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                                                             Date : 20030514

                                                          Dossier : T-308-01

                                                  Référence : 2003 CFPI 574

Entre :

                     CHRISCON INVESTMENTS LTD.

                                                        demanderesse

                                 et

                  LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                           défendeur

                      MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]    Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision par laquelle Patrice Allard, chef des appels, Bureau des services fiscaux, à Montréal, a refusé, le 22 janvier 2001, une demande que la demanderesse avait faite pour qu'il soit renoncé à une partie des intérêts et pénalités se rapportant à une cotisation établie conformément à une vérification des livres et registres comptables de la demanderesse effectuée par Revenu Canada.


[2]    Àla suite d'une vérification des livres et registres comptables de la demanderesse, la déduction d'une dépense d'un montant de 170 000 $ a été refusée pour l'exercice 1994. La demanderesse a accepté qu'une nouvelle cotisation soit établie, lui permettant de compenser le montant, maintenant considéré comme un revenu, par les pertes subies au cours des exercices ayant pris fin le 30 juin 1995 et le 30 juin 1996.

[3]    La nouvelle cotisation de la demanderesse a été établie le 6 avril 1999. Le 24 août 1999, la demanderesse a sollicité au premier palier un examen fondé sur lquité à lgard de la nouvelle cotisation pour le motif qu'on ne lui avait pas dit qu'un montant de 24 087 $ serait payable au titre des intérêts et que la société faisait face à des problèmes de liquidités et ne pouvait pas payer le montant indiqué sans faire face à des difficultés.

[4]    La demande que la demanderesse a faite en vue de faire annuler les intérêts a été refusée par Francine Laporte, coordonnatrice du programme dquité, dans une lettre en date du 12 avril 2000 pour le motif que la demanderesse n'avait pas démontré qu'elle ntait pas en mesure de payer.

[5]    Le 15 mai 2000, la demanderesse a demandé au deuxième palier un examen de son dossier fondé sur lquité, en affirmant de nouveau ne pas être en mesure de payer et en invoquant l'article 5 et l'alinéa 6c) des Lignes directrices concernant l'annulation des intérêts et des pénalités, Circulaire no 92-2, en date du 18 mars 1992 (les Lignes directrices).

[6]    Diane Bertrand, agente des appels, a examiné le dossier de la demanderesse. Compte tenu de ses recommandations, M. Allard a refusé, dans une lettre en date du 22 janvier 2001, la demande que la demanderesse avait faite en vue de faire annuler les intérêts.

[7]    Monsieur Allard a refusé la demande de la demanderesse en donnant l'explication suivante :


[TRADUCTION] J'ai tenu compte de la position prise par l'Agence au sujet des dispositions relatives à lquité et j'ai examiné à fond et d'une façon impartiale les faits et les représentations que vous avez soumis à l'appui de votre demande. Compte tenu de ces représentations, j'ai conclu que la demande que vous avez présentée en vue de faire annuler les intérêts devrait être refusée. Je regrette que cette décision ne puisse pas vous être plus favorable.

[8]    La disposition pertinente de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e supp.), ch. 1, est ainsi libellée :

220. (3.1) Le ministre peut, à tout moment, renoncer à tout ou partie de quelque pénalité ou intérêt payable par ailleurs par un contribuable ou une société de personnes en application de la présente loi, ou l'annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

220. (3.1) The Minister may at any time waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by a taxpayer or partnership and, notwithstanding subsections 152(4) to (5), such assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made as is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

[9]    Les dispositions pertinentes des Lignes directrices sont ci-après énoncées :



5. Il sera convenable d'annuler la totalité ou une partie des intérêts ou des pénalités, ou de renoncer à ceux-ci, si ces intérêts ou ces pénalités découlent de situations indépendantes de la volonté du contribuable ou de l'employeur. Voici des exemples de situations extraordinaires qui pourraient empêcher un contribuable, un agent d'un contribuable, l'exécuteur d'une succession ou un employeur de faire un paiement dans les délais exigés ou de se conformer à d'autres exigences de la Loi de l'impôt sur le revenu :

a) une calamité naturelle ou une catastrophe provoquée par l'homme comme une inondation ou un incendie;

b) des troubles civils ou l'interruption de services comme une grève des postes;

c) une maladie grave ou un accident grave;

d) des troubles émotifs sérieux ou une souffrance morale grave comme un décès dans la famille immédiate.

6. L'annulation des intérêts ou des pénalités ou la renonciation à ceux-ci peuvent également être justifiées si ces intérêts ou pénalités découlent principalement d'actions attribuables au Ministère comme dans les cas suivants :

[. . .]

c) une réponse erronée qu'un contribuable ou un employeur a reçue concernant une demande de renseignements comme dans le cas où le Ministère a informé par erreur un contribuable qu'aucun acompte provisionnel n'est nécessaire pour l'année en cours;

5. Penalties and interest may be waived or cancelled in whole or in part where they result in circumstances beyond a taxpayer's or employer's control. For example, one of the following extraordinary circumstances may have prevented a taxpayer, a taxpayer's agent, the executor of an estate, or an employer from making a payment when due, or otherwise complying with the Income Tax Act :

(a) natural or human-made disasters such as, flood or fire;

(b) civil disturbances or disruptions in services such as, a postal strike;

(c) a serious illness or accident; or

(d) serious emotional or mental distress such as, death in the immediate family.

6. Cancelling or waiving interest or penalties may also be appropriate if the interest or penalty arose primarily because of actions of the Department, such as :

[. . .]

(c) a taxpayer or employer receives incorrect advice such as in the case where the Department wrongly advises a taxpayer that no instalment payments will be required for the current year;

[10] Le paragraphe 220(3.1) de la Loi confère un pouvoir discrétionnaire au ministre. Par conséquent, la Cour doit être convaincue que le contribuable a étéentendu et que le ministre a pris en considération tous les arguments du contribuable avant d'arriver à une décision (voir, par exemple, Courchesne c. Ministre du Revenu national (1996), 124 F.T.R. 89). Le pouvoir discrétionnaire doit être exercé de bonne foi et conformément aux principes de justice fondamentale (voir, par exemple, Edwards et al. c. Agence des douanes et du revenu du Canada (31 mai 2002), T-1030-01, 2002 CFPI 618).

[11] Compte tenu de la preuve qui a été présentée en l'espèce, je suis convaincu que le pouvoir discrétionnaire conféré au ministre au paragraphe 230(3.1) de la Loi a été exercé d'une façon régulière.


[12] La demanderesse a obtenu une copie des Lignes directrices lorsque Francine Laporte l'a informée que la demande visant l'examen fondé sur lquité au premier palier avait été refusée. La demanderesse soutient que le ministre n'a pas tenu compte de deux facteurs pertinents en exerçant son pouvoir discrétionnaire et que le pouvoir discrétionnaire a été exercé en violation de l'article 5 et de l'alinéa 6c) des Lignes directrices. Le premier facteur est que le vérificateur du gouvernement n'a pas informé la demanderesse que ltablissement de la nouvelle cotisation entraînerait l'imposition d'intérêts et de pénalités, lesquels ne pouvaient pas être compensés par des pertes subies au cours d'années subséquentes. Deuxièmement, le vérificateur a dit à la demanderesse que si une somme de 170 000 $ était incluse dans le revenu, un montant minime serait dû ou aucun montant ne serait dû au titre de l'impôt. Or ni l'une ni l'autre de ces présumées représentations faites par le vérificateur ne correspond aux descriptions, dans les Lignes directrices, des circonstances dans lesquelles les pénalités et les intérêts peuvent faire l'objet d'une renonciation ou d'une annulation.

[13] La demanderesse ne peut pas soutenir que le vérificateur ne l'a pas informée que des intérêts seraient payables et que cela constitue une circonstance exceptionnelle indépendante de sa volonté, semblable aux circonstances envisagées à l'article 5 des Lignes directrices. Selon les notes qui ont été préparées aux fins de l'examen fondé sur lquité au deuxième palier, l'entente signée par M. Socrates Goulakos pour le compte de la demanderesse, dans laquelle la demanderesse a consenti à ltablissement de la première nouvelle cotisation, prévoyait ce qui suit en bas de page :

[TRADUCTION] L'impôt sur le revenu qui est payable par suite de la modification proposée sera assujetti à des intérêts au taux prescrit.

(Dossier du défendeur, pages 9, 20 et 26)

[14] L'auteur des notes, Diane Bertrand, signale également que la demanderesse bénéficiait des services professionnels d'un cabinet de comptables agréés, Dragonas Goulakos, dont les bureaux sont situés à la même adresse que la sienne. Il n'est pas déraisonnable de considérer qu'il peut être présumé que ce cabinet comprend les effets fiscaux de décisions commerciales.

[15] De même, la représentation que le vérificateur a faite à la demanderesse, à savoir que l'entente donnerait lieu à un impôt minime ou ne donnerait lieu à aucun impôt, ne constitue pas un motif de contrôle judiciaire. Aucun avis inexact au sens de l'alinéa 6c) n'a été donné au contribuable. La représentation qui a été faite se rapportait à l'impôt sur le revenu plutôt qu'aux intérêts payables. Si la demanderesse s'inquiétait du montant des intérêts à payer, elle aurait dû soulever la question avant de signer l'entente qui prévoyait que des intérêts seraient exigés.


[16] Les première et deuxième demandes que la demanderesse a présentées en vertu de la législation fondée sur lquité ont été refusées pour le motif que l'incapacité de payer les intérêts exigibles n'avait pas été établie d'une façon suffisante. En fait, la demanderesse avait omis de fournir au défendeur des états financiers de l'exercice écoulé, même si ce dernier avait tenté à trois reprises de les obtenir. Selon la preuve dont disposait le défendeur au moment pertinent, la recommandation du comité dquité et la décision de Patrice Allard étaient à mon avis tout à fait raisonnables. Le ministre n'a pas agi de mauvaise foi, il n'y a pas eu violation des principes de justice fondamentale et il n'a pas été tenu compte de facteurs étrangers ou non pertinents, de sorte que l'intervention de la Cour n'est pas justifiée.

[17] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

                         « Yvon Pinard »                          

      JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 14 mai 2003

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                 T-308-01

INTITULÉ :                                CHRISCON INVESTMENTS LTD.

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                      Le 10 avril 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                  MONSIEUR LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :                        Le 14 mai 2003

COMPARUTIONS :

M. Mark Kmec                              POUR LA DEMANDERESSE

Mme Kim Sheppard                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

S. Marc Kmec                              POUR LA DEMANDERESSE

Dorval (Québec)

Morris Rosenberg                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)


                                                             Date : 20030514

                                                          Dossier : T-308-01

Ottawa (Ontario), le 14 mai 2003

En présence de Monsieur le juge Pinard

Entre :

                     CHRISCON INVESTMENTS LTD.

                                                        demanderesse

                                 et

                  LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                           défendeur

                             ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

                      « Yvon Pinard »                         

           JUGE

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.

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