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Date : 19990126


Dossier : T-1868-98

OTTAWA (ONTARIO), LE MARDI 26 JANVIER 1999

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE McGILLIS

ENTRE :

     DENHARCO INC.,

     requérante,

     - et -

     FORESPRO INC.,

     intimée.

     O R D O N N A N C E

     La demande d"ordonnance de cessation d"occuper, présentée par voie de requête et visant à ce que la Cour déclare inhabile à occuper pour l'intimée le cabinet Smart & Biggar inscrit au dossier pour l"intimée, est rejetée. L"intimée a droit aux dépens afférents à la requête pour les sommes indiquées au haut de la colonne III du tarif B, quelle que soit l'issue de la cause.

                             D. McGillis
                            
                             Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.

     Date : 19990126

     Dossier : T-1868-98

ENTRE :

     DENHARCO INC.,

     requérante,

     - et -

     FORESPRO INC.,

     intimée.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McGILLIS

INTRODUCTION

[1]      La requérante Denharco Inc. (Denharco) a demandé à la Cour, par voie de requête, d"ordonner que l"inscription du cabinet Smart & Biggar au dossier, pour l"intimée, soit rayée dans la présente action en contrefaçon de brevet pour raison de conflit d'intérêts. Il s"agit d"une action en contrefaçon du brevet canadien no 1,126,627 (brevet '627) par la fabrication, l'utilisation et la vente d"ébrancheuses, actes reprochés à Forespro.

LES FAITS

[2]      Le 29 juin 1982, la société Équipements Denis Inc. (Équipements Denis) a obtenu le brevet '627 pour une invention appelée "ébrancheuse".

[3]      En 1990, Équipements Denis a intenté une action en justice contre Harricana Metal Inc. (Harricana) dans le dossier no T-768-90, alléguant la contrefaçon du brevet '627. Le cabinet Smart & Biggar était inscrit au dossier pour Équipements Denis et l"affaire avait été confiée à Me François Guay. Harricana était représentée par Me David Aitken du cabinet Osler, Hoskin & Harcourt qui représente Denharco en l'espèce. Harricana a déposé la défense et une demande reconventionnelle dans lesquels elle a allégué l'invalidité du brevet '627 pour divers motifs, y compris l"évidence à la date de l'invention, l"insuffisance du mémoire descriptif qui ne décrit pas de façon exacte et complète l'invention et son application, telles que les a conçues son inventeur, et qui revendique plus que la chose inventée.

[4]      Le 14 mai 1990, Équipements Denis a présenté une demande d"injonction interlocutoire. À l'appui de sa requête, Équipements Denis a déposé un affidavit de son président, Jean-Yves Leblanc. L'affidavit visait notamment le développement et le succès commercial de l'ébrancheuse.

[5]      Le 14 août 1990, M. Leblanc a été contre-interrogé au sujet de son affidavit. Il était représenté par Me Guay. Le contre-interrogatoire a porté, notamment, sur la date de la première présentation de l"invention au public, le volume des ventes, les états financiers d'Équipements Denis et les premières ventes de modèles d"ébrancheuse antérieurs dont celle-ci avait eu connaissance. Me Guay a demandé que plusieurs questions soient mises en délibération pendant le contre-interrogatoire. Après le contre-interrogatoire, il a répondu promptement aux questions demeurées en suspens. Quelques-unes de ses réponses ont été données sous réserve de confidentialité.

[6]      Peu après, Marcel Boutin, un des administrateurs d'Équipements Denis, a demandé à Me Guay de suspendre toutes les actions en justice au motif que les parties, savoir Équipements Denis et Harricana, avaient entamé des discussions de nature commerciale. Au cours des semaines suivantes, la société Harricana s"est portée acquéreur de l"actif de la division de foresterie d'Équipements Denis.

[7]      Le 19 octobre 1990, le juge Pinard a ajourné indéfiniment la requête en injonction interlocutoire, sur consentement. Les parties se sont désistées de toutes les demandes relatives au dossier T-768-90 par avis de désistement signé par leurs avocats, en juin 1998.

[8]      Même si les éléments de preuve au dossier ne sont pas clairs à cet égard, à un moment donné, la société Harriicana est devenue Denharco, requérante en l'espèce. Denharco est l"ayant cause par rapport au brevet '627.

[9]      Le 14 octobre 1998, Denharco a déposé une déclaration au dossier no T-1868-98 alléguant la contrefaçon, par Forespro, du brevet '627, de même que du brevet canadien 1,275,027.

[10]      Le 14 décembre 1998, Forespro a présenté une demande de prorogation de délai afin de signifier et de déposer une défense et une demande reconventionnelle. L'affidavit à l"appui de la requête indique que Me François Guay du cabinet Smart & Biggar était responsable du dossier et que Forespro avait besoin d"une prorogation du délai pour préparer la demande reconventionnelle alléguant l'invalidité du brevet '627. Cette requête a été ajournée en attendant la décision relative à la présente requête.

[11]      Le 10 décembre 1998, Denharco a déposé, à l"appui de sa requête demandant que soit rayée l"inscription du cabinet Smart & Biggar au dossier, pour Forespro, un affidavit sous serment de Christine E. Hicks. Me Hicks est une associée du cabinet Osler, Hoskin & Harcourt.

[12]      Dans son affidavit, Me Hicks a déclaré, notamment, que la date de la première utilisation publique de l'ébrancheuse et son succès commercial "pourraient" être en litige en l"espèce à cause des allégations d'invalidité fondées sur la vente ou l'utilisation antérieure ou sur l"évidence. Elle a ajouté que les états financiers confidentiels de Denharco "pourraient" être en litige par rapport aux pertes ou aux profits perdus découlant des contrefaçons alléguées. Enfin, elle a déclaré que la réputation de Denharco "pourrait" être en litige à cause de l'allégation d'invalidité fondée sur l"évidence.

[13]      Au cours du contre-interrogatoire au sujet de son affidavit, Me Hicks a reconnu très franchement qu'elle n'avait aucune connaissance personnelle du litige antérieur puisqu'elle n"était entrée comme avocate chez Osler, Hoskin & Harcourt qu"en 1994. Elle a également déclaré que Me Aitken avait rédigé son affidavit et décidé des pièces qu"il fallait y joindre. Elle a confirmé que tous les documents soumis à l'appui de la requête étaient publics et qu'elle ne savait pas personnellement si des renseignements confidentiels avaient été communiqués à Me Guay par Équipements Denis dans le cadre de la poursuite antérieure. Denharco n"a soumis autre élément de preuve à l'appui de sa requête.

[14]      À l'appui de la requête, Forespro a déposé des affidavits de Me Guay, de Jean Sigouin et de Sylvie Paulhus. L"avocat de Denharco n"a contre-interrogé aucun des déposants.

[15]      Dans son affidavit, Me Guay a déclaré notamment qu'il avait été admis au Barreau du Québec en 1982, et qu'il exerçait le droit depuis cette date dans le domaine de la propriété intellectuelle. Vers la fin de 1989 ou au début de 1990, Me Guay a reçu le mandat de représenter Équipements Denis en justice dans une éventuelle action en contrefaçon de brevet contre Harricana. À cette époque, il avait affaire, la plupart du temps, à Jean-Yves Leblanc, président et directeur général d'Équipements Denis. À quelques reprises, il a rencontré Marcel Boutin, l'un des principaux administrateurs de la compagnie ou il s"est entretenu avec lui. Il a rencontré Laurent Denis, inventeur du brevet '627 une fois, pendant quinze ou vingt minutes. La rencontre avait pour but de discuter de la possibilité de choisir un témoin expert.

[16]      Au cours de ces discussions avec MM. Leblanc ou Boutin, Me Guay a mentionné la possibilité d'une action en contrefaçon de brevet, l'invalidité prima facie du brevet, les réparations possibles et l"opportunité de présenter une requête en injonction interlocutoire. Me Guay n'a jamais discuté avec les représentants d'Équipements Denis des motifs d'invalidité du brevet sauf en ce qui concerne les antériorités, question qui a par la suite été soulevée par Harricana dans sa défense et sa demande reconventionnelle.

[17]      Au cours de la discussion concernant la possibilité de présenter une requête en injonction interlocutoire, Me Guay a parlé des bénéfices globaux d'Équipements Denis pendant les dernières années, du rôle important des ébrancheuses relativement à ses revenus, du marché visé par ce produit et de sa part du marché. L"affidavit de Jean-Yves Leblanc, un des principaux administrateurs de la compagnie assermenté le 14 mai 1990, qui a été déposé publiquement à l'appui de la requête en injonction interlocutoire, contenait tous ces renseignements. L'affidavit de M. Leblanc a également été déposé en l'espèce comme pièce à l"appui de l'affidavit de Me Hicks.

[18]      Me Guay n'a participé à aucune des discussions de nature commerciale qui ont entraîné l'acquisition de la division de foresterie d'Équipements Denis par Harricana.

À la suite de l"ajournement des procédures conformément aux instructions de son client, Me Guay n'a plus participé à l'affaire sauf qu"il a signé un avis de désistement de la poursuite.

[19]      Dans son affidavit, Me Guay a déclaré sous serment qu'il n'avait jamais reçu de renseignements de nature confidentielle d"Équipements Denis susceptibles d"être utilisés au détriment de Denharco en l'espèce. En réponse à diverses allégations soulevées dans l'affidavit de Me Hicks concernant l'invalidité du brevet, il a déclaré que la date de l"invention n'avait jamais été disponible et qu"il n"avait jamais abordé avec son client la question de l"insuffisance du mémoire descriptif et de la revendication allant au delà de la chose inventée. Il a ajouté que le succès commercial d'Équipements Denis grâce à la vente de l'ébrancheuse n'était pas confidentiel et que ce succès était décrit en détail dans l'affidavit de M. Leblanc de 1990 préparé aux fins de la requête en injonction interlocutoire. Tel que susmentionné, cet affidavit a été déposé publiquement en 1990 et il a également été déposé comme pièce à l"appui de l'affidavit de Me Hicks en l'espèce. En outre, Me Guay a souligné qu'Équipement Denis était une société ouverte pendant toute l'époque en cause et que ses résultats financiers avaient fait l'objet de nombreux commentaires dans les médias.

[20]      Il y a plus de trois ans, tous les documents du dossier de Smart & Biggar relatifs à l'action en contrefaçon de brevet entre Équipements Denis et Harricana ont été détruits, sauf les comptes remis, et la correspondance entre Smart & Biggar et le greffe de la Cour, Osler, Hoskin & Harcourt et Équipements Denis. Cette dernière correspondance était de nature générale et portait sur l"acheminement de documents à la Cour ou faisait le point sur le déroulement du litige. Le dossier ne contient aucun autre document et le dernier compte pour services rendus est daté du 31 décembre 1990.

[21]      Vers le 2 novembre 1998, Jean Sigouin a téléphoné à Me Guay pour lui demander de représenter Forespro dans une action en contrefaçon de brevet engagée par Denharco. Un autre bureau d'avocats qui n'était pas en mesure d'accepter ce mandat avait suggéré à M. Sigouin de s"adresser à Me Guay de Smart & Biggar. Quand Me Guay a reçu les documents pertinents de M. Sigouin, il s"est rendu compte qu'il connaissait l"un des brevets en litige, savoir le brevet '627. Me Guay l"a dit à M. Sigouin et l'a avisé que même si selon lui il n'y avait aucun conflit d'intérêts, il avait l'intention de demander l'opinion du Barreau du Québec.

[22]      Me Guay a communiqué avec Me Daniel Madron du Barreau du Québec peu après. Il a dit à Me Madron, entre autres choses, qu'il n'avait jamais reçu de renseignement technique ou confidentiel concernant l'invention, l'interprétation ou la validité du brevet, ou les affaires commerciales ou financières d'Équipements Denis. En outre, il n'avait pas représenté Équipements Denis dans une autre cause. Après avoir examiné la question, Me Madron a conclu que, compte tenu des faits que lui avait révélés Me Guay, ce dernier n'était pas en situation de conflit d'intérêts au sens du Code de déontologie des avocats du Barreau du Québec. Une lettre de Me Madron a été déposée à l"appui de l'affidavit de Me Guay.

[23]      Tel que susmentionné, l'avocat de Smart & Biggar a également déposé, à l"appui de la requête, un affidavit de Jean Sigouin, secrétaire de Forespro. Dans son affidavit, M. Sigouin a affirmé notamment que la déclaration de Denharco avait été signifiée à Forespro le 16 octobre 1998. Il a envoyé le document aux avocats de Forespro qui lui ont conseillé de demander à un cabinet d'avocats spécialisé dans les litiges entourant les brevets de représenter celle-ci. Vers le 23 octobre 1998, il a parlé à un avocat d'un tel cabinet, mais ce cabinet n'était pas en mesure d'accepter le mandat à cause d'un conflit d'intérêts. L'avocat lui a suggéré de communiquer avec Me Guay du cabinet Smart & Biggar. Le 26 octobre 1998, il a parlé à Me Guay et il lui a fait parvenir les documents pertinents quelques jours plus tard. Au cours d'une de leurs premières conversations, Me Guay a mentionné à M. Sigouin qu'il avait déjà représenté Équipements Denis dans une action en contrefaçon de brevet relative au brevet '627 et qu'il avait l'intention de demander l'avis du Barreau du Québec concernant un conflit d'intérêts. Le 6 novembre 1998, un avocat de Smart & Biggar a avisé M. Sigouin de la décision du Barreau du Québec confirmant que le cabinet pouvait le représenter. À la fin de son affidavit, M. Sigouin a mentionné de nouveau les efforts qu"il avait déployés afin de se trouver un avocat dans cette affaire et il a confirmé qu"il veut que ce soit Smart & Biggar qui représente les intérêts de Forespro. En outre, si Me Guay ne peut représenter Forespro, il veut néanmoins que l"affaire soit confiée au cabinet Smart & Biggar.

[24]      L'affidavit de Sylvie Paulhus, déposé par Forespro à l"appui de la requête, contient divers articles publiés dans les médias concernant le succès commercial et financier d'Équipements Denis.

QUESTION EN LITIGE

[25]      La seule question qui doit être tranchée est celle de savoir si Smart & Biggar est empêchée de représenter Forespro en raison d'un conflit d'intérêts.

ANALYSE

[26]      L'arrêt qui fait autorité quant aux principes à appliquer pour déterminer si un avocat ou un cabinet d'avocats est en situation de conflit d'intérêts est Succession McDonald c. Martin, [1990] 3 R.C.S. 1235. Le juge Sopinka, s"exprimant au nom de la majorité, a décrit le critère applicable en ces termes aux pages 1259 et 1260:

         L'utilisation de renseignements confidentiels est habituellement impossible à prouver. Comme le fait remarquer le lord juge Fletcher Moulton dans l'arrêt Rakusen [traduction] "ce n'est pas p ossible de le prouver" (page 841). J'ajouterai "ou de le réfuter". S'il en était autrement, le public se satisferait sans doute d'une preuve d'absence de préjudice. Mais comme c'est impossible à prouver, le critère retenu doit tendre à convaincre le public, c'est-à-dire une personne raisonnablement informée, qu'il ne sera fait aucun usage de renseignements confidentiels. Voilà, à mon sens, la ligne directrice primordiale que doit suivre la Cour en répondant à la question : sommes-nous en présence d'un conflit d'intérêts de nature à rendre l'avocat inhabile à agir ? Il faut souligner à cet égard que cette conclusion suppose que le client n'a pas acquiescé, mais qu'il s'oppose au mandat qui est à l'origine du confit présumé.                 
         D'ordinaire, ce type d'affaire soulève deux questions : premièrement, l'avocat a-t-il appris des faits confidentiels, grâce à des rapports antérieurs d'avocat à client, qui concernent l'objet du litige ? Deuxièmement, y a-t-il un risque que ces renseignements soient utilisés au détriment du client ?                 

[27]      En répondant à la première question, celle de savoir si un avocat a appris des faits confidentiels pertinents grâce à des rapports d"avocat à client, le juge Sopinka a reconnu qu"il pouvait arriver qu"aucun renseignement confidentiel pertinent, par rapport au nouveau mandat connexe, n'ait été divulgué à l'avocat par le client. À cet égard, il a déclaré ce qui suit aux pages 1260 et 1261 :

         Il peut arriver qu'il soit prouvé hors de tout doute raisonnable qu'aucun renseignement confidentiel pertinent en l'espèce n'a été divulgué; le requérant a pu, par exemple, reconnaître ce fait au cours de son contre-interrogatoire... À mon avis, dès que le client a prouvé l'existence d'un lien antérieur dont la connexité avec le mandat dont on veut priver l'avocat est suffisante, la Cour doit en inférer que des renseignements confidentiels ont été transmis, sauf si l'avocat convainc la Cour qu'aucun renseignement pertinent n'a été communiqué. C'est un fardeau de preuve dont il aura bien de la difficulté à s'acquitter. Non seulement la Cour doit être convaincue, au point qu'un membre du public raisonnablement informé serait persuadé qu'aucun renseignement de cette nature n'a été transmis, mais encore la preuve doit être faite sans que soient révélés les détails de la communication privilégiée. Néanmoins, je suis d'avis qu'il ne convient pas de priver de tout moyen d'action l'avocat qui veut s'acquitter de ce lourd fardeau.                 

[28]      Pour l'application des principes énoncés dans l"arrêt Succession MacDonald c. Martin , précité, aux faits de l'espèce, la première question qu"il faut trancher est celle de savoir si Denharco a établi l'existence d"un "lien important" entre les rapports antérieurs d"avocat à client et le mandat confié par Forespro à Smart & Biggar. Il n"est pas nécessaire toutefois de répondre à cette première question. Même à supposer qu'il y ait connexité suffisante entre les rapports antérieurs entre Smart & Biggar et Équipements Denis et son mandat actuel à l"égard de Forespro, je ne suis pas convaincue, compte tenu des éléments de preuve soumis à l"appui de la requête, que des renseignements confidentiels pertinents ont été communiqués à Smart & Biggar pendant ce rapport antérieur. À cet égard, je constate que la déclaration de Me Guay dans laquelle il nie catégoriquement avoir reçu des renseignements confidentiels d'Équipements Denis concernant le brevet '627 ou toute autre question financière ou commerciale n'a pas été contestée en contre-interrogatoire. En outre, le seul élément de preuve déposé par Denharco à l"appui de sa requête était l'affidavit d'une associée du cabinet Osler, Hoskin & Harcourt qui n'avait aucune connaissance personnelle de la question de savoir si Me Guay avait reçu des informations confidentielles pertinentes dans le cadre de ses rapports antérieurs avec Équipements Denis. Vu les circonstances, je n'hésite aucunement à préférer la déclaration non contredite et non contestée de Me Guay, selon laquelle il n'a reçu aucun renseignement confidentiel pertinent dans le cadre de ses rapports antérieurs d"avocat à client avec Équipements Denis.

[29]      J'en ai conclu que le cabinet de Smart & Biggar s'est acquitté du très lourd fardeau de preuve qui lui incombait, en déposant une preuve contraire claire et non contestée, et qu'il a réfuté l'allégation selon laquelle des renseignements confidentiels lui avaient été communiqués. Par conséquent, je suis convaincue, sur la foi des éléments de preuve déposés, qu'une personne raisonnablement informée du public serait persuadée également qu'aucun renseignement susceptible d"être pertinent en l"espèce n'avait été transmis. Il n"est donc pas nécessaire de se pencher sur le deuxième volet du critère établi dans l'arrêt Succession MacDonald c. Martin, précité, savoir s'il y a un risque que les renseignements confidentiels soient utilisés au détriment du client.

[30]      La conclusion selon laquelle Smart & Biggar n'avait reçu aucun renseignement confidentiel permet de trancher la question soulevée par la requête, mais je note également que Denharco n'a soumis aucun élément de preuve indiquant qu'elle trouvait à redire au mandat confié à Smart & Biggar par Forespro qui est à l"origine du conflit d'intérêts réputé. Dans l'arrêt Succession MacDonald c. Martin , le juge Sopinka a déclaré à la page 1 260, qu'une conclusion de conflit d"intérêts de nature à rendre inhabile : "... suppose que le client n"a pas acquiescé, mais qu"il s"oppose au mandat qui est à l"origine du conflit présumé." Si Denharco s'était opposée au rapport entre l"avocat et son client, elle aurait dû déposer des éléments de preuve afin d'établir ce fait fondamental.

[31]      La requête visant à faire déclarer le cabinet Smart & Biggar inhabile à occuper pour l"intimée est rejetée. L"intimée a droit aux dépens afférents à la requête pour les sommes indiquées au haut de la colonne III du tarif B, quelle que soit l'issue de la cause.

                                 D. McGillis
                        
                                 Juge

OTTAWA

26 janvier 1999

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  T-1868-98

INTITULÉ DE LA CAUSE:          DENHARCO INC. c. FORESPRO INC.

LIEU DE L'AUDITION :              Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDITION :              le 19 janvier 1999

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE McGILLIS EN DATE DU 26 janvier 1999

ONT COMPARU :

David Aitken                  pour la requérante

David Morrow

James D. Kokonis, c.r.              pour l"intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Osler, Hoskin & Hartcourt

Ottawa (Ontario)                  pour la requérante

Smart & Biggar

Ottawa (Ontario)                  pour l"intimée


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