ci n'est jamais retourné au Sri Lanka depuis ce temps. Nous concluons donc qu'il n'y a aucune raison pour que les autorités sri-lankaises s'intéressent au revendicateur si celui-ci retournait au Sri Lanka du fait qu'il vient du nord.


La Commission a ensuite dit, en conclusion :

Compte tenu de la preuve documentaire précitée, le tribunal conclut que le revendicateur pourrait résider en toute quiétude à Colombo ou Puttulam de même que dans toute région contrôlée par le gouvernement, comme Kandy, là où, selon les conclusions du tribunal, celui-ci aurait résidé avant de quitter le Sri Lanka.


À mon avis, la conclusion de la Commission que le demandeur serait en sécurité dans le Sud est liée à sa conclusion selon laquelle celui-ci n'était pas originaire du Nord. Ce n'est pas une conclusion qu'il existe une possibilité de refuge intérieur qui ne tient pas compte de l'identité du demandeur.


23 La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Commission, en date du 4 octobre 2001, est annulée et l'affaire est renvoyée devant la Commission pour que celle-ci, différemment constituée, statue à nouveau sur l'affaire.


Traduction certifiée conforme : Sandra Douyon-de Azevedo, LL.B.


* * * * *


ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Commission, en date du 4 octobre 2001, est annulée et l'affaire est renvoyée devant la Commission pour que celle-ci, différemment constituée, statue à nouveau sur l'affaire.


Traduction certifiée conforme : Sandra Douyon-de Azevedo, LL.B.

 


End of Document

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.