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Date : 19991005


Dossier : IMM-2782-99


ENTRE :



YASER EL SAYED DESOUKY,


demandeur,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.




MOTIFS D"ORDONNANCE


LE JUGE TEITELBAUM


[1]      Il s"agit d"une requête que le demandeur a présentée en vertu de la Règle 369 des Règles de la Cour fédérale en vue d"obtenir une ordonnance lui permettant de déposer un dossier de la demande.

[2]      L"avis de requête mentionne les motifs sur lesquels cette dernière est fondée :

[TRADUCTION]
a)      La demande d"autorisation du demandeur a été rejetée au motif que ce dernier a omis de déposer un dossier de la demande.
b)      L"ordonnance de Monsieur le juge Teitelbaum est datée du 1er septembre 1999. Le certificat d"ordonnance de la Cour fédérale est daté du vendredi 10 septembre 1999. Le certificat d"ordonnance et l"ordonnance de Monsieur le juge Teitelbaum ont été envoyés à l"avocate du demandeur le lundi 13 septembre 1999 par courrier recommandé. Il faut au moins deux jours pour qu"une lettre recommandée postée à Ottawa se rende à une autre adresse à Ottawa. La requête de demandeur a été signifiée au défendeur le jeudi 23 septembre 1999 et déposée à la Cour fédérale la même journée, soit dans un délai de dix (10) jours à partir de la date à laquelle la Cour fédérale a envoyé à l"avocate du demandeur l"ordonnance et le certificat d"ordonnance de Monsieur le juge Teitelbaum.
c)      L"avocate du demandeur commence à pratiquer le droit, en particulier le droit de l"immigration. L"avocate du demandeur pensait à tort que le dossier du demandeur devait être déposé après que la Cour fédérale (Section de première instance) avait tranché favorablement la question de savoir si le demandeur devait être autorisé à présenter un appel et contrôle judiciaire.
d)      Les circonstances de la présente affaire inspirent la compassion.

[3]      Le demandeur n"a pas mentionné dans son avis les règles de la Cour fédérale du Canada applicables pour accueillir l"avis de requête ni le ou les articles de Loi sur l"immigration et de son règlement qu"il convient d"appliquer.


LES FAITS


[4]      Le 18 juin 1999, le demandeur a présenté au greffe de la Cour fédérale une demande d"autorisation et de contrôle judiciaire d"une décision, datée du 10 mai 1999, dans laquelle un agent d"immigration avait rejeté la demande fondée sur des motifs d"ordre humanitaire qu"il avait déposée en vue d"obtenir que son cas soit traité sans qu"il doive quitter le Canada.

[5]      Toute demande d"autorisation et de contrôle judiciaire doit être fondée sur l"article 82.1 de la Loi sur l"immigration.

82.1 (1) An application for judicial review under the Federal Court Act with respect to any decision or order made, or any matter arising, under this Act or the rules or regulations thereunder may be commenced only with leave of a judge of the Federal Court " Trial Division.

82.1(3) Application for leave

(3) An application under this section for leave to commence an application for judicial review shall be filed with the Federal Court " Trial Division and served within fifteen days after the day on which the applicant is notified of the decision or order or becomes aware of the other matter.

82.1(5) Extension

(5) A judge of the Federal Court " Trial Division may, for special reasons, allow an extended time for filing and serving an application under this section for leave to commence an application for judicial review.

82.1 (1) La présentation d'une demande de contrôle judiciaire aux termes de la Loi sur la Cour fédérale ne peut, pour ce qui est des décisions ou ordonnances rendues, des mesures prises ou de toute question soulevée dans le cadre de la présente loi ou de ses textes d'application " règlements ou règles " se faire qu'avec l'autorisation d'un juge de la Section de première instance de la Cour fédérale.

82.1(3) Demande d'autorisation

(3) La demande d'autorisation doit être déposée devant la Section de première instance de la Cour fédérale et signifiée à l'autre partie dans les quinze jours suivant soit la date où le demandeur est avisé de la décision, de l'ordonnance ou de la mesure en cause, soit celle où il a eu connaissance de l'affaire en question.

82.1(5) Prorogation des délais

(5) Tout juge de la Section de première instance de la Cour fédérale peut, pour des raisons spéciales, proroger le délai fixé au paragraphe (3).

[6]      Il ressort de la demande d"autorisation que le demandeur n"a pas déposé celle-ci dans le délai applicable. Dans sa demande d"autorisation, le demandeur cherche à obtenir la prorogation du délai applicable en vertu du paragraphe 82.1(15) de la Loi sur l"immigration pour les motifs qui y sont exposés.

[7]      En vertu de la Règle 10 des Règles de la Cour fédérale en matière d"immigration, le demandeur doit, dans les 30 jours suivant le dépôt de sa demande d"autorisation et de contrôle judiciaire, mettre sa demande en état en signifiant et déposant son dossier de la demande.

[8]      Le demandeur a omis de mettre sa demande d"autorisation en état. Il a omis, dans le délai prévu par la loi, de signifier et déposer un dossier de la demande conformément à la Règle 10 des Règles de la Cour fédérale en matière d"immigration.

[9]      Le 1er septembre 1999, j"ai rejeté la demande d"autorisation vu l"omission du demandeur de déposer un dossier de la demande.

[10]      Cette fois-ci, le demandeur présente ce qui me semble être une demande de prorogation du délai applicable au dépôt d"un dossier de la demande. Comme je l"ai déjà dit, le demandeur ne dit pas sur quelle règle ni sur quel règlement la présente demande est fondée.


L"ANALYSE

[11]      Voici les paragraphes 2 à 5 de l"affidavit que Asira Shukuru a signé le 20 septembre 1999 :

[TRADUCTION]

2.      Madame Damulira commence à pratiquer le droit, en particulier le droit de l"immigration. Elle a été admise au barreau de l"Ontario en février 1998. Elle a commencé à pratiquer le droit en juin 1998. Elle exerce sa profession à titre individuel.
3.      Madame Damulira m"a avisé, et je crois qu"elle disait la vérité, qu"elle a déposé une demande d"autorisation et de contrôle judiciaire pour le compte du demandeur. Elle m"a également avisé que la demande avait été rejetée vu l"omission du demandeur de déposer un dossier de la demande.
4.      Madame Damulira m"a consulté quand elle a reçu l"ordonnance rejetant la demande. Elle m"a avisé, et je crois qu"elle disait la vérité, qu"elle pensait à tort que le dossier du demandeur devait être déposé après que la Cour fédérale (Section de première instance) avait tranché favorablement la question de savoir si le demandeur devait être autorisé à présenter un appel et contrôle judiciaire.
5.      Madame Damulira m"a également avisé, et je crois qu"elle disait la vérité, que les circonstances de la présente affaire inspirent la compassion. Elle m"a avisé que les raisons pour lesquelles le demandeur voulait présenter une demande du droit d"établissement sans avoir à quitter le Canada étaient liées à sa soeur. L"état de santé de sa soeur est très mauvais. Elle a un cancer terminal qui s"est étendu à ses os, son foie et son cerveau. La soeur du demandeur a quatre jeunes enfants. Le demandeur a présenté une demande du droit d"établissement sans quitter le Canada afin d"être en mesure de continuer de prendre soin de ses nièces et neveux, qui subissent une épreuve difficile, et de prendre soin de ces derniers après le décès de sa soeur.

[12]      Il ressort de cet affidavit que la seule raison qui a été invoquée pour justifier l"omission de déposer le dossier de la demande dans le délai applicable est le fait que l"avocate du demandeur " commence à pratiquer le droit, en particulier le droit de l"immigration ".

[13]      Malheureusement pour le demandeur, le manque d"expérience ou de connaissances de son avocate ne saurait être considéré comme un motif d"annulation d"un jugement définitif de la Cour.

[14]      Dans l"affaire Guzman c. Le ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration, IMM-5874-98, 3 septembre 1999, une décision non publiée (C.F. 1re inst.), j"ai analysé exactement la même question que celle qui m"est soumise en l"espèce. Il se peut que certains des faits des deux affaires diffèrent légèrement, mais la question litigieuse est exactement la même.

[15]      Voici ce que j"ai dit aux pages 4 et 5 de la décision Guzman , précitée, en faisant état des faits :

[9]      Vers le 13 novembre 1998, l'avocat qui représentait alors le demandeur a présenté devant la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada, pour le compte de celui-ci, une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire [TRADUCTION] " concernant l'attestation de danger délivrée contre le demandeur ".

[10]      Le demandeur a sollicité une prorogation du délai dans lequel il pouvait présenter la demande d'autorisation pour le motif que l'avis exprimé par le ministre n'avait pas été transmis à son avocat [TRADUCTION] " en temps utile ".

[11]      Par suite d'une interprétation erronée de la procédure de la Cour fédérale et de ce qui semble être une mauvaise connaissance des Règles de la Cour fédérale, l'avocat qui représentait alors le demandeur n'a pas mis en état la demande d'autorisation dans le délai imparti, n'ayant pas signifié et déposé le dossier de la demande.

[12]      L'omission de signifier et de déposer le dossier de la demande dans le délai imparti a entraîné le rejet de la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire par le juge McGillis dans une ordonnance rendue le 8 février 1999.

[13]      Le demandeur dépose maintenant la présente demande en vue de faire annuler ou infirmer l'ordonnance que le juge McGillis a rendue le 8 février 1999, de façon qu'il puisse présenter une nouvelle demande d'autorisation et de contrôle judiciaire sans avoir à demander une prorogation de délai.

[16]      Voici ce que j"ai dit dans le cadre de l"analyse, aux paragraphes 24, 25, 29, 30 et 31 de cette décision :

[24]      Aux fins de décider si la Cour a compétence pour faire droit à la présente demande, j'ai minutieusement examiné la jurisprudence relative aux motifs autorisant le réexamen d'une ordonnance définitive et j'ai examiné chaque disposition des Règles de la Cour fédérale qui pourrait autoriser pareille demande. Les Règles et la jurisprudence sont claires. Rien ne me permet de réexaminer une décision définitive rendue par la Section de première instance dans les circonstances de l'espèce.

[25]      La Cour d'appel fédérale a examiné la question dans l'arrêt Metodieva c. MEI (1991), 132 N.R. (C.A.F.), qui se rapportait à une demande d'autorisation d'appel qui avait été rejetée et à une nouvelle demande présentée sur la même question. Dans sa décision, le juge Décary dit ce qui suit, à la page 43 :

Il m'apparaît important de préciser que la Cour n'a pas compétence pour décider de nouveau de la question, et ce, quelle que soit la raison pour laquelle la première demande d'autorisation avait été rejetée. [...] qu'une requête ait été rejetée pour vice de procédure ne change en rien le fait que l'ordonnance rendue est finale et échappe à toute reconsidération, hors les cas permis.

[29]      Je crois que l'un des meilleurs arguments du demandeur se rapporte à la façon dont il faudrait interpréter la règle 399(2)a) des Règles de la Cour fédérale.

[30]      Le demandeur soutient que le fait que son ancien avocat ne connaissait pas les Règles de la Cour fédérale n'est devenu évident ou n'a été découvert qu'après que le juge McGillis eut rendu son ordonnance.

[31]      Il est certain que la preuve qui m'a été présentée montre que l'ancien avocat du demandeur ne connaissait pas les Règles de la Cour fédérale telles qu'elles s'appliquent en l'espèce.

[17]      J"ai également dit, au paragraphe 40 de la décision Guzman , précitée, que la Règle 399(2) ne s"appliquait pas.

[40]      Je suis convaincu que la règle 399(2) n'a pas été conçue de façon à permettre la modification ou l'annulation d'un jugement définitif de la Cour parce que l'une des parties au jugement définitif a retenu les services d'un avocat qui, constate-t-on subséquemment, ne connaissait pas bien le droit ou les règles de pratique.


[18]      Voici ce que prévoit la Règle 399(2) des Règles de la Cour fédérale :

399(2) Setting Aside or variance -

On motion, the Court may set aside or vary an order

(a) by reason of a matter that arose or was discovered subsequent to the making of the order; or

(b) where the order was obtained by fraud.                     

399(2) Annulation - La Cour peut, sur requête, annuler ou modifier une ordonnance dans l"un ou l"autre des cas suivants:

(a) des faits nouveaux sont survenus ou ont été découverts après que l"ordonnance a été rendue;

(b) l"ordonnance a été obtenue par fraude.

[19]      Malheureusement pour le demandeur, je ne peux modifier ou annuler un jugement définitif de la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada à moins que des éléments de preuve me soient présentés en vertu de la Règle 399(2). Or, aucun élément n"a été produit en vertu de cette règle.

[20]      Dans la décision Guzman, précitée, j"ai certifiée la question suivante :

La Cour peut-elle annuler, conformément à la règle 399(2) des Règles de la Cour fédérale, une ordonnance qui a été rendue uniquement parce que l'avocat n'a pas compris et observé les exigences procédurales?

[21]      L"avocate du demandeur dispose, à partir d"aujourd"hui, d"un délai de sept jours pour présenter à la Cour une question à certifier, à la demande de son client. Une copie de la question devra être envoyée au défendeur, qui disposera à son tour d"un délai de sept jours pour soumettre une question ou faire des remarques, ou les deux.

[22]      La demande est rejetée.



" Max M. Teitelbaum "

                                             J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Le 5 octobre 1999.










Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :              IMM-2782-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      YASER EL SAYED DESOUKY c. MCI


REQUÊTE TRAITÉE SUR DOCUMENTS SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS D"ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

EN DATE DU :              5 octobre 1999

AVIS DE REQUÊTE DE :

Alice Damulira                          POUR LE DEMANDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Alice Damulira                          POUR LE DEMANDEUR

Ottawa (Ontario)


Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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