Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


Date : 19990507


T-1180-97

E n t r e :

     WAL-MART STORES, INC. et

     WAL-MART CANADA INC.,

     demanderesses,

     - et -

         CRAZY LEE"S (ST. CATHERINES) LIMITED, CRAZY LEE"S (TORONTO) LIMITED, CRAZY LEE"S (WELLAND) LIMITED, CRAZY LEE"S (WESTERN) LIMITED, CRAZY LEE"S (PICKERING) LIMITED, CRAZY LEE"S (PORT COLBORNE) LIMITED, CRAZY LEE"S (RICHMOND HILL) LIMITED, CRAZY LEE"S (SIMCOE) LIMITED, CRAZY LEE"S (SOUTHERN) LIMITED, CRAZY LEE"S (ONTARIO) LIMITED, CRAZY LEE"S (OSHAWA) LIMITED, CRAZY LEE"S (OTTAWA) LIMITED, CRAZY LEE"S (PEEL) LIMITED, CRAZY LEE"S (PENNINSULA) LIMITED, CRAZY LEE"S (MISSISSAUGA) LIMITED, CRAZY LEE"S (NEWMARKET) LIMITED, CRAZY LEE"S (NIAGARA) LIMITED, CRAZY LEE"S (NORTHERN) LIMITED, CRAZY LEE"S (NORTHWOOD) LIMITED, CRAZY LEE"S (HAMILTON) LIMITED, CRAZY LEE"S (INTERNATIONAL) LIMITED, CRAZY LEE"S (KAWARTHA) LIMITED, CRAZY LEE"S (LONDON) LIMITED, CRAZY LEE"S (MIDLAND) LIMITED, CRAZY LEE"S (BARRIE) LIMITED, CRAZY LEE"S (CLEARANCE CENTRE) LIMITED, CRAZY LEE"S (EASTERN) LIMITED, ARON LEE HABERMAN (alias Lee Aron Haberman) et TITANTEX INCORPORATED,

     défendeurs.

     MOTIFS ET DISPOSITIF DE L'ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]      La Cour est saisie d'une demande présentée pour le compte des demanderesses en vue d'obtenir un jugement sommaire, un jugement déclarant que les défendeurs ont violé les droits des demanderesses et, finalement, une injonction permanente interdisant aux défendeurs d'accomplir certains actes.

LES FAITS

[2]      Les demanderesses WAL-MART Stores et WAL-MART Canada Inc. sont des personnes morales qui exploitent au Canada une importante chaîne de grands magasins.

[3]      Les défenderesses Crazy exploitent une entreprise de vente au détail et le défendeur Haberman est le seul principal administrateur et dirigeant de chacune des personnes morales défenderesses Crazy Lee. Il en est également le président, le secrétaire et le trésorier.

[4]      WAL-MART est propriétaire au Canada de la marque de commerce " WAL-MART ", qui a été enregistrée sous le numéro LMC 502 605. WAL-MART est également propriétaire au Canada de la marque de commerce " WALMART ", qui a été enregistrée sous le numéro LMC 430 385. WAL-MART est aussi propriétaire au Canada de la marque de commerce " ATHLETIC WORKS ", qui a été enregistrée sous le numéro LMC 476 361.

[5]      La date d'enregistrement de la marque de commerce " WAL-MART " enregistrée sous le numéro LMC 502 605 est le 21 octobre 1998. La date d'enregistrement de la marque de commerce " WALMART " enregistrée sous le numéro LMC 430 385 est le 15 juillet 1994. La date d'enregistrement de la marque de commerce " ATHLETIC WORKS " enregistrée sous le numéro LMC 476 361 est le 15 mai 1997.

[6]      Les deux parties ont déposé des affidavits et elles ont décidé de ne pas contre-interroger les auteurs de ces affidavits.

[7]      À la lecture de ces affidavits, je crois comprendre que WAL-MART a passé une commande à Titanex Inc. à l'automne 1996. Cette commande était assortie de conditions précises. Or, Titantex Inc. n'a pas pu respecter les obligations prévues dans cette commande de sorte que WAL-MART a annulé la commande.

[8]      Vers le mois de mars 1997, une commande a été passée à Titantex Inc. au nom des personnes morales défenderesses Crazy Lee en vue d'obtenir les articles que WAL-MART avait refusés.

[9]      En avril 1997, Crazy Lee a offert en vente et a vendu des vêtements auxquels étaient fixées des étiquettes de prix sur lesquelles les marques de commerce WAL-MART et ATHLETIC WORKS étaient inscrites bien en vue.

[10]      Dès que les demanderesses se sont aperçues que Crazy Lee offrait en vente et vendait des vêtements sur lesquels figuraient les marques de commerce WAL-MART, les avocats des demanderesses ont envoyé, le 28 avril 1997, une mise en demeure à Crazy Lee pour la sommer de cesser toute utilisation et publicité non autorisées de tout produit arborant les marques de commerce en question.

[11]      Sur réception de cette lettre, M. Haberman, le président de la défenderesse Crazy Lee, a décidé d'envoyer le 29 avril 1997 une note de service par télécopieur à tous les magasins Crazy Lee et d'y joindre une copie de la lettre des avocats des demanderesses. Il a invité tous les gérants de magasins à afficher la lettre et la note de service et à les montrer aux clients lors de l'achat d'articles portant des étiquettes WAL-MART.

[12]      Il ressort de la preuve, que M. Haberman, le président des défenderesses Crazy Lee, a informé Titantex Inc. qu'en date du 12 mai 1997, toutes les " étiquettes " WAL-MART avaient été enlevées des vêtements. En revanche, des employés de WAL-MART ont témoigné que des marchandises auxquelles des étiquettes WAL-MART étaient fixées avaient été vendues au début de juin 1997.

[13]      Quoi qu'il en soit, la vente de marchandises portant des étiquettes de WAL-MART par des grands magasins de la chaîne Crazy Lee a été admise et n'est pas en litige.

[14]      L'avocat de la demanderesse WAL-MART soutient que les questions en litige sont celles de savoir s'il existe une question sérieuse à juger et si la seule question sérieuse à trancher est celle du montant des dommages-intérêts.

[15]      L'avocat des défenderesses Crazy Lee affirme pour sa part que le critère applicable en matière de jugements sommaires n'a pas été respecté.

[16]      L'avocat des défenderesses Crazy Lee soutient également qu'il n'y a eu ni contrefaçon ni imitation frauduleuse en l'espèce, d'autant plus que les marques de commerce n'étaient pas enregistrées à l'époque où les vêtements en question ont été vendus dans des magasins Crazy Lee.

[17]      L'avocat des défenderesses Crazy Lee prétend également " ce qui est fort étonnant " que les marchandises vendues par Crazy Lee étaient des marchandises de WAL-MART.

ANALYSE

[18]      À mon avis, il est incontestable que les magasins des défenderesses Crazy Lee ont vendu des marchandises auxquelles des étiquettes de WAL-MART étaient fixées.

[19]      L'enregistrement des marques de commerce qui a eu lieu en l'espèce est sans importance, parce que même après avoir appris qu'ils vendaient des articles portant des étiquettes WAL-MART, les représentants de Crazy Lee ont continué à le faire.

[20]      Il y a suffisamment d'éléments de preuve pour établir que les droits des demanderesses ont été violés et que l'attitude des magasins de la défenderesse Crazy Lee a créé de la confusion.

[21]      Pour ce qui est de la question de savoir s'il existe une question sérieuse à juger, la réponse est négative.

[22]      La seule question à laquelle la Cour doit répondre en l'espèce est celle de savoir s'il y a des dommages et d'en déterminer le montant.

[23]      À mon avis, la Cour est parfaitement justifiée de rendre un jugement sommaire en l'espèce et d'ordonner la tenue d'un renvoi visant à établir le montant des dommages-intérêts.

CRITÈRE APPLICABLE EN MATIÈRE DE JUGEMENTS SOMMAIRES

[24]      Le critère applicable en matière de jugements sommaires est celui de savoir si la demande ou la défense révèlent l'existence d'une question sérieuse à juger.

[25]      J'estime qu'il incombait aux défendeurs en l'espèce de soumettre à la Cour des éléments de preuve démontrant l'existence de questions justifiant la tenue d'un procès. Or, ils ne se sont pas acquittés de ce fardeau de preuve et, vu leur aveu et la preuve patente de violation des droits des demanderesses, il n'y a pas le moindre doute dans mon esprit que les demanderesses ont droit à un jugement sommaire en réponse à leur demande.

[26]      La preuve démontre par ailleurs à l'évidence qu'il y a eu imitation frauduleuse au sens de l'alinéa 7b) de la Loi.

[27]      Pour être visé par l'alinéa 7b), le demandeur doit satisfaire à un critère à trois volets.

[28]      Il doit appeler l'attention du public sur ses marchandises de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu'il a commencé à y appeler ainsi l'attention. Les trois éléments doivent être présents.

[29]      Il n'y a selon moi aucun doute que ce critère a été respecté en l'espèce pour ce qui est des vêtements auxquels étaient fixées des étiquettes de prix arborant la marque de commerce WAL-MART, compte tenu du fait qu'à l'entrée de leurs magasins, les défendeurs avaient affiché la lettre et la note de service de manière à attirer l'attention de leurs clients sur ces documents, et compte tenu aussi des aveux des défenderesses Crazy Lee suivant lesquels elles ont vendu des vêtements auxquels étaient fixées des étiquettes de prix arborant la marque de commerce WAL-MART.

[30]      Il est également clair dans mon esprit que les activités des défendeurs ont eu pour effet de diminuer la valeur de l'achalandage des demanderesses.

[31]      Pour ce qui est de la responsabilité du défendeur Haberman, il est admis qu'il était le seul principal administrateur et dirigeant de chacune des personnes morales défenderesses Crazy Lee.

[32]      Le défendeur Haberman a participé directement aux événements, envoyant lui-même une note de service à tous les magasins pour leur demander d'afficher la lettre et la note de service. Il était parfaitement au courant de la situation et tout a été fait avec son autorisation.

[33]      Finalement, eu égard à ces circonstances, il y a lieu de prononcer une injonction permanente.

[34]      Par conséquent, la requête en jugement sommaire est accueillie.

     LA COUR :

     -      DÉCLARE que les défendeurs ont violé les droits de WAL-MART Stores Inc. à la jouissance exclusive des marques de commerce WAL-MART, contrairement à l'article 19 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 ;
     -      DÉCLARE que les défendeurs sont réputés avoir violé les droits de WAL-MART Stores, Inc. à la jouissance exclusive des marques de commerce WAL-MART, contrairement à l'article 20 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 ;
     -      DÉCLARE que les défendeurs ont violé et sont réputés avoir violé les droits que possède WAL-MART Canada Inc. en tant que titulaire au Canada d'une licence exclusive portant sur les marques de commerce WAL-MART ;
     -      DÉCLARE que les défendeurs ont diminué la valeur de l'achalandage attaché aux marques WAL-MART, contrairement au paragraphe 22(1) de la Loi ;
     -      DÉCLARE que les défendeurs ont fait passer les marchandises contrefaites pour celles de WAL-MART Stores, Inc. et de WAL-MART Canada Inc., contrairement à l'alinéa 7b) de la Loi ;
     -      PRONONCE une injonction permanente interdisant à chacune des personnes morales défenderesses en question, ainsi qu'à leurs administrateurs, dirigeants, préposés, employés, mandataires et à toute autre personne sur lesquelles elles exercent un contrôle ou avec lesquelles elles agissent de concert, ainsi qu'à M. HABERMAN :
         1)      de violer les droits de WAL-MART Stores Inc. à la jouissance exclusive des marques de commerce WAL-MART, contrairement à l'article 19 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 ;
         2)      de violer les droits de WAL-MART Stores, Inc. à la jouissance exclusive des marques de commerce WAL-MART, contrairement à l'article 20 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 ;
         3)      de violer les droits de WAL-MART Canada Inc. en tant que titulaire au Canada d'une licence exclusive portant sur les marques de commerce WAL-MART ;
         4)      de vendre, d'offrir en vente et d'annoncer au Canada des marchandises en liaison avec les marque de commerce WAL-MART ;
         5)      de faire passer leurs marchandises contrefaites pour les marchandises des demanderesses ou de permettre à d'autres personnes de le faire ;
     -      ORDONNE aux défendeurs de remettre sous serment à la garde, aux soins ou au contrôle des demanderesses les marchandises contrefaites et tout objet y afférent, y compris toute étiquette de prix arborant la marque de commerce WAL-MART allant à l'encontre de la présente ordonnance de quelque manière que ce soit ;
     -      RENVOIE la question de la fixation des dommages-intérêts à un juge ou à toute personne désignée par le juge en chef en vertu de la règle 153 pour qu'il évalue les dommages que les demanderesses ont subis en raison de la contrefaçon et de l'imitation frauduleuse de la marque de commerce des demanderesses et pour qu'il évalue également les dommages-intérêts exemplaires ;
     -      CONDAMNE les défendeurs aux dépens extrajudiciaires.

                         Pierre Blais

                         Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 7 mai 1999.

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-1180-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :      WAL-MART STORES, INC. et AUTRES c.
                     CRAZY LEE"S (ST. CATHERINES) LIMITED et autres
LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :          Le 29 avril 1999

MOTIFS ET DISPOSITIF DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Blais

                     en date du 7 mai 1999

ONT COMPARU :

Me John S. Macera                      pour les demanderesses
Me Glen R. Solomon                      pour les défendeurs,
                             à l'exception de Titantex Inc.

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Macera & Jarzyna                      pour les demanderesses

Ottawa (Ontario)

Solomon, Grosberg                      pour les défendeurs,
Toronto (Ontario)                      à l'exception de Titantex Inc.
Gowling, Strathy & Henderson              pour la défenderesse
Toronto (Ontario)                      Titantex Inc.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.