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Date : 20040113

Dossier : IMM-3920-03

Référence : 2004 CF 39

Montréal (Québec), le 13 janvier 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MARTINEAU                    

ENTRE :

                                                    SUKHWINDER SINGH SIDHU

                                                                                                                                           demandeur

                                                                          - et -

                                              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                         ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), qui vise la décision du 10 avril 2003 de Marylène Charbonneau, agente d'examen des risques avant renvoi (l'agente ERAR), de rejeter la demande d'examen des risques avant renvoi du demandeur au motif qu'il n'avait pas qualité d'individu qui serait exposé au risque d'être soumis à la persécution, à la torture ou à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités s'il devait retourner en Inde.

CONTEXTE

[2]                Le demandeur, Sukhwinder Singh Sidhu, est un citoyen de l'Inde. Il a revendiqué le statut de réfugié au Canada et sa demande a été rejetée le 4 décembre 2001. Sa demande était fondée sur la crainte d'être soumis à un risque objectif et discernable de torture et de détention à cause de ses opinions politiques présumées et de son appartenance à un groupe social. Le demandeur a prétendu que la police tentait de le détenir et de le soumettre à la torture parce qu'il était soupçonné, à tort, de transporter et d'héberger des militants. En outre, il a prétendu que des militants le tenaient responsable de l'arrestation de leurs collègues et qu'ils avaient aussi menacé de porter atteinte à sa vie.


[3]                Le 4 décembre 2001, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) a rejeté la revendication du demandeur pour des raisons de crédibilité. Le 28 décembre 2001, le demandeur a soumis une demande d'examen sous la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (la CDNRSRC). La demande a été remplacée par une demande d'examen des risques avant renvoi (ERAR) quand la Loi est entrée en vigueur et elle a été rejetée le 10 avril 2003. Le 28 mai 2003, le demandeur a déposé une demande de sursis de la mesure de renvoi, laquelle demande a été rejetée par la juge Gauthier, le 2 juin 2003.


[4]                L'agente ERAR a affirmé que son analyse de l'affaire qui nous intéresse était fondée sur les mêmes faits que ceux qui avaient été soumis à la CISR et jugés non crédibles, ainsi que sur de nouvelles preuves, notamment une lettre de la femme du demandeur, des renseignements médicaux concernant la santé du père du demandeur et un affidavit du demandeur lui-même. L'agente ERAR a fait plusieurs observations qui étaient semblables à celles de la CSIR dans sa décision. Le demandeur n'a pas pu expliquer certaines incohérences dans sa demande, surtout la déclaration qu'il avait faite au point d'entrée selon laquelle il était venu au Canada afin de se trouver un emploi meilleur. L'agente ERAR a également mentionné une preuve documentaire selon laquelle le groupe radical de militants sikhs avait, à toutes fins pratiques, disparu en 1997 et que la police ne pourchassait pas les Sikhs qui vivaient à l'extérieur du Pendjab en l'absence d'une preuve concrète d'activités criminelles. En outre, parce que le demandeur avait été relâché après son arrestation, la preuve documentaire laissait à penser que la police ne le considérait pas comme militant. L'agente ERAR a conclu que le demandeur n'avait pas le profil d'un militant et qu'aucune preuve documentaire ne confirmait que le demandeur avait eu des difficultés au moment où il alléguait leur existence. De surcroît, la preuve documentaire révélait que les personnes qui avaient déjà été arrêtées à cause de leur militantisme menaient aujourd'hui une vie normale. Enfin, l'agente ERAR a conclu qu'il y avait une possibilité de refuge intérieur et que la preuve permettait également de dire que les citoyens indiens qui n'avaient pas obtenu le statut de réfugié dans un autre pays n'avaient aucun problème avec les autorités s'ils possédaient les documents requis au moment de leur retour au pays. L'agente ERAR a donc décidé que le demandeur ne serait par exposé au risque d'être persécuté s'il retournait en Inde.

NORME DE CONTRÔLE

[5]                D'un côté, le demandeur prétend que la norme de contrôle qu'il faut appliquer à la décision de l'agente ERAR est celle de la décision raisonnable simpliciter (Shahi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1826, au paragraphe 13 (1re inst.) (QL)). Par contre, le défendeur fait valoir que la norme est celle de la décision manifestement déraisonnable. Le défendeur allègue que la jurisprudence qui établit ce principe dans une demande relative à la CDNRSRC s'applique avec les adaptations nécessaires à une décision relative à un ERAR (Maximerko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 183, au paragraphe 9 (1re inst.) (QL); Sokhan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 958, au paragraphe 14 (1re inst.) (QL)).

[6]                Dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 62, la juge L'Heureux-Dubé s'est exprimée en ces termes :


Je conclus qu'on devrait faire preuve d'une retenue considérable envers les décisions d'agents d'immigration exerçant les pouvoirs conférés par la loi, compte tenu de la nature factuelle de l'analyse, de son rôle d'exception au sein du régime législatif, du fait que le décideur est le ministre, et de la large discrétion accordée par le libellé de la loi. Toutefois, l'absence de clause privative, la possibilité expressément prévue d'un contrôle judiciaire par la Cour fédérale, Section de première instance, et la Cour d'appel fédérale dans certaines circonstances, ainsi que la nature individuelle plutôt que polycentrique de la décision, tendent aussi à indiquer que la norme applicable ne devrait pas en être une d'aussi grande retenue que celle du caractère « manifestement déraisonnable » . Je conclus, après avoir évalué tous ces facteurs, que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision raisonnable simpliciter.

[7]                À la lumière de ces commentaires, j'en arriverais à la conclusion qu'en appliquant la démarche pragmatique et fonctionnelle, la norme de contrôle applicable devrait être celle de la décision raisonnable simpliciter (Shahi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1826, au paragraphe 13 (1re inst.) (QL); Zolotareva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 1586, au paragraphe 25 (1re inst.) (QL)).

[8]                En évaluant la norme de contrôle applicable, il faut tenir compte également du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7, qui établit les motifs précis qu'un demandeur doit établir pour que sa demande de contrôle judiciaire soit accueillie. Voici le libellé de la disposition :



(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises par la Section de première instance si elle est convaincue que l'office fédéral, selon le cas :

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l'exercer;

b) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'il était légalement tenu de respecter;

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;e) a agi ou omis d'agir en raison d'une fraude ou de faux témoignages;

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

(4) The Trial Division may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

(a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;

(b) failed to observe a principle of natural justice, procedural fairness or other procedure that it was required by law to observe;

(c) erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record;

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

(e) acted, or failed to act, by reason of fraud or perjured evidence; or

(f) acted in any other way that was contrary to law.


[9]                En établissant six motifs distincts de contrôle, le législateur a volontairement choisi une approche plutôt formaliste en matière de contrôle judiciaire (Umba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 25). Par exemple, l'alinéa 18.1(4)d) prévoit qu'une conclusion de fait erronée d'un tribunal ne peut être contrôlée que si elle a été tirée « de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont le tribunal disposait » . Dans Harb c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 108, au paragraphe 14 (C.A.) (QL), le juge Décary a dit ce qui suit :

Ces conclusions, dans la mesure où elles sont factuelles, ne peuvent être révisées que si elles sont erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont la Section du statut disposait (c'est l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, qui établit cette norme de contrôle, qu'en d'autres juridictions on définit par l'expression « manifestement déraisonnable » ). [Non souligné dans l'original.]

[10]            Compte tenu de ces observations, je reconnais qu'il y a toujours lieu de débattre de la question de savoir si le contrôle de la décision en l'espèce doit être effectué en conformité avec la norme de la décision raisonnable simpliciter ou la norme de la décision manifestement déraisonnable.


[11]            Toutefois, il n'est pas nécessaire que je tranche formellement la question de la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer dans les affaires qui comportent un examen du risque. Quelle que soit la norme, j'ai décidé que la décision attaquée n'était pas susceptible de contrôle. Il est clair que l'agente ERAR n'a pas fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qui aurait été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait. En outre, la conclusion tirée par l'agente ERAR est fondée sur la preuve et elle peut résister à un examen poussé.

ANALYSE

[12]            Premièrement, le demandeur fait valoir que l'agente ERAR n'a pas tenu adéquatement compte de la preuve documentaire. Plusieurs rapports soumis à l'examen de l'agente décrivaient la situation en termes lugubres, notamment le rapport d'Amnistie internationale intitulé : India : Break the Cycle of Impunity and Torture in Punjab (20 janvier 2003). Ce rapport décrit en détail la violation flagrante de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Rés. NU 39/46, Doc. off. AG NU, suppl. no 51, Doc. NU A/39/51 (1984) 197 (la Convention contre la torture), comme l'a fait la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Chahal c. Royaume-Uni, (1997) 23 E.H.R.R. 413, dans laquelle la Cour a conclu qu'une personne ciblée, comme le demandeur en l'espèce, était exposée à un risque grave d'être soumise à la torture. Puisque la Cour européenne a conclu que M. Chahal était toujours menacé d'être soumis à la torture en Inde, il faudrait appliquer le même raisonnement en l'espèce.


[13]            Le demandeur invoque la décision de la Cour fédérale, Shahi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1826 (1re inst.) (QL), comme preuve de l'approbation de la Cour de l'applicabilité de la décision Chahal à la situation actuelle en Inde. Dans cette décision, la juge Tremblay-Lamer a dit, aux paragraphes 22 et 23 :

Il ressort clairement d'un examen « poussé » fondé sur les motifs d'ordre humanitaire pertinents qui ont été présentés en preuve que le demandeur pourrait raisonnablement s'attendre à éprouver des difficultés inhabituelles, injustes ou indues s'il devait quitter le Canada, en raison des soupçons erronés qu'entretient la police panjabi sur ses affinités avec des militants sikhs.

[14]          En outre, contrairement aux conclusions tirées par l'agente d'immigration, je suis d'avis que la décision rendue dans l'affaire Chahal c. Royaume-Uni [...] appuie en effet la conclusion selon laquelle une personne ciblée comme le demandeur serait en danger si elle devait retourner en Inde. Bien que la Cour européenne des droits de l'homme ait noté une diminution de la mortalité liée au terrorisme dans la région du Punjab, de même qu'une progression dans l'effort de changer la culture d'abus de pouvoir et de corruption qui prévaut au sein de la police, il importe de souligner que l'affaire Chahal établit que l'absence de preuves concrètes d'une réforme en profondeur de la police punjabi ces dernières années cadre bien avec la présomption selon laquelle la corruption policière demeure un problème conLors de l'audience tenue devant la Cour, l'avocat du demandeur a également invoqué plusieurs extraits du Danish Immigration Service Report dans lesquels il était mentionné que la torture et d'autres traitements inhumains existaient toujours au Pendjab (ou, de manière générale, en Inde). L'avocat a laissé entendre que la Commission avait soit mal compris cette preuve documentaire extrêmement pertinente soit n'en avait pas tenu compte.


[15]            Malgré les efforts valables de l'avocat du demandeur afin d'établir que la conclusion de l'agente est déraisonnable, la preuve documentaire n'est pas sans équivoque. Les questions de poids et de crédibilité de la preuve dans un examen des risques relèvent totalement du pouvoir discrétionnaire de l'agent ERAR et, habituellement, la Cour ne doit pas substituer son analyse à celle de l'agent (Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada, [1982] 2 R.S.C. 2; Ferroequus Railway Co. c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, [2003] A.C.F. no 1773, au paragraphe 14, (C.A.F.) (QL); Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 974, au paragraphe 4 (1re inst.) (QL)).

[16]            La décision de l'agente ERAR n'était pas fondée sur des suppositions mais sur une preuve documentaire qu'elle mentionne précisément à plusieurs reprises dans sa décision. En outre, les deux décisions invoquées par le demandeur ne sont pas concluantes en l'espèce. L'arrêt Chahal, précité, que le demandeur a beaucoup invoqué, a été rendu en 1996. En soi, cette décision ne permet pas d'établir l'existence d'un risque au moment où l'agente ERAR a rendu sa décision en 2003. Il en va de même pour ce qui concerne la décision de 1998, Shahi, précitée. De surcroît, il ne s'agit pas d'une affaire dans laquelle l'absence totale d'analyse de la preuve documentaire constitue une erreur de droit ou va à l'encontre de l'obligation d'équité comme dans Rajathurai c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 296 (1re inst.) (QL). Il est clair que le raisonnement de l'agente est compréhensible et rationnel.


[17]            La CISR avait déjà examiné diverses sources fiables de preuves documentaires et elle avait décidé que les allégations du demandeur ne correspondaient pas à la situation politique actuelle en Inde. L'agente ERAR, qui a analysé des preuves documentaires récentes telles que l'édition de 2002 du Immigration and Naturalization Directorate et le Danish Immigration Service Report sur la situation courante, a tiré les mêmes conclusions. Selon ces preuves, le groupe radical de militants sikhs avait, à toutes fins pratiques, disparu en 1997 et la police ne pourchassait pas les Sikhs qui vivaient à l'extérieur du Pendjab sans avoir une preuve concrète d'activités criminelles. De plus, selon le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, les citoyens indiens qui n'ont pas obtenu le statut de réfugié dans d'autres pays ne font face à aucune difficulté à leur retour s'ils possèdent les documents requis. Il suffit de dire qu'il existe une preuve documentaire qui étaye la conclusion de l'agente. Il existe peut-être une preuve documentaire qui présente une position quelque peu différente, mais je ne suis pas disposé à dire, en l'espèce, que le fait de ne pas mentionner précisément cette preuve a pour effet de modifier la conclusion générale de l'agente selon laquelle le demandeur ne serait pas personnellement menacé de persécution.

[18]            L'agente ERAR a également mentionné, dans son évaluation, que son analyse de l'affaire qui nous intéresse était fondée en partie sur les mêmes faits que ceux qui avaient été soumis à la CISR et jugés non crédibles. La CISR en a décidé ainsi à cause du manque de crédibilité du demandeur et de l'invraisemblance de son récit. Sa crédibilité a également été mise en doute à cause de la déclaration qu'il a faite au point d'entrée selon laquelle il venait au Canada pour y chercher un emploi et du fait qu'il n'a pas réussi à établir qu'il avait une crainte crédible et subjective d'être persécuté en Inde.


[19]            Certes, l'agente pouvait tenir compte du fait que le demandeur ne s'était adonné à aucune activité politique ou militante; qu'il n'avait pas le profil d'un militant; qu'il n'avait jamais été formellement accusé d'un acte criminel par la police; qu'il avait dit que les autorités punjabis ne lui avaient causé aucune difficulté au début des années 1990, période pendant laquelle les militants étaient actifs; qu'il avait dit que les autorités l'avait relâché après son arrestation. La conclusion de l'agente ERAR selon laquelle le demandeur ne ferait pas face à un risque personnel de persécution s'il devait retourner en Inde était raisonnable dans les circonstances en cause.

[20]            Deuxièmement, le demandeur fait valoir que l'agente ERAR a agi d'une manière abusive et arbitraire en ce qu'elle n'a pas tenu suffisamment compte de la preuve médicale au dossier et qui provenait de professionnels de la santé qui affirmaient que le demandeur avait été soumis à la torture (pièces P-6 et P-12). Selon cette preuve, entre le 2 et le 9 août 2000, le demandeur avait des blessures aux tissus mous, des ecchymoses et des marques linéaires et ses articulations étaient ankylosées. L'agente n'ayant donné aucun motif clair pour lequel elle avait rejeté cette preuve, le demandeur prétend que son droit à l'équité procédurale a été violé. Une preuve médicale ne doit pas être écartée sans explication : Vijayarajah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 167 F.T.R. 295 (C.F. 1re inst.). L'avocat du demandeur affirme qu'il a été soumis à des tortures très sévères et qu'il existe une preuve médicale forte qui le confirme.

[21]            Il me faut également rejeter ce deuxième argument. À la page 4 de sa décision, l'agente ERAR décrit clairement les documents qui lui ont été soumis par le demandeur, notamment le rapport médical. Par conséquent, même si la preuve médicale n'a pas été examinée en profondeur, la décision de l'agente ERAR n'est pas pour autant abusive ou arbitraire : Kaur c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 190, au paragraphe 20 (C.F. 1re inst.) (QL). En outre, en soi, un rapport médical n'est pas une preuve que le demandeur a été torturé. Il ne corrobore pas le récit du demandeur, récit qui a été jugé non crédible.


[22]            En fin de compte, du moment que la décision contestée est raisonnable, elle doit être maintenue. Le poids et la crédibilité d'une preuve sont des décisions qui relèvent de l'agent ERAR. En l'espèce, l'agente ERAR a donné des motifs clairs de son évaluation négative des risques.

[23]            Par conséquent, une lecture de la totalité de la décision de l'agente ERAR permet de conclure qu'elle n'est ni abusive ni arbitraire et qu'elle peut résister à un examen « poussé » . La demande doit donc être rejetée.

CERTIFICATION D'UNE QUESTION

[24]            Le demandeur a proposé la question suivante à des fins de certification :

[traduction] La situation en Inde est-elle visée par le paragraphe 3(2) de la Convention contre la torture puisqu'il y existe un ensemble de violations systématiques des droits de la personne, graves, flagrantes ou massives?

[25]            Aux termes de l'article 3 de la Convention contre la torture :

1. Aucun État partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture.


2. Pour déterminer s'il y a de tels motifs, les autorités compétentes tiendront compte de toutes les considérations pertinentes, y compris, le cas échéant, de l'existence, dans l'État intéressé, d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives.

[26]            L'alinéa 97(1)a) de la Loi renvoie précisément à la notion de torture au sens de l'article premier de la Convention et intègre donc les principes énoncés à l'article 3 de celle-ci. Par voie de conséquence, la réponse à cette question se trouve dans la loi elle-même et la question n'a pas besoin d'être certifiée.

[27]            De plus, pour l'essentiel, le risque de torture est un fait qui exige un examen cas par cas. En l'espèce, l'agente ERAR a évalué la preuve pertinente et elle a décidé que le demandeur ne serait pas exposé au risque d'être soumis à la persécution, à la torture ou à une menace à sa vie ou au risque de traitement ou peines cruels et inusités en Inde.

[28]            La Cour d'appel fédérale a mentionné dans Liyanagamage c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1994), 176 N.R. 4 (C.A.F.) qu'une question ne doit être certifiée que si elle aborde des éléments ayant des conséquences importantes de portée générale et qu'elle transcende les intérêts immédiats des parties au litige. Il est évident que ce n'est pas le cas en l'espèce.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 10 avril 2003 par Marylène Charbonneau, agente d'examen des risques avant renvoi, soit rejetée. Aucune question de portée générale n'est certifiée.

                                                                                _ Luc Martineau _                

                                                                                                     Juge                          

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                             IMM-3920-03

INTITULÉ :                            SUKHWINDER SINGH SIDHU

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :      MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :    LE 6 JANVIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :            LE JUGE MARTINEAU

DATE DES MOTIFS :           LE 13 JANVIER 2004

COMPARUTIONS :

STEWART ISTVANFFY         POUR LE DEMANDEUR

ANDREA SHAHIN                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stewart Istvanffy                        POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)


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