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     Date: 19980818

     Dossier: T-2365-97

     DANS L'AFFAIRE DE la Loi sur la citoyenneté,

     L.R.C. (1985), chap. C-29

     ET DANS L'AFFAIRE D'un appel de la décision

     d'un juge de la Citoyenneté

     ET DANS L'AFFAIRE DE

     Mme Nuria Nahil,

     Appelante.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PINARD :

[1]      L'appelante interjette appel de la décision d'un juge de la Citoyenneté qui a rejeté sa demande de citoyenneté au motif qu'elle n'avait pas satisfait aux exigences prévues à l'alinéa 5(1)e) de la Loi sur la citoyenneté qui se lit comme suit:

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

     [. . .]
     (e) has an adequate knowledge of Canada and of the responsibilities and privileges of citizenship; and
     [. . .]

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

     [. . .]
     e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;
     [. . .]

[2]      Il s'agit d'un appel de novo. Après m'être rendu compte que l'appelante n'était absolument pas en mesure de répondre à des questions sur sa connaissance du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté, j'ai pris connaissance de l'expertise médicale faisant état des graves blessures cérébrales qu'elle avait subies lors d'un accident d'automobile survenu le 29 septembre 1994. Bien que cette expertise signée par le neurologue Louis E. Roy, M.D., et le psychiatre Jean-Pierre Berthiaume, M.D., ait été rédigée après un examen de l'appelante survenu le 13 septembre 1996, elle ne semble pas avoir été portée à la connaissance du juge de la Citoyenneté, n'ayant été déposée au greffe de cette Cour que vers le 21 mai 1998. Cela s'explique sans doute par le fait que c'est pour le compte de la Société de l'assurance automobile du Québec, à qui elle avait été remise le 10 octobre 1996, que l'expertise avait été préparée.

[3]      Cette expertise avait été demandée aux fins d'établir:

     1.      Atteinte permanente: les blessures subies lors de l'accident du 29 septembre 1994 ont-elles laissé des séquelles objectives aux régions suivantes: système nerveux central, système nerveux périphérique, système psychique?         
     2.      Après avoir examiné cette dame, pouvez-vous nous donner votre opinion sur la pertinence d'une présence continuelle chez cette dame accidentée de la route. S'il vous plaît motivez votre réponse et si possible, nous indiquer une durée.         

[4]      Après revue détaillée des divers documents pertinents et évaluation clinique de l'appelante, les spécialistes ont conclu comme suit:

     -      En réponse à la question numéro 1, en ce qui a trait aux atteintes permanentes, en portant une attention particulière au système nerveux central, au système nerveux périphérique ainsi qu'au système psychique, le principal élément à prendre en considération est le fait que la patiente présente un syndrome cérébral organique important avec altération des fonctions cognitives supérieures et affectives l'empêchant d'accomplir les activités quotidiennes communes à tous les individus et requérant une surveillance constante pour l'accomplissement de celles-ci, ce qui pourra être redevable d'un DAP de 100%.         
     -      En réponse à la question numéro 2, en ce qui a trait à la nécessité d'une présence continuelle auprès de la patiente, il nous apparaît évident que la patiente requiert une surveillance constante et il est à prévoir que cette surveillance constante sera à caractère permanent compte tenu du fait que l'accident est survenu il y a déjà de cela deux ans et que l'état de la patiente a été essentiellement stable au cours de la dernière année. Plusieurs éléments justifient une telle surveillance constante chez la patiente, nous en voulons pour témoin les problèmes de mémoire, les problèmes d'orientation, les altérations au plan du jugement et de l'abstraction, la nécessité de surveillance pour l'accomplissement des activités de la vie quotidienne, le besoin de surveillance pour l'accomplissement de tâches telles la préparation des repas, le lavage de la vaisselle, l'incapacité d'intégrer de nouveaux enseignements, l'incapacité d'intégrer des instructions, l'apathie, l'insouciance, le fait que la patiente n'est pas consciente du danger, qu'elle est facilement désorientée... tel que nous avons été à même de le constater dans les locaux de notre bureau. Ces nombreux éléments déficitaires au plan cognitif ainsi que les nombreuses difficultés de fonctionnement au quotidien qui ont été observés requièrent une supervision constante, permanente.         

[5]      Compte tenu de ces circonstances particulières, l'incapacité de l'appelante de répondre se comprend bien et je ne crois pas que lui refuser la citoyenneté canadienne puisse servir l'intérêt public ou quelque intérêt que ce soit. En conséquence, bien que le présent appel ne puisse être maintenu, je n'ai aucune hésitation à recommander respectueusement au ministre d'exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par le paragraphe 5(3) de la Loi sur la citoyenneté d'exempter l'appelante des conditions prévues à l'alinéa 5(1)e) de la même Loi.

                            

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 18 août 1998



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