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     1998.01.15

     IMM-812-97

OTTAWA, LE 15 JANVIER 1998

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE WETSTON

E n t r e :

     CHIU MING MA,

     requérant,

     et

     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

     Howard I. Wetston

                                         Juge

Traduction certifiée conforme

C. Delon, LL.L.

     1998.01.15

     IMM-812-97

E n t r e :

     CHIU MING MA,

     requérant,

     et

     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE WETSTON

[1]      Le requérant, Chiu Ming Ma, demande le contrôle de la décision en date du 30 avril 1996 par laquelle un agent des visas lui a refusé, ainsi qu'aux membre de sa famille, l'admission au Canada à titre de résidents permanents en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur l'immigration. La demande a été rejetée au motif que le fils à la charge du requérant, Yin Ki Ma (l'enfant), souffrait d'un trouble pathologique " [TRADUCTION] " une déficience intellectuelle moyenne à profonde comportant des traits autistiques " " qui, de l'avis de deux médecins, entraînerait ou risquerait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux au Canada. L'enfant entrait donc dans la catégorie des personnes non admissibles visées à l'alinéa 19(1)a) de la Loi sur l'immigration.

[2]      La question à trancher est celle de savoir dans quelle mesure l'obligation d'agir avec équité devrait se manifester dans le processus de consultation conduisant à la formulation de l'avis prévu au sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi.

[3]      Le requérant affirme que l'agent des visas est tenu, suivant l'obligation d'agir avec équité, de donner au requérant l'occasion de présenter des éléments d'information pour contester l'avis donné par les médecins du Ministère sur la question de savoir si l'enfant devrait être exclu en vertu du sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi (voir l'arrêt Muliadi c. M.E.I., (1986), 66 N.R. 8 (C.A.F.)). Il soutient en outre qu'en l'espèce, l'agent des visas a préjugé de la question de savoir si le fils à la charge du requérant devait être exclu en vertu du sous-alinéa 19(1)a)(ii) et qu'il n'a pas donné au requérant une occasion raisonnable de faire valoir son point de vue au sujet de cette question.

[4]      L'intimé affirme que le requérant a eu l'occasion de soumettre des éléments d'information complémentaires à l'agent des visas, conformément à l'obligation d'agir avec équité, et que les médecins ont reçu et dûment examiné les éléments d'information communiqués par le requérant avant de prendre leur décision définitive.

[5]      Le mandat que le sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi donne aux médecins est de former un avis médical sur la question de savoir si, en raison de son état de santé, " l'admission [de l'intéressé] entraînerait ou risquerait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou les services de santé " au Canada. Le rôle que joue l'agent des visas à cet égard se limite à vérifier si la formulation des avis médicaux est entachée d'une erreur flagrante, eu égard au dossier soumis aux médecins en question (par ex., s'ils ont négligé de tenir compte de tous les rapports médicaux dont ils disposaient (Lee c. M.E.I., (1986), 4 F.T.R. 86)). Faute de tirer une pareille conclusion, l'agent des visas est lié par les avis médicaux qui ont été donnés (Gingiovenanu c. Canada (M.E.I.), (1995), 13 Imm.L.R. (2d) 55 (C.F. 1re inst.), Ajanee c. Canada (M.E.I.), (1996), 110 F.T.R. 172.

[6]      La Cour n'est pas habilitée à contrôler l'avis donné par les experts médicaux au sujet du diagnostic et du pronostic. Il lui est toutefois loisible de contrôler l'avis donné par les médecins sur la question de savoir si l'état de santé d'une personne entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux ou les services de santé au Canada (Ahir c. M.E.I., (1983), 49 N.R. 185 (C.A.F.), Hiramen c. M.E.I., (1986), 65 N.R. 67 (C.A.F.)). Parmi les moyens qui peuvent être invoqués pour demander ce contrôle, mentionnons : l'existence d'incohérences ou de contradictions, l'absence d'éléments de preuve justifiant l'avis et le défaut de tenir compte des facteurs énumérés à l'article 22 du Règlement (Gao c. Canada (M.E.I.), (1993), 18 Imm.L.R. (2d) 306 (C.F. 1re inst.), à la page 318).

[7]      Aux termes du sous-alinéa 22e)(i) du Règlement, les médecins doivent déterminer si " la prestation de services sociaux ou de santé dont cette personne peut avoir besoin au Canada est limitée au point qu'il y a tout lieu de croire que l'utilisation de ces services par cette personne pourrait empêcher ou retarder la prestation des services en question aux citoyens canadiens ou aux résidents permanents " (Fong c. Canada (M.C.I.), (1997), 126 F.T.R. 235). Les médecins commettent une erreur s'ils omettent d'examiner la question de savoir si le fardeau créé par un état médical déterminé est excessif sans se fonder sur des éléments de preuve portant sur la prestation de ce service social ou de santé précis au Canada.

[8]      La Cour refusera toutefois d'examiner à fond la question de savoir si les agents se sont fondés sur des données fouillées pour formuler leur avis (Yogeswaran c. M.E.I., C.F. 1re inst., IMM-1505-96, 17 avril 1997). Il suffit que les médecins aient disposé de certains éléments de preuve qui leur permettaient de former leur opinion.

[9]      Il ressort des éléments de preuve soumis aux médecins en l'espèce que l'enfant en question souffre d'une déficience intellectuelle moyenne à profonde comportant des traits autistiques et que, par conséquent, il est gravement handicapé sur le plan de son fonctionnement intellectuel et de sa sociabilité et qu'il a plus ou moins l'âge mental d'un enfant de cinq ans. Son état exige une surveillance et une assistance constantes dans de nombreux domaines de sa vie courante, de même que la prestation des services sociaux tels que des séances intensives et régulières d'orthophonie, des services personnalisés d'éducation spécialisée et de la formation et du placement professionnels. Contrairement à ce que prétend le requérant, il est de jurisprudence constante que l'éducation spécialisée constitue un " service social " au sens de la Loi et du Règlement (Yogeswaran, précité, Gao, précité, Choi c. Canada (M.C.I.), (1995), 29 Imm. L.R. (2d) 85 (C.F. 1re inst.) et Gingiovenanu, précité).

[10]      Pour les aider à évaluer la question du fardeau excessif, les médecins disposaient de lettres fournies par l'avocat du requérant au sujet des services sociaux offerts à Toronto qui seraient nécessaires à l'enfant (notamment les services d'orthophonistes, de psychologues et d'ergothérapeutes). Le dossier renfermait également un document intitulé " Developmental Disabilities Condition Report " (rapport sur l'évolution des troubles du développement). Ce rapport établi par le Ministère fait l'inventaire des besoins, des services et des coûts liés à la gestion des troubles du développement, dont la déficience intellectuelle.

[11]      Il est évident que les médecins disposaient de suffisamment de renseignements pour se faire une opinion. La Cour ne peut pas se substituer aux médecins; son rôle se borne à vérifier si ceux-ci disposaient de suffisamment d'éléments de preuve pour former leur avis médical et s'ils ont agi de façon arbitraire ou abusive en formant leur avis (Jiwanpuri c. M.E.I., (1990), 10 Imm.L.R. (2d) 241 (C.A.F.), Deol c. M.E.I., (1992), 18 ImmL.R. (2d) 1 (C.A.F.).

[12]      Le requérant soutient en outre que l'agent des visas a commis une erreur en manquant à son devoir d'agir avec équité en concluant que l'enfant entrait dans la catégorie des personnes non admissibles aux termes de la Loi avant de recevoir les éléments d'information complémentaires présentés par le requérant en réponse à la [TRADUCTION] " lettre concernant l'impartialité " que l'agent des visas lui avait envoyée le 30 avril 1996. Le requérant soutient également que les médecins n'ont pas tenu compte des observations que l'avocat du requérant a faites le 25 juillet 1996 au sujet de la question du fardeau excessif pour les services sociaux.

[13]      Dans la " lettre concernant l'impartialité " qu'il a envoyée au requérant, l'agent des visas écrit :

     [TRADUCTION]         
     J'ai reçu un avis médical déclarant que votre fils à charge souffre d'une déficience intellectuelle moyenne à profonde comportant des traits autistiques. Suivant le médecin consulté, bien qu'il soit en mesure d'effectuer des tâches très simples dans un environnement protégé, votre fils à charge dépend totalement de l'aide et de la surveillance de son entourage. Il a un âge mental de 49 mois et un âge social équivalant à 4,7 ans. Il ne peut s'orienter sur le plan spatio-temporel. Il ne sait pas compter, ne peut garder d'argent, ne sait ni lire, ni écrire et ne peut communiquer ou socialiser. On s'attend à ce qu'il ait besoin d'une surveillance constante et d'aide et de soutien spécialisés permanents sur le plan professionnel et éducationnel. En conséquence, il est une personne non admissible au sens du sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration.         
     Ce qui m'amène à conclure qu'on peut s'attendre à ce que votre fils à charge entraîne ou risque d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux au Canada. Pour cette raison, je pourrais rejeter votre demande de résidence permanente.         
     Toutefois, avant que de prendre une décision sur la question de savoir si votre fils à charge est admissible ou non, je vous offre la possibilité de réagir à cette description de l'état de santé de votre fils à charge en présentant vous-même de nouveaux renseignements médicaux.         

[14]      Je ne suis pas d'accord pour dire que, vu l'ensemble de la preuve qui m'a été soumise, l'agent des visas a entravé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire ou qu'il a préjugé de la question de la non-admissibilité de l'enfant pour des raisons d'ordre médical. Il semble par ailleurs que les médecins ont non seulement tenu compte des renseignements fournis par le requérant, mais qu'ils se sont effectivement fondés sur ces renseignements pour confirmer leur avis médical préliminaire.

[15]      L'obligation d'agir avec équité est souple et doit être appliquée en fonction des circonstances de chaque cas. En l'espèce, l'obligation d'agir avec équité consistait à fournir au requérant une occasion réelle de porter à l'attention des médecins les faits se rapportant à l'état de santé de l'intéressé et elle visait aussi la question du fardeau excessif (Fei c. M.C.I., IMM-741-96, 30 juin 1997, C.F. 1re inst.).

[16]      En l'espèce, bien que dans sa lettre, l'agent des visas n'ait pas explicitement demandé de renseignements supplémentaires au sujet de la question du fardeau excessif, et que l'avis médical communiqué au requérant ne mentionnât pas expressément le Rapport sur l'état des troubles du développement sur lequel les médecins se sont fondés pour former leur opinion, on ne saurait dire que le requérant n'a pas eu l'occasion de traiter de la question du fardeau excessif, ainsi que de celle du diagnostic et du pronostic de l'enfant, ou qu'il ne s'est pas pleinement prévalu de cette possibilité.

[17]      L'obligation de notifier le requérant des avis médicaux et de lui donner l'occasion de présenter d'autres observations a été respectée en l'espèce par l'envoi des lettres que les médecins ont adressées au requérant pour lui préciser la nature des nombreux services sociaux qu'exigeait l'état de santé de l'enfant (Hussain c. Canada (M.C.I.), (1996), 35 Imm.L.R. (2d) 86 (C.F. 1re inst.) et Yogeswaran, précité). Il a pleinement été tenu compte en l'espèce des observations complémentaires que le requérant a formulées au sujet de l'état de santé de l'enfant et des répercussions que cet état aurait sur la prestation des services sociaux et de santé. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[18]      Les parties n'ont pas demandé la certification d'une question.

     Howard I. Wetston

                                         Juge

OTTAWA (Ontario)

Le 15 janvier 1998.

Traduction certifiée conforme

C. Delon, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              IMM-812-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :      CHIU MING MA c.
                     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE :      12 NOVEMBRE 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Wetston le 15 janvier 1998

ONT COMPARU :

     Me Irvin Shirman                  pour le requérant
     Me Marie-Louise Wcislo              pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

     Martinello & Associates              pour le requérant
     Don Mills (Ontario)
     Me George Thomson                  pour l'intimé
     Sous-procureur général
     du Canada
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