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Date : 20030429

Dossier : IMM-795-03

Référence neutre : 2003 CFPI 533

Montréal (Québec), le 29 avril 2003

En présence de :         L'honorable juge Rouleau

ENTRE :

                                                                 ALLEL, HOUCINE

                                                                                                                                  partie demanderesse

                                                                                   et

                                               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                           ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                   

                                                                                                                                     partie défenderesse

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une requête demandant le sursis de l'exécution d'une mesure de renvoi émise contre le demandeur, laquelle requête est greffée à une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire attaquant la décision de l'agent d'examen des risques avant renvoi (ERAR), rendue le 12 novembre 2002, ainsi que la décision de la déléguée du Ministre rendue le 20 décembre 2002.

[2]                 Le demandeur est un citoyen d'Algérie. En 1996, il a quitté son pays d'origine pour se rendre aux États-Unis où il a vécu du mois de décembre 1997 jusqu'au mois de mai 2000. Durant cette période, sa demande de réfugié aux États-Unis fut rejetée.

[3]                 Le 6 décembre 2000, la section du statut de réfugié canadien a rejeté la revendication du demandeur et de son épouse.

[4]                 La section du statut a conclu que seul le demandeur, et non sa femme était visé par la clause d'exclusion contenue à la Section F a) de l'article 1 de la Convention. La section du statut a jugé que le demandeur était exclu du bénéfice de la protection accordée par la Convention parce qu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'il a commis des crimes contre l'humanité alors qu'il était membre de la police en Algérie.

[5]                 Le 27 décembre 2000, le demandeur a présenté une demande d'autorisation et contrôle judiciaire à l'encontre de cette décision négative de la section du statut qui a été autorisée le 6 juillet 2001.

[6]                 Conformément à une entente survenue dans le cadre d'une demande en sursis déposée par le demandeur, le défendeur a décidé de ne pas procéder à l'exécution de la mesure de renvoi le 31 mai 2001, date initialement prévue pour le renvoi du demandeur vers les États-Unis.

[7]                 Le 3 avril 2002, la Cour fédérale de première instance a rejeté la demande de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR).

[8]                 Le 5 avril 2002, le moratoire à l'égard des ressortissants algériens décrété par le Ministre de l'immigration le 4 mars 1997 et qui justifiait le sursis au renvoi du demandeur a été levé.

[9]                 Le 22 octobre 2002, le demandeur a fait une demande d'examen de risques avant renvoi (ERAR).

[10]            Le 20 décembre 2002, la déléguée du Ministre confirme l'opinion de l'agent d'ERAR qui avait rejeté les prétentions du demandeur qu'il y avait danger s'il était retourné en Algérie et la mesure de renvoi est devenue exécutoire.

[11]            Le renvoi du demandeur vers les États-Unis était prévu pour le 26 février 2003.

[12]            Le 19 février 2003, le demandeur a demandé un sursis judiciaire à son renvoi.

[13]            Le 21 février 2003, Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a accordé un sursis administratif en attendant les résultats de la demande d'ERAR de l'épouse du demandeur.

[14]            Le 1er avril 2003, l'agent d'immigration Mélanie Leduc a rendu une décision négative à l'égard de la demande d'ERAR de l'épouse du demandeur, madame Abdou.

[15]            Les mesures de renvoi émises contre le demandeur et son épouse sont maintenant exécutoires et la date de leur renvoi vers les États-Unis est prévue pour le 30 avril 2003.

[16]            Le demandeur ayant été exclu en vertu de la Section F de l'article 1 de la Convention est donc sujet à la procédure prévue aux articles 112 et 113 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.R.C. (2001), ch. 27 ("la Loi") et l'article 167 des règlements.

[17]            La Loi et les règlements prévoient une évaluation par un agent de l'ERAR qui doit soumettre son opinion au demandeur qui est subséquemment autorisé à déposer ses observations et de la documentation sur ladite opinion. Cette documentation ainsi que l'opinion de l'agent de l'ERAR sont soumises par la suite au Ministre ou à son délégué qui doit en tenir compte afin de déterminer s'il y a des motifs sérieux de croire que le demandeur pourrait être exposé à un risque s'il est retourné dans son pays de citoyenneté ou de nationalité.


[18]            Le demandeur en l'espèce soumet que la décision ERAR est non motivée, ce qui constitue une violation des principes de justice naturelle; qu'elle ignora la preuve documentaire personnelle fournie par le demandeur dans ses prétentions soumises en date du 20 mai 2002; que la décision a été prise sans entrevue ni audience contrairement aux dispositions réglementaires et aux attentes légitimes du demandeur; et enfin, que la décision de l'agent d'immigration est incompatible avec la Charte canadienne des droits et libertés.

[19]            Malgré le langage quelque peu confus employé par la procureure du demandeur dans ses prétentions, il est évident que celle-ci soulève ces motifs à l'encontre de la décision de la déléguée du Ministre datée du 20 décembre 2002 et non de l'opinion de l'agent de l'ERAR. Ceci est confirmé par le fait que la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire vise la décision de la déléguée du Ministre; d'ailleurs, lors de l'audience, la procureure du demandeur a attaqué cette décision. L'opinion de l'agent de l'ERAR constitue simplement en l'espèce une recommandation faite au Ministre qui est le seul autorisé à rendre une décision quant au renvoi du demandeur en vertu des articles 112-113 de la Loi et l'article 167 des règlements.

[20]            Dans l'arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, la Cour suprême du Canada a affirmé au para. 126 que le Ministre doit motiver par écrit et étayer rationnellement sa décision qu'il n'existe pas de motifs sérieux de croire qu'un revendicateur du statut de réfugié sera torturé ou exécuté ou subira quelqu'autre traitement cruel ou inusité. Elle ajouta toutefois au para. 127 que le Ministre a une telle obligation uniquement lorsqu'un revendicateur établit l'existence d'une possibilité réelle de torture ou de risque. En l'espèce, l'agent ERAR a conclu sans équivoque qu'il n'existait pas de tels motifs sérieux dans le cas du demandeur advenant un retour en Algérie.

[21]            À tout événement, je suis satisfait que le décision de la déléguée du Ministre est suffisamment motivée; elle expose clairement la preuve documentaire sur laquelle elle s'est basée, qui incluait l'opinion très détaillée de l'agent de l'ERAR et les pièces à l'appui.

[22]            En ce qui concerne la prétention à l'effet que la décision du Ministre n'aurait pas pris en considération les soumissions et pièces du 20 mai 2002, la Cour d'appel fédérale a indiqué à maintes reprises qu'il n'est pas nécessaire qu'un tribunal ou décideur fasse référence à toute la documentation soumise. De plus, dans son évaluation, l'agent de l'ERAR ne réfère pas spécifiquement aux arguments soumis par le demandeur le 20 mai 2002, mais néanmoins fait référence aux affidavits et à la documentation déposée à cette date. Je ne suis pas convaincu que ceci surmonte le fardeau d'établir une question sérieuse à être tranché.

[23]            La procureur du demandeur prétend aussi que le Ministre était dans l'obligation d'entendre de vive voix son client selon l'article 113(b) de la Loi. Cette disposition se lit comme suit:

113. Il est disposé de la demande comme il suit_:

[...]

b) une audience peut être tenue si le ministre l'estime requis compte tenu des facteurs réglementaires; (je souligne)

[24]            Les facteurs dont doit tenir compte le Ministre dans l'exercice de sa discrétion sont précisés à l'article 167 des règlements:

167. Pour l'application de l'alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d'une audience est requise:

a) l'existence d'éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

b) l'importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu'ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

[25]            À ma lecture de ces dispositions, il m'apparaît évident que le Ministre ou son délégué n'est pas tenu d'accorder une audience ou entrevue à un revendicateur, et ce même lorsque des questions importantes de crédibilité relatives aux risques et dangers mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi sont soulevés. En l'espèce, l'agent de l'ERAR a conclu que la preuve objective n'établissait pas un motif sérieux de croire que le demandeur serait exposé à un risque de danger ou de torture en cas de retour. Aucune question importante de crédibilité n'est donc soulevée dans l'évaluation de l'agent de l'ERAR. Par ailleurs, le demandeur n'ayant pas établi l'existence d'une possibilité réelle de torture, la déléguée du Ministre n'était pas dans l'obligation de le convoquer à une entrevue ou une audience: Suresh, supra aux para. 121 et 127.


[26]            Tel que mentionné, la procureure du demandeur n'a pas réussi à me convaincre que la crédibilité du demandeur relative aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi est en cause en l'espèce de sorte qu'il aurait dû être entendu de vive voix: Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1985] 1 R.C.S. 177 au para. 108 (C.S.C.). De plus, puisque celui-ci n'a pas établi l'existence d'une possibilité réelle de danger ou de torture advenant un retour en Algérie, les garanties procédurales dictées par l'article 7 de la Charte ne trouvent pas application: Suresh, supra aux para. 121 et 127.

[27]            Pour toutes ces raisons, je n'ai pas été persuadé qu'il y a une question sérieuse à trancher. À tout événement, et même s'il y a des éléments de preuve à l'effet qu'à son arrivée aux États-Unis, le demandeur sera probablement sujet à une arrestation, il n'y a aucune preuve qu'il ferait l'objet de mauvais traitement. Par ailleurs, bien qu'il soit probable que les autorités américaines procéderont à son renvoi en Algérie, il n'y a aucune preuve objective que le demandeur pourrait risquer la torture ou autre traitement cruel ou inusité.

[28]            Pour ces motifs, la requête en sursis est rejetée.

                                                                     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de sursis est rejetée.

             « Paul U.C. Rouleau »                

                               juge                              

Montréal (Québec)

Le 29 avril 2003


                                                                                                

                                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Date : 20030429

Dossier : IMM-795-03

Entre :

                                                                              ALLEL, HOUCINE

                                                                                                                                                            partie demanderesse

                                                                                                et

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                

                                                                                                                                                               partie défenderesse

                                                                                                                                                                                     

                                                                 MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                              ET ORDONNANCE

                                                                                                                                                                                     


                                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                                

DOSSIER :                                                        IMM-795-03

INTITULÉ :                                                        ALLEL, HOUCINE

                                                                                                                                                            partie demanderesse

                                                                                                et

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                

                                                                                                                                                               partie défenderesse

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                           Le 28 avril 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE :

L'HONORABLE JUGE ROULEAU

DATE DES MOTIFS :                                   Le 29 avril 2003

COMPARUTIONS:

Me Johanne Doyon                                                                        POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Andrea Shahin                                                                          POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Doyon & Montbriand                                                                     POUR LA PARTIE DEMANDERESSE


Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                                                           POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

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