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Date : 20030930

Dossier : T-1301-02

Référence : 2003 CF 1123

ENTRE :

                                                PARMALAT DAIRY & BAKERY INC.

                                                                                                                                             demanderesse/

                                                                                                               défenderesse reconventionnelle

                                                                                   et

                                              COMPAGNIE GERVAIS DANONE S.A.

                                                                                   et

                                                                      DANONE INC.

                                                                                   

                                                                                                                                             défenderesses/

                                                                                                        demanderesses reconventionnelles

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE:

[1]              Il s'agit en l'espèce d'une requête des défenderesses et demanderesses reconventionnelles (les défenderesses) en vertu de la règle 107 des Règles de la Cour fédérale (1998)(les règles) afin que la Cour ordonne essentiellement l'ajournement des interrogatoires préalables et de la détermination des questions de redressement tant que les interrogatoires préalables et l'instruction concernant la question de la responsabilitén'auront pas eu lieu.


[2]                 La règle 107, dans sa partie pertinente, se lit comme suit:

     107.(1) La Cour peut, à tout moment, ordonner l'instruction d'une question soulevée ou ordonner que les questions en litige dans une instance soient jugées séparément.

     107.(1) The Court may, at any time, order the trial of an issue or that issues in a proceeding be determined separately.

Le contexte

[3]                 La demanderesse et défenderesse reconventionnelle (la demanderesse) a institué contre les défenderesses une action en contrefaçon de marques de commerce et pour tromperie commerciale (passing off). La demanderesse allègue être propriétaire des marques suivantes : LA CRÈME DU YOGOURT, LA CRÈME DU YOGOURT ET DESSIN, et LA CRÈME.

[4]                 Les défenderesses ont fait signifier et produit une défense et une demande reconventionnelle à l'action de la demanderesse. Les défenderesses nient toute contrefaçon des prétendues marques de la demanderesse et plaident que leur emploi de l'expression « LA CRÈME OF OUR YOGOURTS/DE NOS YOGOURTS » n'est pas à titre de marque de commerce et qu'il ne peut donc pas y avoir confusion avec les prétendues marques de la demanderesse.


[5]                 Les défenderesses ont aussi institué une demande reconventionnelle afin d'attaquer la validité des enregistrements des marques de commerce LA CRÈME DU YOGOURT et LA CRÈME DU YOGOURT & DESSIN. Les défenderesses allèguent aussi avoir subi des dommages par suite de déclarations fausses et trompeuses par la demanderesse tendant à discréditer l'entreprise et les marchandises des défenderesses.

[6]                 Bien qu'il appert que le présent litige soit restreint au yogourt, il ressort que les parties au litige sont en concurrence directe l'une avec l'autre non seulement sur le marché canadien, mais aussi sur de nombreux autres marchés tels l'Europe, les États-Unis et l'Amérique latine, en tant que manufacturiers et fournisseurs de produits alimentaires.

[7]                 Quant aux remèdes potentiels recherchés par la demanderesse dans son action principale, cette dernière n'a pas encore procédé à une élection entre ses dommages ou les profits de la défenderesse.

Analyse

[8]                 Face à une requête telle la présente, le test à appliquer est celui formulé par la Cour dans l'arrêt Illva Saronno S.p.A. c. Privilegiata Fabbrica Maraschino « Excelsior » (1re inst.), [1999] 1 C.F. 146, en page 154, paragraphe 14, où la Cour établit que :


Par conséquent, compte tenu des décisions qui ont été rendues et des modifications qui ont été apportées par les Règles de 1998, je formulerais le critère à appliquer en vertu de la règle 107 comme suit: dans le cadre d'une requête présentée en vertu de la règle 107, la Cour peut ordonner l'ajournement des interrogatoires préalables et de la détermination des questions de redressement tant que les interrogatoires préalables et l'instruction concernant la question de la responsabilité n'auront pas eu lieu, si elle est convaincue selon la prépondérance des probabilités que, compte tenu de la preuve et de toutes les circonstances de l'affaire (y compris la nature de la demande, le déroulement de l'instance, les questions en litige et les redressements demandés), la disjonction permettra fort probablement d'apporter au litige une solution qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

[9]                 Pour les raisons qui suivent, j'ai décidé que les défenderesses s'étaient acquittées ici de l'obligation qui leur incombait d'établir selon la prépondérance des probabilités que la possibilité d'effectuer des économies de temps et d'argent et d'apporter une solution juste au litige est telle qu'est justifiée une dérogation au principe général voulant que toutes les questions qui se posent dans une instance soient examinées ensemble.

A.         La nature de l'instance et les questions en litige

[10]            Sous cette rubrique, il y a lieu de retenir que sous la question de responsabilité, les éléments à trancher sont, quoique relativement simples, assez nombreux. En effet, en l'espèce la demanderesse a allégué la contrefaçon de ses marques de commerce enregistrées et la tromperie commerciale et les défenderesses ont institué une demande reconventionnelle pour invalidité et radiation des marques de la demanderesse, ainsi que pour des dommages pour des affirmations fausses et trompeuses. Il y a donc, sur la question de la responsabilité, quatre causes d'action différentes que la Cour devra considérer.


[11]            Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la demanderesse, je considère qu'en pratique les questions pour lesquelles les défenderesses demandent la disjonction ne sont pas interreliées. Il y a une délinéation claire entre ces questions. La Cour doit d'abord en arriver à la conclusion que les marques de commerce de la demanderesse sont valides, qu'elles ont été contrefaites, qu'il y a une situation prouvée de tromperie commerciale, et que les affirmations fausses et trompeuses ont été faites. Ce n'est qu'une fois toutes ces questions adjugées par la Cour que la question du redressement entrera en jeu.

B.         Le déroulement de l'instance et les redressements recherchés

[12]            Il appert qu'au stade présent des procédures, les parties n'ont investi que peu de ressources dans la question du redressement. Il ressort de la preuve soumise par les défenderesses que les affidavits de documents des parties respectives - et non seulement celui des défenderesses - sont incomplets sur la question du redressement.

[13]            Par ailleurs, il est à souligner que les interrogatoires au préalable n'ont pas eu lieu, ni sur la question de responsabilité non plus que sur la question du redressement.

[14]            La demanderesse semble tendre de plus vers une élection des profits des défenderesses vu que ses dommages ne seraient pas élevés en raison du fait que le yogourt de chacune des deux parties se serait retrouvé en même temps sur le marché que pour un laps de temps limité.

[15]            Ceci implique donc que la question des profits des défenderesses demeure centrale sans l'octroi d'une ordonnance sous la règle 107.


[16]            La demanderesse a dénoncé le fait que les défenderesses aient soumis au soutien de leur requête un affidavit provenant d'un des procureurs du cabinet agissant pour les défenderesses. Bien que cela soit le cas et bien que le paragraphe 32 de cet affidavit reflète un ouï-dire plus que certain, il m'apparaît que cet affidavit décrit de façon crédible, entre autres à ses paragraphes 20, 21, 26, 27, 30, 31 et 33, un exercice, un processus long et coûteux quant au calcul des profits des défenderesses.

[17]            Cet exercice ne semble pas devoir être différent de celui engagé dans d'autres cas de propriété intellectuelle où on a reconnu que pour mener à terme l'établissement des profits d'une partie, plusieurs données financières d'une entreprise se doivent d'être regardées. (Voir Teledyne Industries, Inc. v. Lido Industrial Products Ltd. (1982), 68 C.P.R. (2d) 56; Diversified Products Corp. v. Tye-Sil Corp. (1990), 32 C.P.R. (3d) 385.) Dans l'arrêt Depuy (Canada) Ltd. v. Joint Medical Products Corp. (1996), 67 C.P.R. (3d) 145, la Cour d'appel fédérale indiquait en pages 146-147 :

We are also of the view that had the motions judge correctly instructed himself in the law he would have granted the order sought. This is a patent infringement action in which the defence and counterclaim raise serious issues of validity. The plaintiffs reserve the right to seek an accounting of profits with the result that, if severance is not ordered, discovery will necessarily range across the whole of the defendants' business and not be limited to the single allegedly infringing item.

[18]            En conséquence, une ordonnance reprenant les conclusions principales de la requête des défenderesses sera émise.

[19]            Les dépens sur la présente requête sont accordés aux défenderesses.

Richard Morneau                               

protonotaire

Montréal (Québec),

le 30 septembre 2003


                                  COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Date : 20030930

Dossier : T-1301-02

Entre :

PARMALAT DAIRY & BAKERY INC.

                                                                        demanderesse/

                                                    défenderesse reconventionnelle

et

COMPAGNIE GERVAIS DANONE S.A.

et

DANONE INC.

                                                                       défenderesses/

                                                   demanderesses reconventionnelles

                                                                                                                       

                                   MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                                                           


                        COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                      SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

INTITULÉ:


T-1301-02

PARMALAT DAIRY & BAKERY INC.

                                  demanderesse/

                défenderesse reconventionnelle

et

COMPAGNIE GERVAIS DANONE S.A. et

DANONE INC.

                                 défenderesses/

             demanderesses reconventionnelles


LIEU DE L'AUDIENCE :Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :le 22 septembre 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

EN DATE DU :30 septembre 2003

ONT COMPARU:


Me Elliott S. Simcoe

pour la demanderesse/défenderesse reconventionnelle

Me Jacques A. Léger

pour les défenderesses/demanderesses reconventionnelles


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:


Smart & Biggar

Ottawa (Ontario)

pour la demanderesse/défenderesse reconventionnelle

Léger Robic Richard

Montréal (Québec)

pour les défenderesses/demanderesses reconventionnelles

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