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                                                       IMM-2255-96

 

 

 

 

E N T R E :

 

 

 

                      KULBHUSHAN KUMAR KAURA,

 

 

                                                        requérant,

 

 

 

                                et

 

 

 

 

 

 

        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION,

 

 

                                                           intimé.

 

 

 

 

                      MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

LE JUGE SUPPLÉANT HEALD

 

      Il s’agit de la demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle l’agent des visas N. Brunet a rejeté, le 15 mai 1996, la demande de résidence permanente du requérant.

 

LES FAITS

      En août 1995, le requérant a présenté une demande de résidence permanente au Canada à l’agent des visas à New Delhi.  Dans la demande, il a déclaré qu’il voulait travailler au Canada à titre de [TRADUCTION] « outilleur-ajusteur - travailleur autonome ».  Il a été soutenu qu’il avait une expérience d’environ 25 années dans ce domaine et qu’il disposait d’un capital net d’environ 167 000,00 $ (comprenant une somme de 102 000 $ investie dans des bons du Trésor, au Canada).  Le requérant avait l’intention, dès son arrivée au Canada, d’établir une petite usine de fabrication d’outils et de matrices, ce qui exigeait un investissement initial de 50 000,00 $.

 

            À l’occasion d’une évaluation préliminaire de cette demande, l’agente des visas, Mme St-Louis, a remarqué que les autorités canadiennes avaient refusé de délivrer un visa de visiteur au requérant en 1988.  À l’époque, il avait déclaré qu’il jouait un rôle d’intermédiaire dans son domaine et que son salaire annuel s’élevait uniquement à 3 000,00 $.  Selon l’agente des visas St-Louis, il aurait fallu que le requérant mette de côté tous ses revenus pendant 34 années pour disposer du capital  déclaré dans la demande susmentionnée, déposée en 1995.  Par ailleurs, l’agente des visas n’était pas convaincue que l’entreprise que le requérant se proposait d’établir contribuerait de manière significative à la vie économique ou artistique du Canada, tel que l’exige le Règlement sur l’immigration de 1978.  L’agente a donc décidé qu’elle devait avoir une entrevue personnelle avec le requérant.

 

            L’entrevue du requérant a eu lieu au bureau du Haut-commissariat du Canada, à New Delhi, le 26 mars 1996.  Ses réponses concernant la nature de son entreprise étaient évasives.  L’agente des visas a conclu que, contrairement à ce que mentionnait sa demande, le requérant ne fabriquait pas de pièces mais en vendait.  L’agente des visas n’a pas jugé digne de foi la déclaration du requérant selon laquelle il concevait et fabriquait des outils et matrices depuis 1975, déclaration non étayée par quelque document que ce soit.  Il a dit que ses parents et parents par alliance lui avaient fourni l’argent nécessaire pour acheter les bons du Trésor et que cet argent ne provenait pas de l’exploitation de son entreprise.  L’agente des visas a remarqué que le requérant n’avait ni de plan arrêté concernant le démarrage de son entreprise au Canada ni de connaissances des méthodes modernes de fabrication et du contexte commercial canadien.  À la fin de l’entrevue, l’agente des visas a avisé le requérant qu’elle doutait sérieusement de sa capacité à établir avec succès sa propre entreprise au Canada.

 

            Le 3 juin 1996, le requérant a été avisé, par lettre, du traitement de sa demande dans le cadre de la catégorie des immigrants indépendants, à titre d’outilleur-ajusteur.  Il a également été avisé que, sur ce fondement, il ne satisfaisait pas aux critères d’immigration prévus par la loi canadienne.  Il n’avait obtenu que 64 des 70 points requis pour pouvoir immigrer au Canada aux termes du Règlement applicable aux immigrants indépendants.  La lettre ne mentionnait pas que la demande du requérant avait jamais été considérée ou étudiée dans le cadre de la catégorie des travailleurs autonomes (le requérant avait présenté une demande cherchant à invoquer le Règlement applicable à cette catégorie).

 

            L’agente des visas a déclaré dans son affidavit ne pas avoir accordé au requérant les 30 points normalement alloués aux travailleurs autonomes parce que, comme il a été mentionné précédemment, elle n’était pas convaincue de sa capacité à s’établir comme travailleur autonome.  Elle a ensuite étudié la demande du requérant dans le cadre de la catégorie des immigrants indépendants et des parents aidés.  Elle a souligné que même si la lettre de refus ne mentionnait que la catégorie des immigrants indépendants, la demande du requérant avait également été traitée dans le cadre de la catégorie des travailleurs autonomes.

 

LES QUESTIONS LITIGIEUSES

 

1.         Les règles de l’équité procédurale ont-elles été respectées à l’égard du requérant?

 

2.         La décision par laquelle l’agente des visas a rejeté la demande du requérant aux termes du Règlement applicable à la catégorie des «immigrants indépendants» au lieu de celui applicable à la catégorie des «travailleurs autonomes» constitue-t-elle une erreur susceptible de faire l’objet d’un contrôle judiciaire?

 

3.L’agente des visas a-t-elle commis une erreur en évaluant la capacité du requérant à s’établir avec succès au Canada comme travailleur autonome?

 

 

ANALYSE

            Bien que la lettre de refus ait déclaré que la demande du requérant avait été étudiée aux termes du Règlement applicable à la catégorie des «immigrants indépendants», il ressort de l’affidavit de l’agente des visas que sa demande avait aussi été étudiée dans le cadre de la catégorie des «travailleurs autonomes».

 

            Cependant, l’agente des visas n’était pas convaincue que le requérant pouvait s’établir avec succès dans son domaine, au Canada.  Elle a fait part de son opinion au requérant et lui a communiqué le fondement de celle-ci, soit la taille de son entreprise, le fait que l’achat et la vente en constituaient l’activité principale, qu’il ne détenait pas de permis d’exploitation, qu’il ne s’était pas recyclé après avoir oeuvré pendant 30 années dans ce domaine et enfin son manque de connaissances du contexte commercial et des techniques modernes.  En outre, selon l’agente des visas, l’entreprise du requérant paraissait désordonnée. Elle a également mentionné au requérant que, à son avis, il n’avait pas administré avec succès un type d’entreprise semblable, il n’avait pas établi pouvoir facilement mettre à profit ses aptitudes au Canada, et il manquait d’initiative et de motivation dans la mise en oeuvre de son projet visant à s’établir au Canada à titre de travailleur autonome.  Elle l’a également avisé ne pas être convaincue que l’entreprise qu’il se proposait d’établir contribuerait de manière significative à la vie économique, culturelle ou artistique du Canada.

 

            Les règles d’équité procédurale exigent que le requérant ait l’occasion de répondre à l’opinion exprimée par l’agente des visas, à l’entrevue[1].  La seule preuve de la réponse du requérant à l’opinion exprimée par l’agente des visas se trouve dans l’affidavit de celle-ci, dans lequel elle a déclaré que la présentation du requérant lors de l’entrevue laissait à désirer, qu’il ne semblait pas préparé et qu’il répondait aux questions qu’elle lui posaient de manière évasive, indifférente et avec désinvolture.  L’avocate du requérant a fourni à l’agente des visas une confirmation des sommes investies par celui-ci dans des bons du Trésor.  Elle lui a également remis des états des résultats de l’entreprise du requérant.  Ces documents supplémentaires n’ont pas incité l’agente des visas à modifier sa conclusion.  Ayant conclu que le requérant ne pourrait pas établir une entreprise prospère au Canada, l’agente des visas n’a pas accordé au requérant, à bon droit, les 30 points de bonification alloués dans le cadre de la catégorie des travailleurs autonomes.  Je conclus également que l’agente des visas n’a pas violé les règles d’équité procédurale, car elle a donné au requérant l’occasion de répondre à l’opinion qu’elle a exprimée à l’entrevue.  Elle a également permis au requérant de faire des observations supplémentaires après l’entrevue, observations qu’elle a dûment considérées.

 

            À mon avis, les dispositions législatives applicables accordent un grand pouvoir discrétionnaire à l’agente des visas, dont la responsabilité d’apprécier la preuve dont elle dispose.  L’agente des visas n’a pas été convaincue, à la lumière de toute la preuve dont elle disposait, que le requérant pouvait s’établir avec succès au Canada comme travailleur autonome.  À mon avis, elle pouvait tirer une telle conclusion dans le présent dossier.  Je conclus donc à l’absence d’une erreur susceptible de faire l’objet d’un contrôle.

 

CERTIFICATION

            L’avocate du requérant a soutenu que la question suivante était une question grave de portée générale méritant d’être certifiée aux termes de l’article 83 de la Loi sur l’Immigration :

[TRADUCTION]  «Dans sa lettre de refus, un agent des visas a-t-il le devoir de traiter explicitement de la catégorie ou de la profession en fonction de laquelle la personne dépose une demande?»

 

            L’avocat de l’intimé s’oppose à la certification de cette question.  Je suis d’accord avec lui.  Lorsqu’il certifie une telle question, le juge doit être d’avis que cette question transcende les intérêts des parties au litige et qu’elle aborde des éléments ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale[2].  À mon avis, la question proposée dans la présente demande a trait précisément aux faits, en particulier à ceux de l’espèce, et « elle n’aborde pas d’éléments ayant des conséquences importantes ».  La demande de certification est donc rejetée.

 

CONCLUSION                                                                    

 

            La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée..

 

    « Darrel V. HEALD, J.S. »     

Juge

Toronto (Ontario)

Le 17 janvier 1997

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                    ________________________

                                                          Bernard Olivier, LL. B.  


                                   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

 

                                Avocats et procureurs inscrits au dossier

 

 

 

NO DU GREFFE :                       IMM-2255-96

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :     KULBHUSHAN KUMAR KAURA

 

                                                     - c. -

 

                                                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                     ET DE L’IMMIGRATION

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :       LE 16 JANVIER 1997

 

LIEU DE L’AUDIENCE :         TORONTO (ONTARIO)

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE SUPPLÉANT HEALD

 

EN DATE DU:                           17 JANVIER 1997

 

 

ONT COMPARU :

 

                                                     Mme Caroline Simone Dahan

 

                                                                        Pour le requérant

 

 

                                                     M. Stephen Gold

 

                                                                        Pour l’intimé

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

                                                     Green & Spiegel

                                                     boîte postale 114

                                                     Standard Life Centre

                                                     121, rue King ouest, bureau 2200

                                                     Toronto (Ontario)

                                                     M5H 3T9

 

                                                                        Pour le requérant

 

                                                    

                                                     Ministère de la Justice

                                                     2, First Canadian Place

                                                     bureau 3400, Exchange Tower

                                                     boîte postale 36

                                                     Toronto (Ontario)

                                                     M5X 1K6

 

                                                     George Thomson   

                                                     Sous-procureur général

                                                     du Canada

                                                    

                                                                        Pour l’intimé


                                                     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

 

 

 

 

                                                     No du Greffe :        IMM-2255-96

 

 

 

 

                                                     Entre :

 

 

                                                     KULBHUSHAN KUMAR KAURA,

 

                                                                                                                    requérant,

                                                            et

 

 

                                                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                     ET DE L’IMMIGRATION,

 

                                                                                                                         intimé.

 

 

 

 

 

 

                                                     MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

 

 

 

 

 

 

 

 



          [1]Muliadi c. Canada (1986, C.A.F.).

          [2]Voir Liyanagamage c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1994), 176 N.R. 4.

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