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Date : 20040421

Dossier : IMM-1956-03

Référence : 2004 CF 587

OTTAWA (ONTARIO), LE 21 AVRIL 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MARTINEAU

ENTRE :

                                                             SOHAIL RASHEED

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                       ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision en date du 21 février 2003 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a statué qu'il n'était pas un « réfugié au sens de la Convention » ou une « personne à protéger » au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi).

[2]                Le demandeur est un citoyen du Pakistan qui soutient craindre avec raison d'être persécuté en raison de ses opinions politiques. Un aspect central de la revendication du demandeur réside dans son identité.

[3]                Le demandeur est entré au Canada avec un passeport britannique sous le nom de Mohammad Rafiq Sharif. Lorsqu'il est arrivé au Canada le 19 janvier 2001, les autorités ont constaté que son passeport était faux et le demandeur a fait savoir à un agent d'immigration que son nom était Mohammad Khalid. Il a ensuite rempli son formulaire de renseignements personnels (FRP) en utilisant le nom de Sohail Rasheed et, à l'audience, il a indiqué que son vrai nom était Sohail Rasheed.

[4]                Le demandeur a remis à la Commission des pièces d'identité, y compris un certificat de naissance et un certificat d'études établis sous le nom de Sohail Rasheed. Il a également fourni une photocopie de quatre pages d'un passeport pakistanais comportant une photographie de lui sous le nom de Sohail Rasheed. À l'audience, le demandeur a expliqué qu'il n'avait pu joindre son ami, qui avait en main son passeport, et que tout ce qu'il a pu trouver était la photocopie fournie. Le demandeur n'a pu trouver sa carte d'identité nationale originale (CIN), mais il a remis à la Commission un double exemplaire de sa carte qui avait été délivré par les autorités pakistanaises et qui, de l'avis de Citoyenneté et Immigration Canada, était probablement authentique.

[5]                Le demandeur soutient qu'au cours des quinze dernières années, il a participé à la plupart des événements politiques importants qui se sont déroulés à Karachi et dans la province de Sindh. Il a présenté à la Commission plusieurs photographies de lui-même qui avaient été reproduites dans les journaux et sur lesquelles il figure en compagnie de dirigeants du parti populaire du Pakistan. Il a été garde du corps pour de nombreux membres importants du parti. De plus, le demandeur a présenté sa carte de membre du parti (sur laquelle figure également une photographie de lui) et plusieurs lettres d'appui d'autres membres de celui-ci. Il a également été question d'un mandat d'arrestation officiel qui a été délivré sous le sceau de la cour de Najid Nughal et qui a été produit à la Commission.

[6]                La Commission n'a pas accueilli la revendication du demandeur, parce qu'elle a conclu qu'il ne s'était pas acquitté du fardeau qu'il avait d'établir son identité. En conséquence, elle a statué que la version du demandeur, y compris les allégations de persécution, n'était pas crédible.

[7]                Les motifs que la Commission a invoqués pour rejeter la preuve documentaire établissant l'identité du demandeur sont les suivants :

1)          aucune explication raisonnable n'a été fournie au sujet du fait que le demandeur a trompé les autorités à son arrivée au Canada;


2)          le demandeur a obtenu un double exemplaire de la CIN environ deux mois seulement avant l'audition de sa revendication du statut de réfugié, de sorte qu'il y a lieu de se demander comment la carte a été obtenue, étant donné que la preuve documentaire établit que les CIN sont délivrées uniquement en personne aux demandeurs de sexe masculin;

3)         En ce qui concerne le certificat de naissance et le certificat d'études, il appert de la preuve documentaire qu'il est facile d'obtenir de faux documents en échange d'argent;

4)         Aucune valeur probante ne devrait être accordée à la photocopie de quatre pages d'un passeport pakistanais sur laquelle apparaissent la photographie du demandeur et le nom de Sohail Rasheed, puisque ce document n'est pas un original et qu'il est incomplet.


[8]                La norme de contrôle applicable aux décisions de la Commission concernant la crédibilité est celle de la décision manifestement déraisonnable (R.K.L. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. n ° 162 (C.F. 1re inst.) (QL)). Tant et aussi longtemps que les conclusions tirées par le tribunal ne sont pas manifestement déraisonnables au point de justifier une intervention, elles ne sont pas susceptibles de contrôle judiciaire. Par conséquent, le défendeur soutient qu'en toute logique, la Cour devrait vérifier si un demandeur d'asile possède des documents acceptables établissant son identité uniquement si la Commission a tiré une conclusion manifestement déraisonnable à ce sujet. C'est effectivement l'avis de certains juges de la Cour fédérale. (Najam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. n ° 516, au paragraphe 14 (C.F.) (QL); et Gasparyan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. n ° 1103, au paragraphe 6 (C.F.) (QL)).

[9]                Pour sa part, le demandeur fait valoir que la question en litige ne porte pas à strictement parler sur la crédibilité, étant donné que les documents étrangers qu'un demandeur d'asile présente pour établir son identité sont généralement admissibles en vertu des règles de droit canadiennes (dans la présente affaire, la revendication a été entendue dans la province de Québec). Sur ce point, l'avocat du demandeur a cité à la Cour les dispositions législatives suivantes :

a)          Article 2822 du Code Civil du Québec :


Art. 2822. L'acte qui émane apparemment d'un officier public étranger compétent fait preuve, à l'égard de tous, de son contenu, sans qu'il soit nécessaire de prouver la qualité ni la signature de cet officier.

Art. 2822. An act purporting to be issued by a competent foreign public officer makes proof of its content against all persons and neither the quality nor the signature of the officer need be proved.

De même, la copie d'un document dont l'officier public étranger est dépositaire fait preuve, à l'égard de tous, de sa conformité à l'original et supplée à ce dernier, si elle émane apparemment de cet officier.

Similarly, a copy of a document in the custody of the foreign public officer makes proof of its conformity to the original against all persons, and replaces the original if it purports to be issued by the officer


b)          Article 23 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, ch. C-5 :



23. (1) La preuve d'une procédure ou pièce d'un tribunal de la Grande-Bretagne, ou de la Cour suprême, ou de la Cour d'appel fédérale, ou de la Cour fédérale, ou de la Cour canadienne de l'impôt, ou d'un tribunal d'une province, ou de tout tribunal d'une colonie ou possession britannique, ou d'un tribunal d'archives des États-Unis, ou de tout État des États-Unis, ou d'un autre pays étranger, ou d'un juge de paix ou d'un coroner dans une province, peut se faire, dans toute action ou procédure, au moyen d'une ampliation ou copie certifiée de la procédure ou pièce, donnée comme portant le sceau du tribunal, ou la signature ou le sceau du juge de paix, du coroner ou du sténographe judiciaire, selon le cas, sans aucune preuve de l'authenticité de ce sceau ou de la signature du juge de paix, du coroner ou du sténographe judiciaire, ni autre preuve.

23. (1) Evidence of any proceeding or record whatever of, in or before any court in Great Britain, the Supreme Court, the Federal Court of Appeal,

the Federal Court or the Tax Court of Canada, any court in a province, any court in a British colony or possession or any court of record of the United States, of a state of the United States or of any other foreign country, or before any justice of the peace or coroner in a province, may be given in any action or proceeding by an exemplification or certified copy of the proceeding or record, purporting to be under the seal of the court or under the hand or seal of the justice, coroner or court stenographer, as the case may be, without any proof of the authenticity of the seal or of the signature of the justice, coroner or court stenographer or other proof whatever.

(2) Si un de ces tribunaux, ce juge de paix, ce coroner ou ce sténographe judiciaire n'a pas de sceau, ou certifie qu'il n'en a pas, la preuve peut se faire au moyen d'une copie donnée comme certifiée sous la signature d'un juge ou du juge de la cour provinciale présidant ce tribunal, ou de ce juge de paix, de ce coroner ou de ce sténographe judiciaire, sans aucune preuve de l'authenticité de cette signature, ni autre preuve.

(2) Where any court, justice or coroner or court stenographer referred to in subsection (1) has no seal, or so certifies, the evidence may be given by a copy purporting to be certified under the signature of a judge or presiding provincial court judge or of the justice or coroner or court stenographer, without any proof of the authenticity of the signature or other proof whatever.


c)          Paragraphe 25(1) de la Loi d'interprétation, L.R.C. 1985, ch. I-21 :


25(1) Fait foi de son contenu en justice sauf preuve contraire le document dont un texte prévoit qu'il établit l'existence d'un fait sans toutefois préciser qu'il l'établit de façon concluante.

25(1) Where an enactment provides that a document is evidence of a fact without anything in the context to indicate that the document is conclusive evidence, then, in any judicial proceedings, the document is admissible in evidence and the fact is deemed to be established in the absence of any evidence to the contrary.


[10]            Selon le demandeur, le refus par la Commission d'accepter les pièces d'identité pour des raisons non valables constitue une erreur de droit. Par conséquent, la norme de contrôle applicable à cette décision est celle de la décision correcte.

[11]            Pour les motifs exposés ci-après et compte tenu de la démarche pragmatique et fonctionnelle (Dr. Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, au paragraphe 21 (C.S.C.)), je suis d'avis que la décision concernant l'identité du demandeur devrait être révisée selon la norme de la décision raisonnable simpliciter.

[12]            Il est vrai que les questions de droit sont généralement susceptibles de révision selon la norme de la décision correcte (Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, au paragraphe 50 (C.S.C.)). Cela étant dit, dans la présente affaire, l'acceptation ou le rejet par la Commission de documents étrangers officiels établissant l'identité soulève une question mixte de droit et de fait.

[13]            Il incombe au demandeur d'asile de prouver son identité. Le Parlement a mis l'accent sur l'importance de fournir des documents acceptables. Si ces documents ne sont pas disponibles, la Commission doit néanmoins décider si le demandeur a donné une explication raisonnable au sujet de cette absence ou s'il a pris des mesures raisonnables pour les obtenir. Par ailleurs, il est loisible à la Commission de tenir compte du fait que le demandeur n'a pas établi son identité au cours de l'évaluation qu'elle fait de la crédibilité générale de celui-ci.

[14]            L'article 106 de la Loi est ainsi libellé :


106. La Section de la protection des réfugiés prend en compte, s'agissant de crédibilité, le fait que, n'étant pas muni de papiers d'identité acceptables, le demandeur ne peut raisonnablement en justifier la raison et n'a pas pris les mesures voulues pour s'en procurer.

106. The Refugee Protection Division must take into account, with respect to the credibility of a claimant, whether the claimant possesses acceptable documentation establishing identity, and if not, whether they have provided a reasonable explanation for the lack of documentation or have taken reasonable steps to obtain the documentation.


[15]            Compte tenu de tous les critères pertinents, y compris la nature de la question, la compétence spécialisée de la Commission comparativement à celle de la Cour sur le sujet, l'objet de la Loi et les articles 96, 97 et 106 de celle-ci, je suis d'avis que la décision à laquelle la Commission en est arrivée au sujet de l'identité du demandeur devrait être examinée selon la norme de la décision raisonnable simpliciter. Cette conclusion est compatible avec le raisonnement que j'ai suivi et le résultat auquel j'en suis venu dans Umba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 17 (C.F.) (QL).

[16]            Après avoir examiné attentivement les transcriptions de l'audience tenue devant la Commission ainsi que la preuve documentaire que le demandeur a présentée, je suis d'avis que la conclusion de la Commission ne peut être confirmée. Qu'ils soient examinés ensemble ou séparément, les motifs que la Commission a invoqués ne peuvent résister à « un examen assez poussé » (Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, aux paragraphes 48 et 55 (C.S.C.)). Dans l'ensemble, je suis d'avis que la décision de la Commission est déraisonnable.


[17]            Le demandeur a effectivement expliqué au cours de son témoignage pourquoi il avait menti aux autorités de l'immigration à son arrivée. Il a dit qu'il suivait les directives de son mandataire et, lorsqu'il s'est fait demander d'expliquer les réponses incompatibles données aux autorités canadiennes, il a répondu comme suit :

[TRADUCTION]

Q.             Maintenant, c'est là que la situation devient un peu étrange pour moi. Vous vous trouvez dans la pièce avec une agente d'Immigration Canada. Vous avez établi une relation quelconque avec l'agente, de sorte que vous vous faites confiance l'un l'autre. Pourquoi ne lui dites-vous pas votre véritable nom?

R.             Le mandataire m'a dit que, si je me faisais prendre, je ne devais pas donner mon vrai nom, mais plutôt en fournir un autre. Il a dit aussi que si je suivais ses directives, tout se passerait bien et que, autrement, j'aurais des problèmes. Il m'a dit de ne pas donner mon nom, de ne pas donner mon vrai nom.

Q.             Mais à ce moment-là, que pensiez-vous qu'il vous arriverait si vous lui donniez un faux nom?

R.             J'avais peur, je n'étais pas certain d'obtenir l'asile ici, étant donné que j'étais enfermé dans la pièce avec eux.

Q.             Mais ils ne vous ont pas dit qu'ils vous aideraient? Ils ne vous ont pas dit que vous aviez des problèmes, qu'ils comprenaient que le Pakistan est un pays problématique et que vous pouviez avoir des problèmes au Pakistan?

R.             Oui, elle a dit ça, mais je n'étais pas certain, parce que le mandataire m'avait dit de suivre ses directives à la lettre. J'étais très nerveux à l'époque et je venais de m'enfuir d'un pays, je m'étais enfui, j'étais venu ici pour sauver ma vie.

-.               D'accord.

Q.             Si je comprends bien, vous avez décidé d'agir suivant les directives de votre mandataire malgré la compréhension qu'un agent d'immigration de CIC avait démontrée envers vous?

R.             Oui, parce qu'auparavant, l'agente d'immigration m'avait fait peur en me disant qu'ils me renverraient; alors, je ne pouvais pas lui faire confiance.


[18]            Il a déjà été décidé que le fait qu'un demandeur d'asile soit muni de faux documents de voyage, qu'il détruise des documents de voyage ou qu'il mente à leur sujet à son arrivée pour se conformer aux directives de son mandataire a une importance secondaire et une valeur très limitée au plan de la détermination de la crédibilité générale. D'abord, il n'est pas rare que les personnes qui fuient leur pays pour éviter d'être persécutées n'aient pas de documents de voyage réguliers en main et que, en raison de leur vulnérabilité et des craintes qu'elles ressentent, agissent simplement conformément aux directives du mandataire qui a organisé leur fuite. En second lieu, le fait qu'une personne ait menti ou non au sujet de ses documents de voyage a peu de liens directs avec la question de savoir si elle est effectivement un réfugié (Attakora c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] A.C.F. n ° 444 (C.A.) (QL), et Takhar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. n ° 240, au paragraphe 14 (C.F. 1re inst.) (QL)).

[19]            Même si le demandeur a menti en omettant d'indiquer son véritable nom aux autorités canadiennes au point d'entrée, il n'en demeure pas moins qu'il a subséquemment fourni de nombreux documents pour établir son identité. À cet égard, je suis disposé à accepter le principe fondamental des règles de droit canadiennes selon lequel les documents étrangers (qu'ils établissent ou non l'identité d'un demandeur d'asile) apparemment délivrés par un fonctionnaire étranger compétent devraient être acceptés comme preuve de leur contenu, à moins que la Commission n'ait une bonne raison de douter de leur authenticité.

[20]            Dans Ramalingam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. n ° 10 (C.F. 1re inst.) (QL), le juge Dubé fait remarquer ce qui suit aux paragraphes 5 et 6 :

(...) De plus, les pièces d'identité délivrées par un gouvernement étranger sont présumées valides à moins d'une preuve contraire : voir Gur, Jorge P. (1971), 1 I.A.C. 384 (C.A.I.). Dans cette décision de la Commission d'appel de l'immigration, le président a posé la question suivante, à la page 391 :

[TRADUCTION] « La question en l'espèce est la suivante : qui peut contester la validité d'un document émanant d'un État, à qui alors incombe la preuve de sa validité et quelle preuve est requise? »

Il y a répondu correctement à la page 392 :


[TRADUCTION] « Bien qu'il n'existe presque pas de jurisprudence qui porte directement sur ce point, il faut considérer qu'un document émanant d'un État - un passeport ou un certificat d'identité - est présumé valide. La reconnaissance de la souveraineté d'un État étranger sur ses citoyens ou ses ressortissants et la courtoisie internationale rendent toute autre conclusion insoutenable. La maxime « omnia praesumuntur rite et solemniter esse acta » (toute chose est présumée être faite conformément à la règle) s'applique tout particulièrement en l'espèce en établissant une présomption réfutable de validité » .

[6]       En l'espèce, la Commission a contesté la validité du certificat de naissance sans produire d'autre élément de preuve à l'appui de sa prétention et, manifestement, la question des documents étrangers n'est pas un domaine que la Commission peut prétendre connaître tout particulièrement. À mon avis, cela constitue une erreur susceptible de révision de la part de la Commission.

[21]            Il est indéniable que la Commission n'avait aucune raison valable de rejeter le double exemplaire de la CIN du demandeur, qui constituait une preuve concluante de son identité. Effectivement, ce dernier document a été envoyé à des fins de vérification et l'expert a conclu dans son rapport que le document en question est probablement authentique. En conséquence, il aurait dû être accepté comme preuve de l'identité du demandeur.


[22]            De plus, le raisonnement que la Commission a invoqué pour rejeter ce document apparemment authentique est arbitraire et fantaisiste. Contrairement à ce que la Commission donne à entendre, les inscriptions figurant sur le document tendent à prouver que le double exemplaire a été établi en 1995 (alors que l'original l'aurait été en 1991), c'est-à-dire plusieurs années avant que le demandeur quitte le Pakistan. De plus, la preuve documentaire que la Commission a mentionnée dans sa décision n'établit pas de façon concluante que les doubles exemplaires de CIN sont remis uniquement en personne aux requérants de sexe masculin. D'après une preuve documentaire plus récente, toute personne appartenant véritablement à la famille d'un requérant peut obtenir des CIN de membres de sa famille sur présentation d'une autorisation écrite de ceux-ci (dossier du tribunal, aux pages 192 à 195, gouvernement du Pakistan, ministre de l'intérieur, direction générale de l'enregistrement, question n ° 16). En conséquence, il est évident que la Commission n'a pas tenu compte de cette partie importante de la preuve documentaire.

[23]            Dans l'ensemble, la décision attaquée ne peut être confirmée. Les raisons que la Commission a invoquées pour rejeter les autres documents que le demandeur a soumis ne sont pas sérieuses. Même s'il est possible d'obtenir des documents faux ou contrefaits au Pakistan sur paiement d'une somme d'argent, il n'en demeure pas moins que le certificat de naissance et le certificat d'études ont apparemment été délivrés tous les deux par le gouvernement du Pakistan. La suggestion de la Commission selon laquelle ces derniers documents pourraient avoir été contrefaits est une suggestion purement hypothétique, eu égard à l'ensemble de la preuve documentaire que le demandeur a présentée.

[24]            En conclusion, je souligne qu'il ne s'agit pas ici d'un cas où la Commission a examiné attentivement le témoignage du demandeur et décidé que, compte tenu des nombreuses contradictions et incohérences de ce témoignage, aucune valeur probante ne devrait être accordée à la preuve documentaire que ce demandeur a présentée (Ramalingam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. n ° 10 (C.F. 1re inst.), et Ibnmogdad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. n ° 327 (C.F.) (QL)). En conséquence, la conclusion que la Commission a tirée au sujet de la crédibilité est fondée sur le mensonge initial du demandeur face aux autorités de l'immigration.


[25]            Les erreurs que la Commission a commises sont déterminantes. En conséquence, la présente demande devrait être accueillie et l'affaire devrait être renvoyée à un tribunal différemment constitué pour que celui-ci statue à nouveau sur l'affaire. Les avocats n'ont soulevé aucune question grave de portée générale et aucune ne sera certifiée.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire relative à la décision datée du 21 février 2003 de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié soit accueillie. La décision est annulée et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué.

                                                                                _ Luc Martineau _                

                                                                                                     Juge                           

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-1956-03

INTITULÉ :                                                    SOHAIL RASHEED c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              MONTRÉAL

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 13 AVRIL 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE MARTINEAU

DATE DES MOTIFS :                                   LE 21 AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

STEWART ISTVANFFY                                                         POUR LE DEMANDEUR

DANIEL LATULIPPE                                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

STEWART ISTVANFFY                                                         POUR LE DEMANDEUR

MONTRÉAL (QUÉBEC)

MORRIS ROSENBERG                                                          POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA


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