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Date : 20030716

Dossier : IMM-3914-02

Référence : 2003 CF 884

Ottawa (Ontario), le mercredi 16 juillet 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

ENTRE :

                                               MANMOHAN SINGH HUNDAL

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                             MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON

[1]                 M. Hundal, le demandeur, a parrainé la demande de résidence permanente au Canada de la fille qu'il a adoptée (fille adoptive), Irvindeep Kaur Hundal. À la date pertinente, le mot « adopté » était défini comme suit au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (Règlement) :



"adopté" Personne adoptée conformément aux lois d'une province ou d'un pays étranger ou de toute subdivision politique de celui-ci, dont l'adoption crée avec l'adoptant un véritable lien de filiation. La présente définition exclut la personne adoptée dans le but d'obtenir son admission au Canada ou celle d'une personne apparentée.

"adopted" means a person who is adopted in accordance with the laws of a province or of a country other than Canada or any political subdivision thereof, where the adoption creates a genuine relationship of parent and child, but does not include a person who is adopted for the purpose of gaining admission to Canada or gaining the admission to Canada of any of the person's relatives.


[2]                 L'agent des visas qui a examiné la demande a conclu que l'adoption n'était pas conforme à la loi intitulée Hindu Adoptions and Maintenance Act, 1956 (HAMA) et que Mme Hundal n'a pas prouvé qu'elle était la fille adoptive de M. Hundal au sens de la définition du mot « adopté » énoncée au Règlement. Elle ne pouvait donc être admise au Canada à titre de membre de la catégorie de la famille. M. Hundal a interjeté appel de cette décision devant la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (SAI ou Commission). La SAI a conclu que l'adoption respectait les exigences de la HAMA, de sorte qu'elle était valide en droit. Toutefois, elle a également conclu que M. Hundal n'avait pas prouvé qu'un lien de filiation véritable existait et que l'adoption ne visait pas des fins d'immigration. L'appel a donc été rejeté.

[3]                 M. Hundal demande le contrôle judiciaire de cette décision. Il soutient que la SAI n'a pas observé les principes de justice naturelle au cours de l'audition de l'appel en adoptant une conduite qui, selon lui, a fait naître une crainte raisonnable de partialité et en omettant de faire droit à une demande d'ajournement raisonnable.


L'ALLÉGATION RELATIVE À L'EXISTENCE D'UNE CRAINTE RAISONNABLE DE PARTIALITÉ

[4]                 Les parties admettent que le critère à appliquer au sujet de l'existence d'une crainte raisonnable de partialité est la question de savoir si une personne informée, qui examinerait la question de façon réaliste et pratique et après mûre réflexion, conclurait qu'il est probable que l'autorité décisionnelle ait, inconsciemment ou sciemment, rendu une décision injuste : voir Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l'énergie), [1978] 1 R.C.S. 369.

[5]                 Dans la présente affaire, M. Hundal soutient que la SAI a entravé le déroulement de l'interrogatoire et du réinterrogatoire du témoin du demandeur au point où elle a empêché le conseiller en immigration de celui-ci de présenter sa cause de manière efficace. Plus précisément, M. Hundal a dit que son conseiller a été en mesure de poser environ sept questions, tandis que le président de l'audience en a posé environ 76. À un certain moment où le conseiller a cherché à préciser une réponse que le témoin avait donnée au président de l'audience, celui-ci lui a dit de prendre note de la question, ajoutant qu'il aurait la possibilité de poser des questions plus tard. Par la suite, lorsque le conseiller de M. Hundal a tenté de poser d'autres questions après celles du président de l'audience, celui-ci a fait remarquer que les questions avaient été posées et que le témoin y avait répondu; par conséquent, il ne lui a pas permis de procéder à un interrogatoire. M. Hundal soutient donc que le président de l'audience a agi de façon à le priver de son droit à une audience impartiale et que cette conduite a fait naître une crainte raisonnable de partialité.


[6]                 Pour les raisons qui suivent, je ne suis pas convaincue que le dossier indique que le président de l'audience a fait preuve de partialité. D'abord, une lecture attentive de la transcription n'indique aucune animosité ou hostilité de sa part. M. Hundal n'a déposé aucune preuve par affidavit établissant une conduite de ce genre. En deuxième lieu, M. Hundal a eu partiellement gain de cause en appel. En troisième lieu, le président de l'audience a demandé à l'agent d'audience de présenter son plaidoyer final le premier, parce qu'il voulait expressément s'assurer, par souci d'équité, que le conseiller comprenait bien toutes les questions en litige. Cette conduite ne comporte aucun élément partial.

[7]                 La question de l'existence d'une crainte raisonnable de partialité est moins claire, en raison de la conduite que le président de l'audience a adoptée lorsqu'il a pris en main l'interrogatoire du seul témoin. À mon avis, il est utile de résumer ce qui s'est passé. Il appert de la transcription que le conseiller de M. Hundal était manifestement incapable de poser des questions qui n'étaient pas suggestives. Après que le président de l'audience a prévenu le conseiller à une occasion, que l'agent d'audience s'est opposé à la nature suggestive des questions et que le témoin a donné une réponse incompréhensible, les propos suivants ont été échangés :

[TRADUCTION]

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :        D'accord, maître, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vais poser des questions et vous pourrez ensuite en poser d'autres.

AVOCAT :             Oui.


PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :        Parce que, en bout de ligne, je suis celui qui doit être convaincu. Assoyez-vous. D'accord, monsieur, quel est le nom de l'enfant adoptée?

[8]                 Le président de l'audience a d'abord posé de simples questions de fait, comme des questions concernant des noms et des dates. Il a ensuite demandé au témoin dans quelles circonstances et à quel moment le demandeur avait décidé d'adopter Irvindeep, après quoi il a posé des questions au sujet de la cérémonie d'adoption, du transfert des responsabilités parentales et des relations entre la mère naturelle et les parents adoptifs. Tel qu'il est mentionné ci-dessus, le conseiller de M. Hundal a tenté à un certain moment d'interrompre le président de l'audience pour préciser un point, mais le président lui a dit de prendre la question en note et a ajouté qu'il pourrait poser ses questions plus tard. Enfin, les questions du président de l'audience sont devenues plus précises et ont porté sur les raisons pour lesquelles M. Hundal et sa famille ont décidé d'adopter Irvindeep.


[9]                 À ce moment le conseiller a repris son interrogatoire et a posé des questions auxquelles le témoin avait déjà répondu. Le président de l'audience a ensuite posé d'autres questions afin d'éliminer la confusion qui existait dans son esprit au sujet de certaines dates ainsi que des liens entre différentes personnes. À son tour, l'agent d'audience a interrogé le témoin, après quoi le conseiller a eu la possibilité de réinterroger celui-ci. L'agent d'audience s'est opposé avec raison à la conduite du conseiller, qu'il considérait comme un témoignage de sa part. Le conseiller a continué à témoigner. Après s'être fait dire par le président de l'audience que ce n'était pas admissible, le conseiller a indiqué qu'il n'avait pas d'autres questions.

[10]            La ligne de démarcation entre une conduite admissible et une qui ne l'est pas est une question de fait. Dans la présente affaire, compte tenu de la façon respectueuse avec laquelle le président de l'audience a interrogé le témoin, de la nature non accusatoire et pertinente des questions, de l'absence d'objection formulée au sujet de la démarche et du fait que le conseiller a acquiescé à celle-ci, de la possibilité qu'a eue le conseiller de poser des questions après l'interrogatoire du président et le contre-interrogatoire ainsi que de l'absence de faits permettant de conclure que M. Hundal a été empêché de présenter des éléments de preuve en bonne et due forme, je ne suis pas convaincue que la conduite du président de l'audience a fait naître une crainte raisonnable de partialité.

[11]            Toutefois, la pratique par laquelle un membre de la Commission décide de prendre en main l'interrogatoire d'un témoin est une pratique répréhensible qu'il n'y a pas lieu d'encourager. Dans la présente affaire, il y avait un agent d'audience qui était parfaitement en mesure de poser des questions afin de compléter les données du dossier. Le rôle de la SAI consiste à examiner la preuve qui lui est présentée d'une façon attentive, impartiale et détachée. Ce type d'examen est assuré lorsque l'arbitre s'abstient de participer à la procédure.


L'AJOURNEMENT

[12]            À mon avis, la réponse complète à la plainte de M. Hundal au sujet de la question de l'ajournement est que son conseiller n'en a jamais fait la demande.

[13]            Voici comment les choses se sont passées. Au début de l'audience, le président a demandé où se trouvait M. Hundal. Il s'est fait dire que celui-ci n'était pas présent en raison d'un problème familial urgent. Il a ensuite demandé au conseiller de M. Hundal s'il désirait procéder ce jour-là. Le conseiller a répondu comme suit : [TRADUCTION] « Oui, monsieur, l'affaire est très claire » . Après s'être fait demander son avis, l'agent d'audience a mentionné qu'il ne s'opposerait pas à une demande d'ajournement, mais qu'il était prêt à procéder sur la foi des directives que le conseiller avait reçues de M. Hundal. Le président de l'audience a alors souligné qu'il avait lu certains documents du dossier et que ces documents n'étaient pas vraiment éclairants en ce qui a trait à la question de savoir si l'adoption visait des fins d'immigration. L'agent d'audience a alors précisé qu'il s'opposerait à l'admission de certains documents que le conseiller avait apportés avec lui, parce que ces documents n'avaient pas été communiqués conformément aux règles de la SAI. Il a ajouté qu'en raison de son objection concernant la communication tardive de documents, l'ajournement semblait être la solution indiquée dans les circonstances.


[14]            Le président de l'audience a alors redemandé au conseiller de M. Hundal s'il avait reçu des directives claires de procéder en l'absence de celui-ci. Le conseiller a répondu que son client lui avait dit que l'appel pouvait procéder sans lui, si c'était possible.

[15]            Après avoir réfléchi à la question, le président de l'audience a décidé que l'appel devrait se poursuivre en fonction des directives que M. Hundal avait données à son conseiller. Il a ensuite examiné l'admissibilité des documents qui n'avaient pas été communiqués conformément aux règles de la SAI et a refusé d'en permettre la production en preuve. L'agent d'audience a alors mentionné que, étant donné que le conseiller avait entendu la décision, s'il désirait [TRADUCTION] « obtenir une remise en raison de l'importance primordiale des documents dans la présente affaire » , il ne s'opposerait pas à cette demande. Le président de l'audience a répondu qu'il avait déjà statué sur la demande d'ajournement et que la SAI n'était saisie d'aucune demande de remise.

[16]            La transcription indique donc que le conseiller était au courant de l'existence de problèmes concernant l'admissibilité de certains documents avant de répéter qu'il avait reçu pour directives de procéder ce jour-là. Lorsque les documents ont plus tard été jugés inadmissibles, le conseiller n'a formulé aucune demande de remise ni n'a présenté d'arguments au sujet de l'importance des documents exclus.


[17]            À mon avis, pour que la demande de contrôle judiciaire d'une décision portant refus d'un ajournement puisse être accueillie, il est nécessaire d'abord et avant tout que le tribunal ait été saisi d'une demande d'ajournement claire.

[18]            De plus, les règles de la SAI accordent un large pouvoir discrétionnaire à celle-ci en ce qui a trait à l'ajournement ou à la remise des audiences. En l'absence d'explications au sujet du retard à communiquer les documents et de l'importance de ceux-ci, j'en arrive à la conclusion que les principes d'équité procédurale n'exigeaient pas un ajournement de l'audience en l'espèce.

CONCLUSION

[19]            Pour les motifs exposés ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Les avocats n'ont proposé aucune question à faire certifier et aucune question ne découle du présent dossier.

ORDONNANCE

[20]            LA COUR ORDONNE QUE la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                                                                                                                        « Eleanor R. Dawson »          

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                                                                                                                                                      Juge                        

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                            COUR FÉDÉRALE

                                            AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N ° DE GREFFE :                                             IMM-3914-02

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         Manmohan Singh Hundal c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                               Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                             le 2 juillet 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                     Madame le juge Dawson

DATE DES MOTIFS :                                    le 16 juillet 2003

COMPARUTIONS :

Linda Martshenko                                                             POUR LE DEMANDEUR

Kareena Wilding                                                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Linda Martshenko                                                             POUR LE DEMANDEUR

Avocate

Windsor (Ontario)

Morris Rosenberg                                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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