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Date : 20031029

Dossier : IMM-5360-01

Référence : 2003 CF 1261

OTTAWA (ONTARIO), LE 29 OCTOBRE 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

ENTRE :

                                                       NGOC-TRANG THI TRUONG

                                    (également appelée TRUONG THI NGOC TRANG)

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                                                                                                                                       

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Ngoc-Trang Thi Truong (la demanderesse) sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue le 16 août 2001 par l'agent des visas Mick Chong (l'agent des visas), du Haut Commissariat du Canada à Singapour, qui rejetait sa demande de résidence permanente au Canada, malgré la présence dans ce pays d'un proche parent et malgré une offre d'emploi approuvée selon les Lignes directrices sur les offres d'emploi aux proches parents dans les entreprises familiales.


[2]                 La demanderesse, née au Vietnam, avait 18 ans lorsqu'elle a demandé, dans la catégorie « couturière » , la résidence permanente au Canada en tant que parent aidé.

[3]                 Sa tante exploite une fabrique de tissus en Ontario. Le 29 août 2000, sous réserve de l'approbation de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), elle a offert à sa nièce un emploi de couturière dans son entreprise.

[4]                 Dans l'approbation au titre du programme des entreprises familiales, en réponse à la question « Aspects de l'offre d'emploi qui font d'un proche parent un choix logique et motivé par le bon sens (par exemple confiance, liens étroits, déplacements, longues heures de travail, fiabilité), CIC écrit :

[traduction] La propriétaire de l'entreprise dit que la confiance est importante - étant donné que cette entreprise se trouve actuellement chez elle - également salaires minima et travail ennuyeux et peu rémunérateur - également longues heures en raison des heures supplémentaires souvent nécessaires - La propriétaire songe à agrandir son entreprise si ses nièces réussissent, et alors l'entreprise sera située dans un édifice commercial qu'elle envisage de louer.


[5]                 L'agent des visas, en application des paragraphes 8(1) et 10(1) du Règlement sur l'immigration de 1978 (le Règlement), aujourd'hui abrogé, a évalué la demanderesse en fonction des facteurs mentionnés dans l'annexe I de ce Règlement, à savoir l'âge, le facteur professionnel, les études et la formation, l'expérience, l'emploi réservé, le facteur démographique, les études, la connaissance du français et de l'anglais et la personnalité. Il lui a attribué 34 points d'appréciation, alors que le minimum requis est de 65 points. Sur les 34 points accordés, 10 étaient attribués au critère de l'emploi réservé.

[6]                 L'agent des visas a ajouté le paragraphe suivant à sa lettre de refus :

[traduction] Votre demande a été examinée en fonction d'une offre d'emploi dans une entreprise familiale, offre d'emploi qui a été approuvée par le Centre d'immigration du Canada à Hamilton, en Ontario, le 5 février 2001. Selon les dispositions du programme des offres d'emplois dans des entreprises familiales, un agent des visas doit se demander si « le futur immigrant justifie, dans son expérience professionnelle et ses aptitudes, de capacités suffisantes pour montrer qu'il pourrait avec succès occuper le poste qui lui est offert » . Bien que vous ayez obtenu la totalité des points requis au titre de l'expérience, vous n'avez pu obtenir le minimum requis de 65 points.

[7]                 Durant l'instruction de la demande, il est apparu clairement que l'avocat de la demanderesse ne contestait pas le nombre de points attribué par l'agent des visas, ni ne prétendait que les Lignes directrices sur les offres d'emplois aux proches parents dans les entreprises familiales annulaient ou éclipsaient le système de points prévu dans le Règlement.

[8]                 L'argument de l'avocat de la demanderesse était plutôt que l'agent des visas n'a pas considéré ou pris en compte les divers facteurs présents dans les antécédents de la demanderesse, ainsi que dans l'offre d'emploi, facteurs qui, s'ils avaient été considérés, auraient conduit l'agent des visas à exercer favorablement son pouvoir discrétionnaire et à approuver la demande de résidence permanente présentée par la demanderesse, même si elle n'avait pas obtenu le nombre minimum de points prévu dans le Règlement.

[9]                 Dans ce contexte, le point essentiel ici est celui de savoir si, en rejetant la demande de résidence permanente au Canada présentée par la demanderesse, l'agent des visas a exercé son pouvoir discrétionnaire en application du paragraphe 11(3) de l'ancien Règlement et, pour le cas où il ne l'aurait pas exercé, s'il était tenu de l'exercer.

[10]            Le paragraphe 11(3) du Règlement abrogé prévoit qu'un agent des visas peut délivrer un visa d'immigrant à un immigrant qui n'obtient pas le nombre de points d'appréciation requis [par le Règlement] s'il est d'avis qu'il existe de bonnes raisons de croire que le nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas les chances de cet immigrant particulier et des personnes à sa charge de réussir leur installation au Canada, et si ces raisons ont été soumises par écrit à un agent d'immigration supérieur et ont reçu l'approbation de ce dernier.

[11]            Je n'ai aucune hésitation à conclure, après avoir lu la décision de l'agent des visas ainsi que son affidavit produit dans la présente instance, que l'agent n'a pas exercé le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par le paragraphe 11(3) de l'ancien Règlement.

[12]            S'agissant de savoir si l'agent des visas était tenu d'envisager l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, il ressort clairement de la jurisprudence de la Cour qu'il n'était pas tenu de l'exercer, et cela parce que la demanderesse ou sa répondante ne l'ont jamais prié de le faire et ne lui ont pas exposé les raisons pour lesquelles le nombre de points obtenu par la demanderesse ne reflétait pas les chances de la demanderesse de réussir son installation au Canada.


[13]            Je me rapporte à la décision rendue par le juge Rothstein, alors juge de la Section de première instance, dans l'affaire Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. n ° 1239. Le juge Rothstein écrivait ce qui suit, au paragraphe 6 de ses motifs :

Dans le cas où le demandeur a des raisons de penser qu'il pourra s'établir avec succès au Canada, abstraction faite des points d'appréciation attribués, il peut faire part de ces raisons à l'agent des visas pour lui demander d'exercer le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 11(3). Faute de demande, celui-ci peut l'exercer de son propre chef, mais il n'y est nullement tenu. Comme noté supra, le demandeur n'en a pas fait la demande à l'agente des visas en l'espèce.

[14]            Je me rapporte aussi au jugement récent rendu par le juge Martineau dans l'affaire Ataullah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. n ° 1193, où il écrit :

¶ 18       Il incombe au demandeur de demander qu'une décision soit rendue dans le cadre du paragraphe 11(3). En ce faisant, le demandeur devrait exposer les raisons de croire que les points d'appréciation ne reflétaient pas ses chances de réussir son installation au Canada.

[15]            Dans la présente affaire, le dossier n'indique nulle part que la demanderesse, ou sa tante, a demandé à l'agent des visas d'exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 11(3). L'avocat de la demanderesse a indiqué que je pouvais déduire l'existence d'une telle requête au vu des circonstances de la demanderesse, et au vu de ce que sa tante avait écrit pour obtenir l'approbation de CIC. Je ne me crois pas autorisé à faire une telle déduction, parce que cette déduction ne serait pas raisonnablement appuyée par la preuve.

[16]            Par ailleurs, je reconnais avec l'avocate du défendeur que la demanderesse n'est pas fondée à invoquer l'affaire Siddiqui c. Canada (M.C.I.), [1997] A.C.F. n ° 1236. L'affaire Siddiqui n'a pas été décidée selon le paragraphe 11(3), mais selon l'alinéa 11(1)a), qui fait intervenir des facteurs différents.

[17]            Dans ces conditions, je suis d'avis que l'agent des visas n'était pas tenu d'exercer son pouvoir discrétionnaire.

                                           ORDONNANCE

Cette demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n'a été proposé aucune question à certifier.

                                                                              « François Lemieux »             

                                                                                                             Juge                          

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                       COUR FÉDÉRALE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                 IMM-5360-01

INTITULÉ :                                                NGOC-TRANG THI TRUONG c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                       TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                      LE 23 OCTOBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE:         LE JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS :                              LE 29 OCTOBRE 2003

COMPARUTIONS :

Trang T. Nguyen

POUR LA DEMANDERESSE

Kareena R. Wilding

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Trang T. Nguyen

Avocat

POUR LA DEMANDERESSE

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR


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