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Date : 20030110

Dossier : IMM-1353-01

Référence neutre : 2003 CFPI 17

Toronto (Ontario), le vendredi 10 janvier 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE HENEGHAN

ENTRE :

                                                               SANDEEP KAUSHAL

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

  •         M. Sandeep Kaushal (le « demandeur » ) sollicite le contrôle judiciaire de la décision de l'agent des visas Ernie Gaspari (l' « agent des visas » ). Dans la lettre de refus en date du 2 mars 2001, l'agent des visas a refusé la demande de résidence permanente au Canada présentée par le demandeur.

[2]                 Le demandeur a présenté une demande d'immigration au Canada en tant qu'immigrant indépendant, décrivant son emploi envisagé au Canada comme celui de technologue en génie mécanique. Dans sa demande, il n'a précisé aucun numéro d'emploi en particulier pour la Classification nationale des professions (CNP), mais cet emploi est décrit dans CNP 2232 sous l'appellation d'emploi « Technologues et techniciens en génie mécanique » .

[3]                 La demande du demandeur comprend des informations et des documents à l'appui sur ses études, son profil d'emploi et son expérience professionnelle. Sa demande a fait l'objet d'une sélection administrative le 21 avril 1999 et le demandeur a été avisé qu'il devait se présenter à une entrevue le 26 février 2001.

[4]                 L'agent des visas a reçu le demandeur en entrevue le 26 février 2001 et lui a posé des questions sur ses fonctions dans son emploi actuel chez Kamla Dials and Devices Ltd. Le demandeur a décrit le titre de son emploi actuel comme « surveillant dans la fabrication » et a fourni des informations sur ses fonctions habituelles, y compris son rôle dans la fabrication de divers outils mécaniques requis pour les cadrans de montre. Pendant l'entrevue, l'agent des visas a pris des notes manuscrites qui comportaient les réponses du demandeur aux questions qu'il lui a posées. Bien que l'agent des visas ait par la suite versé ses notes dans le Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (STIDI), les notes du STIDI ne reflètent pas entièrement ce qui a été transcrit durant l'entrevue.

[5]                 L'agent des visas a décidé que le demandeur remplissait les exigences en matière d'études pour l'emploi de technologue en génie mécanique, mais il n'était pas convaincu que le demandeur avait au moins un an d'expérience dans l'emploi envisagé.

[6]                 L'agent des visas a attribué un total de 58 points d'appréciation au demandeur, ce qui n'inclut pas les cinq points pour son parent au Canada, et l'a informé dans la lettre de refus que la demande a échoué parce que le demandeur n'avait pas le minimum d'un an d'expérience dans l'emploi envisagé. Après examen des exigences prévues par le Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, et modifications (le « Règlement » ), ce manquement était fatal à la demande du demandeur.

[7]                 Comme mentionné plus haut, l'agent des visas a versé ses notes d'entrevue dans le STIDI. Les notes du STIDI montrent qu'il a choisi d'examiner si le demandeur pourrait se qualifier comme surveillant dans la fabrication au Canada, à la lumière du titre de son emploi. L'agent des visas a conclu que la description de cet emploi, CNP 9222, était très proche de la description des tâches d'emploi faite par le demandeur à l'entrevue. Cependant, l'agent des visas n'a pas pris note d'une appréciation en bonne et due forme pour cet emploi. Dans son affidavit, l'agent des visas a déclaré que l'emploi de surveillant dans la fabrication ne fait pas partie de la liste des emplois généraux, voulant dire par là qu'il n'y avait pas de demande au Canada pour cet emploi et qu'en conséquence aucun point d'appréciation ne pouvait être attribué.

[8]                 L'affidavit de l'agent des visas montre que l'agent des visas a, de sa propre initiative et sans que le demandeur ne l'ait demandé, examiné les qualifications possibles du demandeur comme surveillant dans la fabrication.

[9]                 Cependant, l'agent des visas, aussi bien dans son affidavit que dans son contre-interrogatoire, a déclaré qu'il n'a pas apprécié le demandeur pour l'emploi de technicien en génie mécanique, bien que cette occupation figure dans la description générique de CNP 2232. L'agent des visas a déclaré dans son affidavit qu'il n'était pas nécessaire d'apprécier le demandeur comme technicien en génie mécanique parce que [TRADUCTION] « la nature des tâches d'emploi qu'il avait l'excluait d'une qualification dans le domaine du génie » .

[10]            En contre-interrogatoire, l'agent des visas s'est étendu là-dessus et a dit qu'il n'a pas apprécié le demandeur pour l'emploi de technicien en génie mécanique parce que cet emploi est [TRADUCTION] « tout à fait distinct » de celui de technologue en génie mécanique.


[11]            Le demandeur conteste la décision de l'agent des visas au motif que ce dernier avait l'obligation de l'apprécier pour l'emploi de technicien en génie mécanique, cet emploi étant inhérent à la description CNP 2232; après tout, cette description est intitulée « technologues et techniciens en génie mécanique. » . Le demandeur soutient qu'en omettant de l'apprécier pour l'emploi de technicien en génie mécanique, l'agent des visas a manqué à l'obligation d'équité, ce qui a eu pour résultat que sa demande n'a pu faire l'objet d'un examen complet. Cela a effectivement empêché le demandeur d'obtenir des points d'appréciation à la fois pour les facteurs d'expérience et d'emploi, un total de sept points qui l'aurait amené au niveau de l'admissibilité au Canada.

[12]            Le défendeur soutient que le demandeur n'a demandé d'être apprécié que comme technologue en génie mécanique. En l'absence d'une demande d'appréciation pour un autre emploi, l'agent des visas n'avait aucune obligation positive d'effectuer une telle appréciation. Une conclusion que l'agent des visas avait l'obligation d'apprécier le demandeur pour d'autres emplois irait à l'encontre de la jurisprudence récente de la Cour d'appel fédérale en ce qui a trait à la portée limitée de l'obligation d'équité incombant à un agent des visas. À cet égard, le défendeur cite Patel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CAF 55, Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 2 C.F. 413 (C.A.), Elijah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 1082, Mann c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (2002), 21 Imm. L.R. (3d) 109 (C.F. 1re inst.) et Mitra c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 541.

[13]            Le demandeur ne conteste pas le principe général qu'un agent des visas n'est pas obligé d'explorer et d'apprécier d'autres emplois quand cette appréciation n'est pas demandée par le demandeur, mais en même temps, il soutient que chaque cas appelle un minimum d'équité dans le processus d'appréciation. Selon le demandeur, cette obligation n'a pas été respectée en l'espèce.

[14]            Je remarque que le dossier du tribunal lui-même soulève des questions quant à savoir si l'agent des visas a en fait examiné l'emploi de technicien en génie mécanique malgré son affirmation en contre-interrogatoire sur son affidavit, qu'il ne l'a pas fait. Les notes du STIDI, versées dans le dossier du tribunal, comportent l'inscription suivante juste après la description CNP des principales fonctions liées à l'emploi de technologue en génie mécanique :

[TRADUCTION] Après avoir comparé les deux descriptions, je ne suis pas convaincu que le demandeur a une expérience pertinente et significative comme technologue en génie mécanique.

[15]            Ce renvoi à « deux descriptions » signifie logiquement que l'agent des visas a effectivement envisagé la possibilité que le demandeur se qualifie comme technicien en génie mécanique, mais il n'a fourni aucun motif pour rejeter cette possibilité. Au mieux, cette inscription dans les notes du STIDI est ambiguë; d'un autre point de vue, elle indique un manque de compréhension de la définition de la CNP et de son application.

[16]            Un autre argument appuyant la conclusion que l'agent des visas a envisagé la possibilité que le demandeur se qualifie comme technicien en génie mécanique se trouve dans l'affidavit de l'agent des visas où il déclare :

[TRADUCTION] Après avoir évalué les fonctions de son emploi, j'ai été convaincu qu'il n'a accompli aucune des fonctions de technicien ou de technologue au point de remplir les exigences liées à l'expérience pour ces emplois.


[17]            Considérant qu'il y a des éléments de preuve que l'agent des visas avait en fait cherché à savoir si le demandeur avait l'expérience requise comme technicien, il aurait dû faire l'appréciation des points prescrite et fournir le motif qui lui permettait de dire que le demandeur ne s'est pas qualifié comme technicien, en plus de ne pas s'être qualifié comme technologue. Une telle appréciation aurait permis au demandeur de comprendre pourquoi sa demande a été refusée, lui donnant ainsi la chance d'évaluer ses chances de succès pour une autre demande à l'avenir.

[18]            En conclusion, j'estime qu'un agent des visas n'a aucune obligation générale de procéder à une appréciation pour un autre emploi pour un immigrant éventuel qui ne lui a pas soumis une demande dans ce sens. Il s'agit d'un principe bien établi dans la jurisprudence : voir par exemple, Hajariwala c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 2 C.F. 79 (1re inst.), Li c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1990), 9 Imm. L.R. (2d) 263 (C.F. 1re inst.), Patel c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 121 N.R. 260 (C.A.F.), Moksud, précité, et Hassan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 2012 (1re inst.) (QL).

[19]            Cependant, un agent des visas a une obligation générale de faire équitablement une appréciation et d'enregistrer ses conclusions de manière claire et non ambiguë. Tel n'a pas été le cas en l'espèce, le dossier révélant que l'agent des visas a en fait examiné si le demandeur répondait aux exigences de technicien en génie mécanique, mais n'a pas fait l'appréciation des points prescrite ni fourni le motif qui lui permettait de refuser la demande du demandeur pour cet emploi.

[20]            La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour que celui-ci procède à un examen en conformité avec la Loi. Aucune question pour certification n'émerge de ce dossier.

                                                                     ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour que celui-ci procède à un examen en conformité avec la Loi. Aucune question pour certification n'émerge de ce dossier.

« E. Heneghan »

Juge

   

Traduction certifiée conforme

Jean Maurice Djossou, LL.D.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                            Avocats inscrits au dossier

DOSSIER :                                            IMM-1353-01

INTITULÉ :                                           SANDEEP KAUSHAL

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                    LE JEUDI 9 JANVIER 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                           LE JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :                           LE VENDREDI 10 JANVIER 2003

  

COMPARUTIONS :

Shoshana Green                                                          pour le demandeur

Brad Gotkin                                                                pour le défendeur

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Shoshana Green                                                          pour le demandeur

Green & Spiegel

Avocats

390, rue Bay, bureau 2800

Toronto (Ontario)

M5H 2Y2

Morris Rosenberg                                                        pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                             Date : 20030110

                                          Dossier : IMM-1353-01

ENTRE :

SANDEEP KAUSHAL

demandeur

    

- et -

    

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L'IMMIGRATION

                                                                          défendeur

                                                                     

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                    

  
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