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                                                                                                                               Date : 20041001

                                                                                                                    Dossier : IMM-8096-03

                                                                                                               Référence : 2004 CF 1321

ENTRE :

                                    AHMED SALEM OULD, Mohammed Maoulou

                                                                                                                                      Demandeur

                                                                          - et -

                                               MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                         ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                        Défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié(la CISR) rendue le 9 septembre 2003, statuant que le demandeur n'est ni un « réfugié » au sens de la Convention, ni une « personne à protéger » selon les définitions données aux articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27.

[2]         Le demandeur est un citoyen de la Mauritanie qui allègue avoir une crainte bien fondée de persécution en raisons de ses opinions politiques. De plus, celui-ci prétend être une « personne à protéger » du fait qu'il serait exposé au risque dtre soumis à la torture, à une menace à sa vie et au risque de traitements ou peines cruels et inusités s'il devait retourner dans son pays d'origine.


[3]         Selon la CISR, le demandeur ntait pas crédible étant donné que son témoignage était truffé de contradictions, d'invraisemblances et d'incohérences.

[4]         Le demandeur argumente d'abord que la CISR a agi de façon arbitraire en se basant sur ses propres connaissances spécialisées pour arriver à la conclusion qu'il avait entamé des procédures d'immigration aux États-Unis et non une demande d'asile.

[5]         À ce sujet, les propos suivants ont été échangés lors de l'audience :

PAR LE PRÉSIDENT (s'adressant au Revendicateur)

Q.             Vous ne pouvez pas, aux États-Unis, lorsque vous faites une demande... une demande d'asile, vous ne pouvez pas travailler pendant cette période-là .

R.             Si.

Q.             Bien écoutez, Monsieur, on a eu des cours ici, là . C'est clair, clair. Le Juge en chef des États-Unis est venu nous expliquer de A à Z le système aux États-Unis, et lorsqu'une personne demande asile aux États-Unis elle ne peut pas obtenir de permis de travail. Vous pouvez dire oui, là , mais c'est... de notre connaissance c'est non.

R.            D'ailleurs moi on m'a envoyé un permis de travail que je détiens.

(Mon emphase.)

[6]         Le demandeur s'appuie notamment sur l'article 18 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228, qui prévoit ce qui suit :


18. Before using any information or opinion that is within its specialized knowledge, the Division must notify the claimant or protected person, and the Minister if the Minister is present at the hearing, and give them a chance to

(a) make representations on the reliability and use of the information or opinion; and

(b) give evidence in support of their representations.


18. Avant d'utiliser un renseignement ou une opinion qui est du ressort de sa spécialisation, la Section en avise le demandeur d'asile ou la personne protégée et le Ministre - si celui-ci est présent à l'audience - et leur donne la possibilité de :

a) faire des observations sur la fiabilité et l'utilisation du renseignement ou de l'opinion;

b) fournir des éléments de preuve à l'appui de leurs observations.



[7]         En l'espèce, le demandeur fut confronté aux préoccupations de la CISR lors même de l'audience et n'a pas requis l'opportunité de fournir d'autres éléments de preuve à l'appui de ses observations. J'accepte donc l'argument du défendeur à l'effet que la CISR était en droit de préférer sa connaissance spécialisée au témoignage et à la preuve du demandeur qu'elle estimait non crédible.

[8]         Quoi qu'il en soit, une lecture des propos échangés au cours de l'audience me permet de constater que la CISR ne s'est pas uniquement basée sur la question de la revendication du demandeur aux États-Unis, puisque de nombreuses contradictions figurent au dossier.

[9]         Le demandeur a notamment déclaré dans son témoignage oral et écrit qu'il était activement impliqué dans au moins deux organisations, soit l'Union des forces démocratiques et l'Action pour le changement. Cependant, le demandeur avait antérieurement indiqué sur le document d'immigration « Schedule 1, Additional Required Information » qu'il ne faisait partie d'aucune organisation. De façon similaire, le demandeur a déclarédans son témoignage oral et écrit qu'il a été arrêté trois fois et gravement torturé. Or, à la question 1(H) du document d'immigration « Schedule 1, Additional Required Information » , il a déclaré n'avoir jamais été détenu ou emprisonné.

[10]       De plus, le demandeur a témoigné à son audience qu'il ntait pas recherché par la police dans son pays. Toutefois, à l'appui de sa demande d'asile, il a déposé un « Jugement émis par défaut contre le demandeur » , document qui démontrait le contraire.

[11]       Il appert donc d'une lecture complète de la transcription de l'audience et de la décision que la CISR s'est basée sur le cumul de contradictions et d'invraisemblances pour raisonnablement justifier sa conclusion de non-crédibilité.


[12]       Dans son analyse de la preuve, la CISR a particulièrement souligné le fait que le demandeur aurait passé quatre mois aux États-Unis, en l'an 2000, avant de demander l'asile. La CISR n'a manifestement pas retenu ses explications qu'elle a jugées invraisemblables. Il a été établi par cette Cour qu'un revendicateur du statut de réfugié se doit de revendiquer le statut dans les plus brefs délais lorsque celui-ci se trouve dans un pays apte à lui offrir protection (Skreytyuk c. Canada (M.C.I.), [1998] A.C.F. no 783 (C.F. 1re inst.) (QL)). Par conséquent, la CISR était en droit de conclure que le comportement du demandeur était incompatible avec une personne ayant une crainte subjective de persécution.

[13]       Relativement au statut du demandeur aux États-Unis, la CISR a aussi noté de nombreuses contradictions entre le formulaire de « Renseignements sur l'admissibilité au Canada et le statut de réfugié » et le Formulaire de renseignements personnels (FRP) du demandeur. Dans le premier document, le demandeur a déclaré qu'il était un « visiteur » aux États-Unis à partir de mars 2000. Or, l'information contenue dans le second document à l'effet qu'il était un « réfugié » aux États-Unis, contredisait sa déclaration antérieure.

[14]       De plus, dans le formulaire « Renseignements sur l'admissibilité au Canada et le statut de réfugié » , le demandeur a déclaré qu'il n'a jamais revendiqué le statut de réfugié dans un autre pays. Cependant, il a déposé en preuve un document dans le but de démontrer qu'il a demandé l'asile aux États-Unis le 26 juillet 2000, ce qui constitue une contradiction importante.


[15]       Dans les circonstances, il n'appartient pas à cette Cour de substituer sa propre appréciation des faits à celle faite par le tribunal spécialisé que constitue la CISR, le demandeur ne m'ayant pas convaincu que celui-ci a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments à sa disposition (alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7). La décision de la CISR s'appuie sur d'importants éléments de preuve au dossier et je n'y vois pas d'erreur manifestement déraisonnable.

[16]       En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                    

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 1er octobre 2004


                                                              COUR FÉDÉRALE

                                               AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-8096-03

INTITULÉ :                                                       AHMED SALEM OULD, Mohammed Maoulou c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                               Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                             Le 31 août 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                 Le juge Pinard

DATE DES MOTIFS :                                   Le 1er octobre 2004

COMPARUTIONS :

Me Rachel Benaroch                                      POUR LE DEMANDEUR

Me Andrea Shahin                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Rachel Benaroch                                           POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)


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