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Date : 20030417

Dossier : T-842-99

Référence neutre : 2003 CFPI 463

Ottawa (Ontario), le 17 avril 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE HENEGHAN

ENTRE :

                                            FIDDLER ENTERPRISES LTD.,

DRAGON FISHING LTD.,

FIDDLER BUILDING LTD.,

DAVID NORMAN FIDDLER,

JAMES DONALD FIDDLER

et

MARK STEPHEN

                                                                                                                            demandeurs

et

ALLIED SHIPBUILDERS LTD.

                                                                                                                          défenderesse

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE HENEGHAN

INTRODUCTION

[1]                Le 22 septembre 1997, un incendie s'est déclaré à bord du bateau de pêche « KNIGHT DRAGON » qu'il avait quitté des lieux de pêche situés au large de San Juan Island pour se rendre à Port Angeles (Washington), aux États-Unis. La cause de l'incendie est le principal point litigieux.


LES PARTIES

[2]                Fiddler Enterprises Ltd., Dragon Fishing Ltd. et Fiddler Building Ltd. ont été constituées en sociétés en vertu de la législation de la Colombie-Britannique. Les trois sociétés défenderesses sont propriétaires du bateau de pêche « KNIGHT DRAGON » qu'elles exploitent en commun pour la pêche.

[3]                M. James Fiddler est un capitaine de bateau de pêche breveté; il effectue des voyages en mer depuis le début des années 1970. Pendant la période en cause, c'était lui qui dirigeait Dragon Fishing Ltd. À divers moments, il a agi comme capitaine, comme mécanicien et comme matelot de pont à bord du « KNIGHT DRAGON » ainsi qu'à bord d'autres bateaux. Le jour où l'incendie s'est déclaré, il travaillait comme matelot de pont et comme membre de l'équipe de pêche.

[4]                M. Mark Stephen est également un marin. Il ne possède pas d'actions dans les sociétés demanderesses. Il est apparenté par alliance à M. James Fiddler. Il est membre d'équipage et agit à titre de mécanicien à bord du « KNIGHT DRAGON » depuis le mois de septembre 1995.

[5]                M. David Fiddler, qui est le frère de James Fiddler, est un pêcheur commercial; pendant la période en cause, il dirigeait Fiddler Enterprises Ltd. Il est titulaire d'un brevet de capitaine de bateau de pêche III et il agit essentiellement à titre de capitaine lorsqu'il est à bord du « KNIGHT DRAGON » .

[6]                Allied Shipbuilders Ltd. est une personne morale constituée en vertu de la loi de la Colombie-Britannique. Elle exploite un chantier naval et une installation de radoub. La défenderesse existe depuis plus de cinquante ans. Ses locaux sont situés au 1870, chemin Harbour, à North Vancouver (Colombie-Britannique). La défenderesse et les membres de la famille Fiddler entretiennent des relations depuis longtemps; le chantier naval de la défenderesse a exécuté des travaux et fourni des services à d'autres bateaux exploités par des membres de la famille Fiddler.

HISTORIQUE

i)           Présentation et détails techniques du « KNIGHT DRAGON »


[7]                Le « KNIGHT DRAGON » a été construit à Pictou (Nouvelle-Écosse) en 1980 par Ferguson Shipbuilders Limited. Il s'agit d'un bateau en acier à trois ponts. La salle des machines est située sur le pont le plus bas. Le deuxième pont est le pont d'habitation ou pont principal où se trouvent la cabine de l'équipage, une cuisine et un poste d'équipage ainsi qu'une aire de travail. Sur le pont supérieur se trouvent la timonerie et la cabine du capitaine, qui est située un peu plus bas que la timonerie et à laquelle on accède par une courte échelle.

[8]                Le tambour à filets est situé sur le pont supérieur, ainsi que certains équipements, notamment un sonar utilisé pour certaines opérations de pêche. Un capot de cheminée se trouve au-dessus de la timonerie. Le pont de la timonerie est en acier et est légèrement incliné vers l'arrière. La souche de la cheminée fait partie du pont où se trouve la timonerie; elle est également en acier; elle comporte une petite lèvre sur le bord extérieur. La souche de la cheminée est également légèrement en pente.

[9]                La salle des machines est équipée d'un moteur principal à deux turbocompresseurs, d'un moteur auxiliaire bâbord, d'un moteur auxiliaire tribord et d'une génératrice auxiliaire Isusu. Le moteur principal ainsi que les moteurs auxiliaires bâbord et tribord sont des moteurs diesel communs. Le moteur Isusu est un moteur diesel d'usage général.

[10]            Les réservoirs à combustible bâbord et tribord sont munis de tubes plongeurs qui se trouvent dans la salle des machines. Ces tubes servent à mesurer la quantité de combustible qui reste. Ils comportent une vanne et un chapeau vissable assurant l'étanchéité, mais ni l'un ni l'autre n'est étanche à l'air ou aux fluides.

[11]            Les tuyaux de ventilation pour les réservoirs bâbord et tribord traversent à l'intérieur du bateau et débouchent sur le pont de la timonerie, à bâbord et à tribord. Ces tuyaux se terminent par un col de cygne qui renferme une boule, une crépine et un étranglement. Selon la preuve, la boule repose sur la crépine, sauf quand elle est poussée contre l'ouverture par une force, par exemple par une vague. Elle est destinée à empêcher l'eau d'entrer dans le tuyau; elle n'est pas dans le tuyau lui-même.

[12]            Deux tuyaux d'échappement partent du moteur principal et un tuyau part de chacun des trois moteurs auxiliaires. Les tuyaux d'échappement sont reliés aux silencieux, qui sortent par le conduit vertical de la salle des machines, la cheminée et débouchent sur le pont supérieur.

[13]            Le tambour de la salle des machines est une structure cylindrique qui passe par le plafond de la chambre des machines et traverse l'intérieur du bateau jusqu'à la souche de la cheminée. La cheminée se trouve sur le pont supérieur. Dans le conduit d'échappement se trouvent les tuyaux d'échappement qui partent de la salle des machines.


[14]            Le conduit d'échappement commence là où les tuyaux d'échappement sortent de la salle des machines. Ses parois, au niveau du pont principal, sont en acier à l'exception d'un panneau d'accès en aluminium. Les parois extérieures du conduit d'échappement étaient recouvertes d'arborite fixé à des poteaux de bois assujettis au conduit lui-même. Des matelas isolants étaient fixés aux parois en acier du conduit d'échappement. Les parois du conduit au niveau de la timonerie étaient en aluminium non isolé.

[15]            Les silencieux qui sont en cause dans la présente action sont ceux qui sont fixés aux tuyaux d'échappement partant du moteur principal et du moteur auxiliaire bâbord. Les silencieux sont fixés aux tuyaux d'échappement au moyen de joints et de brides. L'extrémité inférieure des silencieux est fixée à des brides à face surélevée; en d'autres termes, il y avait un rebord sur la circonférence extérieure de l'ouverture pour recevoir l'extrémité supérieure des tuyaux d'échappement partant du moteur principal. La bride à face surélevée est composée de rainures le long du haut de cette surface intérieure, semblables aux sillons d'un disque.

[16]            Un joint est ensuite placé sur la bride à face surélevée, puis une bride à face plate est fixée à l'extrémité inférieure du silencieux et les deux brides et le joint sont reliés au moyen d'écrous et de boulons. À l'extrémité supérieure, le silencieux est muni d'une bride à face plate et un autre joint est posé. L'extrémité supérieure de chaque silencieux est ensuite fixée à l'extrémité inférieure d'un tuyau qui monte jusqu'à un « y » inversé pour ne former qu'un seul tuyau, qui monte jusqu'au haut de la cheminée et sort à l'extérieur du capot où il est raccordé à un petit bout de tuyau. Une pièce de métal ronde fixée au tuyau se prolonge sur une certaine distance pour évacuer les gaz d'échappement.

[17]            Les extrémités supérieures des silencieux sont raccordées aux tuyaux du « y » inversé au moyen de brides et de joints, mais la disposition est différente de celle de l'extrémité inférieure des silencieux. À l'extrémité supérieure, les silencieux sont munis d'une bride à face plate et d'un joint qui sont fixés à l'extrémité inférieure des tuyaux, dont chacun est raccordé à une bride à face surélevée. Là encore, les brides et les joints sont assemblés par des écrous et des boulons. Le positionnement du joint contre la bride à face surélevée est critique.

[18]            Le contact entre le joint et la face surélevée de la bride assure l'étanchéité; c'est la circonférence intérieure du joint qui a le plus d'importance. La circonférence extérieure du joint sert à trouver les trous pour faciliter le passage des boulons, mais ne contribue pas à l'étanchéité nécessaire pour empêcher les fuites de gaz par les silencieux et les tuyaux d'échappement.

[19]            Les enveloppes sont des matelas isolants. Elles sont destinées à empêcher la chaleur générée par les gaz d'échappement d'entrer dans le conduit d'échappement. Dans ce cas-ci, les tubes des silencieux étaient à l'intérieur d'un même silencieux. Les brides, en bas et en haut, étaient enveloppées individuellement par les silencieux. Le « y » inversé et le tuyau menant à l'extérieur de la cheminée étaient enveloppés de matériau isolant.

[20]            Les enveloppes utilisées à bord du bateau ont été fournies et installées par Alexander Installations. Des silencieux enveloppaient les tuyaux d'échappement et les brides et resserrés au moyen de lacets allant de bas en haut.

[21]            Les silencieux étaient enveloppés par une enveloppe ignifuge ou « matelas » . Ce revêtement est composé d'un matériau extérieur argenté de protection incendie; un matériau rembourré blanchâtre est recouvert d'un fin treillis en acier inoxydable. Les parties constitutives du matelas sont agrafées ensemble. Il y a des crochets pour tenir les lacets et le matelas est attaché au silencieux et aux brides au moyen de lacets bien serrés. Ces enveloppes sont destinées à retenir les gaz d'échappement dans un espace clos.

[22]            Diverses photographies et divers schémas indiquent l'emplacement de la caisse journalière dans la salle des machines. La disposition n'est pas contestée et les parties s'entendent pour dire que le schéma préparé par M. Brox, pièce D-33, figure 19, est exact.


[23]            La caisse journalière est située à l'avant de la salle des machines. Les vannes de la caisse journalière, c'est-à-dire les vannes de retour du combustible aux réservoirs bâbord et tribord, sont situées au-dessus. La conduite de retour transporte le combustible non brûlé à la conduite carburant. Les vannes sont fermées lorsque les manettes sont perpendiculaires à la conduite de retour. Elles sont ouvertes lorsque les manettes sont parallèles à la conduite. Lorsque les deux vannes sont fermées, le carburant monte dans la conduite de ventilation de la caisse journalière. Au moment où l'incendie est survenu et à l'insu des demandeurs, la conduite de ventilation de la caisse journalière aboutissait dans la cheminée et non à l'extérieur de la cheminée.

ii)          Les réparations effectuées par Allied en 1995 et en 1997

[24]            Au printemps 1995, James Fiddler, Mark Stephen et David Fiddler ont remarqué de la fumée sale qui sortait du tuyau d'échappement, dans le capot de la cheminée. Ils pouvaient également sentir des fumées de diesel. En se fondant sur ces observations, ils ont cru qu'il y avait une fuite dans le système d'échappement, dans la salle des machines.

[25]            Au cours des mois de juin et de juillet 1995, la défenderesse a procédé à un radoub du « KNIGHT DRAGON » (le contrat de radoub). À la demande des demandeurs, la défenderesse a installé un nouveau moteur principal, ce qui exigeait l'installation de nouveaux silencieux. Le vieux moteur, qui avait été installé à la construction du navire en 1980, était muni d'un seul silencieux. Lorsque le moteur principal a été remplacé, on a jugé que ce silencieux était en trop mauvais état et qu'il fallait le remplacer. Étant donné que le nouveau moteur était muni de deux turbocompresseurs, il fallait deux tuyaux d'échappement et deux silencieux.

[26]            Les matelas isolants à l'extrémité du conduit d'échappement étaient fort sales en 1995. Jim Fiddler et un autre membre d'équipage ont lavé le conduit d'échappement en 1995 en utilisant de l'eau savonneuse et des chiffons. Ce travail a été exécuté par l'équipage plutôt que par les employés d'Allied parce que cela coûtait moins cher.

[27]            Les demandeurs ont témoigné qu'en 1997, le conduit d'échappement était un peu plus sale qu'en 1995. Le conduit d'échappement a encore été nettoyé en 1997; les demandeurs ont déclaré qu'au mois de septembre 1997, il n'était pas beaucoup plus sale qu'en 1995.

[28]            La défenderesse a passé un contrat de sous-traitance avec Alexander Installations Inc., pour fabriquer et poser de nouveaux matelas pour le moteur principal et d'une nouvelle tuyauterie d'échappement pour les moteurs auxiliaires ainsi que pour la réparation de l'isolant en fibre de verre, à l'intérieur du conduit d'échappement.


[29]            James Fiddler a témoigné que Jim McLaren, un dirigeant de la défenderesse, et qui était responsable de la conception au chantier naval a conçu le nouveau système d'échappement et les silencieux. Les demandeurs voulaient des silencieux de qualité, pour mieux réduire le bruit, connus sous le nom de silencieux « critical care » . James Fiddler a témoigné qu'il s'en était remis à M. McLaren pour concevoir un système adéquat et qu'il a discuté de la nécessité d'un système flexible permettant la dilatation et la contraction du tuyau d'échappement en fonction des changements de température.

[30]            Au mois de juillet 1997, les demandeurs ont retourné le « KNIGHT DRAGON » au chantier naval de la défenderesse pour faire inspecter et réparer le système d'échappement du moteur principal (les réparations de 1997). L'équipage avait remarqué que du gaz sortait du tuyau de ventilation à l'arrière de la cheminée plutôt que du tuyau d'échappement, comme cela s'était produit en 1995.

[31]            La défenderesse a procédé à une inspection au mois de juillet 1995; des fissures ont été constatées aux extrémités des silencieux du moteur principal. Les silencieux ont été réparés; puis remis en place sur le « KNIGHT DRAGON » en 1997 et ils fonctionnent encore. En plus de remettre en place et de modifier le conduit d'échappement du moteur principal et les silencieux, la défenderesse a également procédé à des essais de fonctionnement du moteur principal et a vérifié l'efficacité de son système d'échappement pendant les réparations de 1997.


[32]            Les silencieux ont été réparés au mois de juillet 1997; on a procédé à des essais d'étanchéité à l'air avant que les travaux soient achevés. Selon la preuve, une pression d'air d'environ 20 livres par pouce carré (psi) a été appliquée et on a constaté que les silencieux étaient étanches à l'air. Une fois le système d'échappement réparé, par la défenderesse mais dans le cadre de la garantie, le bateau est parti le 21 juillet 1997. Le moteur et les systèmes d'échappement n'ont posé aucun problème entre cette date-là et le jour de l'incendie.

iii)          L'incendie du 22 septembre 1997

[33]            Le 22 septembre 1997, le « KNIGHT DRAGON » était en mer près de San Juan Island (Washington), et naviguait en direction de Port Angeles avec une cargaison de poissons qui devait être vendue à cet endroit. M. David Fiddler était alors capitaine, James Fiddler et James Brown étaient les matelots de pont. M. Mark Stephen le mécanicien. Les membres d'équipage avaient tous participé au voyage de pêche qui avait commencé le 2 septembre 1997. Les activités de pêche ont pris fin vers 13 h le 22 septembre. À ce moment-là, le moteur principal tournait à environ 1 300 - 1 400 tours/heure. Le moteur auxiliaire Isusu fonctionnait également. Ce moteur avait été mis en marche pour refroidir l'eau de mer pour garder la fraîcheur des poissons.

[34]            L'incendie s'est déclaré vers 17 h. À ce moment-là, David Fiddler se reposait dans la cabine du capitaine. Mark Stephen était dans la salle des machines. On ne sait pas exactement où était James Brown. James Fiddler était sur le pont.

[35]            Mark Stephen a déclaré qu'il était dans la salle des machines, près du collecteur de la pompe de cale; il s'apprêtait à pomper le fond de cale après avoir vérifié le moteur principal et inspecté la salle des machines pour s'assurer que tout était en ordre. Pendant qu'il se tenait à côté du collecteur, il a entendu un grand bruit, qu'il a décrit comme un gros « whomp » ou un gros « woof » . Il a vu une boule de feu qui descendait du tambour de la salle des machines avant de remonter dans le tambour. Il a crié : « Au feu! » , depuis la salle des machines.

[36]            James Fiddler, qui était dans la timonerie, a appelé son frère Dave, qui venait de se lever de sa couchette. David Fiddler a demandé à James de faire un appel de secours. James Fiddler a appelé le service du trafic maritime de Tofino pour signaler qu'un incendie s'était déclaré à bord.

[37]            Peu de temps après, le système extincteur d'incendie au Halon s'est déclenché dans la salle des machines. Le Halon s'est propagé dans la salle des machines et s'est infiltré dans le conduit d'échappement. Un tuyau a été actionné et de l'eau a été diffusée dans le conduit d'échappement. L'incendie s'est propagé par le panneau d'accès en aluminium dans le conduit d'échappement au niveau du pont principal; les flammes se sont transmises au revêtement en arborite et aux murs de la cabine du capitaine.

[38]            Les flammes se sont répandues dans le conduit d'échappement et sont sorties par le tuyau de ventilation sur le côté du capot de la cheminée sur le pont supérieur. Une brume de chaleur était également visible près du tuyau de ventilation. James Fiddler était encore près de la timonerie. Mark Stephen et Jim Brown sont arrivés avec un tuyau pour combattre les flammes dans la timonerie et autour de la cabine du capitaine. Une fois les flammes maîtrisées, un tuyau a été passé à Jim Brown pour qu'il puisse éteindre les flammes qui sortaient du tuyau de ventilation de la cheminée.

[39]            James Fiddler a essayé d'enlever l'écoutille en aluminium sur le trou d'homme à l'extrémité supérieure du capot de la cheminée . Comme l'écoutille était trop chaude au toucher, il a demandé à David Fiddler de lui apporter une paire de gants de soudeur. David Fiddler a apporté les gants et James Fiddler a alors introduit le tuyau dans la grille de ventilation. Il a arrosé l'intérieur du conduit d'échappement.

[40]            Les filets en polypropylène qui étaient près du capot de la cheminée ont également brûlé; on a éteint le feu avec de l'eau. Selon la preuve, il a fallu environ quatre-vingts minutes pour éteindre l'incendie, dans le conduit d'échappement et dans les espaces intérieurs.

[41]            Pendant que James Fiddler était dans la timonerie, en réponse à une demande de Mark Stephen, on a arrêté le moteur principal. Les vannes du compresseur d'air ont également été fermées.

[42]            Le « KNIGHT DRAGON » , comme l'a établi le témoin expert Ian Head, a subi des dommages dans la section supérieure, en aluminium, du conduit d'échappement. Le témoin a déclaré que cette zone avait été fortement affectée par la chaleur et qu'elle avait bombé dans le secteur du pont de passerelle. La porte en aluminium permettant d'accéder au conduit d'échappement depuis le pont d'habitation situé au-dessous avait fondu, de sorte que les emménagements et la timonerie ont été endommagés par le feu.

[43]            Le pont d'habitation, la cabine du capitaine et la timonerie ont dans l'ensemble été fortement endommagés par la fumée et détériorés par la chaleur par endroits. L'appareillage électrique et l'équipement de navigation ont été endommagés par la chaleur et par l'eau. Dans la salle des machines, le moteur diesel principal Cummins a été endommagé par le feu et par des débris enflammés qui tombaient du conduit d'échappement situé au-dessus. Plus précisément, les filtres et conduites de la prise d'air en aluminium ont été endommagés par le feu, et les culasses ont été exposées à la chaleur et aux flammes.


iv)         Événements et inspection postérieurs à l'incendie

[44]            Le bateau a été remorqué jusqu'à Port Angeles, où il est arrivé en soirée le 22 septembre. Un représentant de Cummins Diesel Engine, le fabricant du moteur principal, s'est présenté sur les lieux le 23 septembre. Il y avait aussi M. Jim Lindsay, expert maritime, qui représentait l'assureur du bateau.

[45]            Le bateau a déchargé sa prise le 24 septembre. Étant donné que les moteurs ne fonctionnaient pas, il a été remorqué jusqu'à Steveston (Colombie-Britannique), le 25 septembre. Le bateau n'a pas été utilisable, du moins pour la pêche, pendant plusieurs mois. Cette inactivité forcée a donné lieu à une réclamation pour manque à gagner de la part des sociétés demanderesses et de trois membres d'équipage, soit David Fiddler, James Fiddler et Mark Stephen.

[46]            Un certain nombre de personnes sont venues constater les dommages après le retour du bateau à Steveston. Le 1er octobre 1997, M. Andy Bowman, enquêteur d'incendies, s'est présenté pour le compte des demandeurs. Il a effectué une inspection et il a par la suite préparé deux rapports. À l'instruction, il a témoigné à titre d'expert.


[47]            Le 2 octobre 1997, un certain nombre de personnes se sont présentées à bord afin de surveiller l'enlèvement du silencieux arrière du moteur principal et du silencieux du moteur auxiliaire bâbord. On a eu recours aux services de Bill, de Trites Marine, pour démonter les silencieux. James Fiddler déclare que l'on a eu recours à ses services pour assurer la présence d'un tiers indépendant. M. Fiddler était présent ainsi que M. Lindsay et M. Steven Barber, qui était contremaître adjoint responsable de la tuyauterie de la défenderesse.

[48]            Ils ont démonté les brides à l'intérieur des silencieux et les silencieux eux-mêmes. On a remarqué qu'il y avait des fissures verticales dans certains joints; M. James Fiddler a inséré une lame de couteau entre les brides pour montrer la défaillance des joints. Des photos ont été prises, elles figurent à la pièce 2, pages 31 et 32.

[49]            Le silencieux avant du moteur principal a été enlevé entre le 10 octobre et le 21 octobre 1997.

[50]            M. Ian Head, un ingénieur naval qui travaillait pour la Salvage Association of London, au bureau de Vancouver, a enquêté sur la cause de l'incendie pour le compte des assureurs de la défenderesse. Le 10 octobre 1997, il s'est rendu au bateau pour inspecter lui-même les dommages. Il est monté à bord et a rencontré M. Jim Fiddler qui lui a fait un compte rendu de l'accident. Il a inspecté la salle des machines et l'embouchure des tuyaux et il a examiné les dommages. Pendant qu'il était à bord le 10 octobre 1997, M. Head a pris une série de photographies qui sont jointes à son rapport en date du 19 mai 1998.


[51]            Un expert d'incendies, M. Wayne Brox, a ensuite inspecté le bateau le 21 octobre 1997. En plus de M. Brox, M. Head, M. David Fiddler, M. James Fiddler, l'un des frères McLaren et un certain nombre d'autres personnes étaient également à bord.

[52]            Ce jour-là, soit le 21 octobre 1997, il y a eu une fuite accidentelle de carburant provenant de la caisse journalière. M. Head a témoigné qu'il s'était rendu à la salle des machines et qu'il avait vu du carburant couler, près de la fuite dans le conduit d'échappement.

ARGUMENTS DES DEMANDEURS

[53]            Les demandeurs libellent leur cause d'action à l'encontre de la défenderesse comme une rupture de contrat. Ils affirment que l'incendie a été causé par les travaux que la défenderesse avait mal exécutés ou avait exécutés d'une façon négligente dans le cadre de l'exécution du contrat de radoub ou du contrat de réparation du système d'échappement du moteur principal, ou des deux contrats. Les paragraphes 11, 13, 15 et 18 de la déclaration sont pertinents; ils sont ainsi libellés :

[TRADUCTION]


11.            Au cours des mois de juin et de juillet 1995, la défenderesse a exécuté le radoub du « KNIGHT DRAGON » à son chantier naval de North Vancouver pour Fiddler Joint Venture (le contrat de radoub), ce qui comprenait l'installation du puits d'échappement et de silencieux pour le moteur principal du bateau. Le puits d'échappement et les silencieux ont été mal installés puisqu'ils ont été mis dans des positions fixes qui ne permettaient pas la dilatation.

13.            Au mois de juillet 1997, Fiddler Joint Venture a retourné le « KNIGHT DRAGON » au chantier naval de la défenderesse pour faire inspecter et réparer le système d'échappement du moteur principal. La défenderesse a notamment effectué les réparations suivantes :

a)              la réparation ou la réinstallation et la modification du puits d'échappement du moteur principal et des silencieux, ainsi que des supports de montée de gaz connexes et de l'isolant; et

b)              des essais de fonctionnement du moteur principal et des vérifications de l'efficacité du système d'échappement (les réparations relatives au système d'échappement du moteur principal).

15.            Le 22 septembre 1997 ou vers cette date, le « KNIGHT DRAGON » naviguait dans le détroit de Juan de Fuca en provenance d'une pêcherie pour se rendre à Port Angeles (Washington) lorsqu'un incendie s'est déclaré dans les sorties de gaz du moteur (l'incendie). L'incendie était attribuable aux travaux que la défenderesse avait mal effectués ou avait effectués avec négligence dans le cadre de l'exécution du contrat de radoub ou de la réparation du système d'échappement du moteur principal, ce qui a gravement endommagé le moteur principal, le système d'échappement, le matériel électrique et le matériel électronique, la timonerie et la salle des machines du « KNIGHT DRAGON » . Des effets personnels, du matériel raccordé et des engins de pêche ont également été perdus ou endommagés par l'incendie.

18.            De plus, la défenderesse a exécuté d'une façon négligente le contrat de radoub et la réparation du moteur principal, ce qui a causé l'incendie et occasionné des pertes et des dommages, notamment une perte financière pour les demandeurs. Il y a notamment eu négligence par suite :

a)              de l'incapacité de concevoir et d'installer d'une façon appropriée le puits d'échappement du moteur et les silencieux ainsi que les supports et l'isolant connexes;

b)              de l'omission d'inspecter d'une façon appropriée les réparations qui avaient été effectuées sur le moteur et le système d'échappement;

c)              de l'omission d'informer les demandeurs d'une façon appropriée des risques possibles que présentaient les gaz d'échappement qui se dégageaient et les dépôts dans les sorties de gaz du « KNIGHT DRAGON » ;


d)              de l'installation d'un puits d'échappement et de matériel connexe qui ne convenaient pas à bord du « KNIGHT DRAGON » ;

e)              de l'installation de joints défectueux ou qui ne convenaient pas dans le puits d'échappement du moteur du « KNIGHT DRAGON » et

f)              de l'omission de vérifier la qualité des réparations effectuées sur le « KNIGHT DRAGON » au moyen d'essais des machines et d'essais en mer appropriés.

[54]            Les demandeurs soutiennent que l'incendie du 22 septembre 1997 est attribuable à la défaillance de certains joints utilisés dans les silencieux. La défaillance d'un joint ou de plusieurs joints a causé des fuites de gaz d'échappement. Des hydrocarbures non brûlés dans les gaz d'échappement se sont pour une raison ou une autre enflammés, d'où l'incendie, et le bateau a subi des dommages importants.

[55]            Les demandeurs se fondent sur la preuve selon laquelle en fait, les joints qui ont été utilisés dans les silencieux du moteur principal n'étaient pas adéquats. Ce joint, un « Blue-Guard Garlock » 3200 ou 3400 n'avait pas les caractéristiques assignées pour les températures élevées continues auxquelles il devait être exposé.


[56]            On a demandé à chacun des demandeurs quelle était la source de l'incendie. Les trois demandeurs ont affirmé que la source d'inflammation était le gaz d'échappement chaud qui fuyait d'un joint cassé ou défectueux d'un des silencieux. Lorsqu'on leur a posé des questions au sujet du combustible en cause dans l'incendie, James Fiddler et Mark Stephen ont dit que c'était de la suie ou du carbone qui était dans le conduit d'échappement. David Fiddler a également dit que l'incendie était causé par de la suie et il a parlé d' « autres vapeurs » sans donner plus de précisions.

[57]            En résumé, la thèse des demandeurs, pour ce qui est de la cause de l'incendie, est que l'utilisation par la défenderesse d'un joint qui ne convenait pas dans le silencieux avait entraîné une défaillance du joint, ce qui avait permis aux gaz d'échappement de s'échapper et que ces gaz d'échappement, qui contenaient des hydrocarbures non brûlés, ont causé l'incendie.

Les témoins experts des demandeurs

[58]            Les demandeurs ont cité trois témoins experts pour exprimer leur opinion au sujet de la cause de l'incendie. Il s'agissait de M. Andy Bowman, de M. Lyle Johnson et de M. Daryl Hansen. M. Bowman et M. Johnson étaient qualifiés à titre de témoins experts dans le domaine des enquêtes sur les incendies et des foyers d'incendie, alors que M. Hansen était qualifié à titre d'expert dans le domaine de l'entretien des moteurs marins.


[59]            M. Andy Bowman est enquêteur sur les incendies. Il travaille à plein temps à ce titre et il a suivi un certain nombre de cours dans le domaine des enquêtes sur les incendies. Il s'est présenté à bord du bateau le 1er octobre 1997. Il a pris des photographies et il a ensuite préparé un rapport. Il s'est présenté à la demande de M. Jim Lindsay, un expert maritime.

[60]            M. Bowman a préparé deux rapports, le premier daté du 28 octobre 1997 et le deuxième non daté. Dans son premier rapport, M. Bowman déclare avoir été à bord du « KNIGHT DRAGON » le 1er octobre 1997 et exprime l'avis que l'incendie est attribuable à une fuite de gaz d'échappement par un joint défectueux, plus précisément du silencieux auxiliaire bâbord. Il parle des traces de brûlure.


[61]            M. Bowman a éliminé l'hypothèse d'un acte criminel ou d'une panne électrique comme causes. Il a décelé l'origine du foyer d'incendie à l'intérieur du conduit d'échappement [TRADUCTION] « juste au-dessus de la salle des machines » sur le pont d'habitation. Il a identifié le point d'origine comme étant situé [TRADUCTION] « près du plancher à ce niveau du côté bâbord arrière » du conduit d'échappement, près de l'extrémité inférieure du silencieux et de la bride du tuyau d'échappement qui étaient situées à cet endroit. M. Bowman a conclu que l'incendie a pris naissance dans la section inférieure de ce silencieux ou de la bride du tuyau d'échappement et, même s'il a déclaré qu'il n'avait pas enlevé le silencieux et le tuyau d'échappement pour [TRADUCTION] « déterminer d'une façon plus exacte la cause » , il a conclu que l'incendie était attribuable au fait que des gaz d'échappement chauds s'infiltraient dans le conduit d'échappement au point d'origine de l'incendie qu'il a décelé. En d'autres termes, M. Bowman a conclu que l'incendie était attribuable à des gaz d'échappement chauds qui s'étaient infiltrés dans le conduit d'échappement, près du silencieux auxiliaire bâbord.

[62]            Dans son deuxième rapport non daté, M. Bowman fait mention du rapport initial, sur lequel il se fonde. Ce deuxième rapport renferme des détails supplémentaires au sujet de la question des traces de brûlure et de leur importance dans la détermination de la cause de l'incendie.

[63]            Dans ce deuxième rapport, M. Bowman réitère que la cause de l'incendie est attribuable à des gaz d'échappement chauds provenant du conduit d'échappement avaient causé l'incendie. Il a présenté un deuxième scénario pour la cause de l'incendie, à savoir que les gaz d'échappement, composés principalement de gaz de carburant non brûlés, s'accumulaient dans le conduit d'échappement et gagnaient aussi les parois intérieures adjacentes, de sorte que les matériaux dont étaient composées les parois étaient très secs et que les gaz d'échappement chauds qui s'échappaient pouvaient les enflammer. En d'autres termes, la température élevée des gaz d'échappement avait asséché les matériaux combustibles adjacents, à savoir les poteaux de bois à l'intérieur du conduit d'échappement, de sorte que la température des gaz d'échappement qui se dégageaient était suffisante pour causer un incendie.

[64]            Dans un cas comme dans l'autre, M. Bowman est d'avis que la cause de l'incendie était inextricablement liée aux fuites des gaz d'échappement provenant des silencieux, par suite de la défaillance des joints, qui se dégageaient.

[65]            M. Bowman était d'avis que l'incendie avait commencé au niveau inférieur et s'était ensuite propagé vers le haut, horizontalement. Il s'est reporté aux photographies 23 et 24 du premier rapport pour étayer cette opinion. Ces photographies montrent les dommages causés par le feu au panneau d'aluminium à l'extérieur du conduit d'échappement, sur le pont d'habitation. Elles montrent la désintégration du panneau d'aluminium par la chaleur de l'incendie. Pendant le contre-interrogatoire, M. Bowman a déclaré que le point de fusion de l'aluminium était d'environ 1 200 degrés Fahrenheit pour de l'aluminium pur et un peu moins pour un alliage d'aluminium.

[66]            Pendant le contre-interrogatoire, M. Bowman a déclaré que le silencieux qui était le plus rapproché du panneau d'accès était celui qui figurait sur les photos 26 à 31 du premier rapport. Il a ensuite dit que le silencieux figurant sur les photos 29 et 30 était celui qu'il avait trouvé sur le moteur auxiliaire bâbord.


[67]            Pendant le contre-interrogatoire, M. Bowman a aussi dit qu'à son avis, l'incendie s'était déclaré au-dessus de la salle des machines. La boule de feu est descendue et est ensuite remontée dans le conduit d'échappement. Toutefois, il ressort clairement du contre-interrogatoire que M. Bowman ne connaissait pas le foyer d'origine de l'incendie, mais il a toujours semblé dire que l'incendie était attribuable à la fuite de gaz d'échappement.

[68]            M. Bowman a déclaré qu'il ne s'attendait pas à trouver du combustible liquide à bord du bateau plusieurs jours après l'incendie. Il a dit que lorsque le combustible liquide brûle, il brûle complètement. En se fondant sur les faibles traces de brûlure, il a rejeté la possibilité que l'incendie ait été causé par l'inflammation de combustible liquide. Il a affirmé qu'il n'y avait pas de traces de brûlure s'étendant vers le haut. Il s'est fondé sur les traces de suie, à l'extrémité inférieure des silencieux, et il a dit que cela indiquait qu'il y avait dans ce secteur de la fumée qui s'était condensée sur le silencieux et sur la bride.

[69]            M. Bowman a affirmé que l'incendie était probablement attribuable aux gaz d'échappement chauds; par la suite, pendant le contre-interrogatoire, il a dit que les gaz d'échappement étaient le combustible qui s'était enflammé.


[70]            Pendant le contre-interrogatoire, il a été signalé à M. Bowman que les demandeurs affirmaient que le combustible qui avait causé l'incendie était le carbone non brûlé qui se trouvait sur les parois du conduit d'échappement et sur le matériau de revêtement. M. Bowman a déclaré qu'il ne savait pas que les demandeurs avaient exprimé cet avis. Il a également confirmé que, dans son rapport, il n'avait pas d'abord considéré que le carbone était le combustible en cause.

[71]            Avant de préparer son rapport, M. Bowman n'était pas au courant de la fuite de carburant qui s'était produite le 21 octobre 1997. Il croyait que la fuite de carburant dans la cheminée ce jour-là, résultait d'un essai. Il ne s'était pas rendu compte qu'il s'agissait d'un accident. M. Bowman ne savait pas non plus qu'on avait lutté contre l'incendie et, dans son enquête, il ne s'est pas demandé comment cela aurait pu influer sur les dommages et sur le chemin suivi par l'incendie.

[72]            Lorsqu'on lui a posé des questions au sujet du point d'inflammation du carburant diesel no 2, M. Bowman a déclaré, pendant le contre-interrogatoire, qu'il croyait qu'il se situait à environ 900 degrés Fahrenheit. On a dit à M. Bowman que le point d'inflammation était de 125 degrés; en réponse, M. Bowman a parlé du processus de pulvérisation. Il a également dit que l'on pouvait enflammer du carburant diesel sous forme liquide. Lorsqu'on lui a posé des questions au sujet de la boule de feu, telle que l'avait décrite Mark Stephen dans son témoignage, M. Bowman a dit qu'un « whoop » est considéré comme une explosion faible. Une boule de feu qui suit un tel bruit indique qu'un combustible s'est enflammé. M. Bowman a dit que cela est conforme à l'inflammation des vapeurs de carburant diesel. Ces remarques se rapportent à son premier rapport.

[73]            En ce qui concerne son deuxième rapport, M. Bowman a été contre-interrogé au sujet des caractéristiques du carburant diesel no 2. Lorsqu'on lui a dit que la température d'auto-inflammation du carburant diesel était de 500 degrés Fahrenheit, M. Bowman a dit qu'il était surpris et qu'il croyait que cette température était trop basse. Toutefois, il a également déclaré qu'il n'avait jamais effectué d'essais pour déterminer le point d'auto-inflammation du carburant diesel no 2.

[74]            M. Bowman a été interrogé au sujet des dommages subis par le panneau d'aluminium; il a exprimé l'avis que la chaleur des gaz d'échappement s'était propagée sur le panneau en alliage d'aluminium et avait entraîné la fusion. Cela aurait pu se produire sans qu'il y ait une fuite dans un joint du silencieux auxiliaire bâbord.

[75]            Pendant le contre-interrogatoire, M. Bowman a admis qu'il n'avait pas personnellement analysé la composition du carburant diesel. Il n'avait procédé à aucun essai sur le moteur Cummins. Il n'avait pas vu de retour de flamme dans un moteur Cummins.


[76]            M. Bowman a toujours maintenu sa thèse voulant que la température des gaz d'échappement qui s'étaient échappés était élevée à un point tel que, lorsque ces gaz étaient entrés en contact avec la paroi extérieure du conduit d'échappement, ils avaient chauffé l'isolant et le conduit d'échappement lui-même, composé d'acier au niveau du pont principal, à l'exception du panneau d'accès en aluminium, et d'aluminium au niveau du pont de la timonerie, et s'étaient ensuite enflammés.

[77]            Le deuxième témoin expert cité par les demandeurs était M. Darryl Hansen. M. Hansen est ingénieur; à l'emploi de Fenco McLaren Inc. Il a rédigé un rapport pour le compte des demandeurs. Ce rapport, en date du 29 novembre 2000, cite l'avis de M. Hansen sur deux questions se rapportant au système d'échappement du moteur principal du bateau au moment de l'incendie. Selon ce rapport, M. Hansen exprimait son opinion en réponse aux deux questions suivantes :

[TRADUCTION]

1.              Le système d'échappement jumelé (ou bifurqué) du moteur principal du bateau a-t-il été mal conçu ou installé pendant le radoub?

2.              Un joint d'une mauvaise catégorie ou ne comportant pas les caractéristiques appropriées a-t-il été installé entre les brides du système d'échappement du moteur principal?


[78]            M. Hansen a répondu aux deux questions par l'affirmative. En ce qui concerne le système d'échappement du moteur principal, il a conclu qu'il ne convenait pas pour fins auxquelles il était utilisé parce que la défenderesse n'avait pas assuré un assemblage flexible pour les deux silencieux du moteur principal. M. Hansen a conclu que la disposition des silencieux, tels qu'Allied les avait conçus et installés, était inadéquate pour permettre la contraction et la dilatation naturelles qui se produisent dans les silencieux. Cette incapacité cause une contrainte additionnelle qui aurait pour effet d'endommager les silencieux. Cette contrainte causerait également une pression supplémentaire excessive sur les joints utilisés dans le silencieux.

[79]            Quant à la deuxième question, M. Hansen a rapidement conclu que les joints qui avaient été utilisés dans l'installation des silencieux ne convenaient pas pour l'usage. Le principal problème était que les joints, tels qu'ils étaient utilisés, avaient une cote maximale continue de 400 degrés Fahrenheit alors que les gaz d'échappement du moteur pouvaient atteindre 860 degrés Fahrenheit.

[80]            M. Hansen a relié l'utilisation de joints inadéquats et l'absence d'un assemblage flexible dans la disposition des silencieux et a conclu que cette construction aurait causé une contrainte excessive sur les joints.

[81]            Lyle Johnson était le troisième expert qui a été cité pour le compte des demandeurs. Il est ingénieur et a une formation spéciale en génie métallurgique. Il compte de nombreuses années d'expérience dans les enquêtes sur les incendies et il a déjà été expert dans des litiges.


[82]            M. Johnson a été présenté à titre de témoin afin d'exprimer son opinion d'expert au sujet de la cause et de l'origine de l'incendie. Il a été admis à titre d'expert en cette qualité. Dans son rapport, en date du 28 septembre 2001, M. Johnson a déclaré que pour son propre rapport, il avait examiné les rapports de M. Bowman et M. Hansen ainsi que deux rapports de M. Wayne Brox établis pour le compte de la défenderesse. Il a également fait savoir qu'il avait examiné la salle des machines et la cheminée du bateau et il a indiqué les caractéristiques de configuration du bateau, sur lesquelles il se fondait.

[83]            M. Johnson a dit que selon lui l'incendie s'était produit parce que des vapeurs de combustible s'étaient enflammées. Il a indiqué deux sources possibles des vapeurs, la première étant le débordement de carburant diesel du plateau situé dans la cavité de la cheminée, là où sort le tuyau de ventilation de la caisse journalière et la deuxième, les vapeurs causées par l'exposition à la chaleur de dépôts de surface dans la cavité de la cheminée. Selon M. Johnson, la cavité de la cheminée comprend la partie supérieure de la cheminée entourée de tôle et comportant une grille, ainsi que le conduit d'échappement.


[84]            M. Johnson s'est fondé sur la constatation ou de la défaillance d'un joint de bride du système d'échappement, dans la cavité de la cheminée. Il a dit qu'en pareil cas, des vapeurs pouvaient se former par suite de l'échauffement des matières présentes sur les surfaces externes, ainsi que des hydrocarbures déposés non brûlés près du joint qui avait fait défaut. Il a dit que, dans certaines conditions, les hydrocarbures non brûlés pouvaient s'enflammer sur la surface externe du système d'échappement. Ces conditions sont notamment la présence d'oxygène, la présence de surfaces ou de gaz d'échappement très chauds et la proximité d'hydrocarbures non brûlés et de vapeurs combustibles. Il a conclu que les dommages causés par le feu dans le conduit d'échappement laissent croire à un incendie attribuable à cette source de combustion étant donné qu'on n'a pas constaté de dommages sérieux dans la cavité de la cheminée.

[85]            Le témoin a affirmé que la défaillance du joint, là où il y avait un assemblage à brides, constituerait en fin de compte la source d'inflammation. Sa conclusion finale est la suivante :

[TRADUCTION] La présence de vapeurs combustibles permettrait l'avancement rapide du front de flamme. Le fait que la mise à l'air libre du réservoir de trop-plein (la caisse journalière) était située à l'intérieur de la cavité de la cheminée plutôt qu'à l'extérieur permettrait au carburant de s'écouler dans la cavité.

[86]            Lorsqu'il a témoigné à l'instruction, M. Johnson a reconnu certaines erreurs dans les hypothèses sur lesquelles il s'appuie dans son rapport. En rédigeant son rapport, il avait supposé que les brides de joint étaient enveloppées dans le même matelas que les tubes du tuyau d'échappement. Il ne savait pas que les brides étaient enveloppées individuellement, mais il a affirmé que cela ne lui ferait pas changer d'idée au sujet de l'effet de la défaillance du joint. Il a également déclaré qu'il ne savait pas que le plateau d'égouttement faisait partie du pont supérieur du bateau. Il n'a pas tenu compte du fait qu'il y avait un espace vide sous le plateau et que la cabine du capitaine était située au-dessous. Il a également dit qu'il se trompait au sujet de son évaluation de l'emplacement de l'ouverture de ventilation; elle n'était pas située près du bord du plateau.

[87]            M. Johnson a déclaré que M. James Fiddler lui avait dit qu'un joint avait fait défaut, mais qu'il ne lui avait pas dit quel joint était en cause. M. Fiddler lui a dit où se trouvait le joint, mais il n'en parle pas dans son rapport. M. Johnson a dit qu'il croyait comprendre, par suite de la conversation qu'il avait eue avec M. Fiddler, qu'un joint avait fait défaut, comme le montraient de grosses pièces qui s'étaient cassées, mais que le joint n'avait pas éclaté.

[88]            En outre, M. Johnson a dit qu'il ne s'était pas renseigné sur les opérations de lutte contre l'incendie effectuées à bord. Il n'était pas au courant de ce qui avait été fait.

[89]            M. Johnson a fait savoir qu'à son avis l'inflammation du carburant diesel n'avait pas causé le feu dans la cavité de la cheminée. Il n'a pas pu déceler personnellement d'écoulement de carburant dans la cavité de la cheminée, mais on lui a remis une photographie qui montrait qu'il y avait du carburant dans le plateau d'égouttement, pièce 33, page 22.


[90]            Pendant le contre-interrogatoire, M. Johnson a été interrogé au sujet de cette photographie; il a dit que s'il y avait du carburant diesel dans le plateau, ce carburant aurait coulé dans le coin arrière bâbord du conduit d'échappement parce que le plateau était incliné vers le coin avant bâbord. Le silencieux auxiliaire bâbord est situé dans ce secteur. Ce silencieux repose sur une plate-forme non isolée qui comporte une petite lèvre surélevée. M. Johnson était d'accord pour dire que si le carburant diesel débordait du coin du plateau et se retrouvait sur la plate-forme de la pièce 29, les vapeurs s'enflammeraient automatiquement, en produisant peut-être une boule de feu et une explosion. M. Johnson a reconnu que cela pouvait arriver, et qu'une flamme monterait immédiatement le long de la paroi verticale, là où coulait le carburant.

[91]            M. Johnson a dit que la température d'auto-inflammation du carburant diesel, c'est-à-dire la température à laquelle une vapeur s'enflamme spontanément, est d'au moins 600 degrés Fahrenheit. Il ne souscrivait pas à la thèse selon laquelle le point d'auto-inflammation du carburant diesel est moins élevé, environ 400 degrés Fahrenheit.

[92]            M. Johnson a parlé de l'emplacement de dépôts huileux sur les surfaces, dans la salle des machines. Étant donné qu'un ventilateur d'un diamètre de 30 pouces assurait une ventilation positive dans la salle des machines, les produits de combustion peuvent être transportés dans le système d'échappement et dans l'atmosphère. La présence de dépôts huileux sur l'équipement et sur les surfaces voisines dépend du bon fonctionnement général de l'équipement et de l'état de propreté de la salle des machines. Une fuite dans un joint, à l'intérieur du conduit d'échappement peut contribuer à la présence de dépôts huileux sur les parois voisines. M. Johnson a dit qu'il ne servirait à rien de nettoyer les surfaces avec de l'eau pour enlever les dépôts huileux, mais qu'il était plus efficace de les nettoyer à l'aide de chiffons.


[93]            M. Johnson n'a pas mentionné d'essais qu'il aurait effectués au sujet de l'inflammation spontanée des vapeurs de carburant diesel ou de l'inflammation de vapeurs condensées, sous forme liquide ou solide, causée par des vapeurs de carburant diesel. Il n'a pas non plus effectué d'études en vue de déterminer jusqu'à quel point un échauffement accumulatif se produirait à proximité du joint défectueux, là où la bride était enveloppée individuellement et où les gaz qui s'échappaient entraient en contact avec l'enveloppe, avant de s'échapper dans l'atmosphère.

ARGUMENTS DE LA DÉFENDERESSE

[94]            La défenderesse affirme que les demandeurs ne se sont pas acquittés de la charge de la preuve en démontrant selon la prépondérance des probabilités que l'incendie était attribuable à une négligence de sa part. La défenderesse conteste la suffisance et la qualité de la preuve d'expert des demandeurs. Elle propose donc une théorie subsidiaire comme cause de l'incendie et fournit une preuve d'expert à ce sujet, cette théorie se rapportant à la fuite de carburant diesel, pour démontrer que l'incendie ne peut pas être raisonnablement attribuable à l'utilisation de joints qui ne convenaient pas.


Les témoins experts de la défenderesse

[95]            La défenderesse a cité deux témoins experts, M. Ian Head et M. Frank Brox.

[96]            M. Head a été présenté pour témoigner sur les faits et exprimer une opinion au sujet de la cause de l'incendie. M. Head est ingénieur naval; il compte de nombreuses années d'expérience dans ce domaine; il a notamment travaillé à bord de bateaux comme ingénieur naval et, par la suite, comme expert maritime et comme consultant. De 1993 à 1998, il a travaillé pour la Salvage Association of London, au bureau de Vancouver.

[97]            Les assureurs du chantier naval qui avaient établi la police d'assurance-responsabilité tous risques ont communiqué avec M. Head au sujet de l'incendie qui est survenu à bord du bateau vers le 8 octobre 1997. M. Head est allé rencontrer M. Jim McLaren, d'Allied Shipyard, au chantier naval pour savoir quels travaux avaient été exécutés sur le bateau. M. McLaren lui a parlé des travaux sur deux silencieux et de l'assemblage qui avait été utilisé dans deux joints. M. Head a déclaré que M. McLaren lui avait également dit qu'une extrémité du tuyau de ventilation d'un des réservoirs de carburant aboutissait dans le capot de la cheminée.


[98]            Le 10 octobre 1997, M. Head s'est rendu au bateau pour inspecter les dommages lui-même. Il est monté à bord et il a rencontré M. Jim Fiddler, qui lui a fait un compte rendu de l'accident. Il a inspecté la salle des machines et l'embouchure des tuyaux et il a constaté les dommages. Les devis de la réparation des dommages avaient déjà été rédigés et M. Head voulait les vérifier. La première fois qu'il s'est présenté à bord du bateau, le 10 octobre 1997, M. Head a pris une série de photographies qui sont jointes à son rapport. Ce rapport, portant le numéro SAV-78-97, est daté du 19 mai 1998.

[99]            Dans l'ensemble, le rapport porte sur ce que M. Head a vu lorsqu'il s'est présenté à bord, c'est-à-dire les dommages résultant de l'incendie. Dans son rapport, M. Head fait également état des réparations nécessaires. Il a noté que des devis relatifs de réparations avaient déjà été préparés par les assureurs qui avaient établi la police sur coque et machines des propriétaires. Ces devis avaient été soumis à divers chantiers navals pour qu'ils soumettent un prix et le contrat avait finalement été accordé à Allied Shipbuilders Limited.

[100]        Dans son rapport, M. Head fait également mention des allégations des propriétaires au sujet de la cause de l'incendie. Il affirme que les propriétaires allèguent que l'incendie était directement attribuable à la négligence du chantier naval, qui avait installé le mauvais type d'assemblage dans les cylindres de gaz d'échappement du moteur principal, entre les 14 et 18 juillet 1997. Il dit que les propriétaires allèguent que l'assemblage s'est désintégré, ce qui a causé une fuite des gaz d'échappement dans le conduit d'échappement, et l'incendie.


[101]        Il semble que M. Head n'ait été mis au courant de cette allégation qu'au moment où il s'est rendu sur le bateau le 10 octobre 1997. Ce jour-là, il s'est présenté à bord du bateau avec M. McLaren. Il a rencontré James Fiddler et David Fiddler. Selon la description qui lui a été faite, une boule de feu de couleur vive est descendue du tambour de la salle des machines et l'incendie s'est propagé aux emménagements. On lui a dit qu'on avait employé de l'eau pour éteindre les flammes, que l'on avait eu recours au système Halon dans la salle des machines et qu'il avait fallu environ deux heures pour éteindre l'incendie. On ne sait pas trop à quel moment M. Head a été mis au courant de l'allégation de négligence qui avait été faite contre le chantier, mais il a dit qu'au moment où il a commencé à s'occuper de l'affaire, le chantier naval avait été avisé que les propriétaires présenteraient une réclamation.

[102]        M. Head a dit que le conduit d'échappement donnait une indication de la gravité de l'incendie. Il y avait beaucoup de suie. Le feu avait endommagé l'isolant et la tôle bombait. Il a déclaré que les dommages, dans le secteur des emménagements, autour du conduit d'échappement, indiquaient qu'il s'agissait d'un incendie secondaire. Les poteaux de bois étaient brûlés. Il a déclaré qu'il ne s'agissait pas tant de dommages causés par le feu que de dommages causés par la chaleur et la fumée et que les instruments de navigation dans la timonerie avaient été endommagés par la fumée et par la chaleur plus que par les flammes.


[103]        Le 10 octobre, M. Head a pris un certain nombre de photographies, dont certaines sont incluses dans son rapport. Les photos 1 à 18 sont des photos qui ont été prises le 10 octobre; les photographies 19 à 41 ont été prises à diverses occasions, pendant les travaux de réparation. M. Head a pris d'autres photographies qui n'ont pas été incluses dans le rapport. Cette série de photographies constituent la pièce D-23.

[104]        La photographie 24 montre le tuyau de ventilation dont l'extrémité se trouvait dans le capot de la cheminée. M. Head a déclaré avoir pris cette photographie le 10 octobre, à sa première visite sur le bateau. Il a déclaré que ce tuyau de ventilation l'intéressait parce que M. McLaren lui en avait parlé le 8 octobre. Il a affirmé qu'il s'agissait d'une situation dangereuse et il a inspecté le tuyau. Il a pris la photographie, mais il ne l'a pas incluse dans son rapport. Il a déclaré ne pas savoir pourquoi cette photographie avait été exclue de son rapport.

[105]        M. Head a déclaré qu'après être monté à bord le 10 octobre, il avait préparé un résumé pour ses mandants; il leur recommandait de retenir les services d'un expert en incendies parce que, à son avis, la description du feu que les propriétaires avaient faite était incompatible avec l'allégation selon laquelle il y avait une fuite dans le système d'échappement.

[106]        Les services de M. Wayne Brox, expert en incendies, ont été retenus. Le 21 octobre 1997, M. Head s'est de nouveau rendu au bateau. M. Brox, M. David Fiddler, M. James Fiddler, l'un des frères McLaren et un certain nombre d'autres personnes étaient également à bord.

[107]        M. Head a présenté M. Brox à David et à James Fiddler, et il a ensuite laissé M. Brox faire son enquête. Lorsqu'on lui a demandé s'il se rappelait certains événements inhabituels qui se seraient produits le 21 octobre, M. Head a déclaré qu'il y avait eu une fuite accidentelle de mazout provenant de la caisse journalière. Il ne se rappelait pas exactement où il était, mais dans la confusion, il s'est rendu dans la salle des machines et il a vu du carburant qui coulait, près du conduit d'échappement.

[108]        M. Head a fait un schéma de la caisse journalière ainsi que des vannes d'entrée et de sortie. Il a fait un croquis dans son carnet de notes et il l'a par la suite mis au propre; ce schéma a été produit en preuve sous la référence D-14. M. Head a déclaré avoir envoyé le schéma à M. Brox par télécopieur.


[109]        M. Head a déclaré ne pas avoir discuté de l'incident avec les frères Fiddler. Il a examiné la position des vannes sur la caisse journalière; il a conclu que le carburant sortait du tuyau de ventilation parce que les vannes des deux tuyaux de retour des réservoirs bâbord et tribord étaient fermées. Le tuyau de transfert fonctionnait et, pour une raison ou une autre, le limiteur de haute pression de la caisse journalière ne fonctionnait pas. La pompe fonctionnait et refoulait le mazout dans le tuyau et il ressortait par le tuyau de ventilation, dans la cheminée.

[110]        M. Head n'a pas discuté de cet incident avec les frères Fiddler, mais il a déclaré en avoir parlé à M. Brox et avoir expliqué à celui-ci comment cette fuite avait pu se produire étant donné la configuration des vannes. Si la pompe n'était pas arrêtée, le carburant ne pouvait aller que dans le tuyau.

[111]        On a de nouveau reporté M. Head aux pièces D-3, photographie no 22, page 22 et D-23, page 24. La photographie correspondant à la pièce D-3, montre du mazout à la base du capot de la cheminée, elle a été prise par M. Brox en présence de M. Head.

[112]        En plus de la preuve factuelle qu'il a présentée, M. Head était qualifié pour présenter une preuve d'opinion sur la cause de l'incendie. Il était qualifié compte tenu de son expérience d'ingénieur naval et d'expert maritime, ayant effectué pendant de nombreuses années des enquêtes sur les incendies à bord de navires. M. Head a exprimé l'avis selon lequel l'incendie qui était survenu à bord du « KNIGHT DRAGON » , qui était une explosion, avait été vraisemblablement causé par du gaz ou par du carburant diesel marin plutôt que par une grosse accumulation de dépôts de carbone. Cet avis est énoncé dans le rapport écrit de M. Head et cette partie du rapport a été versée au dossier.


[113]        Les demandeurs ont contesté cette partie du rapport de M. Head en affirmant qu'il s'agissait d'une déformation de l'opinion exprimée par la suite par M. Brox, mais cela semble incompatible avec la preuve qu'ils ont eux-mêmes soumise. La pièce P-24 est un courriel en date du 13 octobre 1997, c'est le rapport préliminaire que M. Head a soumis à la Salvage Association. Dans ce courriel, M. Head disait :

[TRADUCTION] Cependant, l'incendie, qui a été décrit comme une explosion, serait à notre avis causé par du gaz ou du carburant diesel marin, plutôt que par une grosse accumulation de dépôts de carbone; à cet égard, nous pensons qu'il serait prudent de désigner un expert en incendies pour représenter sur le plan de la responsabilité les intérêts des personnes chargées des réparations afin qu'il donne son opinion d'expert au sujet de la cause probable de l'incendie.

[114]        Comme cela a déjà été mentionné, les services d'un expert en incendies ont été retenus; il s'agissait de M. Wayne Brox.

[115]        M. Brox est ingénieur; il a reçu une formation et il a de l'expérience en ce qui concerne les enquêtes et les analyses sur les incendies. Il a été présenté à titre d'expert en vue de soumettre un témoignage d'opinion au sujet de la cause et de l'origine de l'incendie en question ainsi qu'à titre de témoin des faits. Il a été admis à titre d'expert en vue de présenter ce témoignage d'opinion.


[116]        M. Brox a témoigné que M. Head avait communiqué avec lui et avait retenu ses services pour mener une enquête sur la cause et sur l'origine de l'incendie qui était survenu à bord du bateau de pêche. Il s'est rendu au bateau le 21 octobre 1997, et M. Head l'a présenté à James et à David Fiddler. Il a témoigné qu'on lui avait remis un joint identique à celui qui avait été utilisé à bord du bateau, mais il ne pouvait pas se rappeler à quel moment il l'avait reçu, sauf pour dire que c'était avant qu'il monte à bord.

[117]        Pendant sa visite du bateau, M. Brox en a fait le tour pour se familiariser avec les secteurs endommagés. Lorsqu'on lui a demandé s'il avait interrogé M. James Fiddler ou M. David Fiddler ou quelqu'un d'autre, il a répondu qu'il avait posé certaines questions, mais il ne savait pas à qui il avait parlé. Il a pris une série de photographies qui sont incluses dans le rapport. Il a identifié les photographies 1 à 18 comme étant celles qui avaient été prises avant la fuite de mazout, le 21 octobre. Son rapport comprend le schéma qui a été préparé par M. Head et produit sous la référence D-14. M. Head a déclaré avoir utilisé ce schéma pour préparer la figure de la pièce 19 de son rapport. Les figures 20 à 24 ont été faites après la fuite de mazout du 21 octobre, elles comprennent des photographies du capot de la cheminée, de l'intérieur de la cheminée, du tuyau de ventilation, de l'écoulement de carburant dans la salle des machines et de l'extrémité du tuyau de ventilation à l'intérieur de la cheminée.


[118]        M. Brox a témoigné qu'il ne pouvait pas se rappeler exactement où il était sur le bateau lorsque la fuite s'est produite, mais M. Head est arrivé et l'a amené dans la salle des machines où ils ont vu le carburant qui s'écoulait du bas du conduit d'échappement; M. Brox a pris les photos des figures 23 et 24.

[119]        Après avoir inspecté le bateau le 21 octobre 1997, M. Brox a préparé son premier rapport. Ce rapport, daté du 18 novembre 1997, est adressé à M. Ian Head, de la Salvage Association, bureau de Vancouver. Dans ce rapport, M. Brox traite de la possibilité que l'incendie, qui a été décrit comme une explosion et une boule de feu, ait été causé par de la suie. Il a réfuté cette possibilité, à moins qu'il n'existe une explication raisonnable de la dispersion de la suie dans le conduit d'échappement, ainsi que d'une source d'inflammation à haute énergie.

[120]        M. Brox a abordé la question de l'allégation selon laquelle la défaillance du joint, qui avait permis aux gaz d'échappement de fuir dans le conduit d'échappement, expliquait d'une façon raisonnable la cause de l'incendie. Il a dit que les températures à l'intérieur du conduit d'échappement seraient suffisantes, même sans une défaillance du joint, pour chauffer le carburant au-delà du point d'inflammation. Il a conclu que l'explosion et le feu qui se sont produits dans le conduit d'échappement, avaient été causés par du carburant qui fuyait du tuyau de ventilation aboutissant à la base de la cheminée et qui était ensuite remonté dans le conduit d'échappement, où il s'était enflammé. Selon la preuve, la plate-forme sur laquelle reposait le silencieux auxiliaire bâbord n'était pas isolée.

[121]        M. Brox a reconnu que les joints utilisés par Allied dans le système des silencieux étaient inadéquats et qu'ils avaient probablement fait défaut, mais il a conclu que cette défaillance n'avait rien à voir avec la cause de la fuite de carburant. Bref, il a conclu que l'incendie était attribuable à une fuite de carburant.

[122]        M. Brox a préparé, pour le compte de la défenderesse, un deuxième rapport dans lequel il examine les deux opinions préparées par M. Bowman pour le compte des demandeurs et la question de la combustibilité de la suie produite par un moteur diesel.

[123]        On avait remis à M. Brox un extrait de l'interrogatoire préalable de Mark Stephen; il a mis l'accent sur le fait que M. Stephen avait décrit l'incendie comme une [TRADUCTION] « boule de flammes » qui était entrée dans la salle des machines par l'extrémité inférieure du conduit d'échappement. M. Stephen avait apparemment également décrit le bruit comme un [TRADUCTION] « ébranlement de l'air » et comme un [TRADUCTION] « gros woof et un gros wump » . M. Brox déclare que M. Bowman a centré à tort son premier rapport sur un feu, sans s'arrêter suffisamment à la description de l'événement, qui comportait une explosion ainsi qu'un feu. Il affirme que des considérations différentes s'appliquent lorsqu'une explosion est en cause et que M. Bowman n'avait pas tenu compte de ces circonstances. M. Brox dit que la conclusion de M. Bowman, pour ce qui est de la fuite des gaz d'échappement chauds, n'explique pas comment un feu ou une explosion sont survenus.


[124]        M. Brox signale un certain nombre de lacunes apparentes dans la façon dont M. Bowman a préparé son premier rapport et soutient qu'il s'est fondé sans motif valable sur les traces de brûlure alors que l'enquête de départ n'indique pas quel genre de carburant était utilisé et de quelle façon. En particulier, M. Brox affirme que le fait que M. Bowman s'est fondé sur les traces de brûlure du panneau en aluminium d'accès au pont d'habitation n'indique pas d'une façon déterminante une forme d'incendie uniforme. Il souligne qu'on avait enlevé environ la moitié de cette plaque en la coupant et qu'elle ne pouvait être examinée de sorte que le reste ne pouvait constituer qu'une partie de la solution.

[125]        Quant au deuxième rapport soumis par M. Bowman, M. Brox fait des remarques au sujet de l'inclusion des [TRADUCTION] « faits, observations et hypothèses » dont il n'est pas fait mention dans le premier rapport Bowman. Il note que, dans le deuxième rapport, M. Bowman dit qu'il n'y avait pas de traces de brûlure attestant une fuite de liquide inflammable ou de carburant dans le conduit d'échappement ou que du liquide ou du carburant s'était écoulé du conduit d'échappement dans la salle des machines. M. Brox critique la déduction de M. Bowman sur ce point.


[126]        M. Brox fait également des commentaires au sujet de la déclaration de M. Bowman selon laquelle [TRADUCTION] « des gaz d'échappement chauds s'échappaient depuis quelque temps » en soulignant que le rapport ne démontre pas l'existence de pareille fuite ou depuis combien de temps il y avait une fuite.

[127]        Dans son rapport en date du 7 décembre 2000, M. Brox traite ensuite de l'échappement des moteurs diesel et de la pyrolyse, questions soulevées par M. Bowman. M. Brox présente un tableau montrant la composition des émissions typiques des moteurs diesel, réparties selon les principaux éléments gazeux, les éléments gazeux mineurs et les solides. Il signale que dans les émissions typiques des moteurs diesel, le volume des hydrocarbures non brûlés représente beaucoup moins qu'un pour cent des émissions totales et que, pour que des hydrocarbures non brûlés brûlent, il doit y avoir une source d'inflammation. Il affirme que M. Bowman n'a pas identifié cette source.

[128]        M. Brox conteste la façon dont M. Bowman traite de cette question et affirme que M. Bowman l'a mal décrite. Il déclare que ce qui est le plus important, c'est que M. Bowman n'a pas indiqué quelle matière combustible avait été pyrolysée par les gaz d'échappement qui soi-disant fuyaient.

[129]        M. Brox a ensuite parlé des propriétés de la suie des diesels et il a déclaré qu'il n'avait pas pu trouver de documentation portant sur cette question, mais qu'il existait certains documents portant sur les propriétés du noir de carbone que produisait la combustion incomplète d'un hydrocarbure.


[130]        En se basant sur une publication du Centre canadien d'hygiène et de sécurité au travail, il a dit que le noir de carbone ne présente aucun danger d'explosion ou n'est pas susceptible de s'enflammer spontanément, à moins d'être contaminé par d'autres produits combustibles, et que lorsqu'il s'enflamme, il brûle lentement et sans flammes. Il a également dit que les températures minimales d'inflammation pour les nuages de poussière et pour un dépôt sont de plus de 500 degrés Celsius, soit une température supérieure à la température des gaz d'échappement.

[131]        Dans la section analytique du rapport, M. Brox revient sur la question de la description de l'incendie donnée par Mark Stephen. Il affirme que les observations sont celle d'une faible explosion et que la boule de feu caractérise l'inflammation d'une vapeur volatile. Il affirme que normalement, il ne devrait y avoir aucune vapeur volatile dans le conduit d'échappement ou dans les gaz d'échappement et que la seule source de vapeur volatile trouvée se situait à l'extrémité d'un tuyau de ventilation d'un des réservoirs de carburant, dans la cheminée, en haut du conduit d'échappement.


[132]        M. Brox conclut enfin que M. Bowman a par erreur identifié la cause de l'incendie comme étant les gaz de carburant non brûlés qui s'étaient peut-être accumulés dans le conduit d'échappement et qui s'étaient enflammés, sans identifier la source d'inflammation. Selon M. Brox, cette explication n'est pas compatible avec la description de ce qui est arrivé, à savoir une explosion et un feu, et la seule explication raisonnable est une fuite de carburant diesel dans le conduit d'échappement.

[133]        Dans son deuxième rapport, M. Brox signale également l'essai qu'il a effectué sur la combustibilité de la suie d'un moteur diesel. Le but de l'essai était de savoir quel rôle, le cas échéant, avait joué la suie de moteur diesel dans la cause d'une explosion et d'un feu dans le conduit d'échappement à bord du « KNIGHT DRAGON » . Il fournit une série de photographies décrivant les étapes de l'essai. Il formule ses conclusions comme suit :

[TRADUCTION] Par conséquent, aucun des éléments s'échappant d'un moteur diesel n'est particulièrement inflammable; ces éléments n'explosent pas ou ne s'enflamment pas facilement. Cela est également compatible avec l'absence, par le passé, de feux des systèmes d'échappement.

Par conséquent, à notre avis, l'échappement du moteur diesel, ou toute accumulation de suie provenant de l'échappement, ne pouvaient pas avoir contribué à la cause de l'explosion et du feu qui se sont produits dans le conduit de sortie des gaz du « KNIGHT DRAGON » .

[134]        Au cours de l'instruction, M. Brox a été interrogé au sujet des opinions exprimées dans ces rapports; il a maintenu sa conclusion fondamentale, à savoir que l'incendie en question n'était pas attribuable à l'inflammation d'hydrocarbures non brûlés, que ce soit par combustion spontanée ou autrement, ou à l'inflammation d'hydrocarbures non brûlés dans la suie le long des parois du conduit d'échappement. Il a maintenu sa position, à savoir que l'explication la plus raisonnable de la cause de l'incendie était une fuite de carburant par le tuyau de ventilation de la caisse journalière, de sorte que du carburant diesel avait coulé dans le conduit d'échappement et s'était enflammé lorsqu'il était entré en contact avec les surfaces chaudes du conduit.


ANALYSE ET DÉCISION

[135]        Comme il en a été fait mention au début, le principal point litigieux dans cette instance se rapporte à la cause de l'incendie qui est survenu à bord du « KNIGHT DRAGON » le 22 septembre 1997. L'action est fondée sur une rupture de contrat et sur l'exécution négligente du contrat. Les demandeurs allèguent que l'incendie est attribuable à la défenderesse à cause d'une défaillance résultant des travaux qui avaient été exécutés sur le bateau aux mois de juin et de juillet 1995 et au mois de juillet 1997.

[136]        Les demandeurs allèguent essentiellement que la défenderesse a exécuté d'une façon inappropriée ou négligente les travaux dans le conduit d'échappement, lorsque les silencieux ont été installés, de sorte qu'il y a eu une fuite de gaz d'échappement qui se sont accumulés dans le conduit d'échappement et ont finalement causé un incendie. Telle est la thèse fondamentale des demandeurs. Cette allégation fondamentale comporte certaines variantes, étant donné que les demandeurs allèguent que les gaz d'échappement, renfermant des hydrocarbures non brûlés, se sont enflammés spontanément, ont enflammé la suie qui se trouvait sur les parois du conduit d'échappement ou ont fait monter la température dans le conduit d'échappement à un point tel que la chaleur a entraîné l'inflammation des matériaux adjacents.

[137]        La défenderesse soutient que cette théorie des demandeurs n'est pas raisonnable, étant donné que selon la description de l'événement, il y a eu une explosion et un feu, et elle affirme que, selon l'explication la plus raisonnable, il y a eu une fuite de mazout provenant du tuyau de ventilation dont l'extrémité se trouvait dans le capot de la cheminée. La défenderesse soutient que cette possibilité est raisonnable compte tenu de la preuve, notamment de la preuve présentée par l'ingénieur Mark Stephen. M. Stephen a décrit ce qu'il a vu comme étant une boule de feu qui est descendue dans le conduit d'échappement jusqu'à la salle des machines, avec un grand bruit, et qui est ensuite remontée dans le conduit d'échappement.

[138]        La défenderesse a également présenté des éléments de preuve au sujet des circonstances dans lesquelles se produirait une fuite de mazout par le tuyau de ventilation de la caisse journalière et elle a fait remarquer que la fuite qui est survenue le 21 octobre 1997 montre comment pareille fuite pourrait se produire. Il a été déterminé que la fuite, ce jour-là, s'est produite à cause d'une défaillance de l'interrupteur automatique de sécurité de la caisse journalière. La défenderesse a émis une théorie selon laquelle le carburant provenant du tuyau de ventilation de la caisse journalière pouvait s'écouler du plateau dans le capot de la cheminée le long du côté bâbord du conduit d'échappement et entrer en contact avec la plate-forme non isolée sur laquelle reposait le silencieux auxiliaire bâbord. M. Hansen et M. Johnson, qui étaient les témoins experts des demandeurs, ont convenu que pareil scénario était possible.


[139]        Les demandeurs déclarent que la défenderesse a proposé une théorie, mais qu'elle n'a pas présenté de preuve à l'appui. De son côté, la défenderesse affirme que la théorie invoquée par les demandeurs est déraisonnable et n'est pas étayée par la preuve.

[140]        La défenderesse affirme que l'enquête menée par les demandeurs comportait des lacunes. Parmi les lacunes signalées par la défenderesse, il y avait le fait que l'on n'avait pas procédé à une analyse métallurgique sur des restes du panneau d'aluminium, la façon dont on avait retiré les silencieux principaux et le silencieux auxiliaire bâbord, l'absence de photographies du silencieux auxiliaire bâbord lorsqu'on l'avait enlevé, l'absence de photographies des silencieux du moteur principal avant qu'on enlève le matelas principal et les enveloppes de brides, et l'absence de photographies, montrant qu'on avait enlevé les boulons et les écrous sur les brides supérieures et inférieures du silencieux du moteur principal.

[141]        La défenderesse déplore également le fait que les demandeurs n'ont procédé à aucune étude judiciaire appropriée, et notamment qu'ils n'ont pas effectué d'essais pour déterminer l'étendue de la fuite de carburant ainsi que la quantité de gaz qui aurait pu fuir et sa température. En outre, ce qui est crucial à mon avis, c'est que la défenderesse déplore le fait que les demandeurs n'ont procédé à aucun essai pour déterminer la source d'inflammation.


[142]        La défenderesse déclare qu'il s'agit ici d'un incendie pour lequel les demandeurs prétendent qu'il y a exécution négligente d'un contrat et que par conséquent c'est aux demandeurs qu'il incombe de démontrer que l'incendie est attribuable à la défenderesse.

[143]        Le seul arrêt faisant autorité mentionné par les parties au sujet de la charge de la preuve qui s'applique en l'espèce est l'arrêt Rhesa Shipping Co. S.A. c. Edmonds and another "The Popi M", [1985] 2 All E.R. 721 (C.L.), dans lequel la Chambre des lords a conclu que lorsque des théories contradictoires sont présentées et que le demandeur a la charge de la preuve, la Cour n'est pas tenue de conclure qu'une théorie ou une autre s'applique. Lorsque les demandeurs ont la charge de la preuve, ils doivent prouver leur cause selon la prépondérance des probabilités. À la page 714, lord Brandon a dit au nom de la Cour :

[TRADUCTION] [...] Premièrement, la charge de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la perte du navire est attribuable à un péril de mer incombe toujours aux propriétaires du navire. Il est loisible aux assureurs d'invoquer et de chercher à prouver quelque autre cause pour laquelle le navire n'était pas assuré, mais ils ne sont pas tenus de le faire. En outre, s'ils décident de le faire, ils ne sont pas tenus de prouver, même selon la prépondérance des probabilités, l'exactitude de leur preuve subsidiaire.

Le second point est qu'il est toujours loisible à un tribunal, même après le genre d'enquête prolongée qui s'est déroulée en l'espèce, et pendant laquelle ont témoigné de nombreux experts, de conclure en fin de compte que la cause immédiate de la perte du navire, même selon la prépondérance des probabilités, demeure douteuse, avec le résultat que les propriétaires du navire ne sont pas parvenus à s'acquitter du fardeau de la preuve qui leur était imposé.

[144]        La question de la suffisance de la preuve, lorsqu'il s'agit d'établir le lien de causalité entre l'origine d'un incendie et l'acte ou l'omission d'une personne particulière a fait l'objet de nombreuses décisions. À cet égard, je mentionnerai l'arrêt McAuliffe c. Hubbell (1930), 66 O.L.R. 349 (C.A.), dans lequel il incombait [TRADUCTION] « fort clairement » au demandeur d'établir qu'un incendie accidentel résultait de la négligence du défendeur, ainsi que l'arrêt DeBrisay c. Canadian Government Merchant Marine Ltd., [1941] R.C.S. 230; dans cette affaire, l'origine d'un incendie qui avait détruit un quai n'était pas connue; la Cour suprême du Canada a statué qu'il incombait au demandeur de prouver que l'incendie était attribuable à une négligence à moins que la cause de l'incendie ne puisse être clairement inférée.

[145]        Dans la décision Wolfe Co. c. Canada (1921), 20 Ex. C.R. 306, le juge Audette, de la Cour de l'Échiquier du Canada, dit au paragraphe 61 :

[TRADUCTION] Le fait que l'incendie a eu lieu n'est pas en soi une preuve de négligence, parce qu'il est fort possible que l'on ait fait preuve d'une diligence raisonnable. Dans ces conditions, pour conclure à la négligence, il doit exister une preuve positive de négligence, ou un fait qui peut donner lieu à une forte inférence de négligence. La conjecture ou la supposition qui sont faites en l'espèce sont trop aléatoires ou incertaines.


[146]        Si le demandeur ne satisfait pas à la charge qui lui incombe de prouver que l'incendie qui a causé les dommages était attribuable à une cause particulière, l'action doit être rejetée : voir Beal c. Michigan Central Railway (1909), 19 O.L.R. 502 (C.A.). Il doit être possible de faire une [TRADUCTION] « inférence raisonnable » plutôt qu'une [TRADUCTION] « simple conjecture » lorsqu'il s'agit de prouver la cause d'un incendie : voir Kerr c. Canadian Pacific Railway (1913), 49 R.C.S. 33.

[147]        Le demandeur satisfait à la charge de prouver l'origine de l'incendie s'il présente des éléments de preuve permettant de faire une inférence raisonnable au sujet de l'origine de l'incendie et excluant toute autre inférence acceptable et le demandeur doit établir la chose selon la prépondérance des probabilités, comme dans toute action intentée au civil : voir Elder c. Kingston (City), [1954] O.R. 397 (C.A.) et Kerr c. Canadian Pacific Railway, précité.

[148]        En l'espèce, les demandeurs allèguent que l'incendie résultait d'une fuite de gaz d'échappement dans le conduit d'échappement. Ils affirment que ces gaz provenaient d'un joint. Ils disent qu'il importe peu de savoir quel joint a fait défaut. Ils se fondent sur l'aveu que M. McLaren a fait pour le compte d'Allied ainsi que sur la preuve de MM. Brox et Hansen, les experts qui ont été cités pour le compte de la défenderesse et des demandeurs respectivement, à savoir que les joints utilisés dans le système des silencieux étaient inadéquats.


[149]        Il ne semble y avoir aucun doute que les joints qui ont été installés en 1997 étaient inadéquats parce qu'ils ne possédaient pas les caractéristiques nominales pour les températures auxquelles ils devaient être exposés dans le système d'échappement. Les demandeurs affirment qu'il y a eu une défaillance des joints; ils se fondent sur la preuve que Jim Fiddler a présentée au sujet de l'insertion de lames après qu'on eut enlevé le matelas et l'enveloppe du silencieux avant du moteur principal. Les demandeurs se fondent sur la preuve de M. Fiddler ainsi que sur les photographies 31 et 32 de la pièce 2. Selon M. James Fiddler, la photographie 31, P-2, montre une lame de couteau insérée entre la bride au bas du silencieux avant du moteur principal. La photographie 32, pièce 2, montre une lame de couteau insérée dans la bride supérieure du silencieux avant du moteur principal.

[150]        Les demandeurs se fondent sur ces photographies pour établir qu'il y avait eu défaillance qui ont laissé fuir des gaz d'échappement. La position de la défenderesse est que la photographie 31 montre que le couteau était bloqué après qu'on eut enlevé le joint fissuré, compte tenu de la preuve de M. Fiddler selon laquelle le couteau a été inséré après qu'on eut enlevé des morceaux du joint fissuré. La défenderesse affirme que la position du couteau indique qu'il est entré en contact avec la bride à face surélevée, mais aucun élément de preuve ne permet d'inférer d'une façon raisonnable que le joint inférieur était cassé.


[151]        En ce qui concerne la bride supérieure, la défenderesse affirme que la photographie 32 ne montre pas que le matériau dont était composé le joint sur la bride à face surélevée de la bride supérieure avait été détruit, en se fondant sur la photographie du matériau du joint se trouvant sur la bride à face surélevée supérieure, comme le montre la pièce 3, pages 12, 13 et 14 et le premier rapport de M. Brox, pièce 33, onglet 1, tableaux 11 et 12.

[152]        Il existe bon nombre d'éléments de preuve selon lesquels la fonction cruciale d'étanchéité du joint est assurée par le contact du joint avec la bride à face surélevée. Les photographies que M. Brox a prises montrent la présence du matériau dont était composé le joint sur la bride à face surélevée supérieure et en l'absence d'autres éléments prouvant que ce matériau n'aurait pas assuré l'étanchéité voulue, je ne suis pas prête à conclure qu'il y a eu une défaillance des joints à cet endroit.

[153]        Toutefois, étant donné la théorie des demandeurs selon laquelle l'incendie est attribuable à des hydrocarbures non brûlés contenus dans les gaz d'échappement, comme source d'inflammation ou comme source de combustible, la question cruciale est de savoir si les gaz d'échappement pouvaient avoir un tel effet.


[154]        Au moment où l'incendie est survenu, le moteur principal et le moteur auxiliaire bâbord étaient en marche et brûlaient du carburant diesel no 2. Les gaz d'échappement provenant de ces moteurs ont été acheminés par les divers tuyaux dans les silencieux situés dans la chambre du collecteur d'échappement. Selon certains éléments de preuve, la température des gaz à l'intérieur des silencieux aurait été de 860 degrés Fahrenheit. Selon certains éléments de preuve, le ventilateur qui était dans la salle des machines assurait une pression positive dans le conduit d'échappement et les gaz d'échappement mis à l'air libre à l'extérieur à l'extrémité supérieure des conduits d'échappement, là où les silencieux sont raccordés aux tuyaux de ventilation qui sortent à l'extrémité supérieure de la cheminée.

[155]        Les demandeurs présentent trois théories, chacune se rapportant à l'inflammation d'hydrocarbures non brûlés. Selon la première théorie, les gaz d'échappement se sont écoulés d'un joint fissuré ou détruit et ils sont devenus suffisamment chauds pour s'enflammer spontanément, par suite d'une combinaison correcte d'oxygène, de combustible et de chaleur. Il existe certains éléments de preuve au sujet de la composition des émissions typiques des moteurs diesel. Cette preuve a été soumise par M. Brox, dans son premier rapport en date du 7 décembre 2000, pièce D-33, onglet 3, page 6; il y est fait état des émissions typiques des moteurs diesel selon la documentation. Un tableau est également inclus dans le deuxième rapport de M. Brox en date du 7 décembre 2000, pièce D-33, onglet 4.

[156]        Selon la documentation examinée par M. Brox, les gaz d'hydrocarbures représentent moins d'un pour cent en volume et les carbones solides sont exprimés en grammes par hp.h. Il s'agit d'une quantité très petite. M. Hansen, qui était un expert cité par les demandeurs, était d'accord pour ce qui est de ces quantités. Selon cette preuve, la quantité de combustible non brûlé dans les gaz d'échappement est minime.


[157]        Les demandeurs n'ont pas réussi à démontrer les conditions dans lesquelles des gaz d'échappement pouvaient en théorie s'enflammer. Ils n'ont pas non plus réussi à démontrer que ces conditions existaient dans le conduit d'échappement du « KNIGHT DRAGON » le 22 septembre 1997.

[158]        Les demandeurs n'ont présenté aucun élément de preuve au sujet de la capacité des gaz d'échappement de s'enflammer conformément à leur théorie. La défenderesse a cherché à présenter en preuve, pendant le contre-interrogatoire de M. Brox, un essai sur des hydrocarbures non brûlés, mais cette preuve a été exclue parce que les demandeurs s'y opposaient. Il reste que la Cour ne dispose d'aucun élément de preuve au sujet de l'admission d'hydrocarbures non brûlés et, dans la mesure où les demandeurs se fondent sur cette admission comme cause de l'incendie, il leur incombe de l'établir. Or, ils ont omis de produire suffisamment d'éléments de preuve sur ce point pour satisfaire à la charge de la preuve applicable, qui est celle de la prépondérance des probabilités.


[159]        Les demandeurs ont ensuite avancé la théorie selon laquelle les gaz d'échappement avaient suffisamment chauffé les parois du conduit d'échappement à travers l'isolant et le panneau d'aluminium pour atteindre une température qui a permis aux poteaux de bois de s'enflammer à l'intérieur du tambour. Selon cette thèse, la chaleur provenant des poteaux de bois s'est ensuite propagée dans le conduit d'échappement et a entraîné une combustion instantanée des gaz d'échappement. Cette théorie est avancée par M. Bowman.

[160]        La défenderesse conteste cette théorie en se fondant sur l'absence de résultats d'essais à l'appui et sur le fait qu'aucun document scientifique n'étaye cette théorie.

[161]        Cette théorie pose d'autres problèmes. Le conduit d'échappement était sous une pression positive. Or, rien ne montre qu'un membre d'équipage ait senti des gaz d'échappement le jour où l'incendie est survenu, contrairement à ce qui s'était antérieurement produit. La preuve soumise par M. Brox laisse planer un doute sur la théorie de la pyrolyse avancée par M. Bowman. Rien ne montre que des analyses métallurgiques aient été effectuées sur la partie du panneau d'aluminium qui restait après l'incendie.

[162]        Encore une fois, la preuve soumise par les demandeurs ne satisfait pas à l'obligation de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l'incendie a pris naissance de cette façon.


[163]        Selon la troisième théorie qui a été avancée, les gaz d'échappement ont enflammé la suie provenant du moteur diesel dans le conduit d'échappement. Cette allégation a été avancée par les demandeurs individuels. Encore une fois, la défenderesse a soumis sa preuve par l'entremise de M. Brox, à savoir que la documentation ne fait aucunement mention des caractéristiques de combustion de la suie des moteurs diesel.

[164]        M. Brox a ensuite effectué sa propre expérience sur la combustion de la suie et les résultats ont été soumis en preuve dans le deuxième rapport en date du 7 décembre 2000, pièce 33, onglet 4. Les essais effectués par M. Brox montrent que la suie devient de plus en plus chaude au point où elle s'oxyde en oxyde de carbone et en gaz carbonique. La combustion est lente, non explosive et ne produit pas de flammes. La matière solide est transformée en gaz. Selon la preuve présentée par M. Brox, compte tenu du fait qu'il y a eu une explosion et une boule de feu, dans cet accident la combustion de carburant diesel semble plus probable. M. Brox a témoigné que le carburant diesel, lorsqu'il devient plus chaud que le point d'auto-inflammation, se transforme en gaz et produit une explosion et des flammes.

[165]        Les demandeurs n'ont pas fourni suffisamment d'éléments de preuve pour montrer que les gaz d'échappement avaient enflammé la suie provenant du moteur diesel dans le conduit d'échappement.


[166]        Selon la défenderesse, une explication plus raisonnable de l'explosion et du feu est que du carburant diesel a fui du tuyau de ventilation de la caisse journalière dans le plateau de la cheminée et ensuite dans le conduit d'échappement, où il est entré en contact avec une surface chaude, plus précisément la plate-forme sur laquelle reposait le silencieux du moteur auxiliaire bâbord. Selon la preuve soumise par M. Hansen, la température du métal dans ce secteur non isolé se situait entre 550 et 660 degrés Fahrenheit. Ces températures seraient suffisantes pour enflammer la vapeur de diesel et produire une explosion et des flammes.

[167]        Les demandeurs signalent que la théorie de la défenderesse est fondée sur le fait qu'il fallait démontrer que le carburant diesel pouvait monter de la salle des machines par le tuyau de ventilation de la caisse journalière. Les demandeurs affirment que la preuve n'étaye pas cette théorie. Ils se fondent sur le témoignage de Mark Stephen, le mécanicien, qui a déclaré qu'il n'avait pas touché aux vannes depuis un certain temps.

[168]        D'autre part, la défenderesse signale certaines photographies qui ont été prises après l'incendie et qui montrent qu'au moins une vanne était ouverte. Une photo, pièce 5, page 5, a été prise entre le 21 septembre et le 1er octobre par un certain M. Jim Lindsay, un expert maritime dont les services ont été retenus pour le compte des demandeurs. Cette photographie montre que la conduite de retour bâbord est fermée et que la conduite de retour tribord est ouverte.


[169]        Toutefois, la photographie 15, pièce 22, soit le rapport d'expert d'Ian Head, montre que la vanne de retour du carburant au réservoir de carburant tribord est ouverte. Cette photographie a été prise le 10 octobre 1997 par M. Head. Enfin, l'illustration 18, dans le premier rapport de M. Brox, pièce 33, onglet 1, montre que les deux vannes sont fermées. Cette photographie a été prise par M. Brox le 21 octobre 1997 avant que la fuite de mazout se produise ce jour-là.

[170]        La défenderesse affirme qu'aucun élément de preuve ne montre la position de la vanne sur la caisse journalière, le 22 septembre 1997; selon elle, il se peut que la vanne du réservoir de carburant tribord ait été ouverte. Étant donné que le carburant venait du réservoir de carburant bâbord et que le réservoir tribord était presque plein, selon M. Stephen, le niveau de carburant se serait élevé dans la caisse journalière. La défenderesse soutient que l'étranglement du tuyau de ventilation du réservoir tribord, qui sort au niveau du pont de la timonerie, était fermé ou ne fonctionnait pas. Elle soutient que la pompe de transfert automatique fonctionnait, mais que le contact de haut niveau a fait défaut, comme cela s'était produit le 21 octobre. Compte tenu de cette interprétation de la preuve, la défenderesse invite la Cour à inférer que la situation, le 22 septembre, était peut-être similaire.


[171]        À mon avis, on ne saurait faire cette inférence. La preuve relative à la position réelle des vannes sur la caisse journalière, le 22 septembre, n'est pas claire. Le fait que le commutateur de transfert automatique a fait défaut le 21 octobre ne permet pas nécessairement d'inférer qu'il est arrivé la même chose le 22 septembre. La fuite de mazout qui s'est produite le 22 octobre 1997 démontre simplement que le mazout pouvait de fait monter dans le tuyau de ventilation de la caisse journalière et sortir à la base de la cheminée.

[172]        Les demandeurs ont présenté des éléments de preuve montrant qu'aucun carburant n'était sorti du tube plongeur du réservoir de carburant tribord. Si le réservoir tribord était plein, le premier point normal de sortie était le tube plongeur. La défenderesse n'a soumis aucun élément de preuve à l'encontre de la preuve présentée par les demandeurs sur ce point.


[173]        Toutefois, étant donné l'obligation à laquelle les demandeurs doivent satisfaire en l'espèce, le fait que la défenderesse n'a pas réussi à établir sa théorie n'influe pas sur le résultat final. Les demandeurs n'ont pas présenté suffisamment d'éléments de preuve pour démontrer que la défenderesse ne s'est pas acquittée de l'obligation de diligence qui lui incombait dans le cadre de l'exécution du contrat de radoub, pour ce qui est de l'installation du nouveau moteur principal, et des travaux sur le système d'échappement, en 1995, ou des réparations effectuées sur le système d'échappement en 1997. L'utilisation de joints inadéquats ne constitue pas en soi une preuve de négligence en l'absence d'un nombre suffisant d'éléments de preuve montrant que des gaz d'échappement ont fui et ont servi de combustible ou de source d'inflammation. Les demandeurs n'ont pas réussi à prouver que l'incendie était attribuable à l'exécution négligente par la défenderesse de ses obligations contractuelles. L'action doit être rejetée.

[174]        Compte tenu de cette conclusion, je n'ai pas à examiner les allégations des demandeurs individuels, à savoir qu'ils exploitaient une entreprise commune avec les sociétés demanderesses. Je n'ai pas à traiter de la question des dommages-intérêts.

[175]        L'action est rejetée, les dépens étant adjugés à la défenderesse.

ORDONNANCE

[176]        L'action est rejetée, les dépens étant adjugés à la défenderesse.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 T-842-99

INTITULÉ :                                                                Fiddler Enterprises Ltd. et autres

c.

Allied Shipbuilders Ltd.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        le 11 février 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                           Madame le juge Heneghan

DATE DES MOTIFS :                                               le 17 avril 2003

COMPARUTIONS :

M. John Bromley                                                           POUR LES DEMANDEURS

M. Jason Kostyniuk

M. Barry Oland                                                             POUR LA DÉFENDERESSE

M. Simon Barker

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bromley Chapelski

Bureau 1150, 777, rue Hornby

Vancouver (C.-B.) V6Z 1S4                                        POUR LES DEMANDEURS

Oland et associés

Vancouver Centre

B.P. 11547

2020 - 6590, rue Georgia Ouest

Vancouver (C.-B.) V6B 4N7                                       POUR LA DÉFENDERESSE

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