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Date : 20000403


Dossier : IMM-4698-99


OTTAWA (ONTARIO), LE LUNDI 3 AVRIL 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM


ENTRE :


Adel Fawsi NICOLA,



Partie demanderesse


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


Partie défenderesse



O R D O N N A N C E


     Pour les motifs d"ordonnance que j"ai exposés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


" Max M. Teitelbaum "

                                         J.C.F.C.



Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.





Date : 20000403


Dossier : IMM-4698-99



ENTRE :


Adel Fawsi NICOLA,



Partie demanderesse


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


Partie défenderesse




MOTIFS DE L"ORDONNANCE


LE JUGE TEITELBAUM

INTRODUCTION

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire, fondée sur l"article 82.1 de la Loi sur l"immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi), contre une décision, datée du 17 septembre 1999, dans laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié a conclu que le demandeur n"est pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]      Le demandeur cherche à obtenir une ordonnance annulant la décision et renvoyant l"affaire à une formation différemment constituée de la Commission pour qu"elle l"entende à son tour.

LES FAITS

[3]      Le demandeur est un citoyen d"Égypte âgé de 37 ans qui a épousé une Canadienne le 1er août 1993. Il vit à Montréal en compagnie de cette dernière et de leur fille, qui a cinq ans.

[4]      Le demandeur est détenteur d"un baccalauréat en sciences de la faculté de génie de l"Université du Caire, en Égypte. Il n"a pas fait son service militaire vu qu"il a quitté l"Égypte pour se rendre au Canada après avoir terminé ses études.

[5]      En novembre 1988, environ trois mois après son arrivée au Canada en tant que visiteur, le demandeur a revendiqué le statut de réfugié au motif qu"il était persécuté en raison de sa religion.

[6]      Le demandeur a obtenu le statut de résident permanent du Canada en août 1991.

[7]      De 1989 à 1999, le demandeur a travaillé en tant que technicien au Québec et en Ontario.

[8]      Il a été reconnu coupable de plusieurs chefs d"accusation de fraude bancaire en 1995, février 1998 et mai 1998.

[9]      En février 1999, le demandeur a été renvoyé en Égypte, où ses deux frères et ses parents vivent toujours.

[10]      Il est retourné au Caire le 23 février 1999 et a tenté de se cacher en attente d"un nouveau passeport qui lui permettrait de quitter l"Égypte le plus tôt possible.

[11]      Le demandeur soutient qu"il était persécuté en raison des activités qu"il menait au sein de la communauté chrétienne au Caire, et que lorsque son père a été happé par une voiture alors qu"il se promenait à pied le 1er avril 1999, c"est plutôt lui que la personne qui était au volant de la voiture cherchait à atteindre.

[12]      Le demandeur est demeuré auprès de son père pendant le séjour de ce dernier à l"hôpital, mais il a quitté l"Égypte après avoir obtenu son passeport le 18 avril 1999.

[13]      Le 29 avril 1999, le demandeur est illégalement revenu au Canada en passant par les États-Unis. Il n"a pas revendiqué le statut de réfugié à son arrivée au pays.

[14]      Après avoir été arrêté par les autorités de l"Immigration le 1er mai 1999, le demandeur a revendiqué le statut de réfugié.

[15]      Après son arrestation, le demandeur a été détenu par les autorités de l"Immigration, car ces dernières considéraient qu"il était probable qu"il ne se présente pas à elles, le temps venu, en vue d"être renvoyé du Canada vers l"Égypte.

[16]      À l"audition relative à l"examen des motifs de détention qui a eu lieu le 7 mai 1999, le demandeur a mentionné que les autorités de l"Immigration perdaient leur temps et leur argent en l"expulsion du pays, car il y reviendrait le plus tôt possible après son renvoi.

[17]      À l"audition qui a eu lieu devant la Commission de l"immigration et du statut de réfugié le 31 août 1999, le demandeur a dit qu"il ne cherchait pas à obtenir la protection des autorités égyptiennes, car il estimait que ces dernières n"intervenaient que si les victimes des extrémistes islamiques étaient des touristes étrangers.

[18]      Le demandeur craint d"être persécuté par les extrémistes islamiques; en fait, il craint qu"il serait assassiné par ces derniers s"il retournait en Égypte.

[19]      À l"audition, l"avocat du demandeur a soulevé deux questions préliminaires au début de celle-ci. La première question portait sur l"objectif de l"intervention du représentant du ministre, et la deuxième, sur la compétence du tribunal.

[20]      Le représentant du ministre a expliqué que l"objectif de son intervention visait à attaquer la crédibilité du demandeur.

[21]      En ce qui concerne la question portant sur la compétence du tribunal, l"avocat du demandeur a dit que son client avait revendiqué le statut de réfugié en 1989, et qu"un agent d"immigration avait, dans le cadre du " processus accéléré ", conclu que sa revendication avait un minimum de fondement.

[22]      En conséquence, l"avocat du demandeur était d"avis que celui-ci n"avait jamais cessé d"être un réfugié et que la Commission ne pouvait que confirmer ce statut. En réponse, le représentant du ministre a expliqué que les personnes qui avaient présenté une revendication ayant un minimum de fondement selon les autorités de l"Immigration en 1989 étaient considérées comme appartenant à une " catégorie désignée ", ce qui leur permettait soit d"obtenir une audience en bonne et due forme relativement à leur revendication, soit à présenter une demande de résidence permanente.

[23]      Le demandeur a choisi de présenter une demande de résidence permanente, qui a été accueillie en août 1991.

[24]      La Commission a ensuite expliqué que vu l"arriéré dans le traitement des revendications qu"il y avait à l"époque où il avait été établi que la revendication du demandeur avait un minimum de fondement, ce dernier a reçu l"autorisation de présenter une demande de résidence permanente sans devoir quitter le Canada. Pour obtenir ce statut, le demandeur devait satisfaire aux exigences prévues par la loi et il ne devait pas dépendu de l"aide sociale.

[25]      Le demandeur, qui satisfaisait à ces exigences, a obtenu le droit de s"établir au pays en 1991.

[26]      En conséquence, un tribunal ne lui avait pas antérieurement accordé le statut de réfugié. La Commission a ensuite examiné le bien-fondé de la revendication du demandeur.

LA DÉCISION DE LA COMMISSION

[27]      Les paragraphes suivants contiennent l"essentiel de la décision de la Commission :

[TRADUCTION]
Après avoir examiné l"ensemble des témoignages et éléments de preuve documentaire, la formation estime que le revendicateur n"a pas établi qu"il avait une crainte fondée d"être persécuté dans son pays d"origine en raison de sa religion chrétienne et de son appartenance à un groupe social particulier, savoir les Chrétiens coptes.
Comme l"audition a duré une journée entière, la formation a amplement eu l"occasion d"entendre le revendicateur témoigner. Ses réponses étaient souvent évasives et elles comprenaient des invraisemblances et contradictions qui sont demeurées sans explication acceptable. Nous avons trouvé que son témoignage manquait de crédibilité.
Lorsqu"on lui a demandé, au début de l"audition, à quel moment il avait décidé de s"enfuir de son pays, il a répondu que c"était en 1988, après avoir terminé ses études. Lorsqu"on lui a demandé ce qui l"avait poussé à quitter l"Égypte, il a mentionné qu"il s"agissait d"une série d"événements : le fait que ses professeurs à l"université lui ont dit de se concentrer sur ses études au lieu de s"affairer à enseigner la religion à de jeunes enfants quatre heures par semaine, les vendredis; le fait qu"il n"obtenait pas de bonnes notes à ses examens oraux parce qu"il était un Chrétien; la tentative, par une personne au volant d"une voiture, de le happer alors qu"il ramenait des écoliers à la maison, de retour d"une église. Le revendicateur ayant obtenu son diplôme d"ingénieur, la formation ne voit pas en quoi il a subi de la discrimination, voire de la persécution.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

Loi sur l"immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2


"Convention refugee" "réfugié au sens de la Convention"

"Convention refugee" means any person who

(a) by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(i) is outside the country of the person's nationality and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to avail himself of the protection of that country, or

(ii) not having a country of nationality, is outside the country of the person's former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to return to that country, and

(b) has not ceased to be a Convention refugee by virtue of subsection (2),

but does not include any person to whom the Convention does not apply pursuant to section E or F of Article 1 thereof, which sections are set out in the schedule to this Act;

"réfugié au sens de la Convention" "Convention refugee"

"réfugié au sens de la Convention" Toute personne_:

a) qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques_:

(i) soit se trouve hors du pays don"t elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de cette crainte, ne veut y retourner;

b) qui n'a pas perdu son statut de réfugié au sens de la Convention en application du paragraphe (2).

Sont exclues de la présente définition les personnes soustraites à l'application de la Convention par les sections E ou F de l'article premier de celle-ci dont le texte est reproduit à l'annexe de la présente loi.

Exception

(3) A person does not cease to be a Convention refugee by virtue of paragraph (2)(e) if the person establishes that there are compelling reasons arising out of any previous persecution for refusing to avail himself of the protection of the country that the person left, or outside of which the person remained, by reason of fear of persecution.

Exception

(3) Une personne ne perd pas le statut de réfugié pour le motif visé à l'alinéa (2)e) si elle établit qu'il existe des raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures de refuser de se réclamer de la protection du pays qu'elle a quitté ou hors duquel elle est demeurée de crainte d'être persécutée.


Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7

Subsection 18.1(4)

Grounds of review

(4) The Trial Division may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

(a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;

(b) failed to observe a principle of natural justice, procedural fairness or other procedure that it was required by law to observe;

(c) erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record;

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

(e) acted, or failed to act, by reason of fraud or perjured evidence; or

(f) acted in any other way that was contrary to law.


Paragraphe 18.1(4)

Motifs

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises par la Section de première instance si elle est convaincue que l'office fédéral, selon le cas_:

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l'exercer;

b) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'il était légalement tenu de respecter;

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

e) a agi ou omis d'agir en raison d'une fraude ou de faux témoignages;

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

LES QUESTIONS LITIGIEUSES

[28]      Voici les questions litigieuses que soulève la présente demande :

     (1)      La Commission a-t-elle conclu à tort que le demandeur n"avait pas antérieurement obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention?
     (2)      La Commission a-t-elle commis une erreur lorsqu"elle a conclu que le demandeur manquait de crédibilité?
     (3)      La Commission a-t-elle commis une erreur de fait ou une erreur de droit susceptible de contrôle en omettant de tenir compte d"éléments de preuve ou en interprétant mal des éléments de preuve?

LES OBSERVATIONS DES PARTIES

Les observations du demandeur

[29]      Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur de droit lorsqu"elle a rejeté la conclusion d"une formation antérieure selon laquelle il était un réfugié au sens de la Convention. Il fait valoir que pour étayer sa revendication du statut de réfugié de novembre 1988, il a présenté des documents à un arbitre et un représentant de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié le 1er avril 1991 en vue d"établir le bien-fondé de sa prétention selon laquelle il avait une crainte fondée d"être persécuté en Égypte en raison de sa religion et de son appartenance à un groupe social particulier.

[30]      Le demandeur soutient qu"il a reçu une décision mentionnant qu"il s"agissait de " la décision du tribunal " [en français dans le texte] qui concluait que sa revendication avait le minimum de fondement requis et qu"il était un réfugié au sens de la Convention.

[31]      En conséquence, le demandeur soutient-il, il n"était pas déraisonnable de sa part de croire qu"il avait déjà obtenu une audience devant la Commission de l"immigration et du statut de réfugié, que cette dernière avait examiné le bien-fondé de sa revendication, et qu"elle avait conclu qu"il était un réfugié au sens de la Convention.

[32]      Deuxièmement, le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur lorsqu"elle n"a pas tenu compte de la décision de la formation, datée du 15 avril 1991, qui avait conclu qu"il était un réfugié, et qu"elle a commis une autre erreur lorsqu"elle a omis de tenir compte d"éléments de preuve pertinents.

[33]      Plus particulièrement, le demandeur soutient que la Commission a omis de tenir compte des conclusions, tirées par suite de l"entrevue du 15 avril 1991, selon lesquelles la revendication du demandeur avait le minimum de fondement requis.

[34]      Le demandeur fait remarquer que bien que la Commission n"ait jamais dit qu"elle doutait du bien-fondé des conclusions de la décision du 15 avril 1991, elle a tout de même apprécier les faits d"une façon qui va complètement à l"encontre de cette décision.

[35]      Le demandeur fait valoir que la Commission n"a tenu compte que des nouveaux faits qu"il a allégués dans sa demande, et qu"elle a omis de considérer les faits qui l"ont poussé à revendiquer le statut de réfugié après qu"il a quitté l"Égypte en 1988.

[36]      Troisièmement, le demandeur avance que la Commission a commis une erreur lorsqu"elle a conclu que son témoignage n"était pas crédible, alors que de nombreux éléments de preuve documentaire étayent sa prétention selon laquelle il a été persécuté en Égypte.

[37]      Le demandeur soutient que la Commission a omis de tenir compte de la situation d"autres membres de sa communauté qui ont, eux aussi, été persécutés en raison de leur religion et de leur appartenance à un groupe social particulier. Il est ressorti de nombreux éléments de preuve documentaire produits devant la Commission que le demandeur lui-même a été persécuté par des fondamentalistes islamiques, à l"instar d"autres membres de sa communauté religieuse.

[38]      Enfin, le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur lorsqu"elle a conclu qu"il n"avait pas établi qu"il avait une crainte fondée d"être persécuté par des extrémistes islamiques en raison de son implication au sein de la communauté chrétienne du Caire.

Les observations du défendeur

[39]      En ce qui concerne la première question, le défendeur soutient que la Commission a clairement expliqué, à l"audition du 31 août 1999, que la Commission n"a jamais examiné le bien-fondé de la revendication du demandeur et qu"en conséquence, ce dernier n"avait jamais obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention.

[40]      La Commission a essentiellement dit que le demandeur avait choisi de présenter une demande de résidence permanente au lieu de faire examiner sa revendication dans le cadre d"une audience en bonne et due forme, et qu"il satisfaisait aux exigences applicables, de sorte qu"il était admissible à recevoir le droit de s"établir au pays. Il a obtenu ce droit en 1991, mais n"a jamais obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention.

[41]      Deuxièmement, le défendeur fait valoir que la Commission a clairement mentionné dans ses motifs qu"elle avait soigneusement examiné l"ensemble de la preuve produite à l"audition, avant de conclure que le demandeur avait omis d"établir qu"il avait une crainte fondée d"être persécuté.

[42]      En outre, le défendeur renvoie notre Cour à la jurisprudence selon laquelle l"omission, de la part de la Commission, de mentionner des éléments de preuve particuliers n"établit pas qu"elle a omis de tenir compte de la preuve. Il existe une présomption selon laquelle, en l"absence de toute preuve contraire, la Commission a tenu compte de tous les éléments de preuve.

[43]      Le défendeur soutient que le demandeur a omis d"établir que la Commission a omis de tenir compte d"éléments de preuve ou qu"elle a mal interprété des éléments de preuve lorsqu"elle est parvenue à la conclusion qu"il n"était pas un réfugié au sens de la Convention.

[44]      Troisièmement, le défendeur avance que la Commission n"a pas agi de façon déraisonnable lorsqu"elle a conclu que le demandeur manquait de crédibilité. La Commission a mentionné de nombreuses incohérences et invraisemblances du témoignage du demandeur, qui l"ont amené à conclure que ce dernier n"était pas crédible.

[45]      En résumé, le défendeur soutient que le demandeur a omis d"établir que la Commission a commis une quelconque erreur de fait ou erreur de droit justifiant l"intervention de notre Cour.

L"ANALYSE

La revendication du statut de réfugié que le demandeur a présentée en 1989

[46]      Dans la présente demande, le demandeur a d"emblée soutenu que le tribunal n"avait pas compétence pour juger du bien-fondé de sa revendication actuelle vu qu"un agent d"immigration avait conclu, en 1989, que sa revendication avait un " minimum de fondement ".

[47]      Il ressort clairement de la preuve documentaire que la revendication du demandeur, à l"instar de milliers d"autres revendications, a fait l"objet du " processus accéléré ", qui permettait au revendicateur de présenter une demande de droit d"établissement après avoir établi que sa revendication avait un minimum de fondement.

[48]      Comme la Commission l"a mentionné à l"audition du 31 août 1999, dans le cas où il était conclu que la revendication du demandeur n"avait pas de minimum de fondement, ce dernier ne pourrait pas présenter de demande de droit d"établissement, et sa revendication ferait automatiquement l"objet d"une audience en bonne et due forme.

[49]      Il ressort également des faits que le demandeur a ensuite reçu une lettre mentionnant que sa revendication avait été examinée par une formation qui avait conclu que cette dernière avait un minimum de fondement. Compte tenu du fait que le demandeur a établi avec succès que sa revendication avait un minimum de fondement, il a eu l"autorisation de présenter une demande de droit d"établissement, qui a été accueillie.

[50]      Cependant, je dois souligner qu"avant le 31 août 1999, le bien-fondé de la revendication du demandeur n"a jamais été examiné. En conséquence, la Commission avait compétence pour entendre la présente affaire et statuer que la question de savoir si le demandeur devait se voir accorder le statut de réfugié n"avait jamais été tranchée.

La conclusion défavorable en matière de crédibilité

[51]      À mon avis, la principale question litigieuse que soulève la présente demande est de savoir si la conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur manquait de crédibilité était fondée. La Commission a conclu, de façon générale, que le demandeur manquait de crédibilité, en se fondant sur des exemples bien précis.

[52]      Cette conclusion a résulté de l"appréciation que la Commission a faite du témoignage du demandeur compte tenu de ce qu"il avait déclaré dans sa FRP et de la façon dont il avait répondu aux questions que la Commission lui a posées sur des aspects particuliers de la preuve, telle la question de savoir pourquoi il n"avait pas revendiqué le statut de réfugié avant d"être arrêté par les autorités de l"Immigration, celle de savoir pourquoi il pense que des extrémistes islamiques ont tenté de le happer en voiture, mais une seule fois seulement, et celle de savoir pourquoi il soutient que ces derniers pourraient se souvenir de lui plus de onze ans après que cet incident s"est produit.

[53]      La Commission a conclu que les réponses du demandeur à plusieurs questions cruciales quant à l"issue de sa revendication étaient évasives et vagues. En outre, elle a conclu qu"il ressortait des réponses qu"il avait fournies sur sa FRP et de son comportement qu"il manquait de crédibilité.

[54]      Notre Cour hésite à infirmer des conclusions tirées en matière de crédibilité lorsque la décision de la Commission est étayée par des éléments de preuve : Amoah c. Canada (M.E.I.) (C.A.F.) (A-206-92, 9 février 1995) et Luckner c. Canada (M.E.I.) (C.A.F.) (A-255-90, 21 avril 1998).

[55]      Le demandeur allègue maintenant que notre Cour doit intervenir sur le fondement que la Commission a omis de tenir compte de la preuve et qu"elle a commis une erreur lorsqu"elle a tiré cette conclusion défavorable en matière de crédibilité.

[56]      Je sais pertinemment que notre Cour a compétence pour infirmer une décision de la Commission dans les cas où cette dernière a mal interprété la preuve en tirant une conclusion défavorable en matière de crédibilité : Rezaei c. Canada (M.E.I.) (A-255-90, 30 avril 1992).

[57]      Cependant, il ne ressort aucunement de la preuve dont dispose la Cour que la Commission a soit omis de tenir compte de la preuve dont elle disposait, soit mal apprécié cette dernière, à l"audition du 31 août 1999. Dans ses motifs, la Commission a mentionné des éléments de preuve bien précis qui n"étaient pas vraisemblables de même que des réponses totalement insatisfaisantes, et elle a expliqué en détail pourquoi elle avait traité la revendication du demandeur de façon à permettre à ce dernier de présenter une demande de résidence permanente, sans exiger la tenue d"une audience en bonne et due forme pour apprécier le bien-fondé de la revendication.

[58]      Je renvoie aux remarques que notre Cour a faites dans Bennasir c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) (C.F. 1re inst.) (IMM-852-97, 27 avril 1998) et qui traitent de la façon suivante de la question de la crédibilité :

La Cour ne va normalement pas intervenir lorsque la Commission se prononce sur une question de crédibilité, puisque celle-ci a l"occasion d"observer en direct le témoignage du demandeur. La Commission est donc mieux placée pour jauger la crédibilité des témoins que ne l"est une cour de justice appelée à se prononcer sur une décision de la Commission : Rajaratnam c. M.E.I. (1991), 135 N.R. 300 (C.A.F.); Aguebor c. M.E.I. (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.); Bar c. M.E.I. (1993), 152 N.R. 157 (C.A.F.). Cela dit, dans le cadre de sa décision, la Commission ne peut pas retenir des inférences défavorables fondées sur des conclusions de fait manifestement erronées : Gracielome c. M.E.I. (1989), 9 Imm.L.R. (2d) 237 (C.A.F.). De plus, la Commission est tenue d"exprimer en des termes clairs et non équivoques toute conclusion défavorable touchant la crédibilité d"un témoin : Hilo c. M.E.I. (1991), 15 Imm.L.R. (2d) 199 (C.A.F.).

[59]      Les conclusions de la Commission en l"espèce ont été tirées de façon claire et non équivoque. Le témoignage du demandeur n"était pas crédible, et la preuve documentaire n"établissait pas qu"il avait une crainte fondée d"être persécuté en raison de sa religion. De plus, le demandeur a de son gré tenté d"induire en erreur les autorités canadiennes de l"Immigration et il a été reconnu coupable de plusieurs chefs d"accusation de fraude au Canada.

[60]      Je suis convaincu que le demandeur a pleinement eu l"occasion de revendiquer le statut de réfugié, tant en 1991 que dans le cadre de la présente demande, et qu"il a omis de satisfaire aux critères que prévoit le paragraphe 2(2) de la Loi. C"est de par son propre comportement qu"il a perdu le droit de s"établir au pays et qu"il se trouve donc séparé de son épouse et sa fille.

[61]      Je ne suis pas convaincu que le demandeur a établi que la décision de la Commission était déraisonnable ni que cette dernière a omis de tenir compte de la preuve ou qu"elle a mal interprété celle-ci. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[62]      Comme je l"ai déjà mentionné, je suis également convaincu que le demandeur ne s"est jamais vu accorder le " statut de réfugié ". Il a tout au plus obtenu le " statut de résident permanent " après la tenue d"une audience qui a déterminé que sa revendication avait un " minimum de fondement ".

[63]      La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

QUESTION À CERTIFIER

[64]      Le demandeur invite la Cour à certifier la question suivante, car il est d"avis qu"il s"agit d"une question de portée générale :

         Les revendicateurs du statut de réfugié, visés par le Règlement sur la catégorie admissible de demandeurs du statut de réfugié dont la revendication avait un minimum de fondement, tel que décidé par un commissaire et un arbitre, sont-ils des réfugiés au sens de la Convention et de la Loi sur l"immigration du Canada?

[65]      Avec égards, je ne vois pas sur quoi l"avocat du demandeur se fonde pour soutenir qu"il s"agit d"une question de portée générale.

[66]      La question litigieuse que soulève la présente affaire a déjà été tranchée par divers juges de notre Cour dansDemirtas c. Canada [1993] 1 C.F. 602, Asif c. Canada [1993] J.C.F. no 1201 et Kanes c. Canada [1993] J.C.F. no 994.

[67]      Je ne vois pas en quoi il serait utile d"examiner de nouveau cette question, comme l"a dit M. le juge Rothstein dans Gonzales c. Canada [1994] J.C.F. no 1844, à la page 4 de sa décision, où il traite du Règlement portant sur la question de l"arriéré.

[Le Règlement] concerne les demandeurs du statut de réfugié au sens de la Convention qui ont manifesté, avant le 1er janvier 1989, leur intention de revendiquer le statut de réfugié au sens de la Convention. Je ne crois pas qu'une question sous le régime de ce Règlement soulève une question grave de portée générale. Aucune question ne sera certifiée pour que la Cour d'appel fédérale en saisisse.

" Max M. Teitelbaum "

                                         J.C.F.C.


Ottawa (Ontario)

Le 3 avril 2000.







Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :              IMM-4698-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Adel Fawsi NICOLA

                     c.

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE                          L"IMMIGRATION

LIEU DE L"AUDIENCE :          MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L"AUDIENCE :          LE 29 MARS 2000

MOTIFS D"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

EN DATE DU :              3 AVRIL 2000



ONT COMPARU :


M. JACQUES BEAUCHEMIN                  POUR LA DEMANDERESSE

MME JOSÉE PAQUIN                      POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


ALARIE, LEGAULT, BEAUCHEMIN,              POUR LA DEMANDERESSE

PAQUIN, JOBIN, BRISSON & PHILPOT

MONTRÉAL (QUÉBEC)

M. MORRIS ROSENBERG                      POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

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