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Date : 20030528

Dossier : IMM-2426-02

                                                                                                           Référence : 2003 CFPI 672

OTTAWA (ONTARIO), le 28 mai 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JAMES RUSSELL

ENTRE :                                                                                                                

                                                                            

                                                                LIAO, CHI YU

                                                                                                                                        demandeur

                                                                         - et -

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la cour fédérale, L.R.Q. (1985), ch. F-7, à l'égard de la décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié datée du 23 mai 2002, par laquelle l'arbitre C. Simmie (l'arbitre) a statué que Liao Chi Yu (le demandeur) était une personne visée par les alinéas 19(1)(c.1) et 27(2)a) de la Loi sur l'immigration, L.R.Q. (1985), ch. I-2 (la Loi), et en vertu de laquelle une mesure d'expulsion a été prise contre le demandeur en application du paragraphe 32(6) de la Loi. Le demandeur demande à la Cour de conclure qu'il n'est pas une personne visée par les alinéas 19(1)c.1) et 27(2)a) de la Loi et d'annuler la mesure d'expulsion prise contre lui.

Les Faits

[2]                 Le demandeur est un citoyen taïwanais âgé de 50 ans. Sa famille et lui sont venus au Canada en 1999 en vertu d'une autorisation d'emploi.

[3]                 Le 1er août 2000, le demandeur a été arrêté en vertu d'un mandat de l'immigration fondé sur un mandat d'arrestation lancé contre lui en Taïwan. Selon le mandat d'arrestation taïwanais, le demandeur et son épouse se seraient rendus coupables de fraude en Taïwan. Le demandeur affirme qu'il ne savait pas qu'il était recherché par les autorités taïwanaises jusqu'à son arrestation et sa détention au Canada le 1er août 2000.

[4]                 Une enquête sur les accusations portées contre le demandeur a débuté le 5 avril 2001 et s'est prolongée les 11 septembre 2001, 21 janvier 2002, 27 mars 2002 et 23 mai 2002, date à laquelle l'arbitre a conclu qu'il existait des motifs raisonnables de croire que le demandeur avait commis les infractions en question et a décidé de prendre une mesure d'expulsion contre celui-ci. L'exécution de la mesure d'expulsion a été suspendue le 24 juin 2002 par le juge Heneghan.


[5]                 Lors de l'enquête, le défendeur a produit trois lettres du ministère de l'Intérieur de la République de Chine adressées à l'Interpol d'Ottawa et aux services policiers de Toronto, lesquelles contenaient les allégations suivantes :

[traduction]

a)         « Le sujet et son épouse ont soutiré d'importantes sommes d'argent à certains plaignants et se sont ensuite enfuis à l'étranger avec l'argent obtenu de manière frauduleuse » ;

b)         « M. Liao a utilisé sa société fictive qui avait besoin d'un fonds renouvelable comme excuse pour emprunter 200 000 $ taïwanais de notre national, King Long Jo, et pour établir sa crédibilité, il a émis un chèque de 200 000 $ taïwanais sous le nom de Lin Yuan Chi à la victime, M. Jo » ;

c)         « M. Liao et Mme Lee ont violé le droit criminel énoncé dans la charte 32, en commettant l'infraction de fraude prévue à l'article 339 » .

[6]                 L'article 339 du Code pénal de la République de Chine constitue l'infraction suivante :

[traduction] Une personne qui, par la fraude, amène une autre personne à lui remettre une chose lui appartenant ou appartenant à une tierce personne, dans l'intention de la garder illégalement pour elle-même ou pour une quatrième personne...

ou

Une personne qui, de la manière prévue au paragraphe précédent, retire illégalement un bénéfice pour elle-même ou pour une tierce personne...

La fraude alléguée du demandeur s'élevait à 9 563,53 $ en dollars canadiens.


[7]                 Lors de l'enquête, le demandeur a produit des copies de trois chèques émis par Lin Yuan Chi (Lin) appartenant à une compagnie de Taïwan, la Yee Yong Mechanical Company Limited. Il a témoigné qu'il s'agissait des chèques qui avaient été remis par Lin à King Long Jo (Jo) en échange de l'argent que celui-ci lui avait prêté. Le demandeur avait endossé les chèques à titre de garant. Il a également témoigné que, au moment où il a endossé les chèques, il croyait vraiment que ceux-ci allaient être honorés par Lin, à qui il faisait confiance. Il fondait sa confiance sur le fait qu'il avait apporté une aide similaire à Lin en1998, et que les chèques émis par celui-ci à cette occasion avaient été honorés, et sur le fait que Lin lui avait personnellement assuré que les chèques allaient être honorés. Il a ajouté qu'il n'avait aucun intérêt dans la Yee Yong Mechanical Company Limited et qu'il n'avait retiré aucun bénéfice de l'aide apportée à Lin. Le demandeur a témoigné qu'il n'avait aucune raison de s'enfuir de Taïwan pour une somme d'argent très minime en regard de son importante valeur personnelle. Il a déclaré être venu au Canada pour assurer une éducation à son fils, et non pour échapper à ses obligations de garant.

La Décision de L'arbitre

[8]                 Après avoir établi qu'il existait une équivalence entre les dispositions pertinentes du Code de conduite taïwanais et les articles 380 et 362 du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, (le Code criminel), l'arbitre a expliqué ce qui suit :

La question suivante est donc de savoir s'il y a des motifs raisonnables de croire que vous avez effectivement commis un acte, soit fraude ou faux semblant, à l'étranger.


Vous avez reconnu que la pièce 4 est un mandat d'arrestation contre vous. Personne d'autre n'y est mentionné. Vous ne contestez pas le fait que vous êtes la personne dont le nom figure sur le mandat. Vous reconnaissez qu'il y a une matière en instance à Taïwan. C'est l'objet des affaires sur lesquelles porte ce mandat. Cela signifie que vous reconnaissez qu'il y a une infraction à Taïwan, et que vous faites l'objet de poursuites. Ceci, de concert avec la pièce 10, qui contient la citation du Code criminel de Taïwan dont j'ai parlé, me convainc qu'une infraction a été commise à l'étranger.

Maintenant, quelle preuve ai-je de ce que vous êtes sensé [sic] avoir fait qui donne lieu à ces poursuites? Y a-t-il des motifs raisonnables de croire que vous avez commis cette infraction? Les pièces 4 à 7 et 9 suggèrent des circonstances qui ont mené à l'accusation en instance à Taïwan. Ceci est le fondement de l'accusation que les autorités taïwanaises ont portée contre vous. Ces documents suggèrent qu'une certaine somme d'argent était due à M. Jo King Long. La somme en question est 200 000 $ Taïwanais. L'allégation est que vous avez écrit un chèque pour ce montant et qu'il n'y avait pas assez d'argent dans votre compte pour couvrir la somme que vous deviez à M. Jo.

Pendant l'enquête, nous avons entendu des preuves de votre part au sujet de certaines circonstances relatives à des chèques faits au nom de M. Jo King Long. Vous avez témoigné que trois chèques avaient été écrits en son nom. Il y avait deux chèques de 70 000 $ Taïwanais, et un troisième de 60 000 $ Taïwanais, soit 200 000 $ au total. Vous avez déclaré ne pas avoir écrit ces chèques, mais plutôt un M. Lin Yon Chi (orthographe phonétique). Vous avez déclaré avoir endossé les chèques comme garantie que M. Lin rembourserait l'argent à M. Jo. Et que si M. Lin ne pouvait tenir sa promesse de payer les montants des chèques, vous feriez en sorte que M. Jo soit remboursé...

...Le 7 février 1999, la banque n'a pas fait honneur aux chèques faits par M. Lin, et endossés par vous-même, parce que M. Lin n'avait pas assez d'argent dans son compte pour payer la somme due. Comme vous n'étiez plus à Taïwan, et que votre garantie de paiement au lieu de M. Lin n'était plus disponible, M. Jo s'est donc retrouvé lésé de 200 000 $ taïwanais.

...

Je veux également mentionner qu'après le 7 février 1999, date à laquelle cet argent devait être payé, vous n'avez pas essayé de vérifier s'il avait été versé, comme M. Lin l'avait promis. Vous n'avez communiqué ni avec M. Lin, la personne qui était sensée [sic] verser l'argent, ni avec M. Jo, la personne à qui l'argent devait être versé, pour vous assurer que l'argent avait bien été versé et que votre garantie pouvait être respectée dans le cas contraire. Vous dites n'avoir eu connaissance du fait que l'argent dû n'avait pas été versé qu'en août 2000, quand des agents d'Immigration vous ont arrêté et quand vous avez été visé par cette procédure. D'après moi, même si les faits de l'espèce sont tels que vous le dites, et non pas exactement ceux qui sont décrits dans le document qui vient de la police taïwanaise, il subsiste une preuve de fausse déclaration ou de fraude parce que vous avez donné votre parole que vous garantissiez le remboursement de l'argent et que vous ne l'avez pas fait. D'après moi, même si vous aviez garanti auparavant avec succès de tels emprunts pour M. Lin, vous avez dit que c'était le cas un an environ avant les garanties qui nous intéressent, vous êtes toujours tenu de garantir que M. Lin tiendra sa promesse cette fois encore. Si vous ne le faites pas, votre promesse de garantie n'a aucune valeur, et M. Jo perd 200 000 $ taïwanais.


Je conclus donc que les éléments essentiels de faux semblants, ou fausses déclarations, dont il est question particulièrement à l'alinéa 362(1)c) ont été établis. Par conséquent, étant donné que la définition de l'infraction est plus générale à Taïwan, il y a des motifs raisonnables de penser que vous avez commis l'infraction ou la fraude à Taïwan. Que vous ayez pu verser l'argent n'importe quand n'a pas d'importance, d'après moi, autrement dit, que vous ayiez [sic] les moyens financiers nécessaires pour appuyer ces garanties, votre maison, vos économies ou autre chose. Ce qui importe, c'est que vous avez donné votre parole que vous feriez certaines choses et que vous ne les avez pas faites. Vous avez persuadé M. Jo que l'argent lui serait remboursé à temps, et il ne l'a pas été. Étant donné que de faux semblants de cette nature peuvent être sanctionnés par une peine d'emprisonnement maximale de 10 ans si l'infraction est commise au Canada, je suis convaincue que l'allégation faite par le ministère de l'Immigration a été établie.

Les Arguments

Les arguments du demandeur

[9]                 Le demandeur prétend que l'arbitre a commis une erreur de droit en concluant que, compte tenu de l'ensemble de la preuve qui lui a été soumise à l'enquête, il existait des motifs raisonnables de croire qu le demandeur avait commis, en Taïwan, des actes qui constituent une infraction suivant l'article 339 du Code pénal de Taïwan et que ces actes, s'ils avaient été commis au Canada, auraient constitué des infractions de fraude de plus de 5 000 $ (article 380 du Code criminel) ou de faux semblant de plus de 5 000 $ (article 362 du Code criminel).

[10]            Le demandeur fait valoir que les allégations de fraude étaient sans fondement. Elles s'appuyaient sur des lettres et des mandats, et non sur des affidavits ou des déclarations de témoins.

[11]            Le demandeur fait observer que l'arbitre n'a pas rejeté son témoignage puisqu'elle a clairement déclaré que « [s]i les faits de l'espèce sont tels que vous le dites...il subsiste une preuve de fausse déclaration ou de fraude parce que vous avez donné votre parole que vous garantissiez le remboursement de l'argent et que vous ne l'avez pas fait. » Selon le demandeur, si sa version des faits est acceptée, alors il n'y a aucun motif possible, et encore moins raisonnable, de croire qu'il a commis une infraction de fraude.


[12]          L'infraction de fraude exige la means rea d'une « conscience subjective que l'on commettait un acte prohibé (la supercherie, le mensonge ou un autre acte malhonnête) qui pouvait causer une privation au sens de priver autrui d'un bien ou de mettre ce bien en péril. » R. c. Théroux, [1993] 2 R.C.S. 5. L'infraction de faux semblant exige une mens rea semblable. Le demandeur fait valoir qu'il ressort clairement et sans équivoque de son témoignage qu'il n'a pas utilisé de société fictive pour tirer profit de quiconque, qu'il n'a pas émis les chèques en question, qu'il s'attendait vraiment à ce que la dette soit remboursée à temps par Lin et qu'il avait de bonnes raisons de le croire, qu'il n'a tiré aucun bénéfice que ce soit du fait de s'être porté garant à l'égard des chèques et qu'il ne s'est pas enfui de Taïwan pour se soustraire à des poursuites.

[13]            L'arbitre a commis une erreur en assimilant l'omission du demandeur de s'assurer que Jo serait remboursé à temps à l'exigence de la mens rea en matière de fraude ou de faux semblant.

[14]            Le demandeur allègue également que l'arbitre n'avait pas le choix d'accepter son témoignage, puisqu'il n'existait aucune preuve crédible le contredisant. L'arbitre aurait commis une autre erreur susceptible de révision si elle avait accordé plus de poids à de simples allégations qu'au témoignage sous serment et à la preuve documentaire présentés par le demandeur.

Les arguments du défendeur

[15]            Le défendeur n'est pas d'avis que l'arbitre a commis une erreur en assimilant l'omission du demandeur de s'assurer que le prêt serait remboursé à l'exigence de la mens rea en matière de fraude ou de faux semblant.

[16]            Le défendeur se fonde sur l'arrêt Théroux, précité, dans lequel la mens rea de fraude a été examinée :

En d'autres termes, suivant le principe traditionnel de droit criminel qui veut que l'état d'esprit nécessaire à l'infraction soit déterminé en fonction des actes externes qui constituent l'actus de l'infraction (voir Williams, op. cit., ch. 3), il convient de se demander, lorsqu'on détermine la mens rea de la fraude, si l'accusé a intentionnellement accompli les actes prohibés (supercherie, mensonge ou un autre acte malhonnête) tout en connaissant ou en souhaitant les conséquences visées par l'infraction (soit la privation, y compris le risque de privation). Le sentiment personnel de l'accusé à l'égard du caractère moral ou honnête de l'acte ou de ses conséquences n'est pas plus pertinent quant à l'analyse que ne l'est la conscience de l'accusé que les actes commis constituent une infraction.

...

De même, la mens rea de la fraude est établie par la preuve :

1.             de la connaissance subjective de l'acte prohibé, et

2.             de la connaissance subjective que l'acte prohibé pourrait causer une privation à autrui (laquelle privation peut consister en la connaissance que les intérêts pécuniaires de la victime sont mis en péril).

Si la conduite et la connaissance requises par ces définitions sont établies, l'accusé est coupable peu importe qu'il ait effectivement souhaité la conséquence prohibée ou qu'il lui était indifférent qu'elle se réalise ou non.

[17]            Le défendeur fait valoir que la décision de l'arbitre ne nécessitait que des « motifs raisonnables » à l'égard de la commission des infractions et qu'une « croyance légitime à une possibilité sérieuse en raison de preuves de bonne foi » (Chiau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] F.C.J. no 2043 (C.A.)(QL).

[18]            Le défendeur allègue que la preuve dont disposait l'arbitre établissait amplement le premier élément de l'infraction, soit la mens rea. Cette preuve reposait sur le fait que le demandeur avait donné sa parole qu'il veillerait au remboursement du prêt et qu'il n'a pas tenu sa promesse. Le demandeur n'a pas tenté de vérifier si l'argent avait été remboursé comme il l'avait promis. Le défendeur fait valoir que le demandeur a ainsi fait une fausse déclaration à la partie lésée (Jo) en garantissant un prêt au moyen d'une promesse creuse. L'endossement par le demandeur des trois chèques constitue une promesse creuse et un mensonge, et celui-ci savait que ce faux endossement inciterait Jo à prêter de l'argent à Lin. Il savait également que cette promesse creuse mettrait l'argent de Jo en péril.


[19]            Le défendeur prétend que le second élément du critère a été rempli en ce que le seul fait de garantir un prêt constitue une connaissance du « risque de privation » . L'arbitre disposait de la preuve que le demandeur avait une connaissance subjective que l'acte prohibé (sa fausse déclaration au prêteur) pouvait causer une privation à autrui ( « laquelle privation peut consister en la connaissance que les intérêts pécuniaires de la victime sont mis en péril » ).

[20]            Le défendeur soutient que l'arbitre n'a pas accepté tout le témoignage du demandeur. Il ressort clairement de l'ensemble de la décision de l'arbitre qu'elle a mis l'accent sur l'intention coupable au moment de la commission de l'infraction et qu'elle a vu une preuve d'une telle intention coupable dans le fait que :

a)         le demandeur a fait une promesse qu'il n'a pas tenue;

b)         le demandeur avait omis d'honorer sa garantie même si rien ne prouvait qu'il ne pouvait pas le faire;

c)         le demandeur avait quitté Taïwan pour le Canada sans y retourner;

d)         le demandeur n'a pas tenté de vérifier si Lin avait remboursé Jo.

[21]            Cela établissait amplement une « possibilité sérieuse » qu'au moment où il a endossé les chèques, le demandeur n'avait pas l'intention de tenir sa promesse et qu'il avait l'intention de mettre l'argent de Jo en péril.

Les Questions en Litige

[22]            L'arbitre a-t-elle commis une erreur en déterminant que le demandeur était une personne visée par les alinéas 19(1)c.1) et 27(2)a) de la Loi?

Analyse

Le cadre législatif

La Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 :



19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible_:

...

c.1) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles ont, à l'étranger_:

...

(ii) soit commis un fait - acte ou omission - qui constitue une infraction dans le pays où il a été commis et qui, s'il était commis au Canada, constituerait une infraction qui pourrait être punissable, aux termes d'une loi fédérale, d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans, sauf si elles peuvent justifier auprès du ministre de leur réadaptation et du fait qu'au moins cinq ans se sont écoulés depuis la commission du fait;

19. (1) No person shall be granted admission who is a member of any of the following classes:

...

(c.1) persons who there are reasonable grounds to believe

...

(ii) have committed outside Canada an act or omission that constitutes an offence under the laws of the place where the act or omission occurred and that, if committed in Canada, would constitute an offence that may be punishable under any Act of Parliament by a maximum term of imprisonment of ten years or more, except persons who have satisfied the Minister that they have rehabilitated themselves and that at least five years have elapsed since the expiration of any sentence imposed for the offence or since the commission of the act or omission, as the case may be;



27(2) L'agent d'immigration ou l'agent de la paix doit, sauf si la personne en cause a été arrêtée en vertu du paragraphe 103(2), faire un rapport écrit et circonstancié au sous-ministre de renseignements concernant une personne se trouvant au Canada autrement qu'à titre de citoyen canadien ou de résident permanent et indiquant que celle-ci, selon le cas_:

a) appartient à une catégorie non admissible, autre que celles visées aux alinéas 19(1)h) ou 19(2)c);

27(2) An immigration officer or a peace officer shall, unless the person has been arrested pursuant to subsection 103(2), forward a written report to the Deputy Minister setting out the details of any information in the possession of the immigration officer or peace officer indicating that a person in Canada, other than a Canadian citizen or permanent resident, is a person who

(a) is a member of an inadmissible class, other than an inadmissible class described in paragraph 19(1)(h) or 19(2)(c);


Le Code criminel :



362. (1) Commet une infraction quiconque, selon le cas_:

a) par un faux semblant, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un contrat obtenu par un faux semblant, obtient une chose à l'égard de laquelle l'infraction de vol peut être commise ou la fait livrer à une autre personne;

b) obtient du crédit par un faux semblant ou par fraude;

c) sciemment fait ou fait faire, directement ou indirectement, une fausse déclaration par écrit avec l'intention qu'on y ajoute foi, en ce qui regarde sa situation financière ou ses moyens ou sa capacité de payer, ou la situation financière, les moyens ou la capacité de payer de toute personne, maison de commerce ou personne morale dans laquelle il est intéressé ou pour laquelle il agit, en vue d'obtenir, sous quelque forme que ce soit, à son avantage ou pour le bénéfice de cette personne, maison ou personne morale_:

(i) soit la livraison de biens meubles,

(ii) soit le paiement d'une somme d'argent,

(iii) soit l'octroi d'un prêt,

(iv) soit l'ouverture ou l'extension d'un crédit,

(v) soit l'escompte d'une valeur à recevoir,

(vi) soit la création, l'acceptation, l'escompte ou l'endossement d'une lettre de change, d'un chèque, d'une traite ou d'un billet à ordre;

d) sachant qu'une fausse déclaration par écrit a été faite concernant sa situation financière, ou ses moyens ou sa capacité de payer, ou la situation financière, les moyens ou la capacité de payer d'une autre personne, maison de commerce ou personne morale dans laquelle il est intéressé ou pour laquelle il agit, obtient sur la foi de cette déclaration, à son avantage ou pour le bénéfice de cette personne,maison ou personne morale, une chose mentionnée aux sous-alinéas c)(i) à (vi).

362(2) Peine

(2) Quiconque commet une infraction visée à l'alinéa (1)a)_:

a) est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de dix ans, si le bien obtenu est un titre testamentaire ou si la valeur de ce qui est obtenu dépasse cinq mille dollars;

362. (1) Every one commits an offence who

(a) by a false pretence, whether directly or through the medium of a contract obtained by a false pretence, obtains anything in respect of which the offence of theft may be committed or causes it to be delivered to another person;

(b) obtains credit by a false pretence or by fraud;

(c) knowingly makes or causes to be made, directly or indirectly, a false statement in writing with intent that it should be relied on, with respect to the financial condition or means or ability to pay of himself or any person, firm or corporation that he is interested in or that he acts for, for the purpose of procuring, in any form whatever, whether for his benefit or the benefit of that person, firm or corporation,

(i) the delivery of personal property,

(ii) the payment of money,

(iii) the making of a loan,

(iv) the grant or extension of credit,

(v) the discount of an account receivable, or

(vi) the making, accepting, discounting or endorsing of a bill of exchange, cheque, draft or promissory note; or

(d) knowing that a false statement in writing has been made with respect to the financial condition or means or ability to pay of himself or another person, firm or corporation that he is interested in or that he acts for, procures on the faith of that statement, whether for his benefit or for the benefit of that person, firm or corporation, anything mentioned in subparagraphs (c)(i) to (vi).

362(2) Punishment

(2) Every one who commits an offence under paragraph (1)(a)

(a) is guilty of an indictable offence and liable to a term of imprisonment not exceeding ten years, where the property obtained is a testamentary instrument or the value of what is obtained exceeds five thousand dollars;



380. (1) Quiconque, par supercherie, mensonge ou autre moyen dolosif, constituant ou non un faux semblant au sens de la présente loi, frustre le public ou toute personne, déterminée ou non, de quelque bien, service, argent ou valeur_:

a) est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de dix ans, si l'objet de l'infraction est un titre testamentaire ou si la valeur de l'objet de l'infraction dépasse cinq mille dollars;

380. (1) Every one who, by deceit, falsehood or other fraudulent means, whether or not it is a false pretence within the meaning of this Act, defrauds the public or any person, whether ascertained or not, of any property, money or valuable security or any service,

(a) is guilty of an indictable offence and liable to a term of imprisonment not exceeding ten years, where the subject-matter of the offence is a testamentary instrument or the value of the subject-matter of the offence exceeds five thousand dollars;



La norme de contrôle

[23]            La principale question en litige dans la présente affaire porte sur l'interprétation donnée par l'arbitre aux dispositions pertinentes du Code criminel (une question de droit soumise à la norme de contrôle de la décision correcte) et sur son application de ces dispositions aux faits de l'espèce (une question mixte de fait et de droit assujettie à la norme de la décision raisonnable simpliciter).

Analyse

[24]            Pour que le demandeur soit inadmissible en vertu de la Loi, il doit être déterminé par le ministre qu'il existe une possibilité raisonnable que le demandeur ait commis, dans un autre pays, un acte ou une omission qui l'exposerait, s'il en était déclaré coupable au Canada, à une peine maximale de dix ans. Le demandeur ne conteste pas le fait que les crimes allégués en l'espèce, si tant est qu'ils ont été commis, soient équivalents aux crimes de fraude ou de faux semblant prévus aux articles 362 et 380 du Code criminel.

[25]            Après avoir établi l'équivalence entre les crimes, l'arbitre doit décider s'il y a des motifs raisonnables de croire que l'infraction a été commise ou s'il existe une possibilité raisonnable fondée sur une preuve crédible que le demandeur ait commis l'infraction équivalente de fraude ou de faux semblant (Chiau, précité).

[26]            Dans l'affaire Théroux, précité, il est indiqué que le crime de fraude est établi par la preuve tant de l'actus reus que de la mens rea. L'actus reus requiert l'existence d'un acte prohibé (supercherie, mensonge ou autre moyen dolosif) et d'une privation causée par l'acte prohibé (qui peut comprendre le fait de mettre les intérêts pécuniaires de la victime en péril). Le principe qui est à la base de l'actus reus est que le ministère public doit prouver l'existence d'un acte malhonnête quelconque et d'une privation. Le fait le plus pertinent en l'espèce réside dans l'existence d'un acte malhonnête.


[27]            La malhonnêteté doit exister au moment où la garantie a été donnée. Il faut se demander si le demandeur a garanti les chèques de façon honnête ou malhonnête. Le demandeur doit avoir eu une connaissance subjective qu'il ne remplirait pas ou qu'il ne pourrait pas remplir sa promesse de garantir les chèques. Il ne ressort pas clairement de la transcription et de la décision de l'arbitre que celle-ci a examiné correctement la question de l'intention malhonnête du demandeur au moment où il a endossé les chèques. Ce qu'elle semble avoir trouvé répréhensible et malhonnête, c'est le comportement ultérieur du demandeur, en ce qu'il ne s'est pas assuré que les chèques avaient été honorés par Lin et n'a pas lui-même payé les sommes garanties. Bien que ces actes et omissions puissent très bien constituer une preuve de l'intention malhonnête au moment où la garantie a été donnée, l'arbitre n'aborde pas clairement cette question cruciale. La base de son raisonnement et de sa pensée semble s'exprimer en ces termes :

Que vous ayez pu verser l'argent n'importe quand n'a pas d'importance, d'après moi, autrement dit, que vous ayiez [sic] les moyens financiers nécessaires pour appuyer ces garanties, votre maison, vos économies ou autre chose. Ce qui importe, c'est que vous avez donné votre parole que vous feriez certaines choses et que vous ne les avez pas faites. [Non souligné dans l'original.]

[28]            Autrement dit, la malhonnêteté du comportement du demandeur, dans l'esprit de l'arbitre, semble résider plus dans le fait que celui-ci n'a pas tenu sa promesse que dans l'intention qu'il avait au moment où il a fait cette promesse.

[29]            Selon la version du demandeur, celui-ci avait vraiment l'intention, au moment pertinent, de remplir honnêtement sa garantie. Il croyait que Lin rembourserait le prêt et honorerait les chèques en se fondant sur les relations d'affaires antérieures qu'il avait entretenues avec lui. Il avait ignoré que les chèques étaient sans provision jusqu'au moment de l'enquête en matière d'immigration. L'arbitre n'a accordé aucune importance à ces faits. Ce qui comptait, c'était l'omission ultérieure d'honorer la garantie.


[30]            Mais pour décider s'il existait une « possibilité sérieuse » que le crime ait été commis, la preuve fournie par le demandeur avait bel et bien de l'importance; l'omission ultérieure d'honorer la garantie n'était pas déterminante. L'omission de l'arbitre d'aborder ces questions correctement constitue une erreur susceptible de révision.

[31]            Le demandeur a proposé la certification de certaines questions. Puisqu'il ne s'agit pas de questions graves de portée générale, elles ne seront pas certifiées.

                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         Que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie, que la décision rendue le 23 mai 2002 soit annulée et que l'affaire soit renvoyée à un arbitre différent aux fins d'un nouvel examen;

2.         Qu'aucune question ne soit certifiée.

                                                                                        « James Russell »           

                                                                                                             Juge                      

Traduction certifiée conforme

Diane Provencher, LL.B., D.D.N.


            COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

           Avocats inscrits au dossier

DOSSIER :                                           IMM-2426-02

INTITULÉ :                                          LIAO, CHI YU

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                   TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                9 AVRIL 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS :           28 MAI 2003

COMPARUTIONS :              M. Edward Hung

Pour le demandeur

M. Jeremiah Eastman   

Pour le défendeur

                                                                                                                   

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :       Edward Hung

                                                             Avocat

1033, rue Bay, bureau 319                        Toronto (Ontario)

M5S 3A5

Pour le demandeur                        

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Pour le défendeur


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                   Date : 20030528

            Dossier : IMM-2426-02

ENTRE :

LIAO, CHI YU

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                      défendeur

                                                   

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                   

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