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Date : 20001215

Dossier : IMM-3804-99

ENTRE :

                                   KWONG KWOK KIN

                                                                                          demandeur

                                                  - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                           défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NADON

[1]    Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire déposée en application du paragraphe 82.1(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (ci-après la Loi), à l'encontre de la décision rendue par l'agent des visas James Schultz (ci-après l'agent Schultz), en date du 20 juillet 1999, par laquelle celui-ci a rejeté la demande de résidence permanente au Canada présentée par le demandeur.

LES FAITS


[2]    Le demandeur, un citoyen de Hong Kong, a présenté une demande de résidence permanente, dans la catégorie des immigrants investisseurs, auprès du consulat général du Canada à Seattle (Washington, É.-U.) le 8 avril 1994. Le 26 janvier 1995, il s'est présenté à une entrevue au consulat général du Canada à Seattle, au terme de laquelle on a déterminé qu'il avait satisfait aux conditions d'admissibilité prescrites par le Règlement sur l'immigration de 1978 à l'égard des candidats dans la catégorie des investisseurs. L'entrevue passée, on a procédé à une vérification de routine auprès du commissariat du Canada à Hong Kong, lieu de résidence habituel du demandeur.

[3]    Par une lettre datée du 17 décembre 1996, on a informé le demandeur qu'il devait se présenter à une entrevue au commissariat du Canada à Hong Kong, le 31 janvier 1997, afin de déterminer s'il remplit les exigences relatives à l'immigration au Canada. Au terme de l'entrevue, on a demandé que le demandeur soumette des renseignements détaillés de nature financière, documents qui ont été reçus le 17 avril 1997. Par une lettre datée du 19 juin 1997, on a avisé le demandeur que les renseignements financiers qu'il avait soumis étaient incomplets, de sorte qu'on a procédé à une nouvelle demande de renseignements. Les documents demandés ont été reçus le 5 août 1997.


[4]                Le 6 mars 1998, l'agent Schultz a informé le consulat général du Canada à Seattle que les documents financiers produits par le demandeur avaient été examinés à Hong Kong, mais qu'on entretenait encore certaines réserves sur la nature des activités commerciales du demandeur et sur la provenance de ses fonds. En avril 1998, le dossier du demandeur a été envoyé au commissariat du Canada à Hong Kong, par suite de la demande faite par le représentant du demandeur que son dossier y soit transmis de Seattle. Le commissariat du Canada à Hong Kong a obtenu le dossier le 27 avril 1998.

[5]                Par une lettre datée du 6 août 1998, l'agent Schultz a demandé à rencontrer le demandeur en entrevue le 10 septembre 1998. La lettre mettait en outre le demandeur au fait que l'agent avait des motifs de croire que le demandeur était une personne visée à l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi et que l'entrevue servirait à déterminer si le demandeur était, dans les faits, inadmissible au Canada aux termes de ces dispositions, ainsi que pour examiner la question des liens qu'entretient le demandeur avec les triades ou autres organisations criminelles. L'alinéa 19(1)c.2) prévoit :


19. (1) No person shall be granted admission who is a member of any of the following classes:

(c.2) persons who there are reasonable grounds to believe are or were members of an organization that there are reasonable grounds to believe is or was engaged in activity that is part of a pattern of criminal activity planned and organized by a number of persons acting in concert in furtherance of the commission of any offence under the Criminal Code or Controlled Drugs and Substances Act that may be punishable by way of indictment or in the commission outside Canada of an act or omission that, if committed in Canada, would constitute such an offence, except persons who have satisfied the Minister that their admission would not be detrimental to the national interest.

19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible :

(c.2) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles sont ou ont été membres d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle se livre ou s'est livrée à des activités faisant partie d'un plan d'activités criminelles

organisées par plusieurs personnes agissant de concert en vue de la perpétration d'une infraction au Code criminel ou à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances qui peut être punissable par mise en accusation ou a commis à l'étranger un fait -- acte ou omission -- qui, s'il avait été commis au Canada, constituerait une telle infraction, sauf si elles convainquent le ministre que leur admission ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national;


L'entrevue prévue pour le 10 septembre 1998 a été reportée au 5 novembre 1998 à la demande des conseillers juridiques du demandeur. Le demandeur a rencontré l'agent Schultz en entrevue le 5 novembre 1998.


[6]                Par une lettre datée du 20 juillet 1999, l'agent Schultz a informé le demandeur qu'il était inadmissible au Canada pour des raisons d'ordre criminel, plus particulièrement en application du sous-alinéa 19(2)a.1)(ii) et de l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi. Le sous-alinéa 19(2)a.1)(ii) dispose :


19. (2) No immigrant and, except as provided in subsection (3), no visitor shall be granted admission if the immigrant or visitor is a member of any of the following classes:

(a.1) persons who there are reasonable grounds to believe

(ii) have committed outside Canada an act or omission that constitutes an offence under the laws of the place where the act or omission occurred and that, if committed in Canada, would constitute an offence that may be punishable by way of indictment under any Act of Parliament by a maximum term of imprisonment of less than ten years, except persons who have satisfied the Minister that they have rehabilitated themselves and that at least five years have elapsed since the expiration of any sentence imposed for the offence or since the commission of the act or omission, as the case may be.

19. (2) Appartiennent à une catégorie non admissible les immigrants et, sous réserve du paragraphe (3), les visiteurs qui :

(a.1) sont des personnes dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles ont, à l'étranger :

(ii) soit commis un fait -- acte ou omission -- qui constitue une infraction dans le pays où il a été commis et qui, s'il était commis au Canada, constituerait une infraction qui pourrait être punissable, aux termes d'une loi fédérale, par mise en accusation, d'un emprisonnement maximal de moins de dix ans, sauf si elles peuvent justifier auprès du ministre de leur réadaptation et du fait qu'au moins cinq ans se sont écoulés depuis la commission du fait;


[7]                Le 3 août 1999, le demandeur a déposé un avis de demande de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision rendue par l'agent Schultz. Le 19 octobre 1999, le défendeur a déposé un avis de requête, en vertu du paragraphe 82.1(10) de la Loi, pour l'obtention d'une ordonnance portant que les renseignements confidentiels ne soient pas communiqués au demandeur parce que cette communication porterait atteinte à la sécurité nationale du Canada et à celle de personnes. Le paragraphe 82.1(10) est libellé en ces termes :



82.1 (10) With respect to any application for judicial review of a decision by a visa officer to refuse to issue a visa to a person on the grounds that the person is a person described in any of paragraphs 19(1)(c.1) to (g), (k) and (l),

(a) the Minister may make an application to the Federal Court - Trial Division, in camera, and in the absence of the person and any counsel representing the person, for the non-disclosure to the person of information obtained in confidence from the government or an institution of a foreign state or from an international organization of states or an institution thereof;

(b) the Court shall, in camera, and in the absence of the person and any counsel representing the person,

(i) examine the information, and

(ii) provide counsel representing the Minister with a reasonable opportunity to be heard as to whether the information should not be disclosed to the person on the grounds that the disclosure would be injurious to national security or to the safety of persons;

(c) the information shall be returned to counsel representing the Minister and shall not be considered by the Court in making its determination on the judicial review if, in the opinion of the Court, the disclosure of the information to the person would not be injurious to national security or to the safety of persons; and

(d) if the Court determines that the information should not be disclosed to the person on the grounds that the disclosure would be injurious to national security or to the safety of persons, the information shall not be disclosed but may be considered by the Court in making its determination.

82.1 (10) (10) Dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire d'une décision de l'agent des visas de refuser un visa au motif que

l'intéressé appartient à l'une des catégories visées aux alinéas 19(1)c.1) à g), k) ou l) :

a) le ministre peut présenter à la Section de première instance de la Cour fédérale, à huis clos et en l'absence de l'intéressé et du conseiller le représentant, une demande en vue d'empêcher la communication de renseignements obtenus sous le sceau du secret auprès du gouvernement d'un État étranger, d'une organisation internationale mise sur pied par des États étrangers ou l'un de leurs organismes;

b) la Section de première instance de la Cour fédérale, à huis clos et en l'absence de l'intéressé et du conseiller le représentant :

(i) étudie les renseignements,

(ii) accorde au représentant du ministre la possibilité de présenter ses arguments sur le fait que les renseignements ne devraient pas être communiqués à l'intéressé parce que cette communication porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle de personnes;

c) ces renseignements doivent être remis au représentant du ministre et ne peuvent servir de fondement au jugement de la Section de première instance de la Cour fédérale sur la demande de contrôle judiciaire si la Section de première instance de la Cour fédérale détermine que leur communication à l'intéressé ne porterait pas atteinte à la sécurité nationale ou à celle de

personnes;

d) si la Section de première instance de la Cour fédérale décide que cette communication porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle de personnes, les renseignements ne sont pas communiqués mais peuvent servir de fondement au jugement de la Section de première instance de la Cour fédérale sur la demande de contrôle judiciaire.



Le 14 février 2000, le juge Heneghan a fait droit à la requête du défendeur et a ordonné que deux affidavits confidentiels produits par le défendeur soient scellés.

[8]                Dans la lettre de refus qu'il a fait parvenir au demandeur, l'agent Schultz a conclu que le demandeur était inadmissible au Canada aux termes du sous-alinéa 19(2)a.1)(ii) de la Loi parce qu'il y avait des motifs raisonnables de croire que le demandeur s'était adonné, de façon continue, à des activités à l'extérieur du Canada qui constitueraient une infraction équivalente à celle que vise le paragraphe 210(1) du Code criminel du Canada, soit « Tenue d'une maison de débauche » . En ce qui a trait à l'examen des éléments de preuve auquel il a procédé, l'agent Schultz a fait les commentaires suivants :

[TRADUCTION] En examinant les éléments de preuve dont je dispose, je note que vous niez que les établissements que vous tenez, appelés « villas » à l'échelle locale, servent aux fins de la prostitution. Comme je vous en ai fait part au cours de votre entrevue du 8 novembre 1998, j'estime que votre opposition à ces allégations n'est ni crédible, ni convaincante. Vous m'avez avisé, lors de l'entrevue du 8 novembre 1998, que vous avez repris, pour vos établissements, le modèle de ceux dans lesquels vous aviez effectué des descentes alors que vous étiez dans les forces policières, et que vous avez eu l'idée de tenir de tels établissements à partir de cette expérience. On vous a informé que ces genres d'établissements étaient communément appelés « établissements du vice » à l'échelle locale, et vous en avez vous-même convenu à la lumière de votre expérience au sein des forces du maintien de l'ordre et d'autres expériences. Comme nous en avons discuté lors de votre entrevue du 8 novembre 1998, il ressort manifestement des renseignements dont je dispose qu'au moins un de ces établissements est un lieu de prédilection pour les prostituées et leurs clients. Lors de votre entrevue, nous avons examiné ensemble, relativement en détail, les activités qui ont cours dans vos établissements et j'en suis arrivé à la conclusion que les activités dans ces établissements sont, manifestement, typiques du genre d'occupation à court terme qui caractérise la présence d'activités de prostitution.


[9]                L'agent Schultz a ajouté à cela que l'absence d'une déclaration de culpabilité antérieure à l'égard d'une infraction équivalente à Hong Kong l'obligeait à faire preuve d'une grande prudence dans l'examen des éléments de preuve défavorables au demandeur, mais il a conclu que, compte tenu des autres éléments de preuve dont il disposait, le fait que le demandeur n'ait jamais été mis en accusation ou fait l'objet de poursuites pour une infraction de cette nature à Hong Kong ne constituait pas une indication fiable montrant que le demandeur ne s'adonnait pas, dans les faits, à des activités criminelles de cette nature. L'agent Schultz a également décidé que le demandeur ne pouvait invoquer les motifs liés à la réadaptation prévus au sous-alinéa 19(2)a.1)(ii) de la Loi puisqu'il avait continué à tenir des « maisons de débauche » .

[10]            Quant à l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi, l'agent Schultz a conclu que le demandeur n'était pas admissible car il y avait des motifs raisonnables de penser qu'il appartenait, à toutes fins utiles, à un groupe criminel organisé. Il a déclaré :

[TRADUCTION] En concluant à votre inadmissibilité, je note que vous avez nié toute forme d'association criminelle depuis que vous ne faites plus partie des forces policières. Cependant, le fait que vous niiez votre association plus récente avec des membres d'organisations criminelles ne m'apparaît pas crédible, compte tenu en particulier de la nature de vos activités liées au vice et du contrôle ou de l'influence, ou des deux, qu'exercent les organisations criminelles à l'égard des activités de ce genre à l'échelle locale. Même si vos réponses évasives à l'entrevue ont rendu plus ardue la tâche d'apprécier réellement la nature et l'étendue de vos associations criminelles, j'ai noté que la nature de vos activités à l'échelle locale et la situation géographique de plusieurs de vos secteurs d'activités vous menaient inévitablement à vous associer de près, à collaborer et à coopérer avec des membres du crime organisé. En outre, vous avez été informé au cours de l'entrevue que j'avais eu connaissance d'un renseignement qui m'a été fourni, en toute confidence, par une source fiable, digne de foi et objective au sujet de votre association avec un membre d'une organisation criminelle, ce que vous avez omis de dévoiler et que vous avez nié au cours de l'entrevue.

En examinant la question de votre admissibilité aux termes de l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi sur l'immigration, j'ai également noté que le réseau des « maisons de débauche » que vous tenez implique, dans les faits, une large part d'organisation et de planification, de même qu'un modèle d'activité criminelle qui, de par sa nature, requiert l'action concertée de plusieurs personnes. J'ai conclu que cela constituait un motif distinct, quoique connexe, pour déterminer que vous êtes, à toutes fins utiles, membre d'une organisation criminelle.


QUESTIONS EN LITIGE

[11]            Le demandeur soulève deux questions dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire :

1.         L'agent des visas a-t-il omis d'observer les exigences relatives à l'équité procédurale lors de son examen quant à l'admissibilité du demandeur?

2.         L'agent des visas a-t-il omis de se conformer à la norme de preuve mise en cause par l'expression « motifs raisonnables de croire » , aux termes de l'alinéa 19(1)c.2) ou du sous-alinéa 19(2)a.1)(ii) de la Loi, commettant de ce fait une erreur de droit par sa décision de rejeter la demande de résidence permanente du demandeur?

ANALYSE

A. Équité procédurale :


[12]            Le demandeur soutient que l'agent Schultz a manqué à son obligation d'équité procédurale en ne divulguant pas des renseignements qu'il pouvait communiquer, savoir les noms des triades et des membres des triades avec lesquels le demandeur aurait été associé, privant ainsi le demandeur de la possibilité raisonnable de faire disparaître les réserves particulières qu'avait l'agent Schultz. Selon le demandeur, même si l'agent Schultz n'a pu révéler la source qui lui a fourni le renseignement, il ressort clairement des faits dans l'affaire Chiau c. Canada (M.C.I.), [1998] 2 C.F. 642 (C.F. 1re inst.) et dans l'affaire Chan c. Canada (M.E.I.) (1996), 34 Imm. L.R. (2d) 259 (C.F. 1re inst.) que l'agent des visas doit révéler l'identité de la personne qui dépose les allégations et les associations qui sont alléguées afin que le demandeur sache ce qu'on lui reproche.

[13]            Le demandeur fait valoir en outre que l'avis relatif à l'entrevue ne faisait pas état des réserves qu'avait l'agent Schultz quant à son inadmissibilité potentielle compte tenu des allégations déposées en application du sous-alinéa 19(2)a.1)(ii). Le demandeur affirme, par conséquent, qu'on l'a privé du droit de savoir ce qui lui était reproché. En outre, le demandeur plaide que l'agent Schultz, de par son refus de se rendre à l'hôtel à sa demande, l'a privé de la possibilité de faire disparaître les réserves qu'avait ce dernier.

[14]            Aussi, le demandeur fait valoir que, même si l'agent des visas est habilité à apprécier la crédibilité d'un demandeur, cette appréciation doit se fonder sur quelque motif raisonnable. Le demandeur allègue qu'il n'a pas produit d'éléments de preuve incompatibles, ni fourni des réponses évasives à l'agent Schultz, et affirme qu'il a donné une explication raisonnable et crédible en réponse aux réserves de l'agent Schultz. Le demandeur soutient que l'évaluation de l'agent Schultz portant qu'il n'était pas crédible lors de l'entrevue est entièrement dénuée de fondement.


[15]            Dans l'affaire Chiau, précitée, la demande de résidence permanente présentée par le demandeur avait été rejetée au motif que celui-ci était inadmissible au Canada en application de l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi. M. Chiau a soutenu que l'agent des visas avait manqué à son obligation d'équité procédurale en ne lui communiquant pas un sommaire des renseignements confidentiels en sa possession. En ce qui concerne l'équité procédurale et la communication des renseignements, le juge Dubé s'est exprimé en ces termes, aux paragraphes 15 à 18 :

À mon avis, l'agent des visas a observé tous les impératifs d'équité procédurale dans les circonstances de la cause. M. Chiau a été dûment informé à l'avance, par lettre avant l'entrevue, de ce qu'on lui reprochait. Les renseignements communiqués par l'agent des visas Delisle étaient suffisants pour lui permettre de se préparer à l'entrevue et de convaincre l'agent qu'il n'était membre d'aucune organisation criminelle. Cette lettre mentionne expressément l'alinéa 19(1)c.2) ainsi que les [Traduction] « liens [de M. Chiau] avec des triades » .

Au cours de l'entrevue, M. Chiau a été questionné au sujet de ses relations avec Wong Cheung Ying et Heung Wah Shing Jimmy, de l'incident des coups de feu et des dépêches de presse à ce sujet. Il s'est vu accorder toute liberté de répondre et de faire parvenir subséquemment tout renseignement complémentaire à l'agent des visas, s'il le désirait. Il a été question de sa participation personnelle à la triade Sun Yee On et du contrôle exercé par cette dernière sur l'ensemble de l'industrie des spectacles de Hong Kong. L'agent des visas avait compétence pour apprécier la crédibilité de ses réponses et explications.

De plus, il n'était nullement tenu de communiquer à M. Chiau un sommaire des renseignements confidentiels sur lesquels il s'appuyait pour instruire la demande de ce dernier. Cette question a été examinée par mon collègue le juge Cullen dans Chan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration). L'équité procédurale doit être saisie dans le contexte des principes et pratiques émanant des règles de droit applicables en matière d'immigration. Il est de droit fondamental que les étrangers, comme le requérant en l'espèce, n'ont nullement le droit d'être admis au Canada.

L'alinéa 19(1)c.2), qui est relativement récent, a été adopté en vue de mieux prévenir l'entrée au Canada des membres d'organisations criminelles. Par la disposition relative à l'audience à huis clos du paragraphe 82.1(10), le législateur a voulu trouver le juste milieu entre l'intérêt du particulier et la protection de l'État. J'ai examiné attentivement lors de l'audience à huis clos les mêmes renseignements confidentiels que ceux dont avait été saisi l'agent des visas, et je les ai trouvés pertinents, concluants, dignes de foi, et d'une telle nature qu'il ne fallait pas les communiquer à l'intéressé. Il m'est apparu évident que si ces renseignements confidentiels devaient être divulgués, sans même que soit divulgué le nom du gouvernement étranger ou de l'organe de l'État étranger dont ils émanaient, la source d'information tarirait immédiatement. En mettant dans la balance les intérêts opposés, j'ai conclu que la sécurité nationale doit l'emporter sur tout intérêt qu'un étranger puisse avoir à devenir résident du Canada. Il est vrai que du point de vue du requérant, ce n'est pas là parfaite justice, mais il a été traité avec toute l'équité procédurale à laquelle il avait droit conformément à la loi. [notes de bas de page omises]


[16]            À l'instar de l'affaire Chiau, précitée, l'agent des visas en l'espèce s'est fondé sur des renseignements confidentiels qu'il avait obtenus et qu'il avait refusé de dévoiler au demandeur lors de l'entrevue. Je suis d'avis qu'il ressort clairement des commentaires du juge Dubé que l'agent Schultz n'était nullement tenu de communiquer au demandeur les renseignements confidentiels à l'appui de sa décision. Il est vrai que dans l'affaire Chiau, précitée, M. Chiau a été informé des noms des triades et de leurs membres avec lesquels on lui reprochait d'être associé; cependant, je ne peux accepter la prétention du demandeur qu'il en découle que les noms des organisations et des membres de celles-ci doivent être divulgués dans tous les cas. À mon avis, la communication ou non d'un renseignement est tributaire des faits de chaque affaire, des éléments de preuve dont dispose l'agent des visas et de la source du renseignement fourni à l'agent des visas. C'est le principe énoncé par le juge Dubé dans l'affaire Chiau, précitée, qui doit être suivi, savoir si l'intérêt de la sécurité nationale l'emporte sur les intérêts du demandeur.

[17]            En l'espèce, dans le contexte de la requête déposée par le défendeur en vertu du paragraphe 82.1(10) de la Loi, le juge Heneghan a déjà examiné à huis clos les renseignements confidentiels en question et a statué qu'ils ne devaient pas être dévoilés au demandeur. En conséquence, je suis d'avis que, comme la Cour a déjà déclaré que la communication des renseignements confidentiels porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité de personnes, il n'est pas loisible au demandeur d'invoquer devant notre Cour que l'agent Schultz devait révéler l'identité de la personne qui avait déposé les allégations et ce en quoi consistaient les associations alléguées, afin que le demandeur sache ce qui lui était reproché.


[18]            Quant au fait que la lettre par laquelle on a convoqué le demandeur en entrevue avec l'agent Schultz ne renvoyait pas aux allégations relatives au sous-alinéa 19(2)a.1)(ii), le défendeur plaide que l'esprit de la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans Muliadi c. Canada (M.E.I.), [1986] 2 C.F. 205 (C.A.), a été respecté, étant donné que le demandeur était bel et bien conscient de l' « impression initiale » de l'agent des visas et qu'il a amplement eu l'occasion de tenter de « modifier » le point de vue de l'agent, et ce, par l'entremise d'observations et d'une entrevue détaillée d'environ trois heures. Dans l'arrêt Muliadi, précité, la Cour d'appel fédérale s'est penchée sur les questions relatives à l'équité procédurale et à la possibilité de répondre. Le juge Stone, J.C.A., s'est exprimé en ces termes au nom de la Cour, au paragraphe 16 :

[...] Parce que le sort de sa demande en dépendait, j'estime que, dans les circonstances et même [si le demandeur] n'avait pas droit à une audition pleine et entière, on aurait dû lui donner la possibilité de réfuter l'appréciation négative des autorités provinciales avant que l'agent des visas n'y donne suite. Le devoir d'agir équitablement s'étend à un cas comme celui-ci. En cela, je souscris aux vues qu'a exprimées lord Parker, juge en chef, dans l'arrêt In re H.K. (An Infant), [1967] 2 Q.B. 617, à la page 630:

[TRADUCTION] Le présent cas est à mon sens très différent, et je doute que l'on puisse dire que les autorités de l'immigration remplissent des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires au sens où ces termes sont généralement entendus. Par ailleurs, même si un agent d'immigration n'agit pas à titre judiciaire ou quasi judiciaire, je pense que de toute façon il doit donner à l'immigrant la possibilité de le convaincre qu'il satisfait aux exigences du paragraphe, et qu'il doit, à cette fin, communiquer à l'immigrant son impression initiale afin que celui-ci puisse la modifier. À mon sens, il ne s'agit pas de savoir si l'on agit ou si l'on est requis d'agir de façon judiciaire, mais de l'obligation d'agir de manière équitable. [...]


[19]            Il n'est nullement contesté que l'agent des visas doit communiquer au demandeur son impression initiale afin que celui-ci puisse la modifier. Je suis incapable, toutefois, de citer des décisions étayant le point de vue selon lequel l'avis relatif à cette « impression initiale » de l'agent des visas doit être communiqué au demandeur par écrit avant l'entrevue. À mon sens, on ne peut étirer l'interprétation relative à l'obligation d'équité procédurale au point d'exiger la communication particulière d'un avis écrit de l'impression de l'agent des visas, et plus particulièrement d'un avis qui fait précisément état de l'article de la Loi qui est soumis à l'examen de l'agent des visas.


[20]            En l'espèce, si l'on se fie aux éléments de preuve versés au dossier, le demandeur a été informé plus d'une fois, au cours d'une entrevue de trois heures, de l'impression qu'avait l'agent Schultz à l'égard des hôtels dont le demandeur était propriétaire et des activités qui y avaient cours. Le demandeur était par conséquent au fait de ce qui lui était reproché et a eu plusieurs occasions de modifier l'impression de l'agent Schultz et de faire disparaître les réserves de celui-ci à l'égard des hôtels. En outre, l'avis relatif à l'entrevue qu'on a fait parvenir au demandeur ne précisait pas que l'entrevue se limiterait à l'alinéa 19(1)c.2), et indiquait également que [TRADUCTION] « l'entrevue vise à déterminer si vous avez maintenu des liens avec des triades ou d'autres organisations criminelles et à examiner toute autre question relative à votre admissibilité au Canada » (non souligné dans l'original). En ce qui a trait à la possibilité que l'agent Schultz fasse une visite des hôtels du demandeur, je partage le point de vue du défendeur qu'il incombe au demandeur de convaincre l'agent des visas de son admissibilité au Canada et que l'agent Schultz n'était pas tenu de se déplacer de son lieu de travail pour faire le tour des hôtels du demandeur. Le demandeur a eu, au cours de l'entrevue, l'occasion de tenter de modifier oralement l'impression de l'agent des visas; à mon sens, l'agent Schultz n'était pas tenu de faire la visite des hôtels afin de se conformer à l'obligation d'équité procédurale.

[21]            En conséquence, vu que le demandeur a été avisé avant l'entrevue que d'autres questions pouvaient être abordées, vu que l'agent des visas a clairement indiqué au demandeur lors de l'entrevue qu'il avait des réserves au sujet de ses hôtels, et vu que le demandeur a amplement eu la possibilité de tenter de modifier l'impression qu'avait l'agent des visas au cours de l'entrevue, je suis d'avis que l'agent des visas n'a pas manqué à son obligation d'équité procédurale. Quant à la prétention du demandeur que l'évaluation de l'agent Schultz portant que le demandeur n'était pas crédible lors de l'entrevue est entièrement dénuée de fondement, notre Cour a statué à plusieurs reprises qu'il est loisible à un agent des visas d'apprécier la crédibilité d'un demandeur au cours de l'entrevue. À mon avis, sur la foi du dossier dont il disposait, il était permis à l'agent Schultz d'apprécier, comme il l'a fait, la crédibilité ou le caractère évasif du demandeur. Dans les circonstances, je ne suis pas convaincu qu'il existe un motif justifiant l'intervention de la Cour à l'égard de la conclusion tirée par l'agent des visas quant à la crédibilité.


B. Motifs raisonnables :

[22]            Le demandeur fait valoir que l'agent Schultz a omis de se conformer à la norme de preuve mise en cause par l'expression « motifs raisonnables de croire » aux termes de l'alinéa 19(1)c.2) et du sous-alinéa 19(2)a.1)(ii) de la Loi. Le demandeur soutient que la conclusion tirée par l'agent Schultz, portant que le demandeur s'adonne à des activités criminelles ou qu'il entretient des liens avec des organisations criminelles, se fonde sur de vagues soupçons. Le demandeur plaide en outre que, vu que l'enquête menée sur ses activités par les autorités de Hong Kong n'a pas donné lieu à une déclaration de culpabilité ni même à des mises en accusation, et vu qu'il n'a aucun casier judiciaire, il n'existe aucun motif raisonnable de croire que le demandeur est inadmissible en application de l'alinéa 19(1)c.2) et du sous-alinéa 19(2)a.1)(ii) de la Loi.


[23]            Le demandeur soutient également que, même si l'agent Schultz avait des motifs raisonnables de croire que les hôtels dont le demandeur est propriétaire servaient à des fins de prostitution, l'agent Schultz n'était pas raisonnablement convaincu quant à savoir si le demandeur était « tenancier » , par opposition à « propriétaire » , au sens du paragraphe 197(1) du Code criminel. Le demandeur fait valoir que, sur la foi du dossier dont il disposait, l'agent Schultz n'avait aucun motif raisonnable de croire que le demandeur était le « tenancier » d'une maison de débauche. Selon le demandeur, les éléments de preuve donnent simplement à penser qu'il était « propriétaire » , auquel cas la conclusion de l'agent n'est pas suffisante pour déclarer le demandeur inadmissible en application du sous-alinéa 19(2)a.1)(ii) de la Loi, car l'infraction relative au fait d'être propriétaire est punissable par voie de procédure sommaire en vertu du paragraphe 210(2) du Code criminel. Enfin, le demandeur affirme que l'agent Schultz a commis une erreur dans l'interprétation qu'il a donnée au terme « tenancier » , commettant par le fait même une erreur de droit.

[24]            Dans l'affaire Chan, précitée, la demanderesse avait été présumée inadmissible au Canada aux termes de l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi. Parmi les arguments qu'elle a invoqués, elle a fait valoir que l'agent des visas n'avait pas des « motifs raisonnables » de croire qu'elle appartenait à une triade. En réponse à son argument, le juge Cullen a déclaré à la page 273 :

Bien que la preuve à laquelle la requérante m'a renvoyé tende à appuyer ses prétentions, l'agent des visas n'a pas à être convaincu [Traduction] « au-delà de tout doute raisonnable » que la requérante est membre d'une triade. Il doit être démontré qu'il avait des motifs raisonnables de croire que la requérante est ou a été membre d'une organisation dont il a des motifs raisonnables de croire qu'elle se livre à des activités criminelles. Cela ne signifie pas qu'il doit y avoir des preuves que l'organisation est criminelle ni que la requérante est ou a été réellement membre d'une telle organisation; il suffit qu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'elle est ou a été membre d'une organisation de ce genre. À mon avis le critère applicable est celui qui est exposé à l'arrêt Le procureur général du Canada c. Jolly, [1975] C.F. 216 (C.A.), dans lequel la Cour d'appel fédérale, en se demandant si un visiteur potentiel était membre d'une organisation subversive, a déclaré ce qui suit aux pages 225 et 226:

Toutefois, lorsque la preuve a pour but d'établir s'il y a raisonnablement lieu de croire que le fait existe et non d'établir l'existence du fait lui-même, il me semble qu'exiger la preuve du fait lui-même et en arriver à déterminer s'il a été établi, revient à demander la preuve d'un fait différent de celui qu'il faut établir. Il me semble aussi que l'emploi dans la loi de l'expression « il y a raisonnablement lieu de croire » implique que le fait lui-même n'a pas besoin d'être établi et que la preuve qui ne parvient pas à établir le caractère subversif de l'organisation sera suffisante si elle démontre qu'il y a raisonnablement lieu de croire que cette organisation préconise le renversement par la force, etc.


[25]            Dans l'affaire Chiau, précitée, le juge Dubé a mentionné ce qui suit relativement aux motifs raisonnables, au paragraphe 27 :

La norme de la preuve par croyance fondée sur des « motifs raisonnables » exige davantage que de vagues soupçons, mais est moins rigoureuse que celle de la prépondérance des probabilités en matière civile. Et bien entendu, elle est bien inférieure à celle de la preuve « hors de tout doute raisonnable » requise en matière criminelle. Il s'agit de la croyance légitime à une possibilité sérieuse en raison de preuves dignes de foi. [note de bas de page omise]

[26]            Quant au degré de déférence qui doit être accordé aux agents des visas dans des cas comme celui en l'espèce, le juge Dubé a ajouté au paragraphe 31 :

La Cour suprême du Canada a jugé qu'à l'égard du tribunal administratif spécialisé qui exerce ses fonctions juridictionnelles, les cours de justice doivent faire preuve d'une « grande retenue » . Il ressort de la preuve déposée que l'agent des visas Delisle a une grande expérience et des connaissances spécialisées pour ce qui est des activités des triades à Hong Kong et ailleurs. Il a parfaitement compétence pour dire en quoi consiste l'appartenance à une triade, en particulier à la triade Sun Yee On. On voit bien qu'il a bien conscience de son rôle dans la protection de la sécurité du Canada et de l'obligation primordiale qui lui incombe de veiller à ce que des membres d'organisations criminelles n'y soient pas admis. Il s'ensuit que la Cour doit faire preuve d'une grande retenue vis-à-vis de son interprétation de « motifs raisonnables » et de « membre » . En l'espèce, il avait parfaitement compétence pour interpréter l'alinéa 19(1)c.2) comme il l'a fait, à la lumière de sa grande expérience dans ce domaine hautement spécialisé. Il n'appartient pas à la Cour, qui siège à des milliers de milles de Hong Kong, de décider ce qui constitue l'appartenance à une triade de Hong Kong. [note de bas de page omise]


[27]            Compte tenu des éléments de preuve dont il disposait, l'agent Schultz avait à mon avis des motifs raisonnables pour étayer sa décision. Il n'appartient pas à la Cour de décider si le demandeur est membre d'une triade ou non; il s'agit, pour la Cour, de déterminer s'il y avait des motifs raisonnables pour l'agent des visas de croire que le demandeur devrait se voir refuser l'entrée au pays, en application de l'alinéa 19(1)c.2) et du sous-alinéa 19(2)a.1)(ii). Je suis convaincu que l'ensemble du dossier, y compris les affidavits confidentiels, étaye les conclusions tirées par l'agent Schultz. Il convient de garder à l'esprit que l'agent Schultz possède une expérience et des connaissances considérables relativement aux activités auxquelles se livrent les triades à Hong Kong.

[28]            Quant à l'argument avancé par le demandeur touchant à l'interprétation du terme « tenancier » d'une maison de débauche, je partage le point de vue du défendeur que cet argument est sans fondement puisque l'agent des visas est seulement tenu d'avoir des « motifs raisonnables de croire » , plutôt que de disposer d'éléments de preuve « hors de tout doute raisonnable » . Les dispositions pertinentes du Code criminel sont les suivantes :



197. (1) Definitions -- In this Part

"keeper" includes a person who

(a) is an owner or occupier of a place,

(b) assists or acts on behalf of an owner or occupier of a place,

(c) appears to be, or to assist or act on behalf of an owner or occupier of a place,

(d) has the care or management of a place, or

(e) uses a place permanently or temporarily, with or without the consent of the owner or occupier.

210. (1) use -- Every one who keeps a common bawdy-house is guilty of an indictable offence and liable to imprisonment for a term not exceeding two years.

(2) Every one who

(a) is an inmate of a common bawdy-house,

(b) is found, without lawful excuse, in a common bawdy-house, or

(c) as owner, landlord, lessor, tenant, occupier, agent or otherwise having charge or control of any place, knowingly permits the place or any part thereof to be used for the purposes of a common bawdy-house,

is guilty of an offence punishable on summary conviction.

197. (1)    Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente partie.

« tenancier » S'entend notamment d'une personne qui, selon le cas :

a) est un propriétaire ou occupant d'un local;

b) aide un propriétaire ou occupant d'un local ou agit pour son compte;

c) paraît être propriétaire ou occupant d'un local ou paraît lui aider ou agir pour son compte;

d) a le soin ou l'administration d'un local;

e) emploie un local, de façon permanente ou temporaire, avec ou sans le consentement du propriétaire ou de l'occupant.

210. (1) Est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de deux ans quiconque tient une maison de débauche.

(2) Est coupable d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire quiconque, selon le cas :

a) habite une maison de débauche;

b) est trouvé, sans excuse légitime, dans une maison de débauche;

c) en qualité de propriétaire, locateur, occupant, locataire, agent ou ayant autrement la charge ou le contrôle d'un local, permet sciemment que ce local ou une partie du local soit loué ou employé aux fins de maison de débauche.


[29]            Il n'appartient pas à l'agent des visas de mener une enquête de nature criminelle sur les activités du demandeur. Comme il a été conclu dans l'affaire Chiau, précitée, la preuve nécessaire pour établir des « motifs raisonnables » est moindre que celle qu'on exige pour satisfaire au critère de la balance des probabilités en matière civile. Même s'il est possible que le demandeur soit déclaré coupable, au terme d'un procès au criminel, de l'infraction moins grave d'être le propriétaire d'une maison de débauche, plutôt que de l'infraction d'être le tenancier d'une maison de débauche, je suis convaincu qu'il existe en l'espèce des motifs raisonnables pour l'agent Schultz de croire que le demandeur a commis un geste qui constitue une infraction visée au sous-alinéa 19(2)a.1)(ii) de la Loi.

CONCLUSION

[30]            Comme le demandeur ne m'a pas convaincu que l'agent des visas a commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.


[31]            Le demandeur a demandé que soient certifiées les questions suivantes :

1.         Quelle est l'interprétation contextuelle correcte de l'expression « motifs raisonnables » figurant à l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi sur l'immigration?

2.         Quelle est la norme de preuve requise pour établir qu'une personne est « membre » dans le contexte de l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi sur l'immigration?

3.         Le demandeur a-t-il droit, sur le plan de l'équité procédurale, à un résumé des renseignements dont la Cour a jugé, par application du paragraphe 82.1(10) de la Loi, qu'ils ne doivent pas lui être communiqués s'il n'est pas informé de la source de ces renseignements?

4.         L'avocat représentant le demandeur a-t-il droit, sur le plan de l'équité procédurale, à un résumé des renseignements dont la Cour a jugé, par application du paragraphe 82.1(10) de la Loi, qu'ils ne doivent pas être communiqués à ce dernier, si cet avocat n'est pas informé de la source de ces renseignements et qu'il ait pris l'engagement de ne pas les révéler au demandeur?


[32]            Ces questions sont pratiquement identiques à celles qu'a certifiées le juge Dubé dans l'affaire Chiau, précitée. Le 12 décembre 2000, la Cour d'appel fédérale a rendu sa décision dans le dossier Chiau (A-75-98) et a répondu de la façon suivante aux questions certifiées :

1.         L'intéressé a-t-il droit, sur le plan de l'équité procédurale, à un résumé des renseignements dont la Cour a jugé, par application du paragraphe 82.1(10) de la Loi, qu'ils ne doivent pas lui être communiqués, s'il n'est pas informé de la source de ces renseignements? Réponse : non.

2.         L'avocat représentant l'intéressé a-t-il droit, sur le plan de l'équité procédurale, à un résumé des renseignements dont la Cour a jugé, par application du paragraphe 82.1(10) de la Loi, qu'ils ne doivent pas être communiqués à ce dernier, si cet avocat n'est pas informé de la source de ces renseignements et qu'il ait pris l'engagement de ne pas les révéler à son client? Réponse : non.

3.         Quelle est l'interprétation contextuelle correcte des expressions « motifs raisonnables » et « membre » figurant à l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi? Réponse : Compte tenu des faits, il n'est pas nécessaire de répondre à cette question; cependant, à la lumière de l'ensemble du dossier, y compris des documents confidentiels, le juge n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle judiciaire à l'égard de ces questions.


[33]            Compte tenu des réponses qu'a données la Cour d'appel fédérale, les questions soumises par le demandeur aux fins de la certification ne seront pas certifiées.

                                                                                        Marc Nadon

                                                                                                   JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 15 décembre 2000.

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.


Date : 20001215

Dossier : IMM-3804-99

OTTAWA (ONTARIO), LE 15 DÉCEMBRE 2000

EN PRÉSENCE DE :             MONSIEUR LE JUGE NADON

ENTRE :

                                   KWONG KWOK KIN

                                                                                          demandeur

                                                  - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                           défendeur

                                        ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                                        Marc Nadon

                                                                                                   JUGE

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                                 IMM-3804-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :    KWONG KWOK KIN c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                     TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE :                   LE 13 SEPTEMBRE 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE EXPOSÉS PAR LE JUGE NADON

EN DATE DU :                                     15 DÉCEMBRE 2000

ONT COMPARU :

Mendel Green                                                               POUR LE DEMANDEUR

Cheryl Mitchell                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Green & Spiegel                                                            POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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