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Date : 20030807

Dossier : IMM-5969-02

Référence : 2003 CF 960

CALGARY (Alberta), le jeudi 7 août 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

                                                    BALDEV KAUR GREWAL

                                                                                                                                 demanderesse

                                                                            et

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Malgré les savants arguments de l'avocat de la demanderesse, je ne suis pas convaincue que la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) ait commis une erreur en rejetant l'appel que la demanderesse avait interjeté à l'encontre de la décision par laquelle un agent des visas avait refusé la demande de résidence permanente de son conjoint.

[2]                 La demanderesse réside en permanence au Canada. La demanderesse, qui venait de l'Inde, a obtenu le droit d'établissement le 14 mars 1998 après avoir été parrainée par son conjoint, qu'elle avait épousé en Inde le 26 décembre 1996. La demanderesse s'est séparée de son conjoint six mois plus tard. Le divorce a été accordé le 23 avril 1999. La demanderesse s'est de nouveau mariée le 28 janvier 2000 pendant qu'elle visitait sa famille en Inde. Lorsqu'elle est revenue au Canada le 22 mars 2000, elle a présenté une demande en vue de parrainer son conjoint à titre de résident permanent. La demanderesse est retournée en Inde pour visiter son conjoint et vivre avec lui aux mois de juillet et d'août 2001. Elle affirme être alors devenue enceinte et avoir eu un avortement spontané. La demande de parrainage a été refusée le 2 mai 2001; la Commission a entendu l'appel de cette décision les 26 et 27 août 2002 à Calgary. L'appel a été rejeté par une décision en date du 6 novembre 2002. Après avoir entendu le témoignage de la demanderesse et celui de son conjoint, la Commission a conclu que ces témoignages n'étaient généralement pas crédibles ou dignes de foi. Elle a conclu ce qui suit :

D'après la preuve dont je suis saisi, je conclus que l'appelante ne s'est pas acquittée de la charge de la preuve. Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que le requérant a contracté le mariage principalement dans le but d'obtenir l'admission au Canada à titre de membre de la catégorie des parents et qu'il n'a pas l'intention de vivre en permanence avec l'appelante. Par conséquent, l'appel est rejeté.

[3]                 La demanderesse soutient que la Commission a commis une erreur en rejetant l'appel et en concluant que son conjoint était une personne visée au paragraphe 4(3) de l'ancien Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, qui était ainsi libellé :


(3) La catégorie des parents ne comprend pas le conjoint qui s'est marié principalement dans le but d'obtenir l'admission au Canada à titre de parent et non dans l'intention de vivre en permanence avec son conjoint.

[4]                 La demanderesse conteste chacune des conclusions tirées par la Commission et affirme que cette dernière a commis une erreur en concluant que les conjoints n'étaient pas compatibles. La demanderesse affirme que la Commission a tiré cette conclusion sans tenir compte de la preuve dont elle disposait. La Commission a uniquement pris en considération le fait que la demanderesse avait déjà été mariée, alors que son conjoint ne l'avait pas été, et elle a omis de tenir compte de la preuve convaincante de leur compatibilité conjugale, à savoir qu'ils avaient le même âge, qu'ils avaient fait les mêmes études et qu'ils avaient les mêmes antécédents religieux et sociaux.


[5]                 La norme de contrôle qui s'applique aux décisions de la Commission, en ce qui concerne les questions de fait, est celle du caractère manifestement déraisonnable : Khangura c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 191 F.T.R. 311 (1re inst.); Jaglal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2003 CFPI 685; Tran c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2001), 214 F.T.R. 245 (1re inst.). À mon avis, la question de savoir si un mariage a été véritablement contracté est une question de fait; pour les motifs ci-après énoncés, je conclus que la décision de la Commission n'était pas manifestement déraisonnable. Toutefois, je tiens à ajouter que, compte tenu de la norme de contrôle de la décision raisonnable simpliciter, la décision résiste à un examen poussé tel qu'il est défini dans l'arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan 2003 CSC 20, [2003] A.C.S. no 17.

[6]                 Le critère applicable à l'inadmissibilité d'un conjoint en tant que membre de la catégorie des parents est énoncé dans la décision Horbas c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1985] 2 C.F. 359 (1re inst.), où Monsieur le juge Strayer (tel était alors son titre) a dit ce qui suit :

[...] Il ne faut pas perdre de vue que ce paragraphe ne peut servir de fondement au rejet d'une telle demande que si le conjoint parrainé s'est marié principalement dans le but d'immigrer et s'il n'a pas l'intention de vivre en permanence avec son conjoint. [...]

[7]                 La demanderesse a raison de dire que la conclusion que la Commission a tirée au sujet de l'incompatibilité conjugale était fondée sur son mariage antérieur. Toutefois, la Commission disposait de certains éléments de preuve au sujet de la coutume suivie à l'égard des mariages arrangés au Pendjab. La Commission n'a pas commis d'erreur en remettant en question la crédibilité de la demanderesse compte tenu du témoignage que cette dernière avait présenté sur ce point.


[8]                 La Commission a expressément dit qu' « [...] en soi, cette incompatibilité [des antécédents conjuguaux] ne détermin[ait] pas l'authenticité du deuxième mariage de [la demanderesse] et [qu'elle avait] tenu compte des circonstances particulières de ce mariage pour en établir l'authenticité » . La Commission a tenu compte du fait qu'il était invraisemblable que le conjoint de la demanderesse ne connaisse pas vraiment les raisons de la rupture du mariage, étant donné les circonstances dans lesquelles s'inscrivait le deuxième mariage arrangé. La Commission a également mentionné que le fait que le conjoint de la demanderesse ne cherchait pas à connaître l'histoire de cette dernière et que la chose ne le préoccupait pas indiquait l'absence d'intention d'entretenir une relation durable. La Commission a en outre conclu à l'absence d'explications vraisemblables en ce qui concerne la raison pour laquelle la demanderesse se serait empressée de se marier une autre fois après avoir été censément victime de graves actes de violence pendant son premier mariage, ainsi qu'à l'absence d'explications vraisemblables en ce qui concerne la raison pour laquelle le conjoint de la demanderesse et la famille de celui-ci consentiraient à une union avec une femme divorcée. La preuve documentaire et les dépositions que les témoins ont faites au sujet de la grossesse, en 2001, étaient incompatibles et il existait des incohérences entre le témoignage de la demanderesse et celui de son conjoint quant aux circonstances y afférentes.

[9]                 La Commission peut à bon droit se prononcer sur la vraisemblance et sur la crédibilité du témoignage ainsi que sur d'autres éléments de preuve mis à sa disposition. Il appartient également à la Commission de déterminer le poids à accorder à cette preuve. Dans la mesure où, eu égard au dossier, il était avec raison loisible à la Commission d'arriver aux conclusions qu'elle a tirées et aux inférences qu'elle a faites, rien ne permet de modifier la décision de la Commission. Lorsqu'une audience est tenue, il convient de faire preuve d'une plus grande retenue à l'égard des conclusions relatives à la crédibilité.


[10]            Compte tenu de la preuve dont disposait la Commission, les inférences que celle-ci a faites étaient raisonnables; de plus, les motifs à l'appui de la conclusion relative au manque de crédibilité ont été énoncés d'une façon claire et compréhensible. Eu égard au premier volet du critère énoncé dans la décision Horbas, la conclusion n'était pas manifestement déraisonnable, et elle n'était pas non plus déraisonnable. La conclusion relative au manque de crédibilité pouvait également être utilisée à l'égard du deuxième volet du critère, à savoir que le conjoint de la demanderesse n'avait pas l'intention de résider en permanence avec celle-ci : Canada (Solliciteur général) c. Bisla (1994) 88 F.T.R. 312 (1re inst.). À cet égard, il était loisible à la Commission de conclure que le conjoint de la demanderesse ne s'était pas acquitté de l'obligation qui lui incombait de convaincre la Commission qu'il avait l'intention de résider en permanence au Canada avec la demanderesse. La Commission a en outre noté que presque tous les membres de la famille immédiate du conjoint de la demanderesse habitent au Canada. Le conjoint disposait donc d'autres possibilités pour ce qui est de la résidence. On ne devrait pas s'attendre à ce qu'un conjoint qui se propose d'immigrer au Canada exprime l'intention de ne pas résider avec le conjoint qui le parraine. Des inférences sont habituellement faites en pareil cas : Rattan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 73 F.T.R. 195 (1re inst.). La Commission n'a pas commis d'erreur en inférant, à partir des facteurs susmentionnés, que le conjoint de la demanderesse n'avait pas l'intention de résider en permanence avec cette dernière au Canada.


[11]            En fin de compte, j'estime que les conclusions tirées par la Commission n'étaient pas manifestement déraisonnables et n'étaient pas non plus déraisonnables. L'intervention de la Cour n'est pas justifiée. Les avocats n'ont pas proposé de question à certifier. L'affaire ne soulève aucune question grave de portée générale.

ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

Aucune question n'est certifiée.

« Carolyn Layden-Stevenson »

Juge

Calgary (Alberta)

le 7 août 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-5969-02

INTITULÉ :                                                        Baldev Kaur Grewal

c.

le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Calgary (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :                           le mercredi 6 août 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                      Madame la juge Layden-Stevenson

DATE DES MOTIFS :                                     le 7 août 2003

COMPARUTIONS :

M. G. Michael Sherritt                                        POUR LA DEMANDERESSE

M. W. Brad Hardstaff                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sherritt Greene

Calgary (Alberta)                                                  POUR LA DEMANDERESSE

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                     POUR LE DÉFENDEUR

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