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Date : 20030425

Dossier : IMM-1403-02

Référence neutre : 2003 CFPI 516

Ottawa (Ontario), le 25 avril 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL

ENTRE :

                                                                            BIN MA

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision d'une agente des visas (l'agente) en poste à Hong Kong. Le demandeur a présenté le 8 octobre 1999 une demande de résidence permanente (catégorie des indépendants). L'agente a fait passer une entrevue au demandeur à Hong Kong le 26 février 2002, et ce dernier a été informé par une lettre datée du 27 février 2002 que sa demande avait été rejetée.


CONTEXTE

[2]                 Le demandeur a présenté sa demande à titre de programmeur. L'agente déclare avoir été satisfaite des compétences en programmation informatique du demandeur, et elle lui a accordé le maximum de points d'appréciation. L'agente a ensuite évalué les aptitudes en anglais du demandeur pendant l'entrevue en lui faisant passer des tests linguistiques. Elle a conclu que le demandeur pouvait lire et écrire l'anglais « avec difficulté » et elle lui a accordé 2 points pour ses aptitudes dans cette langue.

[3]                 Dans son affidavit, l'agente déclare qu'elle a accordé 4 points au demandeur pour ses « qualités personnelles » . Elle a tenu compte

[traduction]

[...] du fait que M. Ma n'a pas démontré avoir consenti des efforts pour améliorer ses aptitudes en anglais depuis qu'il a présenté sa demande de résidence permanente, du fait que M. Ma n'a jamais étudié, voyagé ou travaillé hors de la RPC et du fait que, bien que M. Ma m'ait remis des documents téléchargés d'Internet sur les perspectives d'emploi au Canada, il ne m'a pas convaincue qu'il en comprenait la teneur. [paragraphe 10]

[4]                 L'agente a ajouté ce qui suit dans son affidavit :

[traduction]

J'ai informé M. Ma de mon évaluation pendant l'entrevue, je lui ai expliqué mes sujets d'inquiétude et je lui ai donné l'occasion de formuler d'autres observations. M. Ma s'est alors excusé de ses mauvaises manières au début de l'entrevue [comme il était nerveux]. Je l'ai informé que cela n'avait aucune incidence sur ma décision de rejeter sa demande. Il a alors demandé que ses aptitudes en anglais soient de nouveau évaluées, ce que j'ai refusé comme j'étais d'avis qu'il avait eu amplement l'occasion de démontrer celles-ci.

[5]                 Les notes du STIDI de l'agente font état de ce qui suit :


[traduction]

L'IE n'a jamais étudié, voyagé ou travaillé hors de la RPC, ce qui pourrait lui rendre plus difficile de s'adapter au Canada. Quatre points pour les qualités personnelles. A échoué à la sélection. Je lui ai expliqué les sujets d'inquiétude et lui ai fourni l'occasion d'y réagir. Il s'est excusé de ses mauvaises manières au début de l'entrevue [...]             [Non souligné dans l'original.]

[6]                 Le demandeur déclare quant à lui que l'agente l'a informé, à la fin de l'entrevue, que sa demande serait rejetée parce qu'il n'avait obtenu que 2 points d'appréciation pour ses aptitudes en anglais. Le demandeur affirme que l'agente ne lui a pas déclaré avoir des inquiétudes au sujet de « [traduction] son adaptabilité, sa motivation, son esprit d'initiative ou sa débrouillardise » et qu'elle ne lui a pas dit qu'il avait eu une faible note pour ses « qualités personnelles » .

QUESTION EN LITIGE

[7]                 L'agente a-t-elle commis une erreur en n'observant pas un principe d'équité procédurale, du fait qu'elle n'a pas informé le demandeur d'inquiétudes spécifiques quant à sa motivation, son esprit d'initiative et sa débrouillardise soulevés pendant son évaluation de ses qualités personnelles, et qu'il n'a pu ainsi y réagir de manière valable?

ANALYSE


[8]                 D'un côté, le demandeur soutient que l'agente avait l'obligation de l'informer de tout sujet d'inquiétude qu'elle pouvait avoir, de manière à ce qu'il puisse y réagir de manière valable (He c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 168 F.T.R. 287, Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. n ° 347).

[9]                 D'un autre côté, le défendeur déclare que l'agente n'a pas l'obligation d'informer le demandeur de ses conclusions provisoires au sujet de ses qualités personnelles, à moins que les éléments de preuve pris en compte ne soient extrinsèques ou inconnus du demandeur (Bara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. n ° 992; Jurawan v. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. n ° 31; Javed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration ), [2003] A.C.F. n ° 95).

[10]            Le défendeur soutient qu'en tout état de cause, l'agente a bel et bien avisé le demandeur de ses sujets d'inquiétude et lui a donné l'occasion d'y réagir, ce qui ressort manifestement de l'examen de son affidavit et des notes du Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (STIDI).

[11]            Dans He, précitée, invoquée par le demandeur, l'agente avait tiré comme inférence interdite que la demanderesse n'était pas souple ni ne s'adaptait facilement, du fait que ses antécédents professionnels se résumaient en un seul emploi. Cette inférence particulière avait fait l'objet de commentaires défavorables dans des décisions antérieures et on avait conclu dans He que c'était là une erreur susceptible de révision.

[12]            Dans Bara, précitée, invoquée par le défendeur, la Cour a statué qu'un agent des visas n'est pas tenu de porter à la connaissance du demandeur les conclusions provisoires qu'il peut tirer à partir de la preuve dont il est saisi; si toutefois l'agent se fonde sur des éléments de preuve extrinsèques non soumis par le demandeur, il doit donner à ce dernier la possibilité de répondre à la preuve.

[13]            En l'espèce, l'agente déclare s'être fondée pour évaluer les qualités personnelles du demandeur sur le fait qu'il n'avait pas démontré avoir consenti des efforts pour améliorer ses aptitudes en anglais depuis qu'il avait présenté sa demande deux années auparavant, qu'il n'avait jamais étudié, voyagé ou travaillé hors de Chine et qu'il ne semblait pas bien comprendre certains documents tirés d'Internet portant sur les perspectives d'emploi qu'il avait présentés à l'entrevue.

[14]            Je conclus que l'agente a fondé son jugement sur l'entrevue et sur les documents soumis par le demandeur, plutôt que sur des éléments de preuve extrinsèques comme tel était le cas dans He. Je conclus, par conséquent, que Bara et les décisions connexes sont applicables en l'espèce. J'en viens donc à la conclusion que l'agente n'avait pas l'obligation de faire part au demandeur de ses conclusions et de lui fournir l'occasion de réagir à son évaluation de ses qualités personnelles.


[15]            Je conviens avec le défendeur, en outre, que les notes du STIDI de l'agente et son affidavit laissent croire que celle-ci a expliqué ses sujets d'inquiétude au demandeur et lui a fourni l'occasion d'y réagir. L'emploi de l'expression « [traduction] sujets d'inquiétude » au pluriel dans les notes du STIDI révèle que l'agente ne se souciait pas que de la faible note obtenue par le demandeur pour ses aptitudes en anglais, et donne à penser que la faible note obtenue pour les qualités personnelles a également été prise en compte.

[16]            Pour finir, le fardeau de preuve incombait après tout au demandeur, en vertu du paragraphe 8(1) de la Loi sur l'immigration L.R.C. (1985), ch. I-2, et, selon l'agente, le demandeur ne s'est pas acquitté de ce fardeau.

[17]            Les avocats des parties n'ont proposé la certification d'aucune question.

[18]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question n'est certifiée.

                « Simon Noël »                

           Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                              IMM-1403-02

INTITULÉ :                           Bin Ma c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

                                                         

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Vancouver

DATE DE L'AUDIENCE :                              Le 15 avril 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL

DATE DES MOTIFS :                                   Le 25 avril 2003

COMPARUTIONS :

M. Dennis Tanack                                                POUR LE DEMANDEUR

(Avocat)

Mme Sandra E. Weafer                                                     POUR LE DÉFENDEUR

(Ministère de la Justice - Vancouver)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Dennis Tanack                                                POUR LE DEMANDEUR

(Vancouver)

M. Morris Rosenberg                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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