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     Date: 19971205

     Dossier: IMM-3527-96

Entre :

     OSTAFI, PAUL SEVASTIAN et

     OSTAFI, EDUARD CRISTIAN,

     Requérants,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     Intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]      La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 10 septembre 1996 par la Section du statut de réfugié statuant que les requérants, Paul Sevastian Ostafi et son frère Eduard Cristian Ostafi, ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention, tel que défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration (la Loi). Les requérants basent leur revendication sur leur crainte de persécution en Roumanie en raison de leur appartenance à un groupe social, soit les jeunes Roumains de 19 à 26 ans.

[2]      Les requérants ont quitté la Roumanie en autobus le 15 mai 1993. Ils ont traversé l'Ukraine et la Pologne pour ensuite demander l'asile en Allemagne le 18 mai 1993. Ils sont plus tard allés en France pour enfin se rendre au Canada le 8 septembre 1993.

[3]      Après avoir jugé que les jeunes Roumains de 19 à 26 ans ne constituent pas un groupe social particulier au sens de la Convention, tel que défini au paragraphe 2(1) de la Loi, ce qui aurait été suffisant pour rejeter la revendication des requérants, le tribunal a néanmoins considéré la version des faits exprimée par les requérants et leur comportement pour finalement conclure:

             Dans ce contexte, les revendicateurs ne se sont pas déchargés du fardeau de la preuve qui leur incombait, ils n'ont pas démontré de façon raisonnable et crédible qu'il existe une "possibilité sérieuse" pour eux d'être victimes de persécution advenant leur retour en Roumanie.                 

[4]      Sur la question de la crédibilité reliée à la crainte de persécution exprimée par les requérants personnellement, le tribunal n'a pas cru que le requérant principal n'avait pas gardé copie de l'article paru dans le journal faisant allusion au scandale impliquant son patron; le tribunal a trouvé invraisemblable qu'il ait utilisé la page du journal comportant cet article pour envelopper son sandwich, malgré la rareté du papier en Roumanie. En outre, la Section du statut a considéré que les requérants s'étaient contredits en expliquant pourquoi ils n'avaient pas attendu la réponse de l'Allemagne à leur revendication de statut de réfugié; après avoir d'abord répondu qu'ils étaient venus au Canada attirés par la publicité, ils ont ensuite indiqué qu'ils étaient venus au Canada suite à des discussions avec leurs parents. Enfin, le tribunal a souligné que le comportement des requérants n'était pas compatible avec une vraie crainte subjective de persécution, puisqu'ils n'avaient pas revendiqué le statut de réfugié en France où ils avaient passé quelques mois. À ce dernier sujet, le tribunal a exprimé ce qui suit:

             Aucune revendication au Statut de réfugié ne fut faite en France où ils sont demeurés deux mois. Le tribunal considère que le comportement des revendicateurs est incompatible avec celui de personnes disant craindre pour leur vie. Une personne qui dit craindre pour sa vie choisit-elle son pays de refuge? Selon le juge MacKay, il est présumé qu'un pays signataire d'une Convention internationale assumera ses obligations5:                 
             "In my view, it may also assume that a country adhering to an international convention will meet its obligation to implement the convention within its own territory if that be required, unless evidence to the contrary is adduced."                         
                         
         5      Lucian Ioan Ilie c. M.E.I., (C.F.), section de première instance, no. IMM-462-94, le 22 novembre 1994.                 

[5]      Dans l'affaire Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315, Monsieur le juge Décary, pour la Cour d'appel fédérale, a précisé, à la page 316, que le même degré de retenue judiciaire s'applique aux questions de crédibilité et d'implausibilité:

             Il est exact, comme la Cour l'a dit dans Giron, qu'il peut être plus facile de faire réviser une conclusion d'implausibilité qui résulte d'inférences que de faire réviser une conclusion d'incrédibilité qui résulte du comportement du témoin et de contradictions dans le témoignage. La Cour n'a pas, ce disant, exclu le domaine de la plausibilité d'un récit du champ d'expertise du tribunal, pas plus qu'elle n'a établi un critère d'intervention différent selon qu'il s'agit de "plausibilité" ou de "crédibilité".                 
             Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié à pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. Dans Giron, la cour n'a fait que constater que dans le domaine de la plausibilité, le caractère déraisonnable d'une décision peut-être davantage palpable, donc plus facilement identifiable, puisque le récit apparaît à la face même du dossier. Giron, à notre avis, ne diminue en rien le fardeau d'un appelant de démontrer que les inférences tirées ne pouvaient pas raisonnablement l'être. L'appelant, en l'espèce, ne s'est pas déchargé de ce fardeau.                 
                             (C'est moi qui souligne.)                 

[6]      En l'espèce, je suis d'avis, à la lumière de la preuve, que les requérants ne se sont pas déchargés de leur fardeau de démontrer que les inférences tirées par le tribunal spécialisé qu'est la Section du statut ne pouvaient pas raisonnablement l'être. Cela est suffisant pour justifier le rejet de la demande de contrôle judiciaire sans que cette Cour ait à trancher la question relative à l'appartenance des requérants à un groupe social tel que défini par la Convention.

[7]      Par ailleurs, le principe de stare decisis, invoqué par les requérants, ne saurait ici recevoir d'application, tous les faits de l'autre revendication devant la Section du statut n'ayant pas été mis en preuve (voir Handal et al. c. M.E.I. (10 juin 1993), 92-A-6875).

[8]      Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

                            

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 5 décembre 1997



COUR FEDERALE DU CANADA SECTION DE PREMIERE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N º DE LA COUR : IMM-3527-96

INTITULE : PAUL SEVASTIAN OSTAFI ET AL c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE : Montreal, Quebec DATE DE L'AUDIENCE : le 3 décembre 1997 MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE PINARD EN DATE DU 5 décembre 1997

COMPARUTIONS

Me Serge Segal POUR LA PARTIE REQUERANTE

Me Josée Paquin POUR LA PARTIE INTIMEE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Me Serge Segal POUR LA PARTIE REQUERANTE

M. George Thomson POUR LA PARTIE INTIMEE Sous-procureur general du Canada

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