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Date : 20030123

Dossier : IMM-3381-02

Référence neutre : 2003 CFPI 72

Toronto (Ontario), le jeudi 23 janvier 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

ENTRE :

NARAINDAI SUKHAI

demanderesse

- et -

LE MINISTRE

DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La demanderesse vise à obtenir le contrôle judiciaire d'une décision d'un agent d'immigration datée du 27 juin 2002, dans laquelle sa demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration a été rejetée.


[2]                La demanderesse est une citoyenne de la Guyane et la mère d'un jeune garçon né au Canada. Sa demande de réparation fondée sur des raisons d'ordre humanitaire est basée principalement sur les difficultés indues auxquelles elle serait confrontée si elle et son fils étaient séparés de leur nombreuse parenté au Canada et sur l'état de santé de son fils qui souffre d'asthme.

[3]                Selon la preuve qui a été présentée à l'agent d'immigration, il est entendu que cela ne peut être dans l'intérêt supérieur de l'enfant qu'il soit renvoyé du Canada, étant donné la sécurité sociale dont il jouit et son besoin d'avoir accès facilement à des traitements médicaux. Toutefois, l'agent d'immigration a refusé la demande en raison du fait que la demanderesse n'avait pas réussi à démontrer qu'elle et son fils feraient face à des difficultés inhabituelles, injustes ou indues s'ils étaient dans l'obligation de quitter le Canada. Il s'est exprimé ainsi :

[traduction]

Je conviens que la demanderesse est au Canada depuis 9 ans et qu'il peut être difficile, jusqu'à un certain point, d'obtenir un emploi et de se réinstaller au retour en Guyane. Je ne suis pas convaincu que cela occasionnerait des difficultés indues. Bien qu'il soit possible que ce ne soit pas le meilleur système d'éducation en Guyane, ses enfants ont accès à l'éducation gratuite. J'ai tenu compte du fait que le fils cc [citoyen canadien] est très jeune et je conviens qu'il est dans son intérêt supérieur qu'il soit avec sa mère. La demanderesse a également un enfant plus âgé qui l'attend en Guyane. Ayant examiné tous les renseignements fournis, je conclus que la demanderesse n'a pas démontré que cela lui causerait des difficultés inhabituelles, injustes ou indues si elle était dans l'obligation de formuler une demande de visa d'immigrant selon la procédure normale. (Dossier de la demanderesse, p. 14)


[4]                La demanderesse soutient que l'agent d'immigration a commis une erreur en concluant que cela ne causerait pas de contrainte excessive à l'appelante si elle devait être renvoyée du Canada et elle prétend que l'agent d'immigration a commis une erreur dans l'application de l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, lequel exige qu'il soit accordé une considération adéquate à l'intérêt supérieur de l'enfant né au Canada.

[5]                Par conséquent, il s'agit de déterminer si l'agent d'immigration a été « réceptif, attentif et sensible » aux besoins de l'enfant (selon Baker). D'après la preuve, je conclus que l'agent d'immigration a été réceptif et attentif mais non pas sensible aux difficultés auxquelles l'enfant ferait face.

[6]                À mon avis, les deux éléments de preuve suivants requièrent la plus grande considération :

[traduction]

Mme Naraindai Sukhai et son fils Ian sont tous les deux des clients du Regent Park Community Health Centre. Au cours des deux dernières années et demie, Naraindai a sans cesse démontré de l'ingéniosité et de la détermination à améliorer pour elle-même et son fils leurs conditions de vie au Canada.

Naraindai a le grand mérite d'avoir élevé un jeune garçon extrêmement bien équilibré et qui a une belle présentation. Ian fonctionne bien à l'école et dans sa collectivité. À mon avis, le mieux serait de ne pas enlever à Ian la stabilité de sa vie et de sa collectivité au Canada. Son intérêt supérieur commande qu'il continue à fréquenter l'école à Toronto et que son monde, tel qu'il le connaît, ne soit pas chambardé.

Il n'y a aucun doute dans mon esprit que Naraindai soit une très bonne mère qui ne veut que ce qu'il y a de mieux pour son fils; la stabilité, un sentiment d'appartenance et une éducation. Déraciner ce petit garçon briserait les espoirs, les aspirations et les rêves que nous avons tous mis en lui...

Signé par Denis Michel, B.Serv.Soc., T.S.A., agent de santé communautaire


Le garçon mentionné ci-dessus est devenu un patient de notre établissement en juin 1997. Nous le connaissons bien. Il éprouve des problèmes d'affection réactionnelle des voies respiratoires, ce qui nécessite l'utilisation de pompes pour l'asthme dans le but de contrôler ses symptômes à chaque fois qu'ils réapparaissent. Sa mère est préoccupée par le fait qu'il pourrait recevoir un traitement inadéquat pour sa maladie, ou peut-être pas de soins du tout, s'il allait vivre en Guyane, en raison de l'état du système de santé là-bas et du coût des médicaments qu'il doit prendre. Cela ne serait certainement pas très bon pour lui et pourrait même, en cas de malchance, entraîner sa mort. Les risques de mourir d'asthme, ou d'en subir les effets négatifs, sont beaucoup moins élevés au Canada. Vu son asthme, il serait beaucoup plus sécuritaire pour lui de grandir au Canada.

Christina Stonehouse, infirmière autorisée, catégorie spécialisée, au nom du Dr Peggy Lathwell

(Dossier de demande de la demanderesse, p. 41).

À mon avis, l'agent d'immigration a omis d' « accorder de l'importance et de la considération » (selon Baker) à ces éléments de preuve.

[7]                À mon avis, pour en venir à une conclusion raisonnable en l'espèce, il faut aller au-delà de l'approche clinique de l'agent d'immigration dans l'évaluation de l'intérêt supérieur du jeune enfant de la demanderesse.

[8]                Une évaluation sensible et humanitaire des éléments de preuve cités ci-dessus requiert une compréhension empathique de la réalité des difficultés psychologiques et médicales auxquelles ferait face l'enfant s'il était obligé d'aller en Guyane, dans le cas où la demande de réparation fondée sur des raisons d'ordre humanitaire présentée par sa mère ne serait pas accueillie. Comme, à mon avis, l'agent d'immigration n'a pas effectué ce genre d'évaluation, je conclus que sa décision est déraisonnable.


                                        ORDONNANCE

Par conséquent, j'annule la décision de l'agent d'immigration et renvoie l'affaire à un autre agent d'immigration pour nouvel examen.

                                                                      « Douglas R. Campbell »                 

      Juge

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Avocats inscrits au dossier

DOSSIER :                             IMM-3381-02

INTITULÉ :                            NARAINDAI SUKHAI

demanderesse

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

DATE DE L'AUDIENCE :    LE MERCREDI 22 JANVIER 2003

LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :            LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :           LE JEUDI 23 JANVIER 2003

COMPARUTIONS :                          Ronald Shacter

Pour la demanderesse

Lorne McClenaghan

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :       Ronald Shacter

Avocat

2200, rue Yonge

Suite 601

Toronto (Ontario)

M4S 2C6

Pour la demanderesse

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Pour le défendeur


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                                                  Date : 20030123

                                                                       Dossier : IMM-3381-02

ENTRE :

NARAINDAI SUKHAI

demanderesse

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                  

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