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                                                                                                                                           Date : 20011218

                                                                                                                             Dossier : IMM-1811-00

                                                                                                        Référence neutre : 2001 CFPI 1403

Ottawa (Ontario), le 18 décembre 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

ENTRE :

                                                                 SHANCHAO XUE

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                         MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Né à Changle (Chine) en 1959, le demandeur vit depuis décembre 1989 aux États-Unis, où il exploite son propre restaurant. Il a sollicité la résidence permanente au Canada sous la catégorie de travailleur autonome. Il a introduit la présente demande de contrôle judiciaire contre la décision du 6 mars 2000 par laquelle une agente des visas a refusé sa demande.

[2]                 L'agente des visas n'a octroyé au demandeur aucun point d'appréciation pour l'expérience et les études, respectivement, et elle lui a accordé 3 points d'appréciation pour la personnalité. Le demandeur a reçu au total trente-huit (38) points d'appréciation, soit trente-deux (32) points de moins que ce qu'il lui fallait pour obtenir un visa.


[3]                 Suivant une entrevue avec le demandeur, l'agente des visas n'était pas convaincue que celui-ci serait en mesure d'exercer sa profession ou d'exploiter son entreprise avec succès au Canada, de sorte qu'elle ne lui pas accordé les 30 points d'appréciation relatifs aux travailleurs autonomes que prévoit le paragraphe 8(4) du Règlement sur l'immigration de 1978. Dans sa lettre du 6 mars 2000 refusant la demande, l'agente des visas a expliqué ainsi les raisons pour lesquelles elle n'avait pas accordé ces points d'appréciation.

[Traduction] Les documents que vous avez fournis et les renseignements que vous avez donnés à votre entrevue ne m'indiquent pas que vous avez des qualifications comme homme d'affaires. Vous n'avez pas pu démontrer que vous aviez déjà géré une entreprise ayant du succès ou participé activement à la gestion d'une telle entreprise. Vous n'aviez aucune idée des transactions commerciales de l'entreprise pour laquelle vous avez prétendu travailler. Vous n'avez pas pu fournir quelque élément de preuve que ce soit démontrant que votre entreprise envisagée est une entreprise viable qui créera un emploi pour vous-même et vous permettra de subvenir à vos besoins, à ceux de votre épouse - qui est une femme au foyer - et à ceux de vos deux enfants, que ceux-ci vous accompagnent ou non, et vous n'avez pas pu démontrer que vous exploiterez votre entreprise avec succès au Canada. À l'entrevue, vous n'aviez aucun document démontrant que vous gérez une entreprise rentable. À mon avis, vous n'avez pas la grande expérience, les compétences, l'expertise et la capacité nécessaires pour vous établir avec succès en tant que travailleur autonome. En raison de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que vous seriez en mesure d'exploiter votre entreprise envisagée avec succès au Canada.

[4]                 Dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, la question déterminante est de savoir si l'agente des visas a commis une erreur en considérant que le demandeur n'avait aucune qualification en tant qu'homme d'affaires, ce qui l'a amenée à conclure qu'il n'était pas en mesure d'exploiter avec succès son entreprise au Canada.


[5]                 Dans Hao c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 296, madame le juge Reed de la Cour fédérale s'est penchée sur la norme de contrôle applicable aux décisions des agents des visas en matière de demandes de résidence permanente. Elle a déclaré aux paragraphes 6 et 7 de ses motifs que :

[6] En l'espèce, il n'y a pas de clause privative ni d'exigence qu'une autorisation soit accordée avant que le contrôle judiciaire puisse être entamé. La loi, soit l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, prévoit un droit au contrôle judiciaire. Ces facteurs font pencher la balance du côté de la norme de la décision déraisonnable simpliciter.

[7]    Les agents des visas ont une expertise considérable pour ce qui est de l'appréciation des demandeurs. En prenant sa décision, l'agent des visas doit apprécier les caractéristiques personnelles de l'individu en cause, et sa décision dépend en grande partie de l'entrevue personnelle qu'il a avec ce dernier. Un pouvoir discrétionnaire considérable est conféré à l'agent des visas, mais ce pouvoir est limité par l'existence du système d'appréciation par points (voir Zhao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 213, (IMM-3382-98, 17 février 2000) ).

[6]                 J'approuve l'analyse du juge Reed et j'adopte la norme de la décision raisonnable simpliciter comme norme applicable au présent contrôle judiciaire.

[7]                 Lorsqu'il était encore en Chine, le demandeur travaillait comme céramiste et, entre juillet 1980 et février 1989, il a géré une usine de céramique et a été propriétaire d'une autre. Suivant son déménagement aux États-Unis, il est devenu cuisinier au restaurant Panda à New Britain (Connecticut), soit le restaurant qu'il allait acheter quatre ans et demi (4½) plus tard.

[8]                 Le demandeur a vendu le restaurant Panda et a déménagé en Oklahoma, où il a acheté le premier des trois autres restaurants qu'il allait posséder, le dernier étant toujours en opération, à ses dires, lorsqu'il a fait son entrevue le 18 février 2000.


[9]                 Le demandeur a prétendu que l'agente des visas avait, à tort, écarté sa formation, jugé qu'il n'était pas qualifié pour exercer sa profession et sous-évalué sa personnalité, et qu'elle avait tiré de façon abusive la conclusion qu'il n'avait aucune expérience des affaires. Le défendeur a contesté l'ensemble de ces arguments.

[10]            J'aborde d'abord la prétention du demandeur selon laquelle la conclusion qu'il n'a aucune expérience en affaires est abusive. Il est important de souligner que le paragraphe 8(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, impose clairement à la personne qui sollicite l'admission au Canada le fardeau de prouver que cette admission n'est pas contraire à la Loi ou à ses règlements. Le demandeur doit démontrer qu'il est visé par la définition de « travailleur autonome » figurant au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration et qu'il est en mesure d'établir ou d'acheter une entreprise au Canada. L'examen de la preuve dont disposait l'agente des visas démontre que le demandeur a fourni les documents suivants pour établir qu'il était propriétaire du restaurant qu'il exploitait aux États-Unis.

[Traduction]

1.             État du Connecticut, permis de taxes de vente et d'utilisation délivré le 26-04-96 - expirant le 31-5-98 pour le restaurant Panda, Xue Shan C et Feng Hunay S.

                2.             État du Connecticut, permis de taxes de vente et d'utilisation délivré le 30-06-94 - expirant le 31-5-96 - pour le restaurant Panda, Xue Shan C et Feng Hunay S.

                3.             Ville de Seminole (Oklahoma), Certificat délivré à Golden China par le Bureau des services d'alimentation le 13 juin 1997 - expirant le 30-06-98.

                4.             Permis du ministère de la Santé de l'État de l'Oklahoma délivré à Golden China et au propriétaire Shan Chao Xue le 16-05-97 et expirant le 16-05-98.

                5.             Permis de taxe de vente de l'État de l'Oklahoma délivré à China Restaurant et Shan Chao Xue le 02-01-97 et expirant le 02-01-2000.


                6.             Ville de Seminole (Oklahoma), Certificat de manutention des aliments, daté du 27 juillet 1998 - expirant le 30-06-99.

                7.             Permis de taxe de vente de l'Oklahoma délivré à China House et Cho Xuz S. le 25-04-98 et expirant le 25-04-2001.

Il s'agit de la seule preuve documentaire dont était saisie l'agente des visas relativement aux questions de propriété et d'exploitation. Le demandeur n'a pas été en mesure de fournir des documents à l'appui, comme des déclarations d'impôt, des rapports de comptable ou des inscriptions d'entreprise, pour démontrer qu'il exploitait une entreprise rentable. L'examen des notes du STIDI de l'agente, lesquelles figurent aux pages 81 à 83 du dossier, révèle également que le demandeur n'a fourni aucune déclaration d'avoir net personnel, aucune évaluation de ses restaurants situés aux États-Unis, aucun plan d'affaires et aucune preuve relative aux fonds dont il aurait besoin pour mettre sur pied son restaurant envisagé au Canada. En réponse aux questions posées par l'agente lors de l'entrevue, le demandeur a estimé le coût de ce projet à 120 000 $, mais il n'a pas pu prouver que ses dépôts bancaires excédaient 20 000 $US. Il devait verser la différence en argent comptant parce qu'il craignait de déposer trop d'argent dans les banques américaines. Le demandeur a aussi prétendu que son entreprise était très rentable malgré le fait qu'il payait rarement des impôts. Il a soutenu que son entreprise réalisait des profits de 15 000 $ par année.


[11]            L'agente des visas a également indiqué dans sa lettre de refus que le demandeur n'avait pas démontré avoir des qualifications comme homme d'affaires ni avoir déjà exploité une entreprise ayant du succès ou participé activement à l'exploitation d'une telle entreprise, qu'il n'avait pas connaissance des transactions commerciales de l'entreprise où il travaillait à ce moment-là et qu'il n'avait été en mesure de fournir aucune preuve que son entreprise envisagée était viable et qu'elle lui procurerait un emploi lui permettant de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille au Canada.

[12]            Le demandeur a témoigné devant la Cour que, pour chacun de ses restaurants, il faisait une partie ou l'ensemble de la cuisine et effectuait toutes les transactions financières (paragraphe 3 de l'affidavit du demandeur, qui se trouve à la page 6 du dossier de la demande). L'agente des visas était toutefois d'avis que le demandeur n'avait pas satisfait aux conditions de la définition de « travailleur autonome » figurant dans le Règlement sur l'immigration :

Un immigrant qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter une entreprise au Canada, de façon à créer un emploi pour lui-même et à contribuer de manière significative à la vie économique, culturelle ou artistique du Canada. (Non souligné dans l'original)

Après avoir examiné les notes du STIDI de l'agente des visas ainsi que l'ensemble des documents déposés et après avoir entendu les arguments des parties, je suis d'avis que l'agente des visas pouvait raisonnablement, à la lumière de la preuve, tirer la conclusion selon laquelle le demandeur n'était pas en mesure d'exercer avec succès sa profession ou d'exploiter avec succès son entreprise au Canada. Le fardeau de la preuve reposait sur le demandeur et je considère raisonnable la conclusion de l'agente selon laquelle le demandeur n'a pas relevé ce fardeau.


[13]            Il n'y a pas lieu que j'examine les autres arguments du demandeur, à savoir que l'agente des visas a commis une erreur en concluant qu'il n'était pas qualifié pour sa profession, qu'elle a écarté à tort son niveau d'instruction (c.-à-d. un certificat d'études secondaires) et qu'elle a sous-évalué sa personnalité. Même si j'acceptais l'ensemble des arguments du demandeur sur ces éléments et que j'appliquais le nombre maximal de points possibles à leur égard, le total serait insuffisant pour que le demandeur ait les 70 points requis pour obtenir la résidence permanente. Comme j'ai déterminé que l'agente des visas n'avait commis aucune erreur en concluant que le demandeur n'était pas visé par la définition de « travailleur autonome » figurant au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration, les présumées erreurs de l'agente, s'il y a lieu, ne sont pas importantes quant à l'issue du présent contrôle judiciaire. Je ne vois donc aucune raison de modifier la décision de l'agente des visas.

[14]            Pour les motifs qui précèdent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[15]            J'ai examiné la demande de dépens du demandeur. J'ai lu les observations écrites et entendu les deux parties sur cette question. Je conclus qu'aucune raison spéciale ne justifierait l'octroi des dépens contre le défendeur en l'espèce.

[16]            Je me suis penché sur les sept questions dont le demandeur sollicitait la certification. J'ai examiné attentivement les observations écrites des deux parties sur ces questions, et je conclus, à la lumière de la preuve dont je suis saisi, que les questions posées ne donnent pas lieu à une question grave de portée générale au sens de l'article 83 de la Loi sur l'immigration. Je ne me propose donc pas de certifier une question.


                                                                     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         Le rejet de la présente demande de contrôle judiciaire.

                                                                                                                            « Edmond P. Blanchard »                    

                                                                                                                                                                 Juge                      

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            IMM-1811-00

INTITULÉ :                                           Shanchao Xue et le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le 4 septembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

EN DATE DU :                                     18 décembre 2001

ONT COMPARU

M. Timothy Leahy                                                                          POUR LE DEMANDEUR

Mme Claire LeRiche                                                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. Timothy Leahy                                                                          POUR LE DEMANDEUR

North York (Ontario)

M. Morris Rosenberg                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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