Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20030930

Dossier : IMM-5513-02

Référence : 2003 CF 1130

Toronto (Ontario), le 30 septembre 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

                                            ARSHAD MOHAMMAD ARSHAD

                                                                                                                                        demandeur

                                                                            et

                                       LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                 Arshad Mohammad Arshad (le demandeur) est citoyen du Pakistan. Il est entré au Canada le 7 décembre 1999 et a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention du fait de ses opinions politiques. En particulier, il affirmait craindre d'être persécuté par les membres de la Ligue musulmane du Pakistan (la PML), par le Parti du peuple pakistanais (le PPP), par les autorités policières et par le militaire. Cette revendication a été rejetée par la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) le 7 novembre 2000.

[2]                 En réponse à un avis qu'il avait reçu le 24 juillet 2002, le demandeur a présenté une demande d'examen des risques avant renvoi (ERAR) le 22 août 2002. Un certain nombre de documents ont été soumis avec la demande et, dans la lettre d'envoi qui accompagnait cette demande, la personne qui agissait alors comme avocat du demandeur a déclaré [TRADUCTION] qu' « un plus grand nombre d'éléments de preuve ser[aient] soumis à une date ultérieure » . Une autre liasse de documents a été soumise avec une lettre d'envoi en date du 25 septembre 2002. Le bureau chargé de l'ERAR a reçu cette documentation le 10 octobre 2002, soit le jour même où l'agent chargé de l'ERAR a rendu sa décision.

[3]                 Dans sa décision du 10 octobre 2002, l'agent chargé de l'ERAR a conclu que le demandeur ne serait pas exposé au risque d'être soumis à la persécution ou à la torture, ou encore à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités s'il était renvoyé au Pakistan.

[4]                 Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision de l'agent chargé de l'ERAR.


Points litigieux

[5]                 La demande soulève les points litigieux ci-après énoncés :

1.          L'agent chargé de l'ERAR était-il tenu d'examiner la liasse de documents du 25 septembre compte tenu du fait que ces éléments de preuve ont été reçus plus d'un mois après la date limite et le jour même où l'agent a rendu sa décision?

2.          L'agent chargé de l'ERAR a-t-il commis une erreur en ne tenant pas compte d'éléments de preuve pertinents ou en accordant un poids inapproprié à la preuve, cette preuve étant celle qui était contenue dans la liasse de documents du 25 septembre?

Analyse

[6]                 Le demandeur soutient que l'agent chargé de l'ERAR était tenu d'examiner la documentation, y compris la liasse de documents du 25 septembre 2002, et que le fait qu'il n'a même pas mentionné cette documentation constitue une erreur de droit et une violation des principes de justice fondamentale et d'équité procédurale.


[7]                 Je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, l'agent chargé de l'ERAR n'a pas examiné la liasse de documents en date du 25 septembre 2002. Dans sa décision, l'agent chargé de l'ERAR reconnaît qu'aucun nouvel élément de preuve n'a été fourni. Toutefois, la documentation soumise le 25 septembre renfermait des documents qui pourraient être considérés comme de nouveaux éléments de preuve. En particulier, les extraits des deux rapports de police qui se trouvaient dans la liasse de documents du 25 septembre 2002 font état d'événements qui se sont produits après que la revendication du demandeur eut été rejetée, le 7 novembre 2000. Dans ces rapports, il est fait état de la destruction de la récolte de blé des parents du demandeur par le feu, et l'on soupçonnait que l'incendie était d'origine criminelle, le 10 mars 2002, ainsi que d'une agression dont le frère du demandeur et sa fille ont été victimes le 10 avril 2001. Par conséquent, si l'agent chargé de l'ERAR était tenu d'examiner ces renseignements, son omission de le faire constituait une erreur.

[8]                 Fait plus important, eu égard aux circonstances de la présente espèce, il s'agit de savoir si l'agent chargé de l'ERAR était tenu d'examiner cette documentation. Le 24 juillet 2002, le demandeur a reçu une lettre de Citoyenneté et Immigration Canada, l'informant que la demande qu'il avait présentée en vue d'être protégé en tant que membre de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada était automatiquement devenue une demande d'ERAR. Cette lettre invitait le demandeur à soumettre des observations écrites et de nouveaux éléments de preuve; elle était ainsi libellée :


[TRADUCTION] Vos observations écrites doivent être reçues à l'adresse indiquée ci-dessous dans les 30 jours qui suivent le présent avis.

[...]

Si aucune observation n'est reçue dans ce délai, une décision sera rendue à l'égard de votre demande.

[Non souligné dans l'original.]

[9]                 Une demande d'ERAR était jointe à cette lettre. La déclaration suivante figure dans la demande :

[TRADUCTION] IMPORTANT

Si vous voulez soumettre des observations additionnelles à l'appui de cette demande, vous disposez d'un délai de trente (30) jours à compter de la date à laquelle vous avez reçu l'avis d'examen des risques avant renvoi (ERAR). Veuillez noter qu'à l'expiration du délai de trente (30) jours, une décision pourra être rendue au sujet de votre demande, compte tenu de la documentation mise à la disposition du public et des éléments de preuve qui seront alors disponibles, s'ils ont été reçus.

[10]            L'avis d'examen des risques avant renvoi a été envoyé au demandeur le 24 juillet 2002. Ce formulaire a été signifié en personne au demandeur. Le délai de trente jours qui a commencé à courir le 24 juillet a expiré le 23 août. Par conséquent, les observations et la documentation devaient être reçues au plus tard le 23 août 2002, après quoi l'agent chargé de l'ERAR pouvait rendre une décision fondée sur les renseignements qui avaient déjà été versés au dossier.


[11]            La documentation ici en cause n'a été soumise que le 25 septembre 2002, soit bien au-delà du délai de trente jours. Selon la preuve, qui n'a pas été contredite, l'agent chargé de l'ERAR a reçu cette liasse de documents le 10 octobre 2002 seulement, soit le jour même où la décision a été rendue. Il ne s'agit pas d'un cas dans lequel l'agent chargé de l'ERAR était au courant de l'existence de documents que l'on avait tardé à soumettre et a décidé qu'à cause du retard, il n'en tiendrait pas compte. La preuve permet de conclure que l'agent chargé de l'ERAR n'était pas au courant de l'existence de la liasse de documents au moment où il a rendu sa décision.

[12]            Le demandeur a mentionné dans sa demande d'ERAR et dans la lettre d'envoi qui accompagnait cette demande que d'autres éléments de preuve seraient soumis, mais cela ne change rien à ma conclusion. Le demandeur était parfaitement au courant du délai de trente jours. Le formulaire de demande d'ERAR et l'avis indiquent clairement qu'une fois le délai expiré, une décision peut être rendue compte tenu des renseignements mis à la disposition de l'agent chargé de l'ERAR. Étant donné que les observations ont été présentées en retard et compte tenu du moment où la décision a été rendue en l'espèce, l'agent chargé de l'ERAR n'était pas obligé d'en tenir compte dans son examen des risques. De fait, décider le contraire obligerait l'agent chargé de l'ERAR à procéder à de longues recherches en vue de trouver les documents présentés tardivement chaque fois qu'il a entamé le processus décisionnel.


[13]            À coup sûr, l'agent chargé de l'ERAR possède le pouvoir discrétionnaire voulu pour tenir compte des documents qui sont déposés en retard. Si les renseignements étaient parvenus à l'agent chargé de l'ERAR dans un délai raisonnable avant que celui-ci ait examiné la demande, ou même s'il n'y avait eu que quelques jours de retard, on aurait pu avec raison s'attendre à ce qu'il tienne compte de ces documents. Toutefois, tels ne sont pas les faits. La procédure ici en cause est plutôt souple, mais il doit y avoir des limites raisonnables à ce à quoi on peut s'attendre eu égard aux circonstances de chaque affaire. Or, en l'espèce, l'agent chargé de l'ERAR pouvait avec raison exercer son pouvoir discrétionnaire pour aller de l'avant après avoir attendu pendant plus d'un mois la documentation promise. Il n'est donc pas nécessaire d'examiner la deuxième question et la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

Question à certifier

[14]            Ni l'une ni l'autre partie n'a soumis une question à certifier. Aucune question ne sera certifiée.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Il n'y a aucune question de portée générale à certifier.

« Judith A. Snider »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-5513-02

INTITULÉ :                                                        ARSHAD MOHAMMAD ARSHAD

                                                                                                                                         demandeur

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 30 SEPTEMBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                      LA JUGE SNIDER

DATE DES MOTIFS :                                     LE 30 SEPTEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

Chantal Desloges                                                  POUR LE DEMANDEUR

Negar Hashemi                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GREEN ET SPIEGEL                                        POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                       Date : 20030930

                                       Dossier : IMM-5513-02

ENTRE :

ARSHAD MOHAMMAD ARSHAD

                                                                demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                 défendeur

                                                                                  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                                  

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.