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Date : 20000124


Dossier : T-2022-89


CALGARY (Alberta), le 21 janvier 2000

EN PRÉSENCE DE :      M. LE JUGE MacKAY


ENTRE :



LE CHEF VICTOR BUFFALO, en son propre nom et au nom de tous les autres

membres de la Nation et de la bande indienne de Samson, et la

BANDE INDIENNE DE SAMSON

demandeurs


et



SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN

ET LE MINISTRE DES FINANCES


défendeurs





O R D O N N A N C E


Re : Le privilège visant les documents divulgués sans préjudice


     VU la requête des demandeurs pour :

     1)      une ordonnance déclarant que certains documents, identifiés dans l"affidavit de M. Clifford Potts déposé à l"appui de cette requête avec le dossier de requête, jouissent du privilège des documents divulgués sans préjudice entre les demandeurs Samson et Sa Majesté la Reine du chef du Canada, et donc qu"ils ne peuvent être mentionnés par Sa Majesté la Reine que sur sa liste de documents qui font l"objet d"une réclamation de privilège; et
     2)      une ordonnance portant que le dossier de requête qui contient l"affidavit en question de M. Clifford Potts, ainsi que la pièce " C " annexée à cet affidavit qui a été déposée séparément, soient placés sous scellés par cette honorable Cour comme partie des procédures confidentielles préalables à l"audition et dans le cadre de la gestion de l"instance, jusqu"à ce que la Cour ait rendu sa décision sur la requête en l"instance et sur tous les appels qui pourraient en découler, et que, suite à la décision de la Cour sur la requête en l"instance ainsi que sur tout appel qui pourrait en découler, ou à l"expiration du délai d"appel de la décision de cette Cour, le dossier de requête et la pièce " C ", ainsi que toutes les copies qui en ont été tirées, soient retournés par le greffier au demandeur Samson, avec toutes les copies existantes.

     ET AYANT entendu les avocats des demandeurs et ceux de la défenderesse, Sa Majesté la Reine (la Couronne), à Calgary les 4 et 5 novembre 1999, la décision ayant alors été ajournée, et ayant bien considéré les allégations présentées, ainsi que les documents en cause;





O R D O N N A N C E

     IL EST ORDONNÉ QUE :

     1.      La demande est accueillie, avec certaines réserves.
     2.      Les documents identifiés comme pièces " A " et " B " annexés à l"affidavit de M. Clifford Potts assermenté le 27 août 1999, et déposés à l"appui de cette demande, seront considérés bénéficier du privilège visant les documents divulgués sans préjudice, entre les demandeurs Samson et la Couronne.
     3.      Les documents identifiés conformément à la clause 2, dont chaque partie a eu connaissance, seront inscrits dans un affidavit additionnel de documents par chacune des parties comme des documents pour lesquels les demandeurs réclament le privilège visant les documents divulgués sans préjudice. En conséquence, en vertu de l"article 232 des Règles , ces documents ne seront pas déposés en preuve au procès, sauf si le juge du procès en décide autrement, ou sauf si la Cour l"ordonne suite à une demande présentée en vertu de l"article 220 des Règles .
     4.      Le dossier de requête qui contient l"affidavit de M. Clifford Potts, ainsi que le volume qui constitue la pièce " C " en annexe à cet affidavit, qui a été déposé séparément, ainsi que la documentation additionnelle présentée par la Couronne au sujet du privilège visant les documents divulgués sans préjudice, seront placés sous scellés comme partie des procédures confidentielles préalables à l"audition et dans le cadre de la gestion de l"instance, en attendant un appel de cette ordonnance et, suite à la décision sur tout appel qui pourrait en découler, ou à l"expiration de la période d"appel de l"ordonnance de cette Cour, ces documents ainsi que toutes les copies qui en ont été tirées, seront retournés par le greffier à leur auteur, sauf une qui sera conservée sous scellés dans le dossier de gestion de l"instance de la Cour, sous réserve de toute ordonnance ultérieure d"un juge de la Cour.





W. Andrew MacKay

JUGE



Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier



Date : 20000124


Dossier : T-2022-89



ENTRE :



LE CHEF VICTOR BUFFALO, en son propre nom et au nom de tous les autres

membres de la Nation et de la bande indienne de Samson, et la

BANDE INDIENNE DE SAMSON

demandeurs


et



SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN

ET LE MINISTRE DES FINANCES


défendeurs



MOTIFS DE L"ORDONNANCE



LE JUGE MacKAY


[1]      Cette demande est présentée dans le cadre d"une procédure de gestion de l"instance, préalable à l"audition de l"action des demandeurs. Ils demandent :

     1)      une ordonnance déclarant que certains documents, identifiés dans l"affidavit de M. Clifford Potts déposé à l"appui de cette requête avec le dossier de requête, jouissent du privilège des documents divulgués sans préjudice entre les demandeurs Samson et Sa Majesté la Reine du chef du Canada, et donc qu"ils ne peuvent être mentionnés par Sa Majesté la Reine que sur sa liste de documents qui font l"objet d"une réclamation de privilège; et
     2)      une ordonnance portant que le dossier de requête qui contient l"affidavit en question de M. Clifford Potts, ainsi que la pièce " C " annexée à cet affidavit qui a été déposée séparément, soient placés sous scellés par cette honorable Cour comme partie des procédures confidentielles préalables à l"audition et dans le cadre de la gestion de l"instance, jusqu"à ce que la Cour ait rendu sa décision sur la requête en l"instance et sur tous les appels qui pourraient en découler, et que, suite à la décision de la Cour sur la requête en l"instance ainsi que sur tout appel qui pourrait en découler, ou à l"expiration du délai d"appel de la décision de cette Cour, le dossier de requête et la pièce " C ", ainsi que toutes les copies qui en ont été tirées, soient retournés par le greffier au demandeur Samson, avec toutes les copies existantes.

[2]      Cette requête a été déposée suite à l"avis présenté par Sa Majesté la Reine (la Couronne) de son intention de traiter ces documents comme s"ils ne faisaient pas l"objet d"une réclamation de privilège, et donc comme admissibles à l"audition en l"instance, alors que les demandeurs (Samson) les considèrent privilégiés parce que divulgués " sans préjudice " lors de communications entre les parties qui visaient à rechercher le règlement ou la résolution de certaines questions en litige. Ces documents ne sont pas tous identifiés clairement, au début ou dans le cours du texte, comme ayant été divulgués " sans préjudice ", bien que plusieurs d"entre eux, notamment plusieurs qui proviennent des demandeurs, portent cette indication. Ils sont néanmoins des documents échangés entre les parties dans le cadre de leurs efforts pour régler certaines des questions soulevées par l"action des demandeurs.

[3]      Dans sa déclaration modifiée, Samson demande diverses réparations relatives à des sommes d"argent détenues par la Couronne pour Samson, notamment une ordonnance prévoyant le transfert de toutes ces sommes à Samson après une reddition de comptes. La Couronne a obtenu, et continue d"obtenir, l"essentiel de ces sommes de la location des droits d"exploitation des ressources pétrolières et gazières situées sur les terres de la réserve. La réclamation de Samson à ce sujet porte essentiellement sur l"obligation fiduciaire que la Couronne lui devrait au sujet de la gestion et du contrôle des sommes en cause, y compris la fixation du taux d"intérêt, contrôle qu"on dit être exercé exclusivement par la Couronne de façon incorrecte. Des réclamations semblables sont soulevées dans une autre action présentée par la bande Ermineskin, no de dossier T-1254-92, qui doit être entendue avec celle-ci. La bande Ermineskin n"est toutefois pas impliquée dans la demande en l"instance, même si une partie des arguments de la Couronne dans ses prétentions renvoie à de la correspondance provenant de la bande Ermineskin.

[4]      Personne ne conteste que depuis la signification de la déclaration et même avant, des discussions ont eu lieu entre la Couronne et Samson pour chercher à régler leur différend au sujet du transfert des sommes en cause. Des discussions se continuent depuis sur divers points, même si elles ne se tiennent pas à rythme régulier. Il y a eu aussi des efforts de médiation ces derniers mois. Les discussions se sont accélérées suite à une ordonnance sur consentement du 17 janvier 1992, du juge en chef associé d"alors, le juge Jerome, demandant aux parties de faire de leur mieux pour convenir [traduction ] " de transférer à Samson toutes les sommes actuellement détenues ou portées au crédit de Samson, ainsi que les sommes reçues à l"avenir pour dépôt, au bénéfice de la bande Samson dans les comptes de revenu et de capital... ". Ces efforts n"ayant pas été couronnés de succès, les discussions ont repris suite à la proposition de Samson de transférer certaines sommes avant l"audition du litige.

[5]      La Couronne soutient que les demandeurs dans leur action visent à établir l"existence d"une large obligation fiduciaire de Sa Majesté la Reine, en affirmant que la Couronne exerce un contrôle total de la gestion des sommes en cause. Dans sa défense, la Couronne soutient que ses actions sont conformes à la législation applicable, que la politique qui sous-tend cette législation est raisonnable, et qu"elle a proposé de transférer les sommes en cause sous certaines conditions, proposition qui n"a pas été agréée par les demandeurs. À son avis, les documents en cause ici sont pertinents dans le cadre des allégations des demandeurs que la Couronne exerce un contrôle total et qu"elle a refusé de transférer les sommes en cause, ainsi que dans le cadre de sa propre défense.

[6]      Bien sûr, ce n"est pas la pertinence des documents en cause qui est soulevée dans la requête des demandeurs. Les demandeurs soutiennent plutôt que, même si les documents en question sont pertinents, ils sont privilégiés parce que divulgués sans préjudice.

[7]      La question qui m"est soumise ne porte pas non plus sur le fait de savoir si les documents en cause seraient admissibles au procès. La Couronne soutient que les demandeurs cherchent à obtenir en l"instance une décision sur l"admissibilité, mais je ne suis pas convaincu que la requête qui m"est présentée porte sur cette question. Je partage l"avis de la Couronne qu"il ne serait pas approprié que la Cour fasse une telle détermination dans une procédure de gestion de l"instance, à moins qu"il s"agisse d"une requête présentée en vertu de l"article 220 des Règles pour obtenir une décision sur l"admissibilité d"un élément de preuve, ce qui n"est pas le cas. Sauf requête présentée en vertu de l"article 220 des Règles , toute décision quant à l"admissibilité doit être prise par le juge du procès.

[8]      La question principale soulevée dans la requête des demandeurs est la suivante : la Cour devrait-elle ordonner que certains documents que la Couronne déclare vouloir déposer en preuve jouissent du privilège visant les documents divulgués sans préjudice, et donc devraient être portés sous cette mention dans l"affidavit des documents de la Couronne. Une grande partie de l"argumentation de la Couronne porte sur la question de savoir si les documents en cause sont admissibles au procès. Comme je l"ai déjà dit, je ne suis pas convaincu que la requête qui m"est présentée vise à obtenir une décision quant à l"admissibilité au procès des documents en cause. Je ne suis pas non plus convaincu que la Couronne a raison de penser que cette Cour n"est pas l"endroit approprié pour décider de cette requête au fond, ou que la question soulevée par cette requête devrait être laissée au juge du procès. Je ne traite pas ici de l"admissibilité au procès des documents échangés entre les parties. Je partage l"avis des demandeurs que la Cour peut, dans le cadre de la gestion de l"instance, ordonner qu"un affidavit exact et complet soit signifié (voir l"alinéa 227b ) des Règles).

[9]      Il s"agit d"abord de savoir si les documents en cause jouissent du privilège visant les documents divulgués sans préjudice. La Couronne est d"avis que plusieurs de ces documents n"ont pas droit au privilège, puisqu"ils ne font aucune concession quant à la position de Samson. On soutient que la politique qui sous-tend l"existence du privilège est très restrictive, et qu"elle a simplement pour objectif d"éviter qu"on dévoile au procès les concessions qui ont été faites dans la recherche d"un règlement. Je ne suis pas convaincu que le privilège, ainsi que la politique qui le sous-tend, soient de nature aussi étroite. En fait, lorsque les documents sont préparés dans le but d"obtenir un règlement ou de concilier les points de vue dans une question en litige entre les parties, ces documents sont considérés avoir droit au privilège visant les documents divulgués sans préjudice (voir Sopinka, Lederman et Bryant, The Law of Evidence in Canada , 2nd ed. (1999), aux pp. 807 à 809). Si un document est préparé dans le but d"obtenir un règlement ou de concilier les questions en litige, il est de peu d"importance qu"il soit effectivement identifié par la mention " sans préjudice " et il sera considéré comme tel, soit parce qu"il est ainsi décrit ou par déduction nécessaire.

[10]      Il se peut qu"une partie qui a procédé à des discussions visant un règlement, ainsi qu"à l"échange de documents dans ce but, peut à un moment donné créer de documents pour le dossier sans réclamer de privilège. À mon avis, on ne peut toutefois arriver à ce résultat en produisant un document qui répond, expressément ou implicitement, à des propositions présentées par l"autre partie sans préjudice, à moins que cette autre partie accepte, ou doit raisonnablement être considérée comme ayant accepté dans les circonstances, que le document préparé en réponse au sien doit être versé au dossier. En bref, les communications qui font suite à des échanges qui sont clairement présentés sans préjudice continuent à être considérées comme tels, à moins que les parties à l"échange conviennent, ou sont considérées avoir convenu dans les circonstances, que les échanges ne sont pas, ou ne sont plus, sans préjudice.

[11]      Suite à l"examen des documents inclus dans la pièce " C " à l"affidavit de M. Clifford Potts, je suis convaincu que les documents en cause ont été créés dans le but de faciliter le règlement des questions soulevées dans l"action entre les parties au sujet du transfert des sommes d"argent. Il est vrai que l"intention des demandeurs n"était pas de régler complètement leur réclamation relative à la gestion des sommes en cause. En fait, ces réclamations devraient toujours être tranchées, mais seulement pour la période se terminant à la date du transfert des sommes en cause. Les réclamations continuent à s"accumuler et, en cas de transfert, elles ne se seraient plus appliquées à la période postérieure au transfert. À mon avis, une telle situation dans une affaire où les réclamations s"accumulent constitue un règlement possible de certains aspects des réclamations des demandeurs. À tout le moins, si les discussions et échanges avaient mené à une entente sur le transfert des sommes en cause, la réclamation des demandeurs pour dommages-intérêts aurait été réduite ou mitigée.

[12]      Je suis aussi convaincu que les efforts de concilier ou de régler pour l"avenir les réclamations des demandeurs au sujet de la gestion des sommes en cause par leur transfert ont commencé peu de temps après l"introduction de l"action, sinon avant, et que les documents en cause, qui font partie de la pièce " C " de l"affidavit de M. Potts, sont tous des documents qui bénéficient du privilège visant les documents divulgués sans préjudice. J"inclus dans ces documents une lettre datée du 16 octobre 1996, adressée à l"avocat de Samson par l"avocat de la Couronne, qui traite de la proposition de transfert avant jugement, lettre dans laquelle on indique que la Couronne pourrait demander le dépôt en preuve de certaines pièces de correspondance, tout en reconnaissant que les demandeurs considéraient les discussions en cours comme étant conduites sans préjudice. Ces documents comprennent aussi une lettre du 18 avril 1997, qu"on dit avoir été envoyée par l"avocat de la Couronne, après qu"on eut avisé l"avocat de Samson qu"il s"agissait d"une [traduction ] " offre à verser au dossier ". Je considère que cette lettre a droit au privilège visant les documents divulgués sans préjudice, parce qu"il s"agit d"un document faisant partie d"une série d"échanges entre les avocats suite au début des discussions visant à régler la question du transfert des sommes d"argent, du moins sur une base intérimaire. À mon avis, ces discussions ont été initiées par la lettre du 21 février 1996, envoyée par l"avocat de Samson à l"avocat de la Couronne, un document qui a été présenté sans préjudice.

[13]      Ils étaient alors à un stade plus avancé des discussions portant en général sur le règlement de la question du transfert des sommes d"argent, question qui avait fait l"objet d"une ordonnance sur consentement de la Cour en 1992 prévoyant que les parties devaient chercher à la résoudre, question qui est toujours en litige nonobstant les efforts des deux parties d"arriver à une entente sur le transfert des sommes en cause. Lorsque les parties sont engagées dans de telles discussions, le droit porte qu"on doit traiter les documents échangés à ces fins comme bénéficiant du privilège visant les documents divulgués sans préjudice et ne devant donc pas être utilisés en preuve contre l"une ou l"autre des parties, sauf si le juge du procès décide qu"ils sont admissibles. Si c"était le contraire, on viendrait à l"encontre de l"objectif qui est de favoriser le règlement des litiges. Cet objectif est important dans le contexte actuel de l"administration de la justice, et il est parmi ceux dont l"atteinte est encouragée par les nouvelles Règles de la Cour adoptées en 1998.

[14]      Le défendeur soutient que tout privilège de cette nature est sujet à exception, et que la Cour devrait hésiter avant de conclure que tout échange entre les parties qui n"a pas expressément été décrit comme un échange sans préjudice est une négociation en vue d"un règlement qui bénéficierait du privilège, comme M. le juge Hugessen l"a déclaré dans Bertram c. M.R.N. (1995), 191 N.R. 218, à la p. 223 (C.A.F.). Dans cette affaire, l"échange n"avait pas expressément eu lieu sans préjudice, alors qu"ici, même si la correspondance ne porte pas toujours cette mention expresse, une bonne partie était clairement identifiée comme telle, notamment par les demandeurs, et ce qui ne l"était pas était clairement présenté en réponse à des questions soulevées précédemment sans préjudice, ou dans le cadre de la discussion de ces questions. De plus, dans l"affaire Bertram , le document principal en cause avait été présenté dans un contexte de rapports malhonnêtes; or, personne n"a prétendu ici qu"il y avait une telle circonstance exceptionnelle.

[15]      Les deux parties conviennent qu"il y a des exceptions au privilège visant les documents divulgués sans préjudice. Les demandeurs soutiennent qu"aucune de ces exceptions ne s"applique en l"instance. La Couronne soutient que les exceptions ne se limitent pas à celles dont les demandeurs conviennent. Elles seraient plutôt le résultat de l"application de la politique qui sous-tend la règle générale à l"appui du privilège portant que les documents échangés [traduction ] " sans préjudice et préparés de bonne foi pour obtenir le règlement d"un litige ne doivent pas être utilisés contre la partie qui les a envoyés " (voir Waxman and Sons Ltd. v. Texaco Canada Ltd. , [1968] 1 O.R. 642, à la p. 656 (H.C. Ont.), où le juge Fraser cite le chancelier Boyd dans Underwood v. Cox (1912), 26 O.L.R. 303, à la p. 315). À la même page du jugement dans l"affaire Waxman , le juge Fraser écrit ceci :

         [traduction]

         Selon moi, le privilège de non-divulgation vise à favoriser les règlements à l"amiable et à protéger à cette fin les parties à des négociations. Il en va de l"intérêt public qu"on ne lui donne pas une interprétation restrictive.

[16]      Selon la Couronne, la règle générale autorise l"utilisation de documents comme ceux qui sont en cause ici, lorsque cette utilisation est faite dans un but autre que celui de démontrer la faiblesse des prétentions des demandeurs ou de réfuter leur assertion que la Couronne les a frustrés de leur droit légal au transfert des sommes en cause. En l"instance, le défendeur veut utiliser ces documents pour établir sa défense face à la déclaration de Samson qu"elle n"a pas eu l"occasion de gérer les sommes d"argent qu"elle considère être siennes. Sans trancher la question, je ne suis par convaincu que la réclamation que la Couronne cherche à réfuter a été directement présentée par Samson dans son action, ou que si elle a effectivement été présentée, l"utilisation des documents en cause n"a pas pour objectif précis d"appuyer la prétention que la réclamation n"est pas fondée. Quant à savoir si les documents que la Couronne veut utiliser peuvent être admis au procès, c"est une question pour le juge du procès. Je ne déciderai donc pas si l"objectif visé par la Couronne dans sa réclamation pour obtenir l"admissibilité des documents est autorisé par la politique du privilège portant sur des documents que je conclus avoir été échangés sans préjudice, dans l"objectif d"arriver au règlement d"une question en litige entre les parties à cette action. Cette question est laissée à l"appréciation du juge du procès. Je note toutefois en passant que l"argument de la Couronne ne donne selon moi que peu ou pas de poids à l"intention qu"avait la partie au moment où elle a préparé un document, tout en exagérant l"intention de la partie qui veut l"utiliser plus tard.

[17]      Bien que cela n"ait pas d"importance au vu de l"argument présenté ici, je note que la question des négociations ou des offres en vue d"un règlement peut être prise en compte aux seules fins d"évaluer les dépens suite à la décision sur la responsabilité et sur la réparation à accorder dans une action (voir les articles 420 et 422 des Règles ).

[18]      Jusqu"ici, ces motifs ont porté sur les documents qui concernent les propositions visant le transfert des sommes que Samson considère être sa propriété, et qu"on soutient avoir droit au bénéfice du privilège visant les documents ayant été divulgués sans préjudice. Dans l"affidavit de M. Potts, il est question d"autres documents qui portent sur d"autres questions en litige entre les parties. On trouve d"abord deux lettres échangées entre les parties en mai 1997, qui portent sur le règlement possible d"une autre question, savoir les sommes d"argent détenues par la Couronne au nom des membres de la Nation crie de Samson qui sont mineurs. Deuxièmement, la Couronne a indiqué qu"elle avait l"intention de traiter certains autres documents comme n"étant pas privilégiés, même si ces documents ont été préparés dans le cadre de discussions entre Samson et la Couronne au sujet d"un litige non spécifié entre eux, discussions qui ont donné lieu à une entente datée du 25 mars 1999 qu"on dit expressément être

         [traduction]

         " sans préjudice à leur position respective dans tout litige entre la Nation crie de Samson et Sa Majesté la Reine du chef du Canada... "

[19]      Je n"ai pas vu les documents concernant la première de ces questions, savoir les sommes détenues pour les mineurs, mais je suis disposé à considérer que la réclamation de Samson que ces documents ont droit au bénéfice du privilège visant les documents divulgués sans préjudice est une réclamation raisonnable. J"ai vu les documents qui concernent l"entente de 1999 entre les parties, puisqu"ils font partie des documents additionnels à l"appui de la position du défendeur. À mon avis, ces documents qui portent sur le transfert des sommes en cause ont droit au privilège visant les documents divulgués sans préjudice, comme le réclame Samson. Dans les circonstances, je dois conclure qu"à cette étape, la seule directive utile que je peux donner est à l"effet que tous les documents en cause, qui ont été préparés par une partie qui réclame à leur sujet le bénéfice du privilège visant les documents divulgués sans préjudice, ainsi que tout document en réponse que le récipiendaire considère être couvert par le même privilège, sera inscrit dans l"affidavit des documents de chacune des parties comme bénéficiant du privilège visant les documents divulgués sans préjudice. Encore une fois, je veux souligner que je ne décide pas ici si l"un ou l"autre de ces documents est admissible au procès.

Dispositif

[20]      Pour ces motifs, j"ai délivré une ordonnance le 21 janvier 2000 accueillant la requête des demandeurs Samson et ordonnant que les documents en cause, tels qu"inscrits dans l"affidavit de M. Clifford Potts, notamment aux pièces " A " et " B " de cet affidavit, ont le bénéfice du privilège visant les documents divulgués sans préjudice. Cette ordonnance précise que comme les deux parties ont connaissance des documents, ainsi que de la réclamation du privilège par les demandeurs, et puisque la réclamation pour obtenir le privilège est présentée par les demandeurs, chaque partie produira son affidavit de documents, y compris les documents identifiés comme ayant le bénéfice du privilège visant les documents divulgués sans préjudice du point de vue des demandeurs. À savoir si l"un ou l"autre de ces documents sera admis au procès, c"est là une question pour le juge du procès, à moins qu"on présente une requête en vertu de l"article 220 des Règles et que la Cour prenne une décision à ce sujet avant le procès. L"ordonnance précise aussi que les documents de Samson déposés lors de la requête, ainsi que la documentation additionnelle présentée par la Couronne à l"appui de sa position, soient mis sous scellés dans le dossier de gestion de l"instance de la Cour, en attendant un appel de cette ordonnance et, si tel appel il y a, une décision dans l"appel. Par la suite, toutes les copies doivent être renvoyées aux parties, sauf une qui sera conservée sous scellés dans le dossier de gestion de l"instance de la Cour, sous réserve de toute ordonnance ultérieure d"un juge de la Cour.

W. Andrew MacKay

                                         JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 24 janvier 2000

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier



COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER





Nos DU GREFFE :              T-2022-89 et T-1254-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :          Le chef Victor Buffalo et autres c. Sa Majesté la Reine du chef du Canada
                     Le chef Ermineskin et autres c. Sa Majesté la Reine du chef du Canada
LIEU DE L'AUDIENCE :          Calgary (les 3 et 4 novembre 1999)

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DE M. LE JUGE MACKAY

EN DATE DU :              21 janvier 2000


ONT COMPARU


James O"Reilly                      POUR LES DEMANDEURS (LE CHEF

Ed Molstad, c.r.                      VICTOR BUFFALO et autres)

Marco Poretti

Doug Rae

Marvin Storrow                      POUR LES DEMANDEURS (LE CHEF

Maria Moralleto                      ERMINESKIN et autres)

Johanne Lysyk

Joni Paulus

Alan MacLeod, c.r.                      POUR LA DÉFENDERESSE (LA REINE)

Clarke Hunter

Mary Comeau

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


O"Reilly Mainville et associés              POUR LES DEMANDEURS (LE CHEF

Montréal (Québec)                      VICTOR BUFFALO et autres)

Parlee & McLaws                      POUR LES DEMANDEURS (LE CHEF

Edmonton / Calgary (Alberta)              VICTOR BUFFALO et autres)

Rae & Company                      POUR LES DEMANDEURS (LE CHEF

Calgary (Alberta)                      VICTOR BUFFALO et autres)

Blake, Cassels, Graydon, Malcolm, Maclean      POUR LES DEMANDEURS (LE CHEF

Vancouver (C.-B.) / Calgary (Alberta)          ERMINESKIN et autres)

MacLeod & Dixon                      POUR LA DÉFENDERESSE (LA REINE)

Calgary (Alberta)

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