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Date : 19990907


Dossier : IMM-4955-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 7 SEPTEMBRE 1999.

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CULLEN

ENTRE :



SUK YEE KWONG,


demanderesse,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


O R D O N N A N C E

     VU la demande de contrôle judiciaire déposée par la demanderesse contre la décision, datée du 26 août 1998, dans laquelle l"agente d"immigration Irma Roa avait rejeté la demande qu"elle avait présentée en vue d"obtenir le droit de s"établir au Canada;

LA COUR ORDONNE que la demande soit accueillie et que l"affaire soit renvoyée pour qu"un autre agent des visas statue à son tour sur celle-ci.

                                     " B. Cullen "

                                     J.C.F.C.



Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.




Date : 19990907


Dossier : IMM-4955-98


ENTRE :



SUK YEE KWONG,


demanderesse,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS D"ORDONNANCE

LE JUGE CULLEN

[1]      La demanderesse conteste par voie de contrôle judiciaire la décision, datée du 26 août 1998, dans laquelle l"agente d"immigration Irma Roa a rejeté la demande qu"elle avait présentée en vue d"obtenir le droit de s"établir au Canada, au motif qu"elle n"a pas obtenu le nombre minimal de points d"appréciation et n"a pas produit d"éléments de preuve extraordinaires justifiant l"exercice favorable du pouvoir discrétionnaire de l"agente d"immigration. La demanderesse vise à obtenir une ordonnance annulant la décision de l"agente d"immigration et prévoyant que l"affaire soit entendue par un autre agent d"immigration.



Le contexte

[2]      La demanderesse, Suk Yee Kwong, est une citoyenne de Hong Kong. Elle a présenté au Consulat général de Buffalo (New York), en même temps que son époux et son fils, une demande visant à obtenir le droit de s"établir au Canada, le 17 février 1997. Elle a demandé à être appréciée dans le cadre de la catégorie des immigrants indépendants en fonction du poste de directrice du crédit (CCDP 1171-210), qu"elle entendait occuper au Canada.

[3]      La demanderesse a également demandé, conformément à l"alinéa 11(3)a ) du Règlement sur l"immigration (le Règlement), que l"agente d"immigration exerce son pouvoir discrétionnaire de façon favorable, sur la base que les critères de sélection tels qu"appliqués ne reflétait pas fidèlement le fait qu"il était probable qu"elle parvienne à s"établir avec succès au Canada.

[4]      La demande que la demanderesse a présentée en vue d"obtenir que l"agent d"immigration exerce son pouvoir discrétionnaire de façon favorable était étayée par les arguments suivants : elle travaillait à la Hongkong Bank depuis 1982 et plusieurs de ses anciens collègues avaient immigré au Canada, où ils avaient été embauchés par la filiale canadienne de la banque, soit la Banque Hongkong du Canada. Elle et son époux avaient l"intention de transférer des épargnes au Canada, soit une somme totalisant 400 000 $, et ils avaient déjà versé un dépôt en vue de l"achat d"une copropriété au centre-ville de Toronto. Bien que la profession que son époux entendait exercer, soit celle de collectionneur et vendeur de timbres, ne faisait pas partie de la liste générale des professions, celui-ci avait beaucoup d"expérience dans le domaine de la vente d"assurances commerciales et individuelles. Il avait également une certaine expérience de la restauration, ayant aidé son père à gérer les deux restaurants qu"il possédait en Chine et à Taïwan.

La décision faisant l"objet du présent contrôle

[5]      La demanderesse, son époux et leur fils ont eu une entrevue au Consulat général du Canada à Los Angeles, le 26 août 1998. Cinq jours plus tard, elle a reçu la lettre de refus, laquelle constitue la décision qu"elle conteste.

[6]      Dans sa lettre de refus, l"agente d"immigration a apprécié la demanderesse en fonction du poste de directrice du crédit et elle lui a accordé 63 points d"appréciation, soit sept de moins que le nombre minimal requis (dossier de la demande de la demanderesse, aux pp. 121 et 122). Elle a ensuite noté :

[TRADUCTION] En outre, je tiens à souligner que j"ai examiné la question de savoir si ce nombre de points d"appréciation indique fidèlement votre capacité de vous établir avec succès au Canada. Je suis convaincue que l"appréciation est fidèle. Vous n"avez présenté aucun élément de preuve extraordinaire justifiant que j"approuve votre demande en exerçant favorablement mon pouvoir discrétionnaire.

La position de la demanderesse

[7]      La demanderesse soutient que l"agente d"immigration n"a pas exercé convenablement le pouvoir discrétionnaire qu"elle tient du paragraphe 11(3) du Règlement. La demanderesse fait valoir que l"agente d"immigration n"a pas tenu compte de la preuve qu"elle a produite au soutien de sa demande d"exercice favorable du pouvoir discrétionnaire. Elle prétend également que l"agente d"immigration ne lui a pas donné l"occasion de confirmer qu"elle avait reçu une offre d"emploi de la Banque Hongkong du Canada. La demanderesse dit que l"agente d"immigration l"a empêchée de produire des éléments de preuve supplémentaires établissant que la famille avait des bonnes chances de s"établir avec succès au Canada, en lui mentionnant qu"elle était satisfaite de ce que la demanderesse avait présenté.

[8]      La demanderesse fait également valoir que l"agente d"immigration a appliqué le mauvais critère en vertu du paragraphe 11(3) lorsqu"elle lui a enjoint de produire des " éléments de preuve extraordinaires " au lieu de présenter de " bonnes raisons ".

La position du défendeur

[9]      Le défendeur soutient que l"agente d"immigration n"a pas commis d"erreur lorsqu"elle a conclu que la demanderesse n"avait pas obtenu d"offre d"emploi en bonne et due forme au Canada et qu"il incombait à cette dernière d"en fournir la preuve. La seule preuve que la demanderesse a produite consistait en une incitation verbale de la part de représentants de la Banque Hongkong du Canada, qui l"avaient incitée à postuler un emploi après avoir reçu le droit de s"établir au pays.

[10]      Pour ce qui est de l"achat, par la demanderesse, d"une copropriété à Toronto, le défendeur fait valoir que la demanderesse avait indiqué à l"agente d"immigration que l"acquisition de la copropriété constituait principalement un investissement et que le marché n"avait pas encore été conclu.

[11]      Le défendeur prétend que l"agente d"immigration n"avait nullement l"obligation de tenir compte de la situation de l"époux de la demanderesse, vu que ce dernier n"était pas le demandeur principal.

La question en litige     

[12]      La question litigieuse à trancher est de savoir si l"agente d"immigration a convenablement exercé le pouvoir discrétionnaire qu"elle tient du paragraphe 11(3) du Règlement sur l"immigration.

L"analyse

[13]      Les éventuels immigrants dont la demande est accueillie sont choisis en fonction de critères énumérés dans le Règlement. Pour être choisi, l"immigrant éventuel doit obtenir 70 points d"appréciation. Cependant, le paragraphe 11(3) confère aux agents d"immigration le pouvoir discrétionnaire d"accorder un visa dans des circonstances où le demandeur ne parvient pas à obtenir le nombre minimal de points requis. Le paragraphe 11(3) prévoit :

11(3) L'agent des visas peut
a) délivrer un visa d'immigrant à un immigrant qui n'obtient pas le nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou 10 ou qui ne satisfait pas aux exigences des paragraphes (1) ou (2), ou
b) refuser un visa d'immigrant à un immigrant qui obtient le nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou 10,
s'il est d'avis qu'il existe de bonnes raisons de croire que le nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas les chances de cet immigrant particulier et des personnes à sa charge de réussir leur installation au Canada et que ces raisons ont été soumises par écrit à un agent d'immigration supérieur et ont reçu l'approbation de ce dernier.

[14]      Des motifs d"ordre économique sous-tendent l"exercice du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 11(3). Les motifs économiques ont trait à la capacité du demandeur de gagner sa vie et de s"établir au Canada, ce qui est un exercice de prospection : Singh c. Canada (MCI) (1995), 106 F.T.R. 66 (1re inst.).

[15]      Dans ses notes du CAIPS (dossier du défendeur, onglet no 1, affidavit de Irma Roa, pièce A, à la p. 7), l"agente d"immigration a inscrit les remarques suivantes, vraisemblablement en ce qui concerne la question de savoir si l"exercice favorable du pouvoir discrétionnaire était justifiée :

[TRADUCTION]
IL RESSORT DE L"EXAMEN DU DOSSIER QUE LES POINTS ACCORDÉS REFLÈTENT FIDÈLEMENT LES CHANCES QUE L"INTÉRESSÉE S"ÉTABLISSE AVEC SUCCÈS AU CANADA. ELLE N"A PAS OBTENU D"OFFRE D"EMPLOI ÉCRITE EN BONNE ET DUE FORME. ELLE DIT QUE L"OFFRE ÉTAIT VERBALE, MAIS ELLE N"A AUCUNE PREUVE POUR ÉTABLIR QU"ELLE S"ÉTAIT ENTRETENUE À CE SUJET AVEC UN REPRÉSENTANT DE LA BANQUE HONGKONG DU CANADA. ELLE N"A PRIS AUCUNE MESURE EN VUE DE PRÉPARER SON DÉMÉNAGEMENT AU CANADA. SON ÉPOUX CONNAÎT PEU, VOIRE NULLEMENT L"ANGLAIS ET ELLE N"A PAS DE FAMILLE AU CANADA. ELLE S"EST TROUVÉE AU CANADA UNE FOIS PENDANT UNE SEMAINE (A ACHETÉ UN APPARTEMENT À TORONTO, UN MARCHÉ QUI, SEMBLE-T-IL, N"A PAS ENCORE ÉTÉ CONCLU). LA PRÉSENTE AFFAIRE N"A RIEN D"EXTRAORDINAIRE ET JE NE SUIS PAS DISPOSÉE À RECOMMANDER UN EXERCICE FAVORABLE DU POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE.

[16]      Même s"il incombait à la demanderesse de convaincre l"agente d"immigration que sa demande était fondée sous tous ses aspects, dans les circonstances, l"agente d"immigration aurait dû accorder à la demanderesse l"occasion de fournir une confirmation écrite de l"offre d"emploi qu"elle avait reçue. Il est clair que l"existence d"une offre d"emploi en bonne et due forme était un facteur de la plus haute importance aux yeux de l"agente d"immigration, qui a noté dans ses notes du CAIPS avant l"entrevue :

[TRADUCTION]
SI L"INTÉRESSÉE OBTIENT UNE TELLE OFFRE D"EMPLOI, CELA CONSTITUERA UN FACTEUR FAVORABLE POUR CE QUI EST DES CHANCES QU"ELLE S"ÉTABLISSE AVEC SUCCÈS AU PAYS.
(dossier du défendeur, onglet no 1, affidavit de Irma Roa, pièce A, à la p. 6)

[17]      En toute équité, la demanderesse devait se voir offrir l"occasion de convaincre l"agente d"immigration de l"existence de l"offre d"emploi qu"elle soutient avoir reçue.

[18]      Cependant, les notes du CAIPS que l"agente d"immigration a prises et la lettre de refus qu"elle a faite parvenir à la demanderesse révèlent une autre erreur qui justifie l"intervention de la Cour. L"agente d"immigration a appliqué un critère que ne prévoit pas le paragraphe 11(3) lorsqu"elle a demandé à la demanderesse de produire des " éléments de preuve extraordinaires " au lieu de présenter de " bonnes raisons ". Le paragraphe 11(3) mentionne simplement des " bonnes raisons "; il ne parle pas d"" éléments de preuve extraordinaires ". L"agente d"immigration aurait dû apprécier la demande par laquelle la demanderesse visait à obtenir un exercice favorable du pouvoir discrétionnaire en fonction de la question de savoir si les raisons que la demanderesse a fournies constituaient de bonnes raisons; en agissant autrement, elle commettait une erreur de droit.


La conclusion

[19]      En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et l"affaire est renvoyée pour qu"un autre agent des visas statue à son tour sur celle-ci.


                                 " B. Cullen "

                                     J.C.F.C.





Ottawa (Ontario)

Le 7 septembre 1999.










Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :                      IMM-4955-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :              SUK YEE KWONG c. MCI


LIEU DE L"AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L"AUDIENCE :                  le 2 septembre 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR LE JUGE CULLEN

EN DATE DU :                      7 septembre 1999


ONT COMPARU :


David Bruner                              POUR LA DEMANDERESSE

Susan Nucci                              POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


David Bruner                              POUR LA DEMANDERESSE

HOPPE BRUNER

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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