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Date : 20000307


Dossier : IMM-5018-98



ENTRE :


     JOSEPH CORCILIUS D'SILVA

     demandeur

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION

     défendeur




     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE SIMPSON

Introduction


[1]          Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire présentée par Joseph Corcilius D'Silva (le demandeur) à l"encontre d"une décision par laquelle un agent des visas (l"agent) a rejeté, le 13 août 1998, la demande de résidence permanente au Canada du demandeur. Le demandeur a été évalué comme mécanicien de moteur marin et gréeur. Le demandeur reconnaît que ces évaluations ont été effectuées à la fois au regard de la Classification canadienne descriptive des professions (CCDP) et de la profession équivalente décrite dans la Classification nationale des professions (CNP).

La requête préliminaire


[2]          L"avocate du demandeur a présenté une requête oralement au début de l"audition en vue d"obtenir la radiation de l"affidavit signé par Yagya Datt Malhotra le 7 janvier 2000. L"avocate a fait valoir que l"affidavit comptait plus de 20 pages et qu"il a été signifié par télécopieur sans consentement préalable, contrairement à la règle 143 des Règles de la Cour fédérale .



[3]          L"avocate du défendeur n"avait pas reçu de préavis de la requête et n"avait notamment reçu aucune indication avant l"audition selon laquelle l"avocate du demandeur ferait valoir qu"elle n"avait pas consenti à la signification de l"affidavit par télécopieur.



[4]          J"ai rejeté la requête oralement pour deux motifs. J"ai conclu, premièrement, que le défendeur n"avait pas reçu de préavis de la requête et, deuxièmement, qu"aucun élément de preuve n"avait été déposé pour démontrer que l"avocate du demandeur n"avait effectivement pas consenti à la signification par télécopieur.

L"instance


[5]          Le protonotaire adjoint Giles a autorisé l"avocate du demandeur à déposer un mémoire des faits modifié par une ordonnance en date du 30 décembre 1999. Ce mémoire n"a pas été déposé, mais il est clair qu"il aurait dû l"être, car les arguments énoncés dans le mémoire versé au dossier de la Cour ne ressemblent guère à ceux que l"avocate du demandeur propose d"invoquer.



[6]          L"avocate du défendeur, qui a pris connaissance des arguments proposés pour la première fois devant la Cour, m"a demandé de refuser de les entendre. J"ai rejeté sa demande. Néanmoins, j"ai dit que, si ces arguments devaient être invoqués, l"audition serait ajournée pour moins d"une semaine, un mémoire adéquat devrait être déposé et j"entendrais l"affaire à partir de Vancouver par voie de téléconférence. J"ai précisé que les deux avocates étaient responsables du retard considérable survenu jusqu"alors et que le demandeur avait le droit de faire trancher son appel rapidement. Heureusement, la tenue d"une téléconférence ne s"est pas avérée nécessaire. Après deux brèves suspensions, les avocates ont convenu de procéder en ne débattant que des trois questions énoncées ci-dessous.

Les questions en litige


[7]          1.      L"agent a-t-il commis une erreur en attribuant les points d"appréciation fondés sur l"âge du demandeur?
     2.      Si le demandeur a gain de cause sur la première question, a-t-il le droit de faire rehausser son évaluation d"un point sous la rubrique des " Qualités personnelles "?
     3.      L"agent a-t-il commis une erreur en évaluant l"épouse du demandeur comme sténographe plutôt que comme secrétaire?

Première question : L"âge


[8]          Le demandeur est né le 1er mars 1949. Le dossier révèle que, le 28 février 1996, lorsque le demandeur avait 46 ans, sa demande et les chèques s"y rattachant ont été livrés par messager au Consulat général du Canada à Détroit. Toutefois, les dossiers informatisés de l"intimé indiquent que la demande a été reçue le 27 mars 1996. Le demandeur avait alors atteint l"âge de 47 ans. Le 27 mars est la date que l"agent a utilisée pour calculer l"âge du demandeur et lui attribuer quatre points d"appréciation en conséquence. La question limitée qu"il faut trancher est celle de savoir quelle date doit être considérée à juste titre comme la date de réception du dossier aux fins de déterminer l"âge du demandeur. Si la date appropriée est le 28 février 1996, l"agent aurait dû attribuer six points d"appréciation au demandeur pour son âge.



[9]          Le défendeur s"appuie sur la Note de service sur les opérations IS 93-24 du 6 août 1993. Le passage pertinent de cette note dit ce qui suit :

À partir du 1er octobre [1993], le modèle de centre de traitement par zone (CTZ) ou par satellite fera l"objet d"un projet pilote à Détroit et à Buffalo. Détroit deviendra un bureau de sélection d"immigrants pour Buffalo, et , par conséquent, toute nouvelle demande d"immigration sera confiée à Détroit par Buffalo. Ainsi toutes les demandes relatives à des parrainages et à des offres d"emploi pour l"ancienne zone de responsabilité de Détroit devront être envoyées à Buffalo. Détroit continuera d"offrir tous les services pour les visiteurs.

J"interprète ce passage comme indiquant que le bureau de Détroit conservait sa capacité d"accepter les demandes d"immigrants, mais qu"il n"avait plus compétence pour les traiter. Le traitement relevait du bureau de Buffalo.



[10]          Rien dans la Note de service sur les opérations IS 93-24 n"indique que les demandes ne seront pas considérées comme reçues avant de parvenir à Buffalo. De plus, aucun document déposé par le défendeur ne démontre que les demandeurs éventuels ou leurs conseillers ont été avertis du fait que, bien que leurs demandes puissent être livrées à Détroit, elles ne seraient pas considérées comme reçues avant de parvenir à Buffalo pour être traitées.



[11]          À mon avis, à la connaissance du demandeur, le défendeur avait sa demande et les droits exigibles en sa possession dès le 28 février 1996. Dans l"affaire Choi c. Canada (Ministre de l"Emploi et de l"Immigration), [1992] 1 C.F. 763, à la page 767, le juge MacGuigan a fait remarquer que l"utilisation de toute date autre que celle à laquelle la demande est livrée serait purement arbitraire et soumise aux caprices du processus administratif du défendeur. En l"espèce, la demande serait assujettie à toutes les procédures administratives accomplies pendant les quatre semaines qu"il a fallu pour que Détroit transmette la demande du demandeur à Buffalo.



[12]          Dans l"affaire Mou c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) (1997), 125 F.T.R. 203, le juge Lutfy (maintenant juge en chef adjoint) a fait remarquer, au paragraphe 16, qu"en juin 1996, Citoyenneté et Immigration a publié le Manuel de l"immigration - Traitement des demandes à l"étranger. Le paragraphe 3.4.1 du chapitre OP1 prévoit, sous la rubrique " Règles générales sur le traitement " :

La date limite correspond au jour où le Ministère a en sa possession une demande de résidence permanente au Canada (IMM 0008) ou, s"il y a lieu, un engagement (IMM 1344A) , ainsi que la totalité des droits exigibles (droit de recouvrement des frais de services).

J"ai conclu que, dans la mesure où le défendeur acceptait les demandes à Détroit et n"a pas avisé les demandeurs potentiels que d"autres dates d"acceptation seraient utilisées, le demandeur avait le droit de s"appuyer sur le 28 février 1996 comme date limite ou date d"acceptation de sa demande. Par conséquent, il avait 46 ans lorsque sa demande a été livrée/acceptée et il aurait dû se voir attribuer deux points de plus que ne lui en a attribués l"agent relativement à son âge.

Deuxième question : Qualités personnelles


[13]          Le demandeur soutient que, si comme je l"ai conclu, il a droit à deux points de plus relativement à son âge, il a droit automatiquement à un point de plus pour ses qualités personnelles. L"agent a attribué six points au demandeur pour ses qualités personnelles. Les deux parties conviennent que cette évaluation se situait dans les limites normales. Toutefois, si le demandeur avait reçu sept points, sa demande de résidence permanente aurait été accueillie.



[14]          Bien que j"éprouve de la sympathie pour un demandeur dont la demande échoue par un point, je n"ai aucun motif de tenir pour acquis que, s"il s"était rendu compte que le demandeur avait le droit d"être traité comme plus jeune d"un an, l"agent aurait modifié son appréciation des qualités personnelles du demandeur. La motivation, la faculté d"adaptation, l"ingéniosité et l"esprit d"initiative du demandeur font partie des critères qui sont évalués au titre des qualités personnelles. Je ne vois pas sur quel fondement je pourrais m"appuyer pour tenir pour acquis que l"appréciation de ces facteurs serait nécessairement différente, que ce soit parce que le demandeur a 46 ans plutôt que 47 ou parce qu"il ne lui manque qu"un point pour que sa demande soit acceptée.

Troisième question : Mme Joyce D'Silva


[15]          L"agent a aussi évalué Mme D'Silva parce que la lettre de demande du demandeur en date du 15 février 1996 le lui demandait. Le défendeur a soutenu que la décision de l"agent concernant Mme D'Silva n"était pas susceptible de contrôle parce qu"il n"était pas tenu d"évaluer sa demande. Je partage son avis que l"agent n"avait pas l"obligation d"évaluer qui que ce soit d"autre que le demandeur principal, par application du paragraphe 8(1) du Règlement sur l"immigration, 1978, DORS/78-172, modifié. Toutefois, l"avocate du défendeur a admis que l"agent avait compétence pour procéder à l"évaluation. Je crois donc qu"une fois l"évaluation entreprise, la décision de l"agent concernant Mme D'Silva est devenue susceptible de contrôle judiciaire.



[16]          Le demandeur allègue que son épouse aurait dû être évaluée comme une " secrétaire " selon la CCDP et la CNP. La lettre de référence de Mme D'Silva et sa lettre d"embauche démontrent que, de 1990 à 1995, elle a travaillé pour une entreprise de matériel hospitalier en qualité de " secrétaire de bureau ". Cependant, le dossier ne révèle pas clairement quel était son titre chez Lamina Suspension Products, où elle a travaillé du mois d"avril 1995, jusqu"à tout le moins la date de son entrevue en mai 1998. Sa lettre de référence en date du 20 mai 1998 la décrit comme une " secrétaire de bureau ", mais sa lettre d"embauche en date du 12 avril 1995 la décrit comme une " assistante de bureau ".



[17]          Malheureusement, aucun des documents écrits produits par Mme D'Silva ne traite de la nature de ses fonctions. Ces documents énoncent seulement ses titres. Il ressort clairement des notes informatisées de l"agent et de l"affidavit signé par Mme D'Silva le 16 octobre 1998 que l"agent a discuté des lettres de référence de Mme D'Silva et de ses fonctions au cours de son entrevue et qu"il n"était pas convaincu qu"elle exécutait réellement les fonctions d"une secrétaire. Je dis cela parce que, à l"entrevue, l"agent a demandé à Mme D'Silva de produire ses lettres d"embauche, qu"elles a produites par la suite.



[18]          C"est à Mme D'Silva qu"incombait le fardeau de convaincre l"agent qu"elle détenait le titre de " secrétaire " et qu"elle exécutait les fonctions d"une secrétaire. Elle ne s"est pas acquittée de ce fardeau et je ne décèle aucune erreur dans la conclusion de l"agent que, malgré ses titres, elle ne faisait pas le travail d"une secrétaire. J"ai aussi la conviction que Mme D'Silva savait que cette question préoccupait l"agent puisqu"il lui a demandé ses lettres d"engagement.



[19]          Enfin, en l"absence de preuve indépendante soumise à l"agent concernant les fonctions effectivement exercées par Mme D'Silva, je ne suis pas disposée à conclure que l"agent a commis une erreur en l"évaluant comme une sténographe plutôt que comme une aide de bureau. De plus, il n"a pas été démontré que cette différence pouvait avoir de l"importance. Il n"y avait pas de demande dans la profession de sténographe et il n"a pas été prouvé qu"il y avait de la demande dans la profession d"aide de bureau.

Conclusion


[20]          Pour ces motifs, la demande sera rejetée.

                                 (signature) " Sandra J. Simpson "

                                         Juge

                                        

Vancouver, (C.-B.)

7 mars 2000

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et avocats inscrits au dossier


NUMÉRO DU GREFFE :              IMM-5018-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :          JOSEPH CORCILIUS D'SILVA

                         - et -

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

DATE DE L"AUDIENCE :              le 18 février 2000

LIEU DE L"AUDIENCE :              Toronto (Ontario)


MOTIFS DE L"ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MADAME LE JUGE SIMPSON J.

EN DATE DU :                  7 mars 2000


ONT COMPARU :                  M e Mary Lam

                                     pour le demandeur

                         M e Geraldine MacDonald

                                     pour le défendeur


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

                         Mary L.F. Lam

                         Avocate

                         808 - 255, chemin Duncan Mill

                         Don Mills (Ontario) M3B 3H9

                                     pour le demandeur

                         Morris Rosenberg

                         Sous-procureur général du Canada

                         Ottawa (Ontario)

                                     pour le défendeur

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