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     Date : 20000524

     Dossier : T-1453-89


Ottawa (Ontario), le 24 mai 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE


Entre

     LAN TECHNOLOGIES INC., TECHNOLOGY EQUITY CORP.,

     LEXICAL INC., TECHNOLOGY SOLUTIONS INC., et

     HIGH TECH SOLUTIONS INC.

     demanderesses

     - et -


     SA MAJESTÉ LA REINE et

     LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

     défendeurs



     ORDONNANCE (MOTIFS ET DISPOSITIF)


Le juge O'KEEFE


[1]      Il y a en l'espèce appel formé contre l'ordonnance en date du 3 mars 2000, par laquelle le protonotaire Roger Lafrenière a rejeté l'action des demanderesses.

[2]      Dans cette action intentée par déclaration en date du 13 juillet 1989, l'échange des plaidoiries avait pris fin le 26 mai 1995. Par la suite, les demanderesses n'avaient pris aucune mesure concrète pour poursuivre, et ce jusqu'au 8 octobre 1998, date à laquelle la Cour a ordonné l'examen de l'état de l'instance.

[3]      Dans leur réponse écrite à l'avis d'examen de l'état de l'instance, les demanderesses ont demandé que leur action ne soit pas rejetée, et ont offert de produire leurs affidavits au 31 mars 1999 au plus tard, et de procéder aux interrogatoires préalables en avril 1999. Elles se sont également engagées à se conformer à un échéancier pour la mise en état de la cause.

[4]      Par ordonnance en date du 25 mars 1999, le protonotaire adjoint Peter A. K. Giles a autorisé la poursuite de l'action à titre d'instance à gestion spéciale. Il a aussi ordonné que la communication des pièces soit terminée au 1er juin 1999 au plus tard, et que les requêtes concernant toutes questions relatives aux interrogatoires préalables soient introduites au 1er juillet 1999 au plus tard. Sur requête des demanderesses, ces délais ont été respectivement prorogés au 1er octobre 1999 et au 1er novembre 1999.

[5]      Le 15 septembre 1999, les avocats inscrits des demanderesses ont demandé par requête à cesser d'occuper à ce titre pour ces dernières, mais il appert que cette requête a été abandonnée.

[6]      Les demanderesses n'ont pris aucune autre mesure pour se conformer à l'échéancier ordonné par la Cour ou pour mettre l'affaire en état, jusqu'à ce que soit rendue l'ordonnance de se justifier en date du 4 février 2000, qu'elles contestent par l'appel en instance.

[7]      L'avis d'examen de l'état de l'instance en date du 4 février 2000 porte notamment :

     Par application de la règle 385(2) des Règles de la Cour fédérale (1998), la Cour ordonne aux demanderesses d'expliquer, par conclusions signifiées et déposées d'ici au vendredi 22 février 2000 au plus tard, pourquoi cette action ne doit pas être rejetée pour cause de retard, faute de quoi elle sera rejetée sans préavis.

[8]      Il y avait par ailleurs un appel interjeté d'une cotisation d'impôt établie contre Gavin Pitchford en sa qualité d'administrateur de Technology Equity Corp. (l'appel en matière d'impôt).

[9]      Les demanderesses prétendent qu'elles n'avaient pas respecté les délais prorogés parce qu'elles ne savaient plus où elles en étaient et parce que leur dirigeant, Gavin Pitchford, était aux prises avec des difficultés financières et une difficile rupture de son mariage, son ancienne épouse étant également son ancienne associée.

[10]      Il appert que des mesures ont été prises dans l'appel en matière d'impôt, mais non dans cette action.

[11]      Les demanderesses ont également suggéré que les pièces communiquées dans l'appel en matière d'impôt soient utilisées en l'espèce, mais cette proposition n'a pas eu l'accord de l'autre partie.

[12]      Elles concluent à l'annulation de l'ordonnance en date du 3 mars 2000 du protonotaire et à l'autorisation de poursuivre leur action.

[13]      Les points litigieux

     1.      Quelle est la norme de contrôle applicable aux ordonnances de protonotaire?
     2.      L'ordonnance du protonotaire Lafrenière était-elle manifestement erronée?

Les règles de droit applicables

[14]      Dans Canada c. Aqua-Gem, [1993] 2 C.F. 425 (C.A.F.), pages 462 et 463, le juge MacGuigan, J.C.A., a articulé en ces termes les règles suivies par la Cour pour juger le recours ou l'appel contre une décision discrétionnaire de protonotaire :

     Je souscris aussi en partie à l'avis du juge en chef au sujet de la norme de révision à appliquer par le juge des requêtes à l'égard des décisions discrétionnaires de protonotaire. Selon en particulier la conclusion tirée par lord Wright dans Evans v. Bartlam, [1937] A.C. 473 (H.L.) à la page 484, et par le juge Lacourcière, J.C.A., dans Stoicevski v. Casement (1983), 43 O.R. (2d) 436 (C. div.), le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :
         a) l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits,
         b) l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal.
     Si l'ordonnance discrétionnaire est manifestement erronée parce que le protonotaire a commis une erreur de droit (concept qui, à mon avis, embrasse aussi la décision discrétionnaire fondée sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits) ou si elle porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal, le juge saisi du recours doit exercer son propre pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début.

[15]      L'un des pouvoirs que la Cour peut exercer en cas d'examen de l'état de l'instance est prévu à la règle 382(2)a), comme suit :


382.(2) Powers of Court on status review " At a status review, the Court may

     (a) require a plaintiff, applicant or appellant to show cause why the proceeding should not be dismissed for delay and, if it is not satisfied that the proceeding should continue, dismiss the proceeding;

382.(2) Pouvoirs de la Cour " À l'examen de l'état de l'instance, la Cour peut :

     a) exiger que le demandeur ou l'appelant donne les raisons pour lesquelles l'instance ne doit pas être rejetée pour cause de retard et, si elle n'est pas convaincue que l'instance doit être poursuivie, rejeter celle-ci;

Analyse et décision

[16]      Le premier point litigieux

     Quelle est la norme de contrôle applicable aux décisions de protonotaire?

     La jurisprudence Aqua-Gem, op. cit., définit clairement la norme de contrôle applicable aux décisions discrétionnaires de protonotaire. Attendu qu'en l'espèce, le protonotaire a rejeté l'action, il s'est posé " une question ayant une influence déterminante sur l'issue du principal ". De surcroît, les demanderesses soutiennent que sa décision était manifestement erronée. Dans ces conditions, je dois exercer mon propre pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début.

[17]      Le second point litigieux

     L'ordonnance du protonotaire Lafrenière était-elle manifestement erronée?

     J'ai examiné l'ordonnance du protonotaire : il n'a pas pris en compte des faits antérieurs à l'entrée en vigueur des Règles de la Cour fédérale (1998), et il n'a pas fondé non plus sa décision sur la situation visée par un avis antérieur d'examen de l'état de l'instance. En fait, les sept premiers paragraphes de son ordonnance sont juste un historique de l'action. Le paragraphe 8 explique ce qui est à son avis l'esprit des Règles de la Cour fédérale (1998). Au paragraphe 9, il rappelle quand l'action a été intentée et le fait qu'elle a survécu à un processus d'examen de l'état de l'instance. Je n'y vois pas l'indication que pour parvenir à sa décision, il a pris en compte les retards visés par l'avis antérieur d'examen de l'état de l'instance. Bien au contraire, il relève le fait que l'étape de la communication des pièces et des interrogatoires préalables n'a même pas été entamée, et encore moins achevée (à la date du 1er octobre 1999) comme le prescrivait l'ordonnance de mai 1999 de la Cour qui prorogeait le délai accordé aux demanderesses pour mener à bien ce stade.

[18]      Au paragraphe 10 de son ordonnance, le protonotaire fait état du défaut de la part des demanderesses de donner une explication raisonnable de l'inobservation de l'échéancier qu'elles avaient demandé elles-mêmes à la Cour. Je conviens avec lui qu'aucune explication raisonnable n'a été donnée. Dans Fabricant c. Canada (11 février 1999), dossier no T-1783-94 (C.F. 1re inst.), le juge Lutfy a tiré la conclusion suivante en page 2 :

     Les directives en date du 7 février 1997 du juge Joyal donnaient au demandeur amplement le temps de compléter le dossier de la Cour. Ni l'état de santé actuel du demandeur ni son incapacité à retenir les services d'un avocat, par l'entremise de l'aide juridique ou autrement, ne constituent une explication satisfaisante du défaut de faire avancer la présente action depuis le dépôt de la défense"

Il a ainsi rejeté l'action pour cause de retard.

[19]      Le protonotaire fait aussi état, au paragraphe 10 de sa décision, de la suggestion des demanderesses d'utiliser en l'espèce les pièces communiquées dans le cadre de l'appel en matière d'appel. Cette suggestion s'est heurtée à l'objection des défendeurs. Il ne s'agit pas là d'une proposition qui contribue de quelque façon que ce soit à la mise en état de l'affaire, à moins que les défendeurs n'y consentent.

[20]      J'ai examiné l'ordonnance du protonotaire, en particulier les paragraphes 9, 10 et 11, et n'ai pu conclure qu'elle soit manifestement erronée en ce sens qu'il aurait commis une erreur de droit (ce qui s'entend également de la décision discrétionnaire fondée sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits).

[21]      En conclusion, j'aurais exercé mon pouvoir discrétionnaire de la même façon que le protonotaire.

[22]      L'appel est par conséquent rejeté.


     ORDONNANCE

[23]      La Cour rejette l'appel avec dépens.

     Signé : John A. O'Keefe

     ______________________________

     J.C.F.C.

Ottawa (Ontario),

le 24 mai 2000



Traduction certifiée conforme,





Martine Brunet


     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



DOSSIER No :              T-1453-89

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Lan Technologies Inc., Technology Equity Corp., Lexical Inc., Technology Solutions Inc. et High Tech Solutions Inc. c. Sa Majesté la Reine et le ministre du Revenu national

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto


DATE DE L'AUDIENCE :          10 avril 2000

ORDONNANCE (MOTIFS ET DISPOSITIF) PRONONCÉE PAR LE JUGE O'KEEFE


LE :                      24 mai 2000



ONT COMPARU :


M. Frank Walwyn                  pour les demanderesses

Mme Wendy Linden                  pour les défendeurs



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Weir and Foulds                  pour les demanderesses

Avocats

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                  pour les défendeurs

Sous-procureur général du Canada

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