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Date : 20041104

Dossier : IMM-1543-04

Référence : 2004 CF 1552

Ottawa (Ontario), le 4 novembre 2004

Présent :          L'honorable juge Harrington

ENTRE :

                                                               NATACHA OSSÉ

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                             

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

[1]                Mme Natacha Ossé est ressortissante d'Haïti. Elle a quitté ce pays en juillet 2001, avec le passeport américain de son amie qui l'hébergeait. Elle a fait une application pour le statut de réfugié et a été refusée en raison d'une décision en septembre 2002. Ensuite, elle a subi un ERAR (Examen des Risques Avant Renvoi) et l'agente a conclu qu'elle n'était pas à risque si elle était retournée en Haïti.


[2]                Mme Ossé craint la police à son retour en Haïti. Elle allègue que cette dernière procéderait à son emprisonnement puisqu'elle aurait dénoncé les agissements du sénateur Fourel Célestin à son égard. Elle allègue que sa mère aurait été emprisonnée par la police depuis le mois de septembre 2002 et que cet emprisonnement serait en relation directe du fait qu'elle ait demandé le statut de réfugié au Canada.

[3]                Elle allègue avoir été agressée sexuellement par le Sénateur Célestin en juillet 2001.

[4]                À cause de la nouvelle allégation de Mme Ossé que sa mère était détenue sans mandat ou sans procès, l'agente d'ERAR a fixé une entrevue avec elle pour clarifier la situation. L'entrevue s'est déroulée en personne. Après l'entrevue, l'agente a contacté M. Prophète (un ami de la mission) par téléphone. Mme Ossé a subséquemment passé une autre entrevue par téléphone pour clarifier certaines contradictions dans son témoignage.

DÉCISION CONTESTÉE

[5]         Le Tribunal a conclu que Mme Ossé ne risque pas d'être torturée ou persécutée à son retour. Après avoir étudié la preuve soumise et avoir reçu la demanderesse en entrevue, il fut statué que les incohérences dans son témoignage avaient un effet sur sa crédibilité. Tout au long de l'entrevue, la demanderesse a été vague et contradictoire lorsqu'elle devait répondre aux questions.

QUESTION EN LITIGE

[6]         1.        Est-ce que l'entrevue de M. Prophète viciait les droits de Mme Ossé octroyés par la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R. 1985, c. P-21?


2.          Est-ce que les principes d'impartialité stipulent que Mme Ossé doit avoir le droit de contre-interroger?

PRÉTENTIONS DE LA DEMANDERESSE

[7]         Mme Ossé allègue que l'agente d'ERAR a rendu une décision sans tenir compte de toute la preuve soumise. Elle allègue également que l'agente a commis une erreur de droit en consultant un tiers sur le dossier de la demanderesse, M. Prophète, sans autorisation.

[8]                Mme Ossé soutient aussi qu'elle n'était pas présente durant l'arrestation de sa mère et qu'elle n'aurait donc pas pu donner des détails exhaustifs concernant l'arrestation, les motifs de la détention ou des procédures entreprises pour libérer sa mère.

[9]                Par ailleurs, Mme Ossé soumet qu'elle n'a jamais eu l'opportunité de contre-interroger M. Prophète sur son témoignage.

PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR

[10]       Le défendeur fait valoir que la demande de protection a été étudiée conformément aux dispositions pertinentes de la Loi et que l'examen de risques de renvoi a été fait sous analyse complète de tous les éléments de preuve déposés par la demanderesse.

[11]            Le défendeur prétend que Mme Ossé aurait dû s'attendre à ce que M. Prophète se fasse questionner étant donné qu'elle avait elle-même déposé un affidavit de M. Prophète pour appuyer sa cause.

[12]            Par ailleurs, le défendeur soutient que l'agent est bien placé pour évaluer la preuve et de lui accorder le poids nécessaire.

ANALYSE

[13]       La prétention de Mme Ossé que l'agente d'ERAR aurait consulté un tiers au sujet de son dossier et ce sans sa permission écrite, en contravention de l'esprit de la Loi sur la protection des renseignements personnels, est sans mérite. Il est évident à la lecture de transcription des témoignages oraux durant l'entrevue en personne avec Mme Ossé qu'elle a donné son consentement. L'agente lui a spécifiquement demandé si ça lui convenait que l'agente contacte M. Prophète après l'entrevue. Mme Ossé lui a répondu qu'elle pouvait appelé M. Prophète ainsi que l'avocat de sa mère en Haïti, M. Joseph.


[14]            Mme Ossé s'appuie sur l'arrêt AB c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l'immigration), [2003] 1 C.F. 3, pour appuyer sa proposition que l'agente aurait violé la Loi précitée. L'honorable juge O'Keefe a conclu que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié avait eu tort d'utiliser le dossier du demandeur aux fins d'une revendication du statut de réfugié qui semblait similaire à la sienne, et ce après que le demandeur s'y était clairement opposé. Le cas précité comporte une situation entièrement différente du cas en l'espèce car la demanderesse a clairement donné son consentement.

[15]            En général, les règles de preuve ne s'appliquent pas pour les tribunaux administratifs (Canada v. Thanabal (Ministre de la citoyenneté et de l'immigration) [2003] A.C.J. No 1548). Par ailleurs, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 stipule à l'alinéa 170(g):

170. Dans toute affaire dont elle est saisie, la Section de la protection des réfugiés_:

g) n'est pas liée par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve;

Les règles sont assouplis justement pour permettre aux requérants de statut de réfugié d'apporter de la preuve qui ne serait pas normalement admissible.

[16]            De plus, la demanderesse a eu l'occasion de contacter M. Prophète elle-même, tel qu'elle l'avait énoncé lors de l'entrevue. Par ailleurs, la demanderesse a été confrontée par des incompatibilités entre son témoignage et celui de M. Prophète, auxquelles elle n'a pu fournir aucune explication raisonnable.


[17]            Il est de jurisprudence constante de nos tribunaux que la charge de la preuve incombe au demandeur. En l'espèce, la demanderesse ne s'est pas déchargée de son fardeau. Elle n'a pas satisfait l'agente d'ERAR qu'il y avait une nouvelle situation depuis la détermination de son statut de réfugié qui l'empêcherait de retourner en Haïti. Cette analyse est conforme aux principes énoncés au paragraphe 196 du "Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés", le "Guide du HCNUR", qui lit:

196.      C'est un principe général de droit que la charge de la preuve incombe au demandeur. Cependant, il arrive souvent qu'un demandeur ne soit pas en mesure d'étayer ses déclarations par des preuves documentaires ou autres, et les cas où le demandeur peut fournir des preuves à l'appui de toutes ses déclarations sont l'exception bien plus que la règle. Dans la plupart des cas, une personne qui fuit la persécution arrive dans le plus grand dénuement et très souvent elle n'a même pas de papiers personnels. Aussi, bien que la charge de la preuve incombe en principe au demandeur, la tâche d'établir et d'évaluer tous les faits pertinents sera-t-elle menée conjointement par le demandeur et l'examinateur. Dans certains cas, il appartiendra même à l'examinateur d'utiliser tous les moyens dont il dispose pour réunir les preuves nécessaires à l'appui de la demande. Cependant, même cette recherche indépendante peut n'être pas toujours couronnée de succès et il peut également y avoir des déclarations dont la preuve est impossible à administrer. En pareil cas, si le récit du demandeur paraît crédible, il faut lui accorder le bénéfice du doute, à moins que de bonnes raisons ne s'y opposent.

[18]            Il a été convenu que les présents motifs seraient communiqués avant que je prononce mon ordonnance étant donnéque, suivant l'article 74 de la Loi, un appel à la Cour d'appel fédérale n'est recevable que si je certifie que l'affaire comporte une question grave de portée générale et que jnonce cette question. J'accorde à la partie demanderesse jusqu'au 10 novembre 2004 pour proposer des questions aux fins de la certification. Le défendeur aura jusqu'au 15 novembre 2004 pour répondre à la partie demanderesse.

"Sean Harrington"

                                                                                                     Juge                  

Ottawa (Ontario)

le 4 novembre 2004


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                     

DOSSIER :                                                     IMM-1543-04

INTITULÉ :                                                    NATACHA OSSÉ

ET

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 27 OCTOBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE HARRINGTON

DATE DES MOTIFS :                                               LE 4 NOVEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

Fritz Louis                                                        POUR LA DEMANDERESSE

Michel Pépin                                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Fritz Louis                                                         POUR LE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur Général du Canada


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