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     Date: 1998

     Dossier: IMM-4854-96

Entre :

     ALEXANDRU RUS

     Partie requérante

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     Partie intimée

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]      Il s"agit ici d"une demande de contrôle judiciaire visant la décision rendue le 5 décembre 1996 par la Section du statut de réfugié de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié (la "Section du statut") rejetant une demande de réouverture déposée le 12 novembre 1996 par le requérant, au terme de la règle 28 des Règles de la Section du statut de réfugié .

[2]      Dans cette décision du 5 décembre 1996, la Section du statut reproduit "avec erreurs et omissions", les paragraphes 1 à 11 de la Requête en réouverture, comportant les faits sur lesquels celle-ci s"appuie:

         1. La cause avait été fixée pour l"audition (pour la première fois) pour le 3 octobre 1996, à 13:00 heures;                 
         2. Le 30 septembre 1996, vers 23:35 heures, le procureur du revendicateur a envoyé un fax à la CISR en demandant une remise à cause d"un conflit d"horaire, en expliquant qu"elle représentait une autre cliente, dont la cause avait été fixée pour la même date et même heure;                 
         3. Jeudi, le 3 octobre 1996, vers 8:10 heures, M. Marc Fourneau a appelé le procureur du revendicateur, pour l"aviser que la demande de remise avait été refusée.                 
         4. Au reproche fait par le procureur du revendicateur vu le délai qui s"est écoulé entre la demande de remise et la réponse, M. Fourneau l"a informé qu"il avait reçu la réponse seulement le matin même.                 
         5. Le 3 octobre 1996, la procureure du revendicateur s"est représentée devant la Commission pour expliquer l"impossibilité de procéder à cause que sa demande de remise avait été restée sans réponse et elle avait compri que ladie demande avait été acceptée et par conséquence elle avait préparé la cause qui devait procéder.                 
         6. Vers sa grande surprise, le procureur du revendicateur a été informée par M. Régis Dion qu"il avait donné la reponse mardi, le 1 octobre 1996.                 
         7. Le 3 octobre 1996, les commissaires, sans vérifier si le revendicateur était d"accord à procéder sans procureur, ont amorcé les procédures de désistement et une nouvelle date a été fixée pour qu"il donne des explications sur la situation.                 
         7. La procureur du revendicateur a essayé d"expliquer que la nouvelle date est inutile vu qu"aucune autre explication ne peut pas surgir, mais les commissaires, sans aucune raison ont fixé la nouvelle date pour le 28 octobre 1996.                 
         8. Le 28 octobre 1996, la procureur du revendicateur a donné les mêmes explications et elle a précisé que tant elle que son client étaient prêts de procéder;                 
         9. Malgré que les parties étaient prêtes à procéder, les commissaires ont entamer les procédures de désistement;                 
         10. Le 1 novembre 1996, la Commission a donné. une décision où les reproches sont fait au revendicateur poru n"avoir donné des explications valable.                 
         11. Ladite décision est erronée pour les faits suivants:                 
             - la demande de remise avait été faite 3 jours avant la date d"audition, mais jusqu"à la date d"audition, aucune reponse n"a pas été donnée au procureur du revendicateur;                 
             - le 3 octobre 1996, la Commission n"a pas vérifié auprès du requérant s"il est prêt à procéder sans être représenté;                 
             - le 28 octobre 1996, tant le revendicateur que son procureur étaient prêts à procéder mais les commissaires ont refusé à entendre la cause sans aucune justification;                 
             - le 3 octobre 1996, la cause était pour la première fois devant la Commission;                 

[3]      Pour tenter de justifier la présente demande de contrôle judiciaire, le requérant invoque un déni de justice naturelle lui résultant essentiellement de la négligence de son ancienne avocate, négligence basée sur les faits mêmes invoqués par cette avocate pour tenter d"obtenir la remise de l"audition originale du 3 octobre 1996. Il importe de souligner tout de suite que bien qu"au courant de ces faits dès le 3 octobre 1996, le requérant n"a pas jugé à propos de laisser tomber son avocate, mais a au contraire choisi de continuer à être représenté par elle lors de l"audition du 28 octobre 1996 relative à la question du désistement de la revendication du statut de réfugié. Or, ce n'est pas le refus d"ajourner du 3 octobre 1996 qui, parce qu'il serait entaché d'un déni de justice naturelle, fait directement l'objet de la présente demande, mais bien la décision du 5 décembre 1996 rejetant la demande de réouverture déposée le 12 novembre 1996 par le requérant. Ainsi, ce dernier, pour réussir, se doit d"établir l"existence d"un déni de justice naturelle lors de l"audition même sur le désistement, soit celle du 28 octobre 1996. En effet, dans l"arrêt Longia c. Canada (M.E.I.) , [1990] 3 C.F. 288, la Cour d"appel fédérale rappelle que le tribunal (dans ce cas, la Commission d"appel de l"immigration) n"a aucun pouvoir inhérent ou qui se prolonge dans le temps lui permettant de reprendre l"audition d"une demande de réexamen de la revendication du statut de réfugié. À la page 293, la Cour d"appel ajoute:

         . . . En effet, il est désormais bien établi, dans la jurisprudence de cette Cour, que si l"audition d"une demande ne s"est pas déroulée selon les règles de justice naturelle, la Commission peut considérer que sa décision est nulle et réexaminer la question (voir Gill c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration ) [[1987] 2 C.F. 425 (C.A.)], Singh [c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 6 Imm.L.R. (2d) 10 (C.A.F.)] et Nabiye [Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Nabiye, [1989] 3 C.F. 424 (C.A.)]).                 

[4]      Subséquemment, dans l"arrêt Shirwa c. Canada (M.E.I.) , [1994] 2 C.F. 51, à la page 60, Monsieur le juge Denault, au sujet de l"incompétence manifestée par un avocat à l"audition d"une demande du statut de réfugié, écrit:

             Bien que les affaires susmentionnées portent sur des fautes professionnelles distinctes, il appert que l'incompétence manifestée par un avocat à l'audition d'une demande du statut de réfugié justifie le contrôle judiciaire de la décision du tribunal, en raison de la violation d'un principe de justice naturelle. Les critères applicables à l'examen d'une telle décision ne sont pas clairement établis, mais il est possible de dégager un certain nombre de principes à partir de la jurisprudence précitée. Lorsque le requérant n'a commis aucune faute, mais le manque de diligence de son avocat a pour effet de le priver totalement de son droit d'être entendu, il y a manquement à un principe de justice naturelle, en sorte qu'un contrôle judiciaire est fondé (Mathon) [c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 38 Admin.L.R. 193 (C.F. 1re inst.)].                 
             Dans les autres cas où une audience a lieu, la décision rendue ne peut faire l'objet d'un contrôle judiciaire que dans des "circonstances extraordinaires", lorsqu'il y a suffisamment d'éléments de preuve pour établir "l'étendue du problème" et que le contrôle judiciaire a "pour fondement des faits très précis". Ces restrictions sont essentielles, selon moi, afin de tenir compte des préoccupations exprimées par les juges MacGuigan et Rothstein, selon lesquelles l'insatisfaction d'ordre général ressentie à l'égard de la qualité de la représentation assurée par l'avocat dont le demandeur a, de son propre chef, retenu les services, ne saurait justifier le contrôle judiciaire d'une décision défavorable. Toutefois, lorsque l'incompétence ou la négligence du représentant ressort de la preuve de façon suffisamment claire et précise, elle est en soi préjudiciable au demandeur et elle justifie l'annulation de la décision, même si le tribunal n'a pas agi de mauvaise foi ni omis de faire quoi que ce soit.                 
                         (C'est moi qui souligne.)                 

[5]      En l"espèce, aucun déni de justice naturelle n"est établi en regard de l"audition sur le désistement, le 28 octobre 1996. Lors de cette audition, tel qu"indiqué plus haut, le requérant a choisi d"être représenté par la même avocate qui le représentait lors de la demande d"ajournement du 3 octobre 1996 et ils ont eu tous les deux l"opportunité de fournir toutes les raisons pouvant justifier une conclusion de non désistement de la demande de revendication. Les raisons offertes par le requérant et son avocate n"ont pas été jugées suffisantes et la Section du statut a conclu au désistement. Cette dernière décision n"étant elle-même entachée d"aucun accroc au principe de justice naturelle, elle ne pouvait donc qu'être sujette à une demande de contrôle judiciaire devant cette Cour. Aucune semblable demande n"ayant été faite, la décision concluant au désistement demeure valide et elle ne saurait être rendue ineffective par le biais d"une réouverture de l"audition de la demande de revendication du statut de réfugié.


[6]      Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                            

                                     JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le


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