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Date : 20030430

Dossier : IMM-5964-01

Référence neutre : 2003 CFPI 536

Toronto (Ontario), le mercredi 30 avril 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE    

ENTRE :

                                              SANDRA LORENA MEDINA-SOLANO

                                                                                                                                                  demanderesse

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, présentée aux termes de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7, de la décision datée du 3 décembre 2001 par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens de la Convention.

[2]                 La demanderesse tente d'obtenir une ordonnance qui annulerait la décision rendue par la Commission et qui renverrait l'affaire à la Commission afin qu'un tribunal différemment constitué procède à une nouvelle audience.

Les faits

[3]                 La demanderesse est citoyenne de Colombie. Elle prétend être une personne qui craint avec raison d'être persécutée en Colombie du fait de ses opinions politiques en tant qu'étudiante visée par les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). La demanderesse prétend que si elle retournait en Colombie, les membres des FARC l'obligeraient à épouser leur cause ou la tueraient.

[4]                 Depuis plusieurs années, le père de la demanderesse, son grand-père et ses oncles font régulièrement « des paiements de protection » aux guérilleros des FARC. Tous les six mois, le père de la demanderesse se rend les yeux bandés dans la montagne où il remet à des membres des FARC des rapports sur ses revenus d'entreprise et sur les revenus des programmes sociaux dont il s'occupe pour les démunis.


[5]                 En août 1999, la demanderesse faisait partie du groupe de vingt étudiants élus en tant que membres du conseil étudiant de la Grancolombiano Polytechnical University à Bogota, en Colombie. Un mois plus tard, un individu a demandé à la demanderesse d'entrer dans les rangs des FARC, mais elle a informé cet individu qu'elle n'était pas intéressée à le faire. À la suite de ce refus, la demanderesse a subi du harcèlement et de l'intimidation à plusieurs reprises. La demanderesse a supposé que les FARC étaient responsables du harcèlement qu'elle avait subi.

[6]                 Le 21 septembre 1999, un homme a abordé la demanderesse à l'heure du repas du midi à la cafétéria de l'université et il lui a donné une brochure sur la lutte à mener pour la révolution. La demanderesse a déchiré cette brochure et elle a dit à l'homme qu'elle n'était pas intéressée. Le 27 septembre 1999, la demanderesse a reçu un appel téléphonique menaçant de la part d'un homme qui disait être membre des FARC. Le 19 octobre 1999, un homme s'est assis à côté de la demanderesse dans l'autobus, lui a dit qu'ils avaient besoin d'une personne comme elle et lui a demandé d'inviter ses camarades de classe à participer à la révolution.

[7]                 À partir d'octobre 1999, la demanderesse a remarqué que deux hommes la suivaient aux endroits qu'elle fréquentait habituellement, notamment des cinémas, des restaurants et des discothèques. Le 22 novembre 1999, un homme et une femme ont abordé la demanderesse à la cafétéria de l'université et ils lui ont mentionné son nom, son adresse, son numéro de téléphone, les noms de ses parents et de ses frères et soeurs et leurs adresses à Neiva. Le 24 novembre 1999, la demanderesse a reçu un appel téléphonique d'un membre des FARC qui lui demandait d'assister à une réunion. À la suite du refus de la demanderesse, son interlocuteur lui a dit qu'elle était suivie de très près.

[8]                 La demanderesse est retournée chez ses parents à Neiva, dans la province de Huila, à la fin de ses examens. Selon son FRP, elle a informé ses parents de ce qui se passait. Ses parents lui ont dit d'attendre à l'année suivante avant de faire quoi que ce soit parce que le gouvernement poursuivait des négociations avec les guérilleros et que la situation pourrait changer. Le 11 janvier 2000, la demanderesse a envoyé à l'université une lettre dans laquelle elle demandait une autorisation d'absence pour six mois afin de venir étudier l'anglais au Canada.

[9]                 Le 18 janvier 2000, alors qu'elle travaillait à l'imprimerie familiale, trois hommes l'ont abordée et lui ont demandé de faire des photocopies de propagande subversive. L'un de ces hommes était celui qui l'avait abordée à l'université. À la suite du refus de la demanderesse de faire les photocopies, les hommes ont placé sur le comptoir une feuille de papier sur laquelle étaient inscrits tous les renseignements personnels de la demanderesse. À la suite de cet incident, la demanderesse est allée se cacher chez son oncle Alfredo à Tello. Le 25 février 2000, l'oncle de la demanderesse, Alfredo, lui a dit que des « amis » (dont l'un était le même homme qui s'était présenté à l'imprimerie) voulaient la voir.


[10]            Le 29 février 2000, la demanderesse s'est rendue à Bogota avec son père afin de trouver une façon de quitter le pays. La demanderesse a demandé un visa pour le Canada le 1er mars 2000. Sa demande a été refusée le lendemain. Elle a en outre demandé, sans l'obtenir, un visa pour le Mexique. La demanderesse a alors demandé, ce qu'elle a obtenu, un visa pour le Guatemala. Elle a quitté la Colombie pour le Guatemala le 8 mars 2000. Après s'être rendue au Mexique et aux États-Unis, la demanderesse a réussi à venir au Canada où elle a revendiqué le statut de réfugiée à son arrivée à la frontière le 27 mars 2000.

La décision de la Commission

[11]            La Commission a conclu, en raison d'invraisemblances et d'incohérences dans son témoignage, que la demanderesse ne faisait pas l'objet de demandes continuelles de la part des FARC. Il n'y avait pas d'éléments de preuve dignes de foi qui permettaient à la Commission de conclure que la demanderesse avait raison de craindre d'être persécutée.

[12]            Selon la Commission, la demanderesse avait intérêt, pour elle-même et pour sa sécurité, à informer quelqu'un en qui elle avait confiance de la présence de membres des FARC sur le campus et à se renseigner afin de savoir si d'autres membres du conseil étudiant avaient été abordés par les FARC. La demanderesse a expliqué que ses problèmes avec les FARC étaient ses problèmes à elle et qu'ils ne devaient pas être traités par le conseil étudiant dont le mandat touchait les questions scolaires. La Commission n'a pas jugé que cette explication était acceptable parce qu'à son avis le harcèlement et l'intimidation des étudiants sur le campus sont des préoccupations étudiantes légitimes.


[13]            Selon la Commission, la demanderesse a déclaré lors de l'audience et dans son FRP que les événements du 18 janvier 2000 avaient précipité sa décision de quitter l'université. Cependant, la preuve documentaire démontrait qu'elle avait écrit à l'université le 11 janvier 2000 une lettre dans laquelle elle demandait une autorisation d'absence de six mois afin de venir étudier l'anglais au Canada. Selon la Commission, la demanderesse a expliqué cette incohérence en déclarant qu'elle sentait qu'elle devait quitter la Colombie en raison de l'échec des négociations de paix le 18 janvier 2000 et qu'elle n'avait pas eu la possibilité, jusqu'à récemment, de modifier son FRP qui avait été rempli un an plus tôt. La Commission n'a pas jugé que cette explication était satisfaisante et elle s'est largement fondée sur cette incohérence pour tirer sa conclusion selon laquelle le témoignage de la demanderesse n'était pas digne de foi.

[14]            Selon la Commission, la demanderesse a témoigné que le fait d'être en possession d'une brochure des FARC sur le campus constituait une situation dangereuse. Par conséquent, la Commission a conclu qu'il était invraisemblable qu'un représentant des FARC ait donné à la demanderesse une brochure des FARC en présence d'une foule à la cafétéria à l'heure du midi. La Commission a en outre conclu qu'il était invraisemblable que des membres des FARC aient demandé à la demanderesse, qui n'était pas dévouée à la cause des FARC, de recruter ses camarades de classe pour les FARC. Il était évident pour la Commission qu'une personne qui n'était pas dévouée à la cause des FARC ne serait pas un recruteur efficace pour cette cause. La Commission a en outre conclu qu'il était invraisemblable que les membres des FARC aient téléphoné à la demanderesse seulement lorsqu'ils savaient que c'est elle qui répondrait. Même si la demanderesse vivait avec son frère, ce n'est qu'elle qui avait répondu aux appels téléphoniques des membres des FARC. La Commission a conclu que c'était trop un hasard pour être vrai.

[15]            Finalement, la Commission a conclu qu'il était invraisemblable que le père de la demanderesse, qui communiquait régulièrement avec des membres des FARC, n'ait pas utilisé son influence sur eux pour faire cesser le harcèlement et l'intimidation que subissait sa fille ou n'ait pas donné plus d'argent aux FARC afin de protéger sa fille. La Commission a en outre conclu qu'il était invraisemblable que la demanderesse ait pu se rendre au Mexique et aux États-Unis alors qu'elle ne détenait pas de visas.

La question en litige

[16]            La Commission a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu'elle a tiré des conclusions quant à la crédibilité sans tenir compte des éléments de preuve dont elle disposait ou lorsqu'elle a tiré des conclusions quant à la crédibilité qui étaient autrement déraisonnables?

Les prétentions de la demanderesse

[17]            La demanderesse prétend que les conclusions quant à la crédibilité tirées par la Commission étaient déraisonnables et qu'elles ont été tirées sans que la Commission ait tenu compte des éléments de preuve dont elle disposait. La demanderesse prétend que la Commission a fait plusieurs hypothèses non fondées à l'égard du mandat du conseil étudiant et de la politique de recrutement des FARC. La demanderesse prétend que la Commission n'a pas tenu compte de ses explications quant aux raisons pour lesquelles elle avait gardé pour elle les problèmes qu'elle vivait avec les FARC et pour lesquelles elle avait quitté la Colombie.

[18]            La demanderesse prétend en outre que la Commission a interprété de façon erronée la preuve à l'égard des liens qui existaient entre son père et les FARC, du motif pour lequel son père n'avait pas donné plus d'argent aux FARC afin de la protéger, du danger que représentait pour elle le fait de garder la brochure des FARC et du fait que les membres des FARC savaient que c'est la demanderesse qui répondrait lorsqu'ils lui téléphonaient. La demanderesse prétend que la Commission a tenu compte de facteurs non pertinents lorsqu'elle a évalué sa crédibilité, notamment à l'égard de sa capacité de franchir la frontière du Mexique et celle des États-Unis alors qu'elle ne détenait pas un visa de l'un ou l'autre de ces pays.

[19]            Finalement, la demanderesse prétend que l'analyse que la Commission a faite à l'égard des raisons pour lesquelles elle a quitté la Colombie était [TRADUCTION] « remplie d'inexactitudes, de malentendus et ne tenait carrément pas compte de portions importantes d'éléments de preuve pertinents » . La demanderesse prétend que son FRP, qui a été modifié au début de l'audience, ne contredisait pas son témoignage et les autres éléments de preuve documentaire à l'égard de ces raisons.

Les prétentions du défendeur


[20]            Le défendeur prétend que les conclusions quant à la crédibilité de la demanderesse qui ont été tirées par la Commission étaient des conclusions qu'elle pouvait raisonnablement tirer selon la preuve. Le défendeur prétend qu'il n'existe pas de preuve démontrant que la Commission a refusé d'examiner certains éléments de preuve, a omis de tenir compte d'éléments de preuve ou a tiré des conclusions erronées. Il prétend que la Commission a établi de façon claire et non équivoque que la demanderesse n'était pas un témoin digne de foi et que la Commission a énoncé des motifs détaillés pour sa décision en citant de nombreuses invraisemblances et incohérences dans le témoignage de la demanderesse. Le défendeur prétend que ces invraisemblances et ces incohérences touchaient aux aspects principaux de la revendication du statut de réfugiée présentée par la demanderesse. Il prétend que les questions de crédibilité et d'appréciation de la preuve relèvent de la compétence de la Commission et que la Cour ne peut pas intervenir parce qu'aucune erreur susceptible de contrôle n'a été commise.

Les dispositions statutaires pertinentes

[21]            Le paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, est rédigé comme suit :

« réfugié au sens de la Convention » Toute personne :

"Convention refugee" means any person who

a) qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

(a) by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(i) soit se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) is outside the country of the person's nationality and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to avail himself of the protection of that country, or

(ii) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de cette crainte, ne veut y retourner;

(ii) not having a country of nationality, is outside the country of the person's former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to return to that country, and

b) qui n'a pas perdu son statut de réfugié au sens de la Convention en application du paragraphe (2).

(b) has not ceased to be a Convention refugee by virtue of subsection (2),

Sont exclues de la présente définition les personnes soustraites à l'application de la Convention par les sections E ou F de l'article premier de celle-ci dont le texte est reproduit à l'annexe de la présente loi.

but does not include any person to whom the Convention does not apply pursuant to section E or F of Article 1 thereof, which sections are set out in the schedule to this Act;


Analyse et décision

[22]            La question en litige

La Commission a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu'elle a tiré des conclusions quant à la crédibilité sans tenir compte des éléments de preuve dont elle disposait ou lorsqu'elle a tiré des conclusions quant à la crédibilité qui étaient autrement déraisonnables?

Je suis d'avis que la Commission a effectivement commis des erreurs lorsqu'elle a tiré ses conclusions quant à la crédibilité, notamment à l'égard de la décision de la demanderesse de quitter l'université et la Colombie.

[23]            L'incohérence dans le témoignage de la demanderesse invoquée à l'égard des raisons pour lesquelles elle avait quitté l'université et la Colombie était un facteur important dans la conclusion défavorable quant à la crédibilité tirée par la Commission. La décision de la Commission est rédigée, aux pages 4 à 5, en partie comme suit :

À plusieurs reprises, on a demandé à la revendicatrice quel était l'événement qui l'avait amenée à quitter l'université; elle a répondu que c'était l'événement du 18 janvier 2000, quand le même homme l'avait abordée pour lui demander de faire des photocopies à l'imprimerie de son père. Cette réponse est conforme à l'information fournie dans la partie narrative de son Formulaire de renseignements personnels (FRP), [...] :

Cependant, cette déclaration va à l'encontre d'un document écrit de la main de la revendicatrice et datédu 11 janvier 2000, dans lequel on lit :

[Traduction]

Je vous écris dans le but de vous demander une autorisation d'absence pour le premier semestre de cette année... car je ferai un voyage au Canada... pendant six mois.


La lettre susmentionnée a étéécrite une semaine avant l'événement soi-disant déterminant du 18 janvier 2000. Interrogée à propos de cette incohérence, la revendicatrice a fourni plusieurs explications, dont l'une voulant qu'elle se soit sentie obligée de quitter la Colombie en raison de l'échec des pourparlers de paix le 18 janvier 2000. Nous ne sommes pas satisfaites de cette explication, puisque la revendicatrice a clairement indiquédans sa déposition orale et dans son témoignage par écrit que c'était l'incident survenu à l'atelier de son père qui avait précipitéson départ de la Colombie. La revendicatrice a ajoutéqu'elle avait rempli son FRP un an auparavant et que ce n'est que récemment qu'elle avait eu l'occasion de revoir cette partie de sa déclaration. Elle a alors indiquéque ce qu'elle voulait dire, en fait, c'est qu'elle ne voulait pas attendre d'avoir obtenu son visa canadien de visiteur, mais qu'elle voulait partir immédiatement. Là encore, nous ne trouvons pas cette explication satisfaisante. Il s'agit d'une version entièrement revue des faits qu'elle a relatés, de façon claire et précise, à la fois dans sa déposition orale et dans son FRP. De plus, si elle avait relevécette erreur dans son FRP, elle ne l'a pas indiquéquand on lui a demandé, au début de l'audience, si elle avait des corrections à apporter à son FRP. En fait, elle a affirmésous serment que les renseignements figurant dans son FRP étaient exacts. Le tribunal est d'avis que cette incohérence touche un aspect central et important de sa revendication, puisqu'elle se rapporte à l'événement qui a amenéla revendicatrice à prendre la décision de quitter l'universitéet la Colombie. Cette incohérence porte atteinte à la crédibilitéde son témoignage.

[24]            La Commission a conclu qu'il y avait une incohérence entre le FRP de la demanderesse et la lettre datée du 11 janvier 2000. La demanderesse a modifié son FRP au début de l'audience. Un examen de la transcription de l'audience révèle ce qui suit :

[TRADUCTION]

AVOCAT : [...] Puis, à la page 11, au paragraphe 9, la quatrième ligne à partir de la fin du paragraphe est rédigée comme suit : « Alors, nous avons décidé de mettre fin à mes études. » Cette ligne aurait dû être rédigée comme suit : « La semaine avant, nous avions décidé de mettre fin à mes études. »

La demanderesse a déclaré sous serment que son FRP modifié était exact. En raison de la modification qui y avait été apportée, le FRP était compatible avec le témoignage de la demanderesse et la preuve documentaire à l'égard du moment auquel elle a décidé de mettre fin à ses études universitaires. Par conséquent, il n'y a pas de preuve qui appuie la conclusion de la Commission selon laquelle le FRP contredisait la lettre datée du 11 janvier 2000.


[25]            Je suis en outre convaincu que le témoignage de la demanderesse lors de l'audience ne contredit pas la lettre datée du 11 janvier 2000. Lors de l'audience, la demanderesse, aux pages 394 à 395 du dossier du tribunal (aux pages 22 et 23 de la transcription), a témoigné, en partie, comme suit :

[TRADUCTION]

AVOCAT :      Maintenant, à quel moment avez-vous décidé que vous deviez quitter le pays?

REVENDICATRICE :      Lorsque je suis retournée à Neiva après la fin de mes examens. Lorsque j'ai parlé à mes parents de ce qui m'était arrivé, mon père disait d'attendre la fin de l'année afin de voir si le gouvernement réussirait à conclure une entente de désarmement et de mobilisation des forces de la guérilla. Il disait que peut-être la situation s'améliorerait si le gouvernement réussissait à conclure cette entente.

         Lorsque la nouvelle année a débuté, dans la première semaine de janvier, comme rien n'avait changé et qu'il n'y avait pas de paix - aucune paix n'avait été conclue, ni un cessez-le-feu, nous avons décidé que je devrais quitter le pays, mais que je devrais le faire d'une façon normale afin qu'ils ne deviennent pas soupçonneux.

AVOCAT :      Qu'est-ce que vous voulez dire quand vous dites le faire d'une façon normale?

REVENDICATRICE :      Demander un visa d'étudiant afin d'aller dans un autre pays pour étudier l'anglais.


[26]            Le témoignage précédemment mentionné me montre que la demanderesse a pris la décision au début de janvier de quitter l'université. Mon examen de la transcription ne m'amène pas à conclure que la demanderesse a décidé de quitter le pays en raison des événements du 18 janvier 2000. Il semble que la décision avait déjà été prise. Le témoignage de la demanderesse à l'égard des événements du 18 janvier 2000 est, en partie, aux pages 402 à 403 du dossier du tribunal (aux pages 30 à 31 de la transcription), rédigé comme suit :

[TRADUCTION]

ACR :                 Pouvez-vous expliquer ce qui a motivé votre décision de quitter l'université à ce moment?

REVENDICATRICE : Trois choses. L'une était que les négociations ne se poursuivaient pas et le travail continuait. Une autre chose était que nous devions veiller à ce que mon départ du pays semble aussi normal que possible. La troisième était que nous devions et nous voulions éviter, et nous savions déjà ce qui m'était arrivé auparavant, que quelque chose de plus grave se produise.

                          À ce moment, et je veux clarifier, nous avons pris une décision générale de veiller à ce que mon départ semble normal et d'éliminer le moindre soupçon de la part de ces gens, mais la vérité est que le 18 janvier nous avons décidé que je devais quitter le pays immédiatement parce que la persécution ne s'arrêterait jamais. Ils me retrouveraient, peu importe où je serais, et mes parents ne voulaient pas que quelque chose m'arrive.

Un examen de la transcription montre que la demanderesse avait décidé plus tôt de mettre fin à ses études et de quitter le pays. Les événements du 18 janvier 2000 n'ont fait que devancer le départ de la demanderesse de la Colombie. Je suis d'avis qu'il n'y a pas d'incohérences entre le FRP modifié de la demanderesse, sa lettre datée du 11 janvier 2000 et son témoignage de vive voix à l'égard de la décision de quitter l'université ou le pays. La conclusion tirée par la Commission quant à l'existence d'une incohérence était un facteur principal dans sa conclusion défavorable quant à la crédibilité. La preuve n'appuie pas cette conclusion défavorable quant à la crédibilité. Par conséquent, la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle à cet égard.

[27]            La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est soumise à la Commission afin qu'un tribunal différemment constitué procède à un nouvel examen.


[28]            Les parties n'ont pas souhaité proposer aux fins de la certification une question grave de portée générale.

ORDONNANCE

[29]            LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l'affaire soit soumise à la Commission afin qu'un tribunal différemment constitué procède à un nouvel examen.

« John A. O'Keefe »            

Juge                         

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            IMM-5964-01

INTITULÉ :                                           SANDRA LORENA MEDINA-SOLANO

demanderesse

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                         

LIEU DE L'AUDIENCE :                   TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                 LE MARDI 19 NOVEMBRE 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                         LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                       LE MERCREDI 30 AVRIL 2003

COMPARUTIONS :

Clifford Luyt                                                                                    Pour la demanderesse

Pamela Larmondin                                                                          Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates                                                                 Pour la demanderesse

281, avenue Eglinton Est

Toronto (Ontario)

M4P 1L3

Morris Rosenberg                                                                           Pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Date : 20030430

Dossier : IMM-5964-01

ENTRE :

SANDRA LORENA MEDINA-SOLANO

demanderesse

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

                                              défendeur

                                                   

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                   

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