Date : 20050218
Dossier : T-873-04
Référence : 2005 CF 266
ENTRE :
BRYAN R. LATHAM
demandeur
et
COMITÉ DE DISCIPLINE DU
PÉNITENCIER DE LA SASKATCHEWAN
défendeur
[1] Le demandeur est un détenu qui purge une peine d'emprisonnement d'une durée indéterminée en tant que délinquant dangereux au pénitencier fédéral de la Saskatchewan (le demandeur). Il sollicite le contrôle judiciaire d'une décision rendue par une présidente indépendante (la présidente) le 7 avril 2004 (la décision). Bien qu'il ait d'abord été accusé d'avoir menacé de se livrer à des voies de fait sur une autre personne (l'accusation) en violation de l'alinéa 40h) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la Loi), le demandeur a en fait été reconnu coupable d'avoir agi de manière irrespectueuse ou outrageante envers une personne au sens de l'alinéa 40g) de la Loi (l'autre infraction).
[2] Le demandeur a été condamné à deux jours d'isolement après s'être vu créditer le temps déjà passé en isolement. Sa déclaration de culpabilité et sa peine ont également eu des incidences administratives en ce sens que des points ont été ajoutés à son dossier de sécurité.
LES FAITS
[3] Comme la présente décision ne repose pas sur les faits, ceux-ci ne seront pas relatés en détail. Qu'il suffise de dire que, le 12 février 2004, lors d'une rencontre tenue entre le demandeur et un agent de libération conditionnelle (l'agent) au bureau de ce dernier, le chef d'unité par intérim du demandeur (le chef) est intervenu pour mettre fin à la rencontre. En réponse, le demandeur aurait empiété sur l'espace personnel du chef, lui aurait [TRADUCTION] « flanqué » une tasse de café au visage et lui aurait dit : [TRADUCTION] « Je te préviens de ne pas t'en mêler » . Après l'incident, le demandeur a regagné sa cellule mais le lendemain, il a été placé dans une cellule d'isolement où il a passé six jours.
L'INSTANCE
[4] L'accusation, qui a été portée le 13 février 2004, a été entendue par la présidente, qui a rendu sa décision le 7 avril 2004. Le ministère public a cité l'agent comme témoin et le demandeur a témoigné pour son propre compte. Le chef n'a pas témoigné. À la clôture de l'instance, sans lui donner de préavis, la présidente a déclaré le demandeur coupable de l'autre infraction, qu'elle a qualifiée [TRADUCTION] d' « infraction incluse » .
LA QUESTION EN LITIGE
[5] Compte tenu du fait que l'accusation a été portée en vertu de l'alinéa 40h) de la Loi, la présidente avait-elle le droit de déclarer le demandeur coupable de l'autre infraction en vertu de l'alinéa 40g) de la Loi au motif qu'il s'agissait d'une infraction incluse?
ANALYSE
[6] Voici les dispositions pertinentes de la Loi :
40. Est coupable d'une infraction disciplinaire le détenu qui :
[...]
g) agit de manière irrespectueuse ou outrageante envers toute personne au point d'inciter à la violence;
h) se livre ou menace de se livrer à des voies de fait ou prend part à un combat;
[...] |
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40. An inmate commits a disciplinary offence who
...
(g) is disrespectful or abusive toward any person in a manner that is likely to provoke a person to be violent;
(h) fights with, assaults or threatens to assault another person;
... |
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[7] L'audience de la présidente s'est déroulée conformément à l'article 43 de la Loi, qui dispose notamment ce qui suit :
43. (1) L'accusation d'infraction disciplinaire est instruite conformément à la procédure réglementaire et doit notamment faire l'objet d'une audition conforme aux règlements.
Présence du détenu
(2) [. . .]
Déclaration de culpabilité (3) La personne chargée de l'audition ne peut prononcer la culpabilité que si elle est convaincue hors de tout doute raisonnable, sur la foi de la preuve présentée, que le détenu a bien commis l'infraction reprochée. [Non souligné dans l'original.]
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43. (1) A charge of a disciplinary offence shall be dealt with in accordance with the prescribed procedure, including a hearing conducted in the prescribed manner. Presence of inmate
(2) . . .
Decision (3) The person conducting the hearing shall not find the inmate guilty unless satisfied beyond a reasonable doubt, based on the evidence presented at the hearing, that the inmate committed the disciplinary offence in question. [My emphasis.] |
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[8] Le demandeur n'a pas eu l'occasion de prendre connaissance de l'autre infraction ni d'y répondre parce que la présidente l'a considérée comme une « infraction incluse » et qu'elle n'en a fait mention que lorsqu'elle a rédigé sa décision. Toutefois, dans les observations qu'il a formulées devant moi, l'avocat du défendeur a affirmé qu'il était impossible que le demandeur ait subi un préjudice en raison du fait qu'il n'était pas au courant que l'autre infraction allait être examinée. Il a soutenu que les éléments constitutifs de l'accusation et de l'autre infraction étaient identiques et que la preuve aurait été la même peu importe laquelle de l'accusation ou de l'autre infraction était instruite.
[9] Cet argument ne m'a pas convaincue. À mon avis, l'accusation et l'autre infraction sont des infractions différentes. L'infraction de menaces de voies de fait met l'accent entièrement sur la conduite du demandeur, alors que l'autre infraction comporte deux aspects distincts. Dans la mesure où le comportement irrespectueux ou outrageant doit être démontré, la preuve est susceptible de recouper celle présentée au sujet de l'accusation, mais la condition supplémentaire suivant laquelle il faut démontrer que le détenu a agi « au point d'inciter à la violence » est une condition à la fois nouvelle et différente. L'accent n'est plus mis sur le demandeur mais sur le chef et il devient alors nécessaire de présenter des éléments de preuve et/ou des arguments portant sur la réaction du chef et sur la question de l'incitation à la violence, surtout lorsque le chef est un responsable de l'administration pénitentiaire (voir la décision McCoy c. Canada (Procureur général), [2001] A.C.F. no 1861; 2001 CFPI 1346.
CONCLUSION
[10] À mon avis, lorsqu'elle a décidé d'examiner l'autre infraction, la présidente était obligée, aux termes du paragraphe 43(3) de la Loi, de suspendre l'audience pour accorder au demandeur la possibilité d'aborder la question de la probabilité que son comportement incite le chef à la violence.
_ Sandra J. Simpson _
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 18 février 2005
Traduction certifiée conforme
Christian Laroche, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-873-04
INTITULÉ : BRYAN R. LATHAM c. COMITÉ DE DISCIPLINE DU
PÉNITENCIER DE LA SASKATCHEWAN
LIEU DE L'AUDIENCE : OTTAWA
DATE DE L'AUDIENCE : LE 7 FÉVRIER 2005
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LA JUGE SIMPSON
DATE DES MOTIFS : LE 18 FÉVRIER 2005
COMPARUTIONS :
BRYAN R. LATHAM LE DEMANDEUR,
POUR SON PROPRE COMPTE
MARLON MILLER POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
JOHN H. SIMS, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL
DU CANADA
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Department of Justice (Canada)
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Ministère de la Justice (Canada) |
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Prairie Region. Saskatoon Office |
Région des Prairies. Bureau de Saskatoon |
Téléphone : |
(306) 975-4439 |
10th Floor |
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Our file: Notre dossier: |
2-31224 |
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Your file: Votre dossier : |
T-873-04 |
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Le 11 février 2005 ANNEXE A
PAR TÉLÉCOPIEUR
Greffe de la Cour fédérale
1er étage, 90, rue Elgin, Ottawa (Ontario)
KIA OH9
À l'attention de Mme Allison Dickenson
Madame,
Objet : Bryan R. Latham c. Comité de discipline du pénitencier de la Saskatchewan
Dossier T-873-04
En réponse à votre demande, voici les renseignements que j'aimerais communiquer à la Cour au sujet des trois questions posées au ministère public dans la présente affaire.
Ainsi que je vous l'ai précisé lors notre conversation récente, je ne fais pas mention de la position des Services correctionnels du Canada (SCC) au sujet d'une éventuelle réévaluation de la cote de sécurité de M. Latham pour éviter toute possibilité que celui-ci puisse subir un préjudice sans avoir eu une possibilité raisonnable de répondre. Je me suis contenté de rappeler certains faits au sujet de sa cote de sécurité et de son examen périodique. Si la Cour souhaite obtenir la position de SCC sur la réévaluation de la cote de sécurité de M. Latham par suite de la présente affaire, je lui communiquerai avec plaisir les détails réclamés.
Après avoir consulté CSC, force est de conclure que M. Latham fait quelque peu erreur en s'en tenant uniquement à l'échelle d'évaluation de sa cote de sécurité.
w:caseview\common\docs\391\391768.doc
1- Quelle est la disposition qui précise le délai dans lequel doit être prise la décision relative à une demande de transfèrement du pénitencier de la Saskatchewan à l'établissement de Riverbend (ferme annexe)?
L'article 15 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition précise que la décision relative à la demande de transfèrement présentée par un détenu doit être prise dans les 60 jours suivant la présentation de la demande. Aux termes de la directive 540 du commissaire ( « Transfèrement de délinquants » ), la décision relative à une demande de transfèrement volontaire doit être prise « dès que possible dans les 60 jours suivant la réception de la demande du délinquant. »
Toutefois, selon les Instructions permanente (IP) 700-15 du pénitencier de la Saskatchewan intitulées « Transfèrement de délinquants » : le Pénitencier de la Saskatchewan a pour principe de rendre dans un délai de 30 jours une décision sur la demande de transfèrement au sein de la même région (c.-à-d. à l'établissement de Riverbend).
2. Quelle autorité permet de réévaluer la cote de sécurité d'un détenu à la suite de sa condamnation ou en raison de ses agissements?
Le pénitencier de la Saskatchewan tient son pouvoir d'établir l'échelle d'évaluation de la cote de sécurité des Instructions permanentes 700-04 ( « Évaluation initiale et planification correctionnelle » ), des Instructions permanentes 700-14 ( « Cote de sécurité des délinquants » et de la directive du commissaire 006 ( « Classement des établissements » ).
Le système de points n'est qu'un des facteurs dont CSC tient compte pour déterminer la cote de sécurité d'un détenu. En plus des données factuelles automatiques telles que les accusations et l'isolement, CSC tient également compte des notes subjectives inscrites au dossier par les agents de libération conditionnelle au sujet de la motivation du détenu en ce qui concerne sa réadaptation et de la réussite de son plan correctionnel.
Comme nous l'avons entendu à l'audience, l'échelle d'évaluation de la cote de sécurité prévoit l'attribution d'une cote de sécurité minimale, moyenne ou maximale. Le seuil d'inclusion de chaque niveau varie avec le temps et est calculé en fonction du nombre de délinquants faisant partie de chaque catégorie à l'échelle du pays. Ainsi, le seuil d'inclusion qui sépare le « niveau minimal » du « niveau moyen » peut varier de 14,5 points à 16 points. Le seuil d'inclusion qui sépare le niveau moyen du niveau maximal tourne autour de 27 points.
Toutefois, en plus de l'échelle d'évaluation de la cote de sécurité, CSC tient compte de trois autres facteurs pour déterminer la cote de sécurité des détenus :
a) adaptation à l'établissement;
b) risque d'évasion;
c) risque pour la sécurité du public.
Un détenu pourrait obtenir dans l'échelle d'évaluation de la cote de sécurité un point qui le situerait au niveau minimal, mais il pourrait quand même être classé comme un détenu à sécurité moyenne ou maximale à la suite de son évaluation selon les autres facteurs.
Je crois comprendre que les renseignements que M. Latharn cite au sujet de l'ajout de points précis à la suite d'incidents déterminés proviennent d'un document de 1991 qui n'est plus utilisé par les agents de libération conditionnelle, qui se servent des Directives et des Instructions permanentes du commissaire comme guide et qui a été remplacé par les Instructions permanentes 700-14
3. La Cour voulait qu'on lui confirme le moment où les points inscrits à l'échelle d'évaluation de la cote de sécurité sont rajustés. (On a parlé d'avril et de novembre de chaque année.)
Chaque détenu a sa propre période annuelle de révision. L'évaluation générale de la cote de sécurité du détenu (non seulement au moyen de points, mais aussi pour tous les autres facteurs susmentionnés) est révisée chaque année par CSC. Dans le cas de M. Latham, sa révision a actuellement lieu en décembre.
CSC peut toutefois décider de réviser la cote de sécurité d'un détenu en tout temps au cours de l'année ou être invité à le faire. Par exemple, si un détenu demande son transfèrement, CSC peut procéder à ce moment-là à la révision de la cote de sécurité de ce détenu ou encore le faire lorsque le détenu a terminé son plan correctionnel.
La mention des mois d'avril et de novembre faite par M. Latham à l'audience peut s'expliquer comme suit :
La cote de sécurité de M. Latham a été révisée en mars 2003. À ce moment-là, les points attribués à M. Latham sur son échelle d'évaluation de sa cote de sécurité s'élevaient à 21. M. Latham a présenté une demande de transfèrement qui a donné lieu à cette réévaluation de sa cote de sécurité. La cote de sécurité de M. Latham a été révisée une seconde fois à la date prévue, le 15 décembre 2003. Là encore, l'échelle comptait 21 mois. Lors de la révision annuelle suivante, qui était prévue pour le 10 décembre 2004, M. Latham avait accumulé 25 points. Cette augmentation était attribuable non seulement à l'infraction et à l'isolement en découlant, mais aussi aux notes subjectives inscrites par CSC et aux autres incidents signalés.
Enfin, la Cour s'est informée de ce qui arriverait si M. Latham demandait un transfèrement entre la révision d'avril et celle de novembre si les points inscrits à son échelle d'évaluation étaient ajustés dans l'intervalle. Il y a lieu de noter que l'échelle d'évaluation de la cote de sécurité n'est qu'un des facteurs dont on tient compte pour évaluer le niveau de sécurité globale d'un détenu. Les autres facteurs sont également examinés en temps opportun (par ex. les notes concernant la motivation et la réussite du plan correctionnel, l'adaptation à l'établissement, le risque d'évasion et le risque pour la sécurité publique).
J'espère que ces renseignements répondent aux questions soulevées par la Cour. N'hésitez pas à communiquer directement avec moi pour tout complément d'information. Si la Cour souhaite que je transmette une copie de la présente à M. Latharn, veuillez m'en informer.
Veuillez agréer, Madame, l'expression de mes sentiments distingués.
Marlon Miller
Avocat
Section du contentieux des affaires civiles et des services consultatifs