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Date : 20030709

Dossier : T-39-02

Référence : 2003 CF 853

Entre :

                         SOLANGE FONTAINE

                                                        Demanderesse

Et :

                         ME ANDRÉTRUCHON

                               - et -

    LE CONSEIL DE BANDE MONTAGNAIS DE UASHAT MAK MANI-UTÉNAM

                               - et -

                  LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                          Défendeurs

                        MOTIFS D'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une sentence arbitrale datée du 30 novembre 2001 rendue par Me André Truchon, arbitre désigné, conformément à la partie III, section XIV du Code Canadien du Travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, et de ses modifications ("le Code"). Ce dernier rejetait la plainte de congédiement injustifié déposée par la demanderesse.


[2]                 La présente demande vise à faire annuler la décision de l'arbitre, annuler le congédiement de la demanderesse, ordonner sa réintégration à son emploi et retourner le dossier à l'arbitre afin que celui-ci décide du quantum de la réparation monétaire qui devra lui être versée.

[3]                 La demanderesse a commencé à travailler auprès du Conseil de Bande défendeur le 4 juin 1974 comme commis à la perception des loyers. De 1979 à 1986, elle a travaillé comme directrice des finances au secteur de l'Éducation, et à compter de 1986, elle est devenue Directrice des Finances du défendeur.

[4]                 Le 24 août 1998, des élections générales ont eu lieu à Uashat mak Mani-Utenam et la population s'est dotée d'un nouveau conseil de Bande en élisant le chef Rosario Pinette et son équipe de neuf conseillers. À cette époque, plusieurs employés du défendeur, dont la demanderesse, craignaient fortement que le chef Elie-Jacques Jourdain, adversaire politique de Rosario Pinette, ne soit défait aux élections.


[5]                 Dans les jours suivant l'élection, le nouveau Conseil élu s'est mis à la tâche et devait non seulement prendre connaissance de l'ensemble des volumineux dossiers, mais également gérer une situation de crise au sein de la communauté qui ne cessait de croître de façon significative et inquiétante. Devant la grogne sans cesse grandissante de la population et à l'issue de la fermeture des bureaux administratif pour une durée d'une semaine, ce qui paralysa l'ensemble de l'activité administrative, le Conseil choisit de tenir, en date du 4 décembre 1998, une assemblée générale de la population.

[6]                 Lors de cette assemblée, la population réclama sans équivoque la tenue d'une enquête publique sur l'administration financière de l'ancien conseil afin de dissiper des rumeurs qui allaient bon train sur de nombreuses transactions financières frauduleuses impliquant ce dernier. Fort de ce mandat, le Conseil a rassuré la population en lui indiquant qu'il s'informerait sur la procédure à suivre pour la tenue d'une telle enquête.

[7]                 Une enquête publique a effectivement été menée par des firmes d'enquêteurs et d'experts comptables. Tout au long du déroulement de cette enquête, M. Pinette a régulièrement été tenu au courant de sa progression.


[8]                 Le 10 juillet 1999, environ un an après l'élection, le Conseil a décidé unanimement de suspendre temporairement avec solde la demanderesse jusqu'à la conclusion de l'enquête administrative. Il disait avoir des motifs raisonnables de croire qu'il y avait eu des irrégularités dans l'administration des fonds de la Bande. À l'issue de l'enquête, le Conseil aurait été informé de faits troublants concernant la demanderesse et, en plus de porter plainte à la Sûreté du Québec à son endroit, il a décidé de procéder à son congédiement le 29 septembre 1999.

[9]                 Le principal motif de ce congédiement reposait sur la rupture totale du lien de confiance qui unissait le Conseil à la demanderesse et visait de façon non limitative une série de faits. Plus particulièrement, le Conseil reprochait à la demanderesse d'avoir fait signer des contrats de travail (dont le sien), à son insu et sans son autorisation, juste après l'élection du 24 août 1998. Il lui reprochait également de s'être prétendument présentée dans ses locaux le 25 août 1998 pour faire sortir de l'ordinateur des contrats de travail qu'elle se serait empressée de faire signer. La demanderesse fut également avisée que l'enquête sur sa conduite se poursuivait.

[10]            La demanderesse décida donc de porter plainte pour congédiement injustifié et son grief fut entendu par le défendeur Me André Truchon. Lors de l'audition de cette affaire qui dura quelques vingts-quatre jours et au cours de laquelle plus de 20 personnes ont été entendues, le Conseil a soulevé plusieurs autres motifs qui justifiaient, selon lui, son congédiement:

a)          un manque de contrôle dans la réquisition de certains chèques;


b)          des paiements de factures qui auraient été faits en double au transporteur Innu l'Autobus, dont le propriétaire est le conjoint de la demanderesse;

c)          des "écritures" de régulation nombreuses;

d)          des chèques faits au nom de la demanderesse pour 10 136$;

e)          l'absence de pièces justificatives pour certains chèques dont un de 4 100$ à Innu l'Autobus;

f)           des paiements sur soumission;

g)          une avance de 50 000$ versée à Innu l'Autobus;

h)          des paiements en trop dans le contrat d'Innu l'Autobus;

i)           le paiement d'indemnité sans impôt à des cadres;


j)           un défi d'autorité lors de l'assemblée générale tenue en 1999;

k)          différentes allégations de privilèges et d'échanges de faveurs;

l)           la signature des contrats d'emploi le 26 août 1998 sans autorisation;

m)         un versement de 9 880$ en faveur de Jenny Rock.

[11]            Dans sa décision du 30 novembre 2001 qui comporte 450 pages, l'arbitre a rejeté la plainte de congédiement injustifié de la demanderesse. Bien qu'il ait rejeté la plupart des motifs allégués par le Conseil, notamment ceux qui avaient trait aux allégations de fraude, de malhonnêteté et de malversation, il en a retenu deux.

[12]            L'arbitre a jugé que le défendeur était justifié d'avoir blâmé la demanderesse pour son comportement dans la signature des contrats de travail et dans le renouvellement du sien après l'élection du 24 août 1998. Selon lui, la demanderesse n'aurait pas agi suivant les règles de l'art dans l'administration de ce dossier, n'aurait pas fait preuve d'une rigueur suffisante et n'aurait pas démontré toute la loyauté que le défendeur pouvait s'attendre d'elle.


[13]            L'arbitre a également conclu que la demanderesse se serait comportée d'une manière inadmissible en se versant sans droit une somme de 9 880$ appartenant au défendeur qu'elle aurait par la suite remise à Mme. Jenny Rock, et ce, sans autorité ni droit pour le faire. Il s'agissait là, selon lui, d'une faute des plus graves affectant nécessairement le lien de confiance qui liait le défendeur à la demanderesse.

[14]            La demanderesse a soulevé les questions suivantes:       

1) L'arbitre a-t-il erré en concluant que le défendeur était justifié de blâmer la demanderesse pour son comportement dans l'administration du dossier du renouvellement des contrats de travail?

2) L'arbitre a-t-il erré en concluant que la demanderesse s'était comportée d'une manière inadmissible en ayant versé à Jenny Rock de l'argent appartenant au défendeur, et ce, sans autorisation?


3) L'arbitre a-t-il erré en rejetant l'argument de la demanderesse concernant le délai excessif qui s'était écoulé entre la connaissance de prétendus faits fautifs et la sanction imposée?

4) L'arbitre a-t-il erré en rejetant l'argument de la demanderesse relativement au déni de justice commis envers elle par le défendeur qui ne lui a pas donné l'occasion de s'expliquer sur les nombreux reproches qu'on avait formulés contre elle?

5) L'arbitre a-t-il erré en concluant au rejet de la plainte de la demanderesse et en maintenant son congédiement pour les deux seuls motifs qu'il a retenus?

[15]            Tout d'abord, la demanderesse soumet que la décision de l'arbitre selon laquelle le défendeur était justifié de la blâmer pour son comportement dans l'administration du dossier du renouvellement des contrats de travail est fondée sur des conclusions de faits erronés, tirées de façon abusive ou arbitraire et sans tenir compte des éléments dont il disposait.


[16]            Selon la demanderesse, la preuve démontre clairement que les responsabilités du renouvellement des contrats de travail relevaient du directeur général de l'époque, M. Jean-René Blouin, et non de la demanderesse. Le rôle de cette dernière était limité à la rédaction des contrats conformément aux instructions reçues par M. Blouin, qui aurait préalablement négocié les contrats.

[17]            De plus, selon la demanderesse, la preuve démontre également que la négociation et la signature de tous les contrats avaient été faites avant l'élection du 24 août 1998 et non le 26 août tel que le rapporte l'arbitre, à l'exception possiblement de celui de M. Louis-Georges Fontaine. Quant au contrat de la demanderesse, il aurait été négocié et signé au plus tard le 23 juin 1998. Il n'y aurait eu aucune modification de fond au dit contrat le 20 août 1998, contrairement à ce que laisse entendre l'arbitre dans sa décision.

[18]            En second lieu, la demanderesse soumet que la décision de l'arbitre selon laquelle la demanderesse s'est comportée d'une manière inadmissible en ayant versé à Jenny Rock un montant de 9 880$ appartenant au défendeur, et ce, sans autorisation est-elle aussi fondée sur des conclusions de faits erronés, tirées de façon abusive ou arbitraire et sans tenir compte des éléments dont il disposait.


[19]         La demanderesse reproche également à l'arbitre de lui avoir appliqué un double standard. Celui-ci aurait en effet constaté que le mode de gestion en vigueur depuis de nombreuses années et qui avait été suivi en l'espèce comportait des anomalies, mais que ceci s'expliquait notamment pas le contexte sans règle dans lequel évoluait le Conseil. La demanderesse prétend que l'arbitre a correctement analysé ce contexte pour les autres reproches qui lui étaient faits par le défendeur, ce qui l'a amené à les rejeter. Or, il aurait erré en refusant de tenir compte de ce même contexte de laxisme, non attribuable à la demanderesse, en ce qui concerne le versement de la somme de 9 880$ à Jenny Rock.

[20]        La demanderesse soumet que depuis l'élection d'août 1998 jusqu'au 27 mai 1999, date de la première réunion de l'équipe d'enquête, le Conseil et son chef n'auraient posé aucun geste concernant la vérification de la légalité de ces contrats. Elle prétend que ce délai est nettement excessif compte tenu des circonstances et de l'importance qu'a prise par la suite la question de la signature des contrats. Elle ajoute que ce délai lui a causé préjudice notamment en ce qui concerne la capacité de certains témoins, dont M. Fontaine, de se remémorer certains événements tels la date de la signature de leurs contrats.     


[21]            Enfin, la demanderesse soumet que la conclusion de l'arbitre Truchon de maintenir son congédiement pour les deux motifs susmentionnés, alors qu'il a écarté tous les reproches relatifs à son honnêteté, est manifestement déraisonnable compte tenu des faits mis en preuve et des circonstances de l'espèce. Elle prétend que le caractère manifestement déraisonnable de la décision ressort des explications que donne l'arbitre relativement au mode de gestion qui prévalait à l'époque au sein du Conseil de bande sans qu'il y ait lieu de mettre en cause la bonne foi et l'honnêteté de la demanderesse.

[22]            Le défendeur soumet qu'en vertu de la jurisprudence, cette Cour ne devrait intervenir en l'espèce que si la décision de l'arbitre de maintenir son congédiement est manifestement déraisonnable ou clairement irrationnelle. Il soumet que cette décision est fondée sur l'ensemble de preuve testimoniale et documentaire que l'arbitre a analysé fidèlement, minutieusement et de façon exhaustive.


[23]            En ce qui concerne le volet de la décision de l'arbitre concernant le renouvellement des contrats de travail, le défendeur soumet que la demanderesse n'a pas démontré qu'il s'agissait d'une décision manifestement déraisonnable. Elle s'est contentée plutôt de faire ressortir certains faits que l'arbitre n'a pas nécessairement retenus tout en ignorant bon nombre d'éléments qui ont été mis en preuve et qui ont certes été de nature à influencer la décision de l'arbitre.

[24]            Le défendeur soumet que la demanderesse omet de prendre en considération que l'arbitre a retenu, entre autres, les éléments suivants tirés de la preuve:

Le directeur général de l'époque, Jean-René Blouin, bien qu'il ait effectivement reçu le mandat de négocier et de signer les contrats à l'intérieur du budget devait revenir au Conseil en présence de demandes "énormes"; Or, la preuve a clairement démontré que la nouvelle clause de résiliation de contrat contenue dans plusieurs des nouveaux contrats de travail présentait une différence énorme avec les contrats précédents.

La demanderesse a non seulement participé à la signature des contrats de travail, elle est intervenue.

La preuve est formelle sur le fait que le contrats de travail de Louis-Georges Fontaine et de Rémy Bastien ont été signés respectivement le 26 août 1998 pour celui de monsieur Fontaine et au mois d'août, peut-être en septembre 1998 dans le cas de monsieur Bastien.   

Il existe beaucoup de contradictions dans les témoignages du directeur général, Jean-René Blouin, de la demanderesse et des autres signataires des contrats qui ont témoigné devant l'arbitre, en l'occurrence Louis-Georges Fontaine et Rémy Bastien.[1]


[25]            Le défendeur soumet que l'arbitre n'a pas erré en concluant que la demanderesse s'était comportée d'une manière inadmissible en se versant une somme de 9 880$ qu'elle aurait ensuite remise à Jenny Rock, et ce, sans autorisation.

[26]            Le défendeur admet qu'il est vrai que l'arbitre a reconnu que pour un observateur externe, la manière de procéder dans l'administration financière du Conseil de Bande était tout à fait inadéquate et ne correspondait nullement aux normes comptables en vigueur dans les administrations publiques du type du défendeur. Toutefois, il a expliqué que cette façon de procéder n'excusait aucunement le comportement de la demanderesse:

La plaignante s'est comportée d'une manière inadmissible, elle a déboursé de l'argent qui appartenait à l'employeur sans autorisation, sous le couvert de programmes qu'elle administrait à l'époque mais qui ne s'appliquaient pas au cas de Jenny Rock.

Le projet tel que monté par Jenny Rock ne l'était pas de manière sérieuse et tout administrateur soucieux de bien faire son travail n'aurait jamais accepté de débourser cet argent sans pièce, pour un projet si floue et fort peu réalisable compte tenu du contexte et de l'expérience de Jenny Rock.

La plaignante a, sans autorité ni droit pour ce faire, disposé d'une somme de 9880$ appartenant à son employeur qui ne sera jamais récupérée par celui-ci, en cela la plaignante a commis une faute des plus graves, affectant nécessairement le lien de confiance la liant à son employeur.[2]


[27]            Le défendeur soumet en outre que l'arbitre n'a pas erré en droit en rejetant l'argument de la demanderesse relativement au déni de justice commis envers elle par celui-ci.

[28]            Au soutien de sa prétention, le défendeur cite l'arrêt Syndicat des professeurs du Collège de Lévis-Lauzon c. Collège d'enseignement général et professionnel de Lévis-Lauzon, [1985] 1 R.C.S. 596 à la page 602.

[29]            Enfin, le défendeur soumet que l'arbitre n'a pas erré en droit en maintenant la sanction que celui-ci a imposée à la demanderesse puisqu'il a pris en considération le fait que les deux motifs retenus constituaient des fautes graves justifiant la rupture du lien de confiance de l'employeur à l'égard de la demanderesse.


[30]            En l'espèce, le lien de confiance entre le défendeur et la demanderesse formait la base du contrat de travail intervenu entre les deux parties, et celui-ci prévoyait expressément qu'on puisse y mettre fin "en cas de faute grave" et sans aucune compensation. Le défendeur prétend que le cumul de la perte par le défendeur d'une somme de 9,880$ résultant des manoeuvres illégales de la demanderesse de même que l'épisode du renouvellement des contrats de travail constituaient des fautes graves justifiant amplement l'arbitre de confirmer la décision ultime du défendeur. Ainsi, la décision de l'arbitre n'est pas manifestement déraisonnable et ne justifie pas l'intervention de cette Cour.

[31]            D'entrée de jeu, il convient de noter que la demanderesse s'attaque essentiellement à l'appréciation de la preuve effectuée par l'arbitre André Truchon en regard des volets de sa décision concernant le renouvellement des contrats de travail et le versement de la somme de 9 880$ à Mme. Jenny Rock. En ce qui concerne l'appréciation de la preuve, il est bien établi que l'intervention de cette Cour pour contrôler les conclusions de fait d'un tribunal administratif ne doit se faire que lorsqu'il est manifeste que l'arbitre a commis une erreur dans l'interprétation des faits découlant de la preuve: Gauthier c. Banque du Canada, [2000] A.C.F. no 1453 (QL) aux paras. 27, 35 (C.F. 1ère inst.).

[32]            La décision qui compte 450 pages devrait être analysée dans le contexte d'une gestion en vigueur depuis plusieurs années qui était laxiste et perpétuée par des irrégularités financières toujours tolérées par le Conseil de Bande. De plus, une crise au sein de la communauté ne cessait de croître et exigeait un redressement au sein de l'administration.


[33]            Lors de l'élection en août 1998 il y a eu balayage complet de l'ancien Conseil de bande sauf pour l'ex-conseiller Rosario Pinette qui fut élu nouveau Chef. Comme le souligne l'arbitre, le lendemain de l'élection plusieurs personnes qui avaient subi la défaite étaient amères et se sont présentées au locaux administratifs. Le nouveau Conseil a dû faire face à de la contestation. Les nouveaux élus devaient dissipé les rumeurs de la mauvaise administration qui les avait précédé. Il y avait des rumeurs de détournement de fonds par voie de prêts. Plutôt que de diminuer, la crise dans la communauté prenait de l'ampleur. La communauté exigeait une enquête. En novembre et décembre 1998 le Conseil fut constamment assailli par des employés ou des membres de la communauté. Les employés de la bande étaient en révolte et voulaient mettre le Conseil dehors. Ils se promenaient dans les corridors en affirmant ne pas vouloir travailler avec le nouveau Conseil. Les services à la population étaient interrompus et on avait même de la difficulté à fournir les services essentiels.

[34]            Une assemblée générale fut convoquée le 4 décembre 1998. Le Chef de la bande fit le bilan des rencontres avec les employés et indiqua souhaiter que le dialogue reprenne entre les parties. Malgré des négociations, aucune entente n'est intervenue et la situation a dégénéré au point qu'on a dû fermer les bureaux.


[35]            Lors de l'assemblée, le Chef a signalé l'absence du Directeur général jusqu'au 31 janvier 1999 pour raisons de maladie. Le Conseil a voté à l'unanimité la non-confiance quant à son administration. La population exigea que le Conseil sanctionne les employés et ont demandé un enquête publique. Une telle enquête a débuté en mai 1999.

[36]            Il m'apparaît important de préciser le rôle de la demanderesse dans la hiérarchie. Il va sans dire que la responsabilité ultime de l'administration et du gouvernement de la vie des membres de la communauté repose sur le Conseil de Bande. Celui-ci confiait au directeur général de l'époque, M. Jean-René Blouin, le rôle de superviseur de la demanderesse. Il agissait également à titre d'agent de liaison entre la demanderesse et le Conseil de Bande. Le titre de la demanderesse était Directrice des services administratifs. À la lecture de la sentence arbitrale, il m'apparaît évident que la demanderesse était influente dans tous les domaines et, qu'avec l'appui du Conseil de bande, la majorité des décisions administratives et de la gestion du budget annuel de 34 000 000,00$ reposaient sur ses épaules. Une liste de ses nombreuses tâches est annexée comme Cédule A aux présents motifs mais il est à noter que la description détaillée de ses fonctions remplissait une cinquantaine de pages de la sentence arbitrale.


[37]            Étudions donc en détail chacun des nombreux motifs soulevés par le Conseil de Bande pour justifier le renvoi de la demanderesse.

Manque de contrôle dans la réquisition de certains chèques

[38]            À la page 414 de la sentence arbitrale l'arbitre conclut "L'enquête avec raison a révélé un système où la quasi-absence d'un contrôle adéquat dans l'émission des chèques... Elle ne pouvait exercer un contrôle étanche en cette matière, elle n'avait pas la collaboration demandée des directeurs et même de certains membres du Conseil... Dans les circonstances, on ne peut blâmer la plaignante d'avoir travaillé avec les outils mis à sa disposition et avec la collaboration qu'elle pouvait obtenir."

Paiement de factures en double


[39]            À la page 415 de la sentence arbitrale l'arbitre conclut "Ces factures présumément payées en double sont pour des services rendus par le transporteur Innu L'Autobus... ...il n'y a là aucune irrégularité. ...rien dans la preuve ne nous permet de relier la plaignante à ces paiements en double.    ...le système de contrôle est certainement déficient comme en témoigna François Hamelin. ...On ne peut pas relier la plaignante à ces erreurs... La plaignante n'a pas touché ces factures dont elle n'avait pas eu connaissance... Ces faits (doubles paiements) ne sont pas l'oeuvre de la plaignante et on nen peut en aucun temps lui faire reproche à ce sujet."

Écritures de régularisation

[40]            À la page 416 de la sentence arbitrale l'arbitre ayant pris connaissance de la preuve du comptable Michel Hamelin déclare qu'il n'a trouvé aucune irrégularité dans ces écritures. Il conclut "Aucun reproche ne peut être fait au sujet de ces écritures de régularisation qui étaient dues au grand nombre de programmes et aux nombreux changements des priorités."

Compte de dépense de la plaignante et gestion de la petite caisse


[41]            À la page 417 de la sentence arbitrale l'arbitre indique "L'employeur a produit des chèques faits au nom de la plaignante pour un montant de 10 136,00$. La plaignante a expliqué que les chèques faits à son nom étaient, soit changés et l'argent placé dans la petite caisse ou encore déposés dans son compte car il s'agissait de remboursement de sommes d'argent dépensées par elle pour les besoins de la communauté. Elle a expliqué qu'en fait la petite caisse servait de banque pour les membres de la communauté." L'arbitre conclut "Tous les chèques ont été expliqués par la plaignante et il n'y a à ce sujet rien à signaler si ce n'est comme l'a mentionné Michel Hamelin, un système inadéquat qui permet tous les abus. Il n'y a pas cependant de preuve à l'effet que les sommes ne sont pas légitimes, seul le système de contrôle est nettement inadéquat et inefficace... ...il n'y a pas de preuve que des montants d'argent illégitimes ont été versées, seule l'absence de contrôles adéquats et efficaces a été constatée... On ne peut faire de reproches à la plaignante sous ce chef."

Absence de pièces justificatives; chèque de 4,100.00$ à Innu L'Autobus

[42]            À la page 418 de la sentence arbitrale l'arbitre est satisfait de l'explication qui a été fournie par Ghislaine Tremblay. Elle a témoigné à l'effet que "les avoir envoyées à l'époque à qui de droit chez l'employeur. On doit conclure qu'elles ont été égarées..."

Paiements sur soumission

[43]            À la page 419 de la sentence arbitrale l'arbitre conclut comme suit "On a également reproché de faire des paiements sur soumission. Nous avons appris à ce sujet que c'était plutôt des factures et que le document devait être considéré comme tel. Cette erreur de désignation n'a donné lieu à aucun déboursé non justifié."


Avance de 50 000,00$ versé à Innu L'Autobus

[44]            À la page 419 de la sentence arbitrale l'arbitre observe que ce sont des avances versées à un entrepreneur pour acheter des matériaux en début de mandat. Il conclut "Ce n'est peut-être pas le système idéal aux yeux des enquêteurs mais c'était le système alors chez I.T.U.M. La somme de 50 000,00$ a été appliquée au paiement du contrat d'Innu L'autobus." L'arbitre examine en détail d'autres chèques versés pour le transport et conclut "Il n'y a aucune preuve à l'effet qu'Innu L'Autobus ait reçu des sommes en trop en plus du contrat signé."

Paiement d'indemnité sans impôt à certains cadres

[45]            À la page 420 de la sentence arbitrale voici ce que dit l'arbitre "Les directeurs se voyaient verser des indemnités annuelles sans verser d'impôt, ceci étant illégal dans le cas des non-autochtones. Ce système a été instauré en 1990 par le directeur général de l'époque Denis Vollant. On ne peut attribuer à la plaignante l'initiative de ces versements... Dans les circonstances, on ne peut imputer la responsabilité du versement de ces sommes à la plaignante qui n'était pas la personne en autorité en ce domaine."

Défi de l'autorité par la plaignante


[46]            À la page 421 l'arbitre déclare "Le Chef faisait référence sur le rôle joué par la plaignante lors des assemblées générales de décembre 1999. La preuve ne révèle pas que la plaignante ait joué un rôle prédominant dans cet épisode. Elle participé comme tous les employés et on ne peut qualifier son comportement de défi de l'autorité du Conseil."

Allégations de privilèges et échanges de faveurs

[47]            À la page 421 de la sentence arbitrale l'arbitre conclut "Il n'y a aucune preuve au dossier nous permettant de conclure que la plaignante a bénéficié de privilèges pour elle-même ou sa famille, qu'elle en a accordé. Il n'y a pas de preuve non plus de passes ou d'échanges de faveurs de la part de la plaignante

avec qui que ce soit.

[48]            Analysons donc maintenant les plaintes sur lesquelles l'arbitre a fondé sa décision à l'effet que le congédiement était justifié.

Versement au montant de 9 980$ en faveur de Jenny Rock


[49]            Ce versement fut retenu par l'arbitre comme un des motifs justifiant le congédiement. Examinons les preuves et les circonstances entourant ce déboursé. Il est à noter qu'au tout début la demanderesse avait été accusée d'avoir détourné ces fonds à son bénéfice et que cette accusation fut totalement rejetée par l'arbitre dans les termes suivants: "Après avoir entendu la preuve nous devons conclure que la plaignante a remis l'argent à Jenny Rock". Donc, encore une fois aucune accusation de malhonnêteté ne peut être portée contre la demanderesse.

[50]            Jenny Rock était une citoyenne de la communauté qui au printemps 1998 a débuté des démarches pour ouvrir une agence de voyage. À la page 397 de la sentence arbitrale, l'arbitre fait référence au témoignage de l'ex-conseiller M. Paul-Émile Fontaine:

"L'ex-conseiller Paul-Émile Fontaine a témoigné qu'il avait rencontré Jenny Rock sur le sujet à Québec, au printemps 1997 ou en 1998. À ce moment, Jenny rock lui a dit qu'elle avait suivi ou suivrait des cours en matière de commercialisation des voyages. Le témoin affirma que 6 mois environ avant cette rencontre, il avait eu un téléphone de Jenny Rock, il l'a référée au Conseil qui devait lui donner de l'argent.

Pour dire que le projet de Jenny Rock n'existait pas, il faut mettre les témoignages de la plaignante et de Paul-Émile Fontaine de coté. Il ne fut jamais démontré que ce projet n'existait pas."

[51]            L'arbitre souligne aux pages 398 et 432 de la sentence arbitrale:

"Elle a versé l'argent à Jenny Rock parce qu'elle avait le budget pour le faire. Le comportement de la plaignante avec Jenny Rock est compatible avec ce qui s'est passé dans d'autres cas.


...

Il n'est pas nécessaire de revenir sur la situation que vit à ce moment la communauté qui tente d'améliorer son sort et, l'un de ces moyens passe par l'aide aux membres de la communauté, des prêts, des dons et de l'aide à la création d'entreprises visant la création d'emploi."

[52]            De plus, il est à noter que cet incident du chèque de 9 980$ est survenu en décembre 1996, une période durant laquelle M. Rosario Pinette agissait comme conseiller avant d'être éventuellement élu nouveau Chef de la Bande. Il était sans aucun doute au courant des fonctions et des tâches de la demanderesse. On ne peut que se demander pourquoi il n'a pas réagi s'il était d'avis que la demanderesse avait manqué de jugement en octroyant la somme en question pour le projet de Jenny Rock. Il aurait très bien pu à ce moment-là confronter la demanderesse ou à tout le moins soulever la question auprès du Conseil. Pourquoi avoir retardé une allégation de fraude jusqu'après son élection comme nouveau Chef de Bande?

La signature des contrats d'emploi le 26 août 1998 sans autorisation


[53]            Une lecture attentive de la sentence arbitrale révèle que madame Fontaine était depuis plusieurs années embauchée pour une période de trois ans à la fois et voyait son contrat se renouveler quelques mois avant qu'il ne prenne fin. Son dernier terme d'emploi devait prendre fin le 30 juin 1998, soit quelques semaines avant l'élection du nouveau Chef et du Conseil de bande. Le contrat en litige était d'une durée fixe du 1er juillet 1998 au 16 juillet 2003. La clause de renouvellement prévoit que cette convention est résiliable en tout temps par consentement écrit des deux parties et que l'employé peut quitter n'importe quand pendant le contrat après un avis de 30 jours.

[54]            L'article suivant prévoit que l'employeur peut mettre fin au contrat et aucune condition spécifique n'est prévue pour justifier une mise à pied:

"C)           L'employeur peut résilier la présente convention et congédier l'employé sans délai, ni avis, ni aucune compensation en cas de faute grave.

D)             Si employeur résilie la présente convention avant son terme, il devra à titre d'indemnité, payer les sommes suivantes:

I) paiement du solde des vacances pour le temps couru;

II) paiement du solde des journées de maladies non prises pour le temps couru;

III) la plus élevée des sommes suivantes:

A) le solde dû sur le présent contrat en date de sa résiliation, ou,

B) un mois de salaire par année de service."

[55]            L'arbitre indique que le congédiement a été imposé en vertu de l'article C).


[56]            Plus particulièrement, le nouveau Conseil de bande reproche à la demanderesse d'avoir fait signer son contrat de travail sans autorisation juste avant l'élection du 24 août 1998.

[57]            On reprochait à madame Fontaine de s'être présentée aux locaux de la bande le 25 août 1998 pour faire sortir de l'ordinateur des contrats de travail qu'elle se serait empressée de faire signer. Cette allégation semble avoir convaincu l'arbitre que les contrats n'avaient pas été signés avant l'élection du 28 août 1998.


[58]            Il est essentiel d'examiner à fond le résumé du témoignage de Jean-René Blouin, directeur de la bande de 1991 jusqu'à quelques semaines après l'élection du nouveau Conseil de bande en août 1998. Il s'était alors absenté pour congé de maladie et au moment de l'enquête il était devenu Administrateur de l'hôpital de Sept-Iles. Il est à noter que ce témoin a demandé la protection de la Cour pour le témoignage qu'il devait rendre. Le résumé de son témoignage se trouve aux pages 301 à 321 inclusivement de la sentence arbitrale. On lui présente le contrat de la demanderesse et il affirme avoir négocier ledit contrat. Il témoigne être allé chercher l'autorisation du Conseil quant à la durée et aux écarts et affirme avoir signé le contrat en question. Il déclare que les négociations ont eu lieu en avril, mai et juin, avant le 1er juillet 1998. Le procès verbal de la réunion du Conseil de bande le 20 mai 1998 se lit en partie comme suit:

"Contrats de certains directeurs(trices): Il y a quatre (4) contrats qui se terminent au 30 juin et doivent être renouvelés. Après discussion, il est décidé majoritairement de mandater le directeur, Jean-René Blouin à négocier ces contrats et à les amener à une réunion ultérieure pour décision. Le conseiller, Rosario Pinette, s'objecte, affirmant attendre les prochaines élections, avant de négocier ou non ces contrats."

[59]            Malgré les objections de l'ex-conseiller et nouveau Chef, Rosario Pinette, au moment du vote dix membres du Conseil étaient présents, neuf ont voté pour et un a voté contre, le conseiller Rosario Pinette.

[60]            L'arbitre, à la page 308 de son résumé de la preuve du témoin Jean-René Blouin, commente comme suit:

"La date de signature indiquée au contrat est le 22 juin. Il est possible que la signature se soit faite un autre jour mais c'est certainement avant le 1er juillet."

[61]            Le témoin Blouin aurait de plus affirmer selon les dires de l'arbitre à la page 311 de la sentence arbitrale:


"Il n'y a pas de résolution du Conseil l'autorisant à négocier les contrats, ça s'était toujours fait de cette manière. Le procès-verbal du 20 mai 1998 (E-38) lui est suffisant. Il ne devait pas y avoir de résolution en bonne et due forme "c'était des reconductions de contrats"."

[62]            À la page 315 de son résumé de la preuve de M. Blouin, l'arbitre souligne comme suit:

"Les contrats de Rémy Bastien, Yvette Vachon et la plaignante ont été signés avant le 1er juillet 1998. Le contrat de Louis-Georges Fontaine fut signé avec des erreurs à l'article 2, la durée. Doris Vollant fut rémunérée entre juillet et novembre 1998."

[63]            De plus, le témoin aurait indiqué que la demanderesse avait mentionné au directeur avant le 20 mai qu'elle voulait un contrat de cinq ans. Elle en avait parlé avec certains membres du Conseil qui étaient avisés et informés le 20 mai 1998 qu'elle désirait "quitter, passer la main".

[64]            Un peu plus loin dans son résumé de la preuve, l'arbitre s'exprime comme suit:

"que M. Blouin a demandé à la plaignante de prendre l'ancien contrat et d'y apporter les changements nécessaires. Le contrat fut conclu entre le 20 mai et juin 1998. C'est sa signature qui apparaît au contrat de la plaignante, ce n'est pas lui qui a inscrit la date. Il ne se souvient pas où a été signé le contrat, dans son bureau ou dans celui de la plaignante."


[65]            À la page 320 de la sentence arbitrale, l'arbitre déclare:

"Le témoin affirme que si le contrat porte la date du 22 juin, c'est qu'il a été signé ce jour-là. Il a signé le jour indiqué. La date inscrite n'est pas de son écriture."

[66]            Il me semble que le témoignage de M. Jean-René Blouin confirme la signature du contrat avant l'élection du mois d'août 1998. L'arbitre attache une importance démesurée au fait que la demanderesse aurait pu se rendre aux bureaux administratifs et faire sortir de l'ordinateur une copie du contrat après l'élection, ce qui semble l'avoir persuadé que le renouvellement du contrat de la demanderesse n'avait pas reçu l'approbation du Conseil de la bande.

[67]            Il est intéressant qu'il n'y ait aucune preuve à l'encontre du témoignage de M. Blouin quant à la date de signature dudit contrat. Il est également significatif que l'on ait jamais interrogé l'ancien directeur général à savoir s'il croyait nécessaire d'obtenir l'approbation du Conseil concernant le renouvellement du contrat de la demanderesse étant donné les changements qui y ont été apportés, soit la prolongation de deux années additionnelles et des clauses portant sur la rémunération en cas de résiliation avant terme.


[68]            Dans toute cette affaire il est évident que bien que l'enquête visait tous les membres de l'ancien Conseil de bande et de son administration, du fait que la demanderesse était la seule toujours en poste, toutes les plaintes et accusations ont été portées contre elle. Je suis d'avis qu'elle a servi de bouc émissaire afin d'apaiser le mécontentement de la population.

[69]            La demanderesse a dû subir au delà de 26 jours d'audience durant la période entre décembre 1999 et mai 2000. L'arbitre, acceptant le témoignage de l'enquêteur M. Hamelin, a rejeté 11 des 13 plaintes logées contre madame Fontaine.

[70]            Je tiens à souligner que l'enquêteur Hamelin et l'arbitre étaient d'accord qu'il existait un laxisme dans l'administration des affaires de la bande et que le contrôle était quasi non existant et la gestion en vigueur depuis plusieurs années se perpétuait par des irrégularités financières toujours tolérées par le Conseil de bande. À la page 433 de la sentence arbitrale l'arbitre déclarait:

"Bien que l'explication de la plaignante puisse apparaître peu crédible dans un autre contexte, il faut dans ce dossier replacer les choses dans leur contexte et dans celui où évoluait l'administration à l'époque, une période où les contrôles étaient peu efficaces et dans certains cas totalement inexistants."


[71]            Et à la page 435, l'arbitre poursuivait:

"Tous les reproches imputés à la plaignante au moment du congédiement se sont avérés sans fondement quant à l'utilisation des fonds et la manière de procéder correspondait alors dans les normes en vigueur à I.T.U.M., nous ne reviendrons pas là-dessus."

[72]            Donc, aucune irrégularité dans l'administration des fonds de la bande peut être attribuée à la demanderesse sauf l'incident impliquant Jenny Rock. Je suis d'avis que le fait que la demanderesse ait appuyé la possibilité d'un projet pour créer un emploi pour Jenny Rock découle d'un manque de jugement et ne constitue aucunement un faute grave justifiant son renvoi.

[73]            Au cours de ses trois ou quatre dernières années de service, la demanderesse a administré un budget excédant 100 000 000,00$ et le seul reproche que l'on puisse retenir contre elle concerne l'affaire impliquant Jenny Rock et une somme de 9 980$.

[74]            En ce qui concerne le contrat de la demanderesse l'arbitre, ayant conclu être en présence d'une faute grave, a déterminé que l'employeur pouvait le résilier sans compensation. Je n'ai pas été convaincu que la demanderesse ait commis une faute grave justifiant son renvoi sans compensation.


[75]            Je suis d'accord avec le raisonnement soulevé par l'avocat des défendeurs à l'effet qu'il est bien établi que l'intervention de cette Cour pour contrôler les conclusions de faits qu'un tribunal administratif ne doit se faire que lorsqu'il est manifeste que l'arbitre a commis une erreur dans l'interprétation des faits découlant de la preuve.

[76]            À cet égard, je me suis penché sur la décision de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Directeur des enquêtes et recherches c. Southam Inc. et al, [1997] 1 S.C.R. 748, où la Cour s'exprimait comme suit à la page 776:

"Je conclus que cette troisième norme devrait être fondée sur la question de savoir si la décision du Tribunal est déraisonnable. Ce critère doit être distingué de la norme de contrôle qui appelle le plus haut degré de retenue, et en vertu de laquelle les tribunaux doivent dire si la décision du tribunal administratif est manifestement déraisonnable. Est déraisonnable la décision qui, dans l'ensemble, n'est étayée par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé. En conséquence, la cour qui contrôle une conclusion en regard de la norme de la décision déraisonnable doit se demander s'il existe quelque motif étayant cette conclusion. Le défaut, s'il en est, pourrait découler de la preuve elle-même ou du raisonnement qui a été appliqué pour tirer les conclusions de cette preuve. Un exemple du premier type de défaut serait une hypothèse qui n'avait aucune assise dans la preuve ou qui allait à l'encontre de l'essentiel de la preuve. Un exemple du deuxième type de défaut serait une contradiction dans les prémisses ou encore une inférence non valable."

[C'est moi qui souligne]


[77]            Je dois conclure que la décision de l'arbitre est déraisonnable tenant compte de l'ensemble de la preuve et des motifs soulevés par celui-ci. Ces motifs seraient incapables de résister à un examen assez poussé. Comme le dit la Cour suprême "Le défaut, s'il en est, pourrait découler de la preuve elle-même ou du raisonnement qui a été appliqué pour tirer les conclusions de cette preuve. Un exemple du premier type de défaut serait une hypothèse qui n'avait aucune assise dans la preuve...".

[78]            En m'appuyant aussi sur les critères émanant de la Cour suprême sur la norme de contrôle "manifestement déraisonnable", je suis d'avis que cette décision de l'arbitre doit être annulée.

[79]            J'annule donc la décision de l'arbitre ainsi que le congédiement, ordonne la réintégration de la demanderesse à son emploi et je retourne le dossier à l'arbitre afin qu'il décide du quantum de la réparation monétaire qui devrait être versée à la demanderesse.

[80]            En vertu du pouvoir discrétionnaire de cette Cour prévu à la règle 400 des Règles sur la Cour fédérale, 1998, j'adjuge les dépens, y inclus déboursés, à la demanderesse et les fixe à 5 000,00$.

       JUGE

OTTAWA, Ontario

Le 9 juillet 2003


                                CÉDULE A

FONCTIONS:

Organise, planifie et dirige les services d'inventaire, finance et de l'administration générale de la bande:

•      Dirige l'implantation et l'évaluation des services d'inventaire, finance et administration générale pour répondre adéquatement aux besoins de l'administration de la bande;

•      Fait des rapports réguliers pour maintenir ou améliorer les services administratifs de la bande;

•      Propose de nouvelles méthodes plus efficaces aptes à accélérer, moderniser, adapter les services en fonction du volume de travail, des ressources humaines et financières disponibles et des besoins des programmes;

•      Analyse les besoins particuliers et les exigences administratives des programmes de façon à fournir un service personnalisé, efficace et rentable;

•      Aide le gérant et les chargés de dossiers dans le fonctionnement des services administratifs de la bande pour qu'ils retirent des avantages d'efficacité et d'économie;

•      Surveille le bon fonctionnement des services administratifs et en faisant les corrections nécessaires;

•      Organise des rencontres d'information avec les responsables de programmes et les chargés de dossiers pour uniformiser et coordonner l'utilisation de services administratifs et les mettre au courant de tout changement;


•      Propose et émet des directives, des règles et règlements administratifs pour définir la nature des services offerts, les procédures à suivre et les modalités d'application relatifs à l'administration de la bande;

•      Veille à l'application des directives, règles et règlements administratifs;

•      Institue un système d'inventaire pour l'administration de la bande pour s'assurer que les stocks, ameublement, équipement et autres articles appartenant à la bande soient enregistrés;

•      S'assure que le service financier soit adéquat et répond aux exigences de la bande;

•      Évalue les besoins d'opérations courantes du bureau administratif de la bande et en apportant les correctifs nécessaires quant à l'achat d'équipement de bureau, ameublement, aménagement de bureau, répartition des locaux et entretien de la bâtisse.

Supervise la comptabilité de l'ensemble des données financières pour une partie des activités budgétaires de l'administration de la bande et la cueillette, la compilation et le maintien à jours des données statistiques relatives à l'administration de la bande:

•      Améliore le système de comptabilité et de contrôle financiers;

•      Informe les employés des différents règlements régissant les finances de la bande;

•      Avise les employés concernés de tout changement de procédure;

•      Contrôle l'application des procédures administratives et financières (comptes de dépenses, déduction de loyer et services de prêt, etc...);


•      Fait des amendements dans différents volumes de directives et règlements;

•      Coordonne et fait réviser l'exactitude des comptes à payer;

•      Fait faire la vérification de toutes les autorisations d'achat;

•      Reçoit les fournisseurs, réparateurs et autres personnes pour qu'ils s'acquittent de leurs tâches et prend les arrangements nécessaires;

•      Fait inscrire les dépenses dans les items de dépenses prévues à cette fin et selon les activités budgétaires autorisées;

•      S'assure de la cueillette des données financières pour l'ensemble des programmes de la bande et fournit des rapports financiers périodiques;

•      S'assure de la compilation et le maintien à jour des données statistiques relatives à l'administration de la bande;

•      Fournit régulièrement à la demande, des informations relatives aux états financiers aux responsables de programmes et chargés de dossiers;

•      Fait vérifier l'exactitude des données relatives aux dépenses de toutes les activités budgétaires;

•      S'informe auprès des fournisseurs extérieurs des factures à payer et contrôle l'exactitude des comptes;

•      Propose des formules de dépenses, d'autorisations d'achat, de réquisition, de contrats de services de soumissions pour uniformiser l'établissement du système de dépenses;

•      Soumet les contrats de services et fait les recommandations nécessaires selon les directives et règlements établis;


•      Vérifie continuellement le système de paie des employés pour éviter les erreurs et effectue avec exactitude les déductions nécessaires;

•      Fournit les informations pertinentes aux employés de la bande sur tout ce qui concerne les bénéfices marginaux;

•      S'informe auprès des compagnies, des gouvernements fédéral et provincial des déductions, obligatoires, des procédures à suivre et les avantages sociaux pour en faire bénéficier les employés.

Participe à la préparation des budgets annuels et des prévisions budgétaires

•      Fait des rapports de nature à renseigner l'administration sur l'analyse financière des opérations, la préparation d'états récapitulatifs de la position financière des programmes, la préparation des budgets et de prévisions budgétaires;

•      Aide dans certaines occasions, les chargés de dossiers et les responsables de programmes dans la préparation de leur budget;

•      Évalue à partir de données statistiques, les augmentations relatives aux matériaux, salaires, les effectifs et les besoins nouveaux de l'administration de la bande;

•      S'informe auprès des organismes concernés, de leur participation financière aux nouveaux projets implantés par la bande et détermine les possibilités d'implantation de nouveaux programmes et projets en collaborant avec les chargés de dossiers et responsables de programmes;

•      Assiste le gérant, chargés de dossiers et responsables de programmes dans la négociation annuelle des budgets;

•      Fournit les données financières sur autorisation, aux organismes, ministères concernés dans le financement des programmes;


•      Assiste si nécessaire, le gérant à la présentation et à l'approbation des budgets au Conseil de bande;

•      Propose des formules uniformes de présentation des budgets;

•      Indique aux responsables de programmes et chargés de dossiers tous les items qu'ils doivent inscrire lors de la préparation de leur budget;

•      Informe les chargés de dossiers et responsables de programmes de procédures à suivre pour la préparation des budgets;

•      Propose des méthodes dans l'évaluation et l'estimation des coûts lors des prévisions à long terme des budgets;

Dirige le personnel de soutien de sa section: commis-standardiste, secrétaire, commis-comptable et concierge:

•      Surveille et supervise le travail du personnel de soutien;

•      Fait la répartition des travaux à exécuter de son personnel selon les priorités, les procédures à suivre et du bon rendement de chacun;

•      Définit et met en pratique de nouvelles méthodes de travail après étude de la qualité et quantité du travail à exécuter;

•      Siège sur les comités de sélection lors de l'engagement de nouveaux employés de sa section;

•      Évalue la performance, possibilités futures, objectifs de chaque employésupervisé;


•      Décrit et révise l'analyse des tâches des employés de sa section pour fin d'approbation;

•      Recommande de la formation ou du perfectionnement selon les besoins de chaque employé de sa section;

•      Approuve les congés, les absences de ses employés;

•      Recommande des mesures disciplinaires selon les situations et les cas;

•      Fait appliquer les règlements, les directives concernant le personnel de sa section;

Peut remplacer le gérant en son absence:

•      Assiste aux réunions du conseil;

•      Règle les problèmes urgents;

•      Répond aux demandes d'autorisation financière;

•      Etc...


                        COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                     

DOSSIER :       T-39-02

INTITULÉ:        Solange Fontaine c. Me AndréTruchon et le Conseil de bande montagnais de Uashat Mak Mani-Uténam

LIEU DE L'AUDIENCE : Québec

DATE DE L'AUDIENCE : 9 avril 2003

MOTIFS :             L'Honorable juge Rouleau

DATE DES MOTIFS :      Le 9 juillet 2003

COMPARUTIONS:

Me Gilles Grenier                     POUR LE DEMANDEUR

Me Jean-François Bertrand            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Bertrand, Poulin                                    POUR LE DEMANDEUR

Québec (Québec)

Joli-Coeur, Lacasse, Geoffrion, Jetté, St-Pierre POUR LE DÉFENDEUR

Québec (Québec)



[1] Sentence arbitrale, Dossier de la demanderesse, Vol. 2 aux pages 438-439.

[2] Sentence arbitrale, Dossier de la demanderesse, Vol. 2 aux pages 449-450.

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