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Date : 20020528

Dossier : IMM-2352-01

Référence neutre : 2002 CFPI 607

Ottawa (Ontario), ce 28e jour de mai 2002

En présence de : L'HONORABLE JUGE MICHEL BEAUDRY

ENTRE :

                                       ALLA GOUSSEVA ET VLADISLAV GOUSSEV

                                                                                                                                                  Demandeurs

                                                                                   et

                                               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION DU CANADA

                                                                                   

                                                                                                                                                     Défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié [ci-après « le tribunal » ] rendue le 25 avril 2001, statuant que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la convention.

QUESTION EN LITIGE

[2]                 Est-ce que la décision contestée est manifestement déraisonnable?


LES FAITS

[3]                 La demanderesse âgée de 66 ans, et son fils de 39 ans, épileptique, sont tous deux citoyens de la Russie.

[4]                 La demanderesse allègue qu'en 1968, on lui a refusé de se rendre avec son fils en Tchécoslovaquie afin que ce dernier soit traité contre l'épilepsie.

[5]                 En 1991, la fille de la demanderesse émigre au Canada et reçoit sa mère et son frère à plusieurs reprises.

[6]                 En 1998, la demanderesse prend contact avec l'organisation Épilepsie Canada qui recueille des fonds pour la recherche contre l'épilepsie. À son retour en Russie, elle crée une organisation à but non lucratif afin de promouvoir les droits des enfants handicapés.

[7]                 Elle sollicite auprès de la mairie le droit d'obtenir des subventions et de mener des campagnes de financement mais ce droit lui est refusé.

[8]                 Le 14 juin 1999, le groupe organise une manifestation de protestation devant la mairie et cette manifestation est dispersée.

[9]                 Elle rend visite à son député mais n'obtient aucun résultat.

[10]            La demanderesse allègue que le lendemain de cette visite, quatre hommes pénètrent dans son domicile pour la brutaliser et frapper son fils. On lui demande à cette occasion de mettre fin à ses activités publiques.

[11]            Le 3 septembre 1999, selon la demanderesse, son ex-mari, animateur d'une émission d'actualité à la télévision a voulu organiser une rencontre avec le maire et procéder à un court reportage sur l'organisme en question mais malheureusement, cela ne s'est jamais produit.

[12]            Le lendemain, la demanderesse commence à recevoir des appels téléphoniques anonymes la menaçant. Le surlendemain, elle reçoit la visite de trois hommes habillés comme des professionnels de la médecine et viennent pour emmener son fils. Elle remet 100 dollars américains à l'un d'eux et on l'avertit que la prochaine fois, ça ne pourrait pas fonctionner ainsi. La demanderesse soutient donc qu'à ce moment là, elle et son fils sont en danger.

[13]            Le 21 janvier 2000, tous deux quittent leur pays pour venir au Canada et revendiquer le statut de réfugié en déclarant avoir une crainte bien fondée de persécution basée, en ce qui concerne la demanderesse, sur ses opinions politiques et son appartenance à un groupe social, et en ce qui à trait à son fils, sur son appartenance à un groupe social.

[14]            Vladislav Goussev est représenté par sa mère à l'audience devant le tribunal.

PRÉTENTIONS DES DEMANDEURS

[15]            Les demandeurs soumettent qu'à la lecture des motifs de la décision du tribunal qu'il est évident qu'on a tout fait pour tenter de discréditer la demanderesse en se concentrant sur des éléments microscopiques de son témoignage en ce qui a trait à sa visite chez son député.

[16]            Les demandeurs reprochent au tribunal de ne pas avoir tenu compte du rapport médical du 29 janvier 2001 du docteur W. Brzezinski concernant l'état dépressif et d'anxiété de la demanderesse constituant ainsi une preuve objective et importante pouvant permettre de corroborer les allégations de persécution de la demanderesse en Russie.

[17]            Les demandeurs ajoutent qu'aucune mention dans la décision du tribunal n'est faite du rapport Asylum in the UK - Russia Assessment, April 2000 - Country Information and Policy Unit traitant de la situation des individus considérés inapte en Russie. Il en va de même pour un autre rapport intitulé 1999 Country Reports on Human Rights Practices du Bureau of Democracy, Human Rights and Labor, U.S. Department of State, en date du 25 février 2000, documents déposés en preuve lors de l'audition.

   

PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR

[18]            Le défendeur allègue qu'il s'agit ici d'une question de faits, de crédibilité, et à moins qu'il y ait démonstration de conclusion déraisonnable ou arbitraire, cette Cour ne devrait pas intervenir.

[19]            Selon le défendeur, le tribunal est le mieux placé pour apprécier les faits, particulièrement lorsqu'il s'agit d'évaluer la crédibilité des témoins et la preuve présentée. C'est aussi au tribunal d'évaluer la valeur probante et d'en tirer des conclusions qui s'imposent.

ANALYSE


[20]            Cette Cour a statué à maintes reprises qu'elle ne devrait pas intervenir lorsque la décision du tribunal constate une absence de crédibilité qui résulte de contradictions et d'incohérence dans le témoignage du revendicateur du statut de réfugié. L'appréciation des témoignages est au coeur même du champ d'expertise de la section du statut. Voir Giron c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (28 mai 1992), A-387-89 (C.A.F.), (en anglais: Giron v. Canada (Minister of Employment and Immigration, [1992] F.C.J. No 481 (F.C.A.), en ligne: QL); Ye c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] A.C.F. no 584 (C.A.F.), en ligne: QL; Aguebor c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 732, paragraphe 3 (C.A.F.), en ligne QL; He c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (20 juillet 1994), A-1194-91 (C.A.F.), (en anglais: He v. Canada (Minister of Employment and Immigration), [1994] F.C.J. No 1107, paragraphe 2 (F.C.A.), en ligne: QL).

[21]            En l'espèce, les demandeurs ne m'ont pas convaincu que le tribunal avait commis des erreurs de droit ou avait fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées qu'elle a tiré de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve dont elle disposait. Voir sur ce point Sandhu c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (3 mars 1994), 93-T-46 (C.F. 1re instance), (en anglais: Sandhu v. Canada (Minister of Employment and Immigration), [1994] F.C.J. No 266, paragraphes 8-9 (F.C.T.D.), en ligne QL).

[22]            Je ne partage malheureusement pas l'opinion des demandeurs à l'effet que le tribunal se serait concentré sur des détails microscopiques du témoignage de la demanderesse pour la discréditer.                             

[23]            Quant à la lettre du docteur W. Brzezinski, il faut constater que ce rapport médical n'a que deux paragraphes qui se lisent comme ceci:

Westmount, January 29, 2001

RE: GOUSSEVA, Alla (née 1935/01/19)

To whom it may concern:

This is to inform you that I know the above-named patient since March 2000. Mrs. Gousseva has a 28 year history of hypertension with a history of depression following the birth of her son, who is severely handicapped.


Her blood pressure is very difficult to control due to her general anxiety. Anti-anxiety medication has commenced.

Sincerely,

W. Brzezinski, M.D.

[24]            Je ne vois pas comment cette lettre du docteur Brzezinski vient corroborer les prétentions de persécution de la demanderesse car cette lettre est de portée générale et elle ne fait mention que d'une dépression et d'une anxiété générale. D'après moi, elle ne permet pas de conclure que la demanderesse présentait des marques physiques ou des symptômes psychologiques compatibles avec sa description des actes de violence et de persécution qu'elle aurait subies en Russie.

[25]            À la lecture de la transcription de la décision du tribunal , je m'aperçois que plusieurs questions sont posées et le but est évident: c'est d'apporter des éclaircissements et d'offrir à la demanderesse la possibilité de donner des explications sur les nombreuses contradictions contenues dans son témoignage et son Formulaire de Renseignements Personnels.

[26]            Dans sa décision, le tribunal reconnaît que la demanderesse a pu commettre certaines erreurs à cause de sa nervosité, mais ce qui est plus important, c'est que le tribunal, malgré cette nervosité, ne l'a pas crue.

[27]            À mon avis, les conclusions du tribunal rencontrent les exigences des arrêts Hilo c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (15 mars 1991), A-260-90 (C.A.F.), (en anglais: Hilo v. Canada (Minister of Employment and Immigration) (1992), 15 Imm. L.R. (2d) 199 (F.C.A.)) et Armson c. Canada (ministre de l'Emploi et l'Immigration), (5 septembre 1989), A-313-88 (C.A.F.), (en anglais: Armson v. Canada (Minister of Employment and Immigration) (1989), 9 Imm. L.R. (2d) 150 (F.C.A.)) en identifiant clairement les aspects du témoignage de la demanderesse qui sont contradictoires. Mais contrairement à la cause Rahnema c. Canada (Solliciteur général du Canada), (15 octobre 1993), IMM-1740-93 (C.F. 1re instance), (en anglais: Rahnema v. Canada (Solicitor General), [1993] F.C.J. No 1431 (F.C.T.D.), en ligne: QL), citée par les demandeurs, je ne suis pas persuadé que le tribunal a fait preuve d'un excès de zèle en cherchant des lacunes ou des failles dans la preuve des demandeurs pouvant commettre ainsi des erreurs de faits ou de droit nécessitant une intervention de notre Cour.

[28]            Analysant la transcription, je suis satisfait que l'énoncé fait par le tribunal est raisonnable concernant la visite de la demanderesse auprès de son député. Il en va de même pour le commentaire au sujet des personnes qui auraient visité la demanderesse.


[29]            Quant à l'absence de mention dans la décision de la documentation déposée par la demanderesse, je suis d'opinion que le tribunal n'a pas l'obligation de commenter tous les documents déposés, surtout lorsqu'il s'agit d'une question de crédibilité tel qu'il existe ici. Le tribunal en est venu à la conclusion que les demandeurs n'avaient pas prouvé une crainte subjective de persécution et en conséquence, n'avait pas à se prononcer sur l'allégation de persécution objective de ces derniers.                                     

[30]            Aucune question certifiée ne m'a été soumise.

[31]            Je n'ai donc pas l'intention d'intervenir ici et en conséquence, cette demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  

                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que:

1.                    La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

     "Michel Beaudry"        

Juge

    

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :              IMM-2352-01

INTITULÉ :             

                                       ALLA GOUSSEVA,

VLADISLAV GOUSSEV

                                                                           parties demanderesses

                                                         et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION DU CANADA

                                                                                 partie défenderesse

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                              9 mai 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : L'HONORABLE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS :                                     28 mai 2002

  

COMPARUTIONS :

Me Kathleen Gaudreau                                                     POUR LES PARTIES

DEMANDERESSES

Me Sylviane Roy                                                  POUR LA PARTIE

DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Kathleen Gaudreau                                                     POUR LES PARTIES

Montréal (Québec)                                               DEMANDERESSES


Morris Rosenberg                                                 POUR LA PARTIE

Sous-procureur général du Canada                                  DÉFENDERESSE

Montréal (Québec)

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