Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision




Date : 20000121


Dossier : IMM-3071-98


OTTAWA (ONTARIO), LE 21 JANVIER 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD


ENTRE :


YEN NGOC QUACH


demanderesse


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION


défendeur



ORDONNANCE


     La demande de contrôle judiciaire de la décision, datée du 7 mai 1998, de l"agente des visas Gillian Tao-Yin Wan du Haut-commissariat du Canada à Singapour, est rejetée.



                                 Yvon Pinard

                                     juge



Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A, LL.B.




Date : 20000121


Dossier : IMM-3071-98


ENTRE :



YEN NGOC QUACH


demanderesse


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION


défendeur



MOTIFS DE L"ORDONNANCE


LE JUGE PINARD


[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire de la décision, datée du 7 mai 1998, dans laquelle l"agente des visas Gillian Tao-Yin Wan (l"agente des visas), du Haut-commissariat du Canada à Singapour, a rejeté la demande de résidence permanente que la demanderesse avait présentée.

Les faits

[2]      La demanderesse, Mme Yen Ngoc Quach, et sa répondante, Mme Yen Chinh Quach En, sont des soeurs. La demanderesse a dit qu"elles sont nées au Cambodge, où elles ont vécu jusqu"en 1975, quand elles se sont enfuies à Ho Chi Minh (Vietnam). Madame En a quitté Ho Chi Minh pour l"Indonésie en 1979 et par la suite immigré au Canada en 1980, dans le cadre du Programme de rétablissement des Indochinois. Elle possède et exploite, de concert avec son époux, une entreprise de culture des champignons en Colombie-Britannique.

[3]      Madame En a soumis un engagement de parrainage visant la demanderesse et les autres membres de la famille de celle-ci, invoquant la catégorie des parents aidés au Canada, engagement que le centre canadien de l"Immigration (CIC) a reçu le 16 mai 1990. Cependant, la demanderesse soutient qu"elle était incapable d"entamer le processus de demande de résidence permanente au Canada en raison du régime politique vietnamien. La demanderesse est retournée au Cambodge en septembre 1990.

[4]      Le 27 juillet 1993, l"ambassade du Canada en Thaïlande a informé la demanderesse par lettre que son dossier serait fermé si elle ne faisait pas parvenir sa demande remplie dans un délai de soixante jours. Le 18 février 1997, Mme En a communiqué à l"ambassade du Canada la nouvelle adresse de la demanderesse, qui a, plus tard, reçu une nouvelle trousse de demande. Elle a mentionné sur les formulaires qu"elle entendait exercer le métier d"" agricultrice " et qu"au cours des dix dernières années, elle avait travaillé à son compte.

Les questions litigieuses

[5]      La présente affaire soulève deux questions litigieuses :

     i)      L"agente des visas a-t-elle commis une erreur lorsqu"elle a omis de donner à la demanderesse l"occasion de traiter de la question de savoir si elle satisfaisait aux critères applicables en vue d"immigrer en tant que travailleuse autonome?
     ii)      L"agente des visas a-t-elle commis une erreur lorsqu"elle a conclu qu"il n"y avait pas suffisamment de facteurs pour qu"elle recommande une révision pour des raisons d"ordre humanitaire?

L"analyse

[6]      En ce qui concerne la première question litigieuse, la demanderesse ne m"a pas convaincu que l"agente des visas a commis une quelconque erreur susceptible de contrôle. Je suis convaincu, après avoir examiné la preuve, y compris la lettre de Mme En datée du 10 avril 1990 expliquant son parrainage, sa lettre du 2 octobre 1990 adressée au CIC, et sa lettre du 22 mai 1998 adressée au Haut-commissariat du Canada à Singapour, que la demanderesse n"a pas établi qu"elle était visée par la définition de travailleur autonome. En outre, comme la demanderesse n"a pas mentionné dans sa demande qu"elle avait l"intention d"être travailleuse autonome au Canada, il n"incombait pas à l"agente des visas de lui donner expressément l"occasion de traiter de la question de savoir si elle satisfaisait aux critères applicables à cette catégorie supplétive d"immigrants, soit celle des travailleurs autonomes. Comme les agents des visas ne sont généralement pas tenus d"apprécier le demandeur en fonction d"autres métiers à moins que le demandeur ne les ait mentionnés (voir Hajariwala c. Ministre de l"Emploi et de l"Immigration et al. (1988), 23 F.T.R. 241), je suis d"avis, a fortiori , qu"il n"incombait pas à l"agente des visas d"apprécier la demanderesse en tant que travailleuse autonome, cette dernière n"ayant pas mentionné dans sa demande qu"elle avait l"intention d"être travailleuse autonome au Canada. Je suis également d"avis qu"une telle catégorie supplétive d"immigrants ne saurait certainement pas, dans les circonstances, être réputée inhérente au métier que la demanderesse avait mentionné dans sa demande.

[7]      En ce qui concerne la deuxième question litigieuse, la norme de contrôle qu"il convient d"appliquer aux affaires dans lesquelles des motifs d"ordre humanitaire sont invoqués a été énoncée par le juge L"Heureux-Dubé dans l"arrêt Baker c. Le ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration et al. (9 juillet 1999), 25823, au paragraphe 62 :

...Je conclus qu"on devrait faire preuve d"une retenue considérable envers les décisions d"agents d"immigration exerçant les pouvoirs conférés par la loi, compte tenu de la nature factuelle de l"analyse, de son rôle d"exception au sein du régime législatif, du fait que le décideur est le ministre, et de la large discrétion accordée par le libellé de la loi. Toutefois, l"absence de clause privative, la possibilité expressément prévue d"un contrôle judiciaire par la Cour fédérale, Section de première instance, et la Cour d"appel fédérale dans certaines circonstances, ainsi que la nature individuelle plutôt que polycentrique de la décision, tendent aussi à indiquer que la norme applicable ne devrait pas en être une d"aussi grande retenue que celle du caractère "manifestement déraisonnable". Je conclus, après avoir évalué tous ces facteurs, que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision raisonnable simpliciter .

[8]      Au paragraphe 72, le juge L"Heureux-Dubé analyse comment on doit prendre une décision fondée sur des motifs d"ordre humanitaire :

...Comme il est dit plus haut, les agents d"immigration sont censés rendre la décision qu"une personne raisonnable rendrait, en portant une attention particulière à des considérations humanitaires comme maintenir des liens entre les membres d"une famille et éviter de renvoyer des gens à des endroits où ils n"ont plus d"attaches. Les directives révèlent ce que le ministre considère comme une décision d"ordre humanitaire, et elles sont très utiles à notre Cour pour décider si les motifs de l"agent Lorenz sont valables. Elles soulignent que le décideur devrait être conscient des considérations humanitaires possibles, devrait tenir compte des difficultés qu"une décision défavorable imposerait au demandeur ou aux membres de sa famille proche, et devrait considérer comme un facteur important les liens entre les membres d"une famille. ...

[9]      En l"espèce, l"agente des visas a écrit, dans ses notes CAIPS, que la demanderesse et les autres membres de sa famille avaient des liens familiaux au Cambodge. Elle a également souligné que la demanderesse et les autres membres de sa famille avaient réussi à trouver du travail après leur rapatriement au Cambodge et que ses enfants avaient pu aller à l"école. Elle a également remarqué que la demanderesse et les autres membres de sa famille [TRADUCTION] " ne paraissent pas avoir un niveau de vie pire que celui de leurs pairs ". Ni la demanderesse, ni l"un ou l"autre des membres de sa famille ne mentionnent dans leur demande qu"ils s"étaient enfuis d"un génocide au Cambodge ou qu"ils y avaient ultérieurement subi des difficultés excessives. À mon avis, l"agente des visas a pris connaissance des motifs d"ordre humanitaire invoqués. Compte tenu de la preuve dont elle disposait, sa décision était raisonnable.

[10]      En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


                                 Yvon Pinard

                                     juge

OTTAWA (Ontario)

Le 21 janvier 2000




Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :                  IMM-3071-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :          YEN NGOC QUACH c. LE MINISTRE DE LA                          CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

LIEU DE L"AUDIENCE :              VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L"AUDIENCE :              le 16 décembre 1999

MOTIFS D"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE PINARD

EN DATE DU :                  21 janvier 2000



ONT COMPARU :


M. Daniel L. Kiselbach                      POUR LA DEMANDERESSE

M. Garth Smith                          POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


M. Daniel L. Kiselbach                      POUR LA DEMANDERESSE

Vancouver (C.-B.)


M. Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.